LA SPIRALE VERTUEUSE D'UNE OFFRE DYNAMISEE

Nous avons déjà évoqué la dynamique du secteur des infrastructures et de l'informatique qui cro»t très rapidement avec le temps. Nous allons schématiser l'état de la situation technique et des infrastructures par un point I. Son évolution en fonction du temps se déplace sur une spirale de centre O.

La longueur OI schématise l'état des infrastructures et la demi droite qui part de O vers I bouge comme l'aiguille d'une montre. Si l'aiguille du temps fait un tour en un an et demi, la distance OI sera doublée sur la spirale au bout d'un tour, d'après ce que nous savons des progrès techniques, dans un système où la concurrence entre industriels est ouverte.

Sur la même aiguille du temps, on peut représenter schématiquement l'offre de services des fournisseurs de contenus par un point C et la demande des usagers par un point U.

En général, l'offre des fournisseurs de contenus est bien plus faible que ce que pourrait permettre l'état de la technique et des infrastructures. L'industrie correspondante est en effet souvent peu structurée et n'est pas à même d'investir massivement avec des risques. Les offreurs de services ignorent, en effet, ce que les consommateurs et usagers recherchent. Nombre de services dans le système social auquel les européens tiennent particulièrement (usages dans le secteur de l'enseignement, de la santé, de la culture, de l'information des citoyens), ne peuvent être financés que par les pouvoirs publics et tant que ceux-ci n'ont pas pris de décisions, les offreurs de services ne peuvent créer ce type de contenu.

Quant à la demande des usagers, elle est en général très faible, surtout par manque d'information, de sensibilisation et de formation.

On se trouve donc dans la situation de la figure avec la ligne OUCI. La demande des usagers U, c'est à dire le marché, est loin derrière l'offre. Ce qui veut dire que les seules "forces du marché" sont incapables de dynamiser les offres de services, et encore moins les infrastructures adaptées à des grands débits. Il faut donc des interventions particulières pour lancer les usages dans les secteurs autres que ceux qui concernent les grandes entreprises multinationales, pour lesquelles les points U et C sont parfois confondus et parfois en avance sur l'offre technique et les infrastructures (point I).

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Deux types d'actions sont nécessaires pour sortir d'une situation qui est cause de retard dans la dynamique économique.

La première action que l'on oublie trop est pourtant cruciale : Outre la diffusion de la culture scientifique et technique, qui doit donner une base de compétence et d'intérêt, il faut sensibiliser et former les usagers. A elle seule, cette action de sensibilisation permet déjà d'augmenter fortement la demande potentielle de services.

Cette action doit être menée de façon systématique, catégorie d'usagers par catégorie, et décentralisée. C'est là que les communautés réactives, les "Smart Communities", qui souvent se trouvent en Europe dans des technopoles, jouent un grand r™le.

La deuxième action qui doit suivre, est la mise en place d'expériences, d'expérimentations en grandeur suffisante, avant un déploiement général, permettant, dans des conditions artificiellement dopées, de préjuger ce que feront les usagers lorsque de nouvelles offres et infrastructures auront été mises en place.

C'est ce que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques avait proposé dans un rapport intermédiaire. C'est la voie suivie par le gouvernement français. C'est ce qui est fait par la Communauté Européenne dans le cadre de divers programmes.

Pour l'appel d'offres du gouvernement français, les propositions venaient de la base. Les retards dans la labellisation ont été préjudiciables à la dynamique qui s'était mise en place. Le niveau faible [17] des crédits disponibles a nui à l'efficacité.

Il convient de citer ici les appels d'offres européens émanant de la Commission plus largement dotés. Mais il faut souligner ici que la procédure suivie (projets top down proposés par la Commission et suscitant des milliers de réponses qu'il faut jauger et évaluer par des experts) est une procédure inadaptée aux PME qui souvent dépensent plus pour présenter un projet, de par la lourdeur administrative, que les éventuels financements européens.

Les procédures analogues à celles adoptées en France par l'ANVAR sont rapides et efficaces. Le principe de l'appel d'offre obligatoire est un dogme peut être valable pour des financements de ordre du million d'Écus, mais totalement inadapté pour de sommes faibles.

Notons que les procédures EUREKA (projets proposés par la base) ont prouvé leur efficacité.

Quelle que soit la procédure adoptée, les expérimentations sont indispensables. Elles se développent au niveau mondial et permettent souvent de démontrer que telle application (par exemple la télévision à la demande) qui était supposée être le plus grand moteur dans l'usage des réseaux grands débits, ne permettait pas d'amortir les installations nécessaires. Par contre, des expérimentations concernant la santé ou l'éducation ont démontré l'inverse.

Quoi qu'il en soit, l'expérimentation permet pour des infrastructures et des offres de service, de remplacer les points I (infrastructure) et C (contenus) par des points I' et C'.

Si en même temps l'information et la sensibilisation des usagers progresse, le point U (usagers) passera en U'. Et l'on se trouve alors dans une situation où un marché particulier dopé par une "expérimentation" et une sensibilisation, peut tirer les offres de service et d'infrastructure.