M. Jean-Jacques Jégou

III. PROGRAMME 171 « OFFRE DE SOINS ET QUALITÉ DU SYSTÈME DE SOINS »

Le programme « Offre de soins et qualité du système de soins » a pour finalité première d'améliorer la gestion des établissements de santé et des personnels concourant à l'offre de soins.

Il se décline en deux actions (contre trois en 2007), comme le montre le tableau qui suit :

La suppression de l'action n° 2, dotée d'un très faible montant de crédits, correspondait à une recommandation du comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) 1 ( * ) , dès lors qu'aucun financement nouveau n'était envisagé. Ces crédits étaient destinés au développement de la télémédecine dans le cadre des contrats de plan Etat-régions et au soutien au développement des réseaux de santé, essentiellement par le biais d'une subvention accordée à la Coordination nationale des réseaux.

On doit rappeler que cette présentation ne rend pas compte de la totalité des dépenses liées à ce programme : il convient en effet de prendre en compte les crédits de personnels inscrits sur le programme « Conduite et soutien de la politique sanitaire et sociale » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui conduisent à une majoration de 195,35 millions d'euros des crédits de ce programme.

Il convient également de souligner la faible part des dépenses inscrites sur ce programme par rapport à l'ensemble des dépenses consacrées à l'offre et à la qualité du système de soins, l'Etat n'intervenant que pour 1 % du total. Si le montant de crédits apparaît faible, la politique conduite par ce programme est essentielle puisqu'elle porte sur le pilotage de la moitié des dépenses d'assurance maladie. Ceci amène à s'interroger sur l'articulation entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale dans ce domaine.

La mise en oeuvre de ce programme passe la constitution d'un budget opérationnel de programme (BOP) central, mais ne fait appel à aucun BOP local.

A. UN PROGRAMME À REFONDRE ?

Il est tout d'abord essentiel de souligner que la marge de manoeuvre du ministère est très réduite sur près de la moitié des dépenses du programme .

En effet, 59,65 millions d'euros sont consacrés à la formation médicale initiale des internes et correspondent à la rémunération des internes de spécialité durant les stages que ceux-ci peuvent effectuer dans des organismes extrahospitaliers ou dans des cabinets libéraux, ainsi qu'aux indemnités de maîtres de stages perçues par les praticiens libéraux. La seule marge de manoeuvre éventuelle du ministère est la gestion de report d'une année sur l'autre des remboursements, en cas d'insuffisance trop importante pour être comblée par les crédits du programme sur une seule année budgétaire. D'après les éléments recueillis par votre rapporteur spécial, l'insuffisance de financement cumulée est évaluée à 17,3 millions d'euros en 2007 .

Par ailleurs, 5,49 millions d'euros sont destinés à financer « l'année recherche », qui permet aux étudiants les mieux classés de l'internat d'effectuer une année de recherche médicale ou biomédicale financée par l'Etat dans le cadre d'un diplôme d'études approfondies (DEA). Le nombre d'internes pouvant en bénéficier est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, de l'éducation nationale et du budget.

Dans son avis précité sur le programme « Offre de soins et qualité du système de soins », le CIAP préconisait de refondre largement ce programme et :

- de transférer à l'assurance maladie le financement des stages extrahospitaliers de médecine générale ;

- d'inscrire sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » les crédits afférents aux rémunérations des maîtres de stage et à l'année-recherche, dont la finalité et le pilotage relèvent de l'enseignement supérieur.

Sur le premier point, le projet de loi de financement de la sécurité sociale venant d'être examiné sans que cette donnée soit prise en compte, il conviendra de l'intégrer lors de la préparation du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. En revanche, votre rapporteur spécial vous propose de donner une suite immédiate à la seconde recommandation du CIAP, et donc de supprimer les crédits afférents à l'année-recherche, en demandant au gouvernement de les réinscrire sur le programme 150 précité.

Le CIAP proposait également, en contrepartie, d'inscrire sur ce programme les crédits destinés au financement de trois missions spécialisées, aujourd'hui rattachées budgétairement à l'agence régionale de l'hospitalisation de l'Ile-de-France et financées par le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) en application des III ter et III quater de l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 2 ( * ) . Sont ainsi concernées la mission tarification à l'activité (MT2A), la mission d'appui à l'investissement hospitalier (MAINH) et la mission d'expertise et d'audit hospitalier MEAH), pour un montant de plus de 38 millions d'euros. Votre rapporteur a proposé au Sénat de suivre cette recommandation lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 mais son amendement n'a pas été adopté. En revanche, la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports a indiqué qu'une refonte du pilotage de ces agences serait menée. Il conviendra donc de suivre avec attention ces réformes et d'en tirer les conséquences en terme de pilotage.

B. LES POINTS SAILLANTS CONCERNANT LES CRÉDITS RESTANTS DU PROGRAMME

1. Des difficultés en vue pour la Haute autorité de santé

L'action n° 1 « Niveau et qualité de l'offre de soins » (72,84 millions d'euros) comprend essentiellement les crédits de formation précédemment analysés. Les autres crédits appellent les observations suivantes :

- les crédits de fonctionnement (5,2 millions d'euros) servent à financer la réalisation d'études, de projets ou l'achat de prestations (1,5 million d'euros) et à accorder une subvention de 3,7 millions d'euros au Conseil national de l'ordre des médecins en vue du fonctionnement du dispositif de formation médicale continue ;

- une subvention de 2,5 millions d'euros (contre un million d'euros en 2007 et 9,65 millions d'euros inscrits en 2006) est versée à la Haute autorité de santé (HAS). Ce maintien de la subvention à un niveau bas apparaît problématique, dans la mesure où le fonds de roulement devrait être ramené à 13,3 millions d'euros fin 2007, et où les charges de la HAS ont connu une forte croissance (de même que les effectifs passés de 341,5 ETPT en 2005 à 400,5 ETPT en 2007) et où l'article 29 du projet de loi de financement de la sécurité prévoit une extension de ses compétences.

L'année 2008 apparaît donc difficile pour la HAS et il convient que le gouvernement précise ses intentions en la matière.

2. La dotation pour les frais de justice est maintenue à 4 millions d'euros mais le ministère doit faire face à des dettes importantes

La dotation réservée aux frais de justice , inscrite sur l'action n° 3, est maintenue à 4 millions d'euros , comme en 2007 (elle était fixée à 875.000 euros en 2006), ce qui apparaît cohérent avec les données constatées, d'autant que les dépenses liées au contentieux de la sectorisation psychiatrique devraient décroître compte tenu de l'ancienneté du dossier. Il convient de noter que le ministère détient des dettes au titre de ce contentieux évaluées à 37,2 millions d'euros (intérêts non compris). Votre rapporteur spécial souhaite que le gouvernement précise, à l'occasion de l'examen de cette mission en séance publique, comment il entend honorer ces dettes.

3. Des effectifs toujours plus nombreux dans les opérateurs

L'action n° 3 comprend également 28,9 millions d'euros de subventions pour charges de service public versées :

- aux agences régionales de l'hospitalisation (ARH - 22,06 millions d'euros). On doit relever que le processus de contractualisation entre les ARH et l'Etat a été généralisé , afin de mieux assurer le pilotage de ces agences ;

- à l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH - 2,37 millions d'euros, contre 1,83 million d'euros en 2007) ;

- au groupement d'intérêt public « carte professionnel de santé » (768.500 euros).

- enfin, au centre national de gestion (3,74 millions d'euros, contre 2,29 millions d'euros en 2007), chargé de gérer la carrière d'environ 35.000 médecins hospitaliers et 5.000 directeurs d'hôpitaux, ainsi que des autres personnels de catégorie A de la fonction publique hospitalière.

On note la très forte montée en puissance des effectifs de ces opérateurs , comme le montre le graphique qui suit :

Evolution des effectifs des différents opérateurs

(en ETPT)

On doit toutefois noter que, dans le cas du centre de gestion, seuls 109 ETPT sur 405 sont rémunérés par l'opérateur.

Cette évolution générale mérite qu'on y prête attention, alors que l'Etat réalise un effort de maîtrise de ses effectifs. Les opérateurs ne sauraient ainsi être exempts des contraintes qui pèsent sur l'Etat.

a) Les autres dépenses d'intervention

On notera enfin que près de 6,6 millions d'euros en AE et 4,7 millions d'euros en CP sont destinés à des subventions d'investissement accordées dans le cadre de contrats de développement passées avec des collectivités d'outre-mer . Le ministère de la santé ne dispose que d'une faible marge de manoeuvre sur ces crédits, qui font également intervenir les services du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, lesquels participent aux négociations des contrats de développement mais également au suivi de la réalité des travaux d'investissement ainsi qu'à la modification éventuelle des travaux envisagés dans les contrats.

Les principales observations et questions de votre rapporteur spécial sur
le programme 171 : « Offre de soins et qualité du système de soins »

1) La part des crédits inscrits sur ce programme est minime par rapport aux dépenses incombant à l'assurance maladie ;

2) Les marges de manoeuvre du ministère apparaissent réduites sur près de la moitié des crédits du programme, qui devrait être refondu conformément aux recommandations du CIAP. Votre rapporteur spécial vous proposera ainsi de supprimer les crédits afférents à l'année-recherche, qui devraient être inscrits sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » ;

3) La Haute autorité de santé devrait connaître une année difficile en 2008, le maintien à un niveau très faible de la subvention qui lui est accordée apparaissant problématique compte tenu de la réduction de son fonds de roulement et de l'augmentation de ses charges ;

4) La forte croissance des emplois dans les opérateurs doit faire l'objet d'un suivi particulier, ceux-ci ne pouvant être exonérés des contraintes qui s'imposent à l'Etat.

* 1 Avis sur le programme n° 171 « Offre de soins et qualité du système de soins » de la mission « Santé », rapport d'audit n° 2007-R-67-01, juin 2007.

* 2 Loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000.