M. Michel Mercier

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Observations relatives au programme 832 « Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie »

1. Le statut de la créance que l'Etat a depuis 1990 envers la Nouvelle-Calédonie, de 289,65 millions d'euros, doit être rapidement clarifié.

Observations relatives au programme 833 « Avances sur le montant des impositions revenant aux départements, communes, établissements et divers organismes »

Votre rapporteur spécial renvoie à son récent contrôle du compte d'avances aux collectivités territoriales.

III. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS, DOTÉ DE PLUS DE 80 MILLIARDS D'EUROS DE CRÉDITS

Avec la mission « Remboursements et dégrèvements », le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » (ACT) est le compte spécial et la mission dont les crédits, de plus de 80 milliards d'euros, sont les plus élevés.

Le compte ACT est tout d'abord, de loin, le principal compte de concours financier , comme l'indique le graphique ci-après.

Les crédits de paiement des comptes de concours financiers (2008)

(en milliards d'euros)

Source : présent projet de loi de finances

A titre de comparaison, les comptes spéciaux ayant les crédits les plus élevés sont, pour les comptes d'affectation spéciale, le compte « Pensions », doté de 48 milliards d'euros, et, pour les comptes de commerce, le compte « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat », dont l'autorisation de découvert est de 18 milliards d'euros.

On rappelle que les principales missions du budget général en termes financiers sont la mission « Enseignement scolaire », dotée de près de 60 milliards d'euros, et la mission « Remboursements et dégrèvements », dotée de 83 milliards d'euros.

Les huit missions du budget général dotées de plus de 10 milliards d'euros (2008)

(crédits de paiement, en milliards d'euros)

Source : présent projet de loi de finances

Le présent compte de concours financiers ACT résulte de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances initiale pour 2006, qui a supprimé tous les comptes de prêts et comptes d'avances existant alors, et les a remplacés par divers comptes de concours financiers.

Le régime des comptes spéciaux : quelques rappels

L'article 19 de la LOLF prévoit que les comptes spéciaux ne peuvent être ouverts que par une loi de finances.

Il distingue quatre catégories de comptes spéciaux :

- les comptes d'affectation spéciale ;

- les comptes de concours financiers ;

- les comptes de commerce ;

- les comptes d'opérations monétaires.

Seuls les comptes d'affectation spéciale et les comptes de concours financiers sont dotés de crédits. Ils doivent donc, à ce titre, constituer une mission, en application de l'article 20 de la LOLF.

L'article 19 précité prévoit également que l'affectation d'une recette à un compte spécial ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances.

Par ailleurs, l'article 20 prévoit qu'il est interdit d'imputer directement à un compte spécial des dépenses résultant du paiement de traitements, salaires, indemnités et allocations de toute nature.

Les articles 21 à 24 déterminent le régime des différentes catégories de comptes spéciaux.

L'article 24 détermine celui des comptes de concours financiers, qui « retracent les prêts et avances consentis par l'Etat ». Il prévoit notamment qu'à l'exception de quelques cas particuliers 8 ( * ) , ces comptes sont dotés de crédits limitatifs.

Il précise que les prêts et avances, accordés pour une durée déterminée, sont assortis d'un taux d'intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance, sauf dérogation par décret en Conseil d'Etat.

Il prévoit que toute échéance qui n'est pas honorée à la date prévue doit faire l'objet, selon la situation du débiteur :

- soit d'une décision de recouvrement immédiat, ou, à défaut de recouvrement, de poursuites effectives engagées dans un délai de six mois ;

- soit d'une décision de rééchelonnement faisant l'objet d'une publication au Journal officiel ;

- soit de la constatation d'une perte probable faisant l'objet d'une disposition particulière de loi de finances et imputée au résultat de l'exercice, les remboursements ultérieurement constatés étant portés en recettes au budget général.

A. UN COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS QUI REMPLACE DEUX COMPTES D'AVANCES

Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » (ACT), qui résulte de l'article 46 précité de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances initiale pour 2006, remplace deux comptes d'avances du Trésor :

- le compte 903-53 « Avances aux collectivités et établissements publics, territoires, établissements et Etats d'outre-mer » ;

- le compte 903-54 « Avances sur le montant des impositions revenant aux départements, communes, établissements et divers organismes ».

Le compte de concours financiers ACT ne reprend pas les opérations retracées sur ce qui avant la loi n° 2005-1719 précitée de finances initiale pour 2006 correspondait au compte d'avances 903-52 « Avances aux départements sur le produit de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur », du fait de la suppression, par l'article 14 de la loi de finances initiale pour 2006, du reliquat de taxe différentielle sur les véhicules à moteur (« vignette ») encore perçu par les départements.

Le présent compte de concours financiers comporte deux sections , correspondant chacune à un programme, et à l'un de ces anciens comptes d'avances :

- la première section, correspondant au programme 832 , concerne les avances de l'Etat à des collectivités territoriales et à des établissements publics connaissant des difficultés de trésorerie ou ayant besoin d'emprunter ;

- la seconde section, correspondant au programme 833 , concerne les avances sur les recettes fiscales des collectivités territoriales.

Le responsable du principal des deux programmes, le programme 833, est M. Dominique Lamiot, directeur général de la comptabilité publique.

Celui du programme 832 est M. Xavier Musca, directeur général du Trésor et de la politique économique.

Le programme 833 regroupe la quasi-totalité des recettes et des crédits, comme l'indique le tableau ci-après.

Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales »

(crédits de paiement, en millions d'euros)

LFI 2006

LFI 2007

PLF 2008

Programmes et actions

Recettes

Crédits

Solde

Recettes

Crédits

Solde

Recettes

Crédits

Solde

Section 1 = programme 832
« Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie » (1)

3,0

6,8

-3,8

3,0

6,8

-3,8

3,0

6,8

-3,8

01 Remboursement des avances de l'article 70 de la loi du 31 mars 1932 et de l'article L. 2336-1 du code général des collectivités territoriales (2)

3,0

6,0

3,0

6,0

3,0

6,0

02 Remboursement des avances de l'article 14 de la loi n° 46-2921 du 23 décembre 1946 et de l'article L. 2336-2 du code général des collectivités territoriales (3)

0,0

0,8

0,0

0,8

0,0

0,8

03 Remboursement des avances de l'article 34 de la loi n° 53-1336 du 31 décembre 1953 (avances spéciales sur recettes budgétaires) (4)

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

04 Avances à la Nouvelle-Calédonie (fiscalité nickel) (5)

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Section 2 = programme 833

« Avances sur le montant des impositions revenant aux départements, communes, établissements et divers organismes »

75.050,0

75.050,0

0,0

78.602,8

78.341,8

+261,0

81.185

80.794

+391,0

01 Avances sur le montant des impositions revenant aux départements, communes, établissements et divers organismes

-

75.050,0

73.400,0

75.823,0

02 Avances aux départements sur le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (nouveau)

-

-

4.941,8

4.971,0

(1) Programme anciennement dénommé « Avances aux collectivités et établissements publics, territoires, établissements et Etats d'outre-mer ». Votre rapporteur spécial avait suggéré de clarifier cet intitulé, dans son questionnaire budgétaire relatif au projet de loi de finances pour 2007. (2) Ces avances concernent les collectivités faisant face à des difficultés momentanées de trésorerie. (3) Ces avances concernent les collectivités décidant de contracter un emprunt à moyen ou long terme. Aucune avance n'a été accordée à ce titre depuis plusieurs années, du fait de la baisse des taux d'intérêt du marché. (4) Ces avances concernent les territoires d'outre-mer confrontés à des difficultés de trésorerie liées à une différence de rythme entre le recouvrement des recettes et le paiement des dépenses. (5) Ces avances concernent un dispositif arrivé à expiration en 1994. Depuis 1990, la Nouvelle-Calédonie est débitrice d'une somme de 289,65 millions d'euros.

Sources : projets de lois de finances

B. UN PROGRAMME 832 « AVANCES AUX COLLECTIVITÉS ET ÉTABLISSEMENTS PUBLICS, ET À LA NOUVELLE-CALÉDONIE » DOTÉ DE SEULEMENT 6,8 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS

Le programme 832 retrace le versement et le remboursement des avances à certaines collectivités connaissant des difficultés de trésorerie ou ayant besoin d'emprunter.

De manière analogue aux différents programmes de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », il est structuré en un BOP central - géré, ici, par la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) -, auxquels s'ajoutent 103 BOP, confiés aux préfets - ici, les seuls préfets de département.

Pour chaque action, les crédits demandés sont identiques à ceux demandés pour 2006 et 2007.

1. Près de 90 % des crédits concernent des avances destinées à faire face à des difficultés momentanées de trésorerie

L'action n° 1, « Avances de l'article 70 de la loi du 31 mars 1932 et de l'article L. 2336-1 du code général des collectivités territoriales », serait dotée en 2008, comme en 2006 et en 2007, de 6 millions d'euros, soit 88 % des crédits du programme. Son objet est d'accorder des avances à des collectivités et à des établissements publics, afin qu'ils puissent faire face à des difficultés momentanées de trésorerie.

Ces avances peuvent être accordées selon une procédure déconcentrée (le préfet est habilité à accorder jusqu'à 45.735 euros d'avances chaque année) ou centralisée (autorisation du ministre chargé des finances pour les avances supérieures à 45.735 euros). Une délégation de crédits est accordée annuellement, sur demande, à chacun des 103 préfets.

Quelle que soit la procédure d'octroi, le décret du 16 mai 1947 dispose que « les collectivités et établissements publics doivent justifier que leur situation de caisse compromet le règlement des dépenses indispensables et urgentes, et que cette situation n'est pas due à une insuffisance de ressources affectées à la couverture de leurs charges et en particulier à un déséquilibre budgétaire ».

Depuis 2000, ces avances ont concerné 23 collectivités : 15 communes, 4 syndicats, 2 districts, 1 communauté de communes, et 1 centre communal d'action sociale.

Ces avances n'ont été attribuées à aucune collectivité en 2005. Il y a eu une collectivité bénéficiaire en 2006.

2. Environ 10 % des crédits servent à accorder des avances aux collectivités contractant un emprunt à moyen ou long terme

L'action n° 2 « Avances de l'article 14 de la loi n° 46-2921 du 23 décembre 1946 et de l'article L. 2236-2 du code général des collectivités territoriales », qui serait dotée en 2008, comme en 2006 et 2007, de 0,8 million d'euros, soit 12 % des crédits du programme, a pour objet de permettre au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie d'accorder des avances aux collectivités qui décident de contracter un emprunt à moyen ou à long terme.

Ces avances, qui doivent être remboursées sur le produit de l'emprunt réalisé et portent intérêt au taux de cet emprunt, sont devenues peu attractives depuis quelques années, par suite de la baisse des taux d'intérêt du marché, auquel les collectivités territoriales ont largement accès.

La dernière avance accordée au titre de l'action 2, qui remonte à 1996, l'a été à une commune de l'Allier, pour un montant de 121.959 euros (alors 800.000 francs). Le remboursement définitif a été réalisé en décembre 1998.

3. Les actions concernant spécifiquement l'outre-mer : la Nouvelle-Calédonie remboursera-t-elle la somme de 289,65 millions d'euros dont elle est débitrice depuis 1990 ?

a) Les avances budgétaires à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna

L'action n° 3, « Avances de l'article 34 de la loi n° 53-1336 du 31 décembre 1953 (avances spéciales sur recettes budgétaires) », concerne des avances sur recettes budgétaires que le ministre chargé des finances est habilité à accorder à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna, lorsqu'elles sont confrontées à des difficultés de trésorerie liées à une différence de rythme entre le recouvrement des recettes et le paiement des dépenses.

La dernière avance accordée à ce titre remonte à 1995.

b) L'absence de remboursement, par la Nouvelle-Calédonie, de la somme de 289,65 millions d'euros dont elle est débitrice

L'action n° 4, « Avances à la Nouvelle-Calédonie, au titre de la fiscalité du nickel », concerne un dispositif arrivé à expiration en 1994. Depuis 1990, la Nouvelle-Calédonie est débitrice d'une somme de 289,65 millions d'euros.

Dans une réponse au questionnaire budgétaire adressé il y a un an par votre rapporteur spécial, le gouvernement indiquait : « Le Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie est attaché au recouvrement de cette créance ce qui nécessite la négociation d'un échéancier avec le territoire de Nouvelle-Calédonie. Les hypothèques sur la mise en place des nouvelles conditions d'exploitation des gisements de nickel du territoire étant levées, de telles négociations devraient pouvoir être envisagées ».

Dans sa réponse à la question identique posée dans le cadre du présent projet de loi de finances, il indique non que ce remboursement aura lieu, mais que l'élection d'un nouveau gouvernement au mois d'août 2007 permet « d'envisager » la reprise des « discussions » avec les autorités calédoniennes.

Votre rapporteur spécial considère, comme l'année dernière, que le statut de cette créance doit être rapidement clarifié : elle existe depuis plus de quinze ans, et on voit mal l'intérêt d'en rappeler l'existence d'année en année, sans jamais rien faire pour la recouvrer.

Les 289,65 millions d'euros dus par la Nouvelle-Calédonie : le point de vue du gouvernement

« Le Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi est attaché au recouvrement de cette créance ce qui nécessite la négociation d'un échéancier avec le territoire de Nouvelle-Calédonie. Les hypothèques sur la mise en place des nouvelles conditions d'exploitation des gisements de nickel du territoire étant levées, de telles négociations devraient pouvoir être envisagées.

« Pour autant, le contexte politique local qui a caractérisé l'année 2007, notamment la démission du Gouvernement de Marie-Noëlle Thémereau, n'a pas permis à ce jour d'entreprendre les démarches nécessaires au remboursement de cette créance. L'élection d'un nouveau Gouvernement au mois d'août 2007 permet d'envisager la reprise des discussions avec les autorités calédoniennes. »

Source : réponse à votre rapporteur spécial

C. UN PROGRAMME 833 « AVANCES SUR LE MONTANT DES IMPOSITIONS REVENANT AUX DÉPARTEMENTS, COMMUNES, ÉTABLISSEMENTS ET DIVERS ORGANISMES » DOTÉ DE 78,3 MILLIARDS D'EUROS DE CRÉDITS

1. Un compte qui retrace l'avance faite mensuellement par l'Etat aux collectivités territoriales sur leurs recettes fiscales

Le programme 883 « Avances sur le montant des impositions revenant aux départements, communes, établissements et divers organismes », s'élève à plus de 80 milliards d'euros, soit la quasi-totalité des crédits et des recettes de la mission ACT.

Il retrace l'avance faite mensuellement par l'Etat aux collectivités territoriales sur le montant d'environ 80 % de leurs impositions. L'article 34 de la loi n° 77-574 du 7 juin 1977 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier prévoit :

- que seuls sont concernés les impôts perçus par voie de rôle 9 ( * ) ;

- que le montant concerné est celui prévu par le budget de l'année en cours de la collectivité.

2. Un compte de concours financiers qui a fait l'objet d'un récent contrôle de votre rapporteur spécial

Le compte d'avances aux collectivités territoriales a récemment fait l'objet d'un contrôle de la part de votre rapporteur spécial. Le lecteur est donc invité à se reporter à son rapport d'information à ce sujet, pour des informations détaillées sur le compte.

* 8 Il s'agit des comptes ouverts au profit des Etats étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

* 9 Comme cela est indiqué ci-après, il existe depuis 2006 une exception dans le cas de la TIPP attribuée aux départements.