II. UNE SITUATION DE PLUS EN PLUS COMPLEXE MALGRÉ DES CONVERGENCES

La situation héritée de ces évolutions est -et demeurera- très complexe malgré les convergences auxquelles on assiste.

1. De réelles convergences

a) L'audiovisuel, les télécommunications et l'informatique se rapprochent

On a beaucoup parlé d'un rapprochement entre les secteurs des télécommunications, de l'audiovisuel et de l'informatique (auxquels il faudrait d'ailleurs ajouter l'édition). De fait, il existe une certaine convergence :

•  les produits audiovisuels peuvent être distribués avec une certaine interactivité, même à travers le réseau téléphonique. Le téléviseur va s'enrichir de nouvelles fonctionnalités et accéder à de nouveaux services (et même au réseau Internet), grâce à des décodeurs perfectionnés. L'ordinateur permet d'assister à des émissions télévisées, après être devenu, comme on l'a vu, communicant, puis multimédia.

•  le monde du téléphone accède à l'image : la visioconférence est rendue possible par le RNIS (Réseau Numérique à Intégration de Services), avec des performances encore limitées.

•  l'accès des réseaux informatiques à la commutation les a rapprochés -on l'a vu- des réseaux téléphoniques. Les techniques ATM vont sans doute accentuer cette convergence et l'étendre à l'audiovisuel.

b) Une tendance que l'ATM doit favoriser

L'ATM ( Asynchrone Transfer Mode ) est un mode de transfert de commutation par paquet, qui tire parti de la commutation de circuits.

Pour l'essentiel, les techniques ATM consistent:

•  en la structuration des données numériques en cellules de dimensions fixes et réduites (ce qui facilite l'acheminement, la commutation, etc...) ;

•  au report à la périphérie du réseau de certaines fonctions complexes (traitements d'accès, contrôles de flux...).

Le transfert, c'est-à-dire le transport des éléments constitutifs du message transmis, s'effectue, comme dans les réseaux de paquets, de façon asynchrone. Cette solution permet une allocation de la bande passante en fonction des besoins , plus dynamique, plus souple et plus efficace que les méthodes synchrones.

La solution asynchrone est en outre compatible avec les hauts débits, comme l'ont montré les travaux du CNET dès 1982.

Cependant, la diffusion par paquets, si elle s'accommode bien de débits variables ou sporadiques (comme ceux occasionnés par les échanges de données informatiques), est mal adaptée aux services temps réels (comme le téléphone ou la vidéo) qui nécessitent une bonne synchronisation.

Les paquets des techniques ATM comportent des fonctions d'adaptation aux services à débit constant (avec compensation de la variabilité des temps de propagation et reprise d'horloge) qui les rapprochent de la commutation de circuits.

L'ATM cumule les avantages de la commutation de circuits (transparence à l'information et transmission en temps réel) et de la commutation par paquets (débits variables et occupation maximisée de la bande passante). Il permet d'envisager des réseaux uniques de transferts pour différents services (voix, vidéo, données) alors que le RNIS ne réalise pas vraiment de fusion des réseaux à commutation de circuits et de paquets, même s'il leur offre des interfaces uniques.

Les plaques expérimentales ATM de 155 Mégabits de France Télécom par exemple à Sophia Antipolis et les Alpes maritimes permettent de familiariser les utilisateurs avec ces techniques et de préciser les normalisations internationales qui restent nécessaires.

2. Une complexité qui demeure

Malgré les perspectives offertes par l'ATM, la perspective d'intégration des différents réseaux paraît encore très lointaine et la situation du présent et du proche avenir restera complexe.

Les facteurs de complexité sont en effet nombreux :

•  persistance de l'analogique notamment pour la saisie du son, d'où la nécessité de conversions en données numériques ;

•  conversions aussi entre l'électronique et l'optique pour le transport en fibres optiques ;

•  explosion des communications hertziennes numériques (aujourd'hui surtout le téléphone, mais déjà les échanges d'autres données) qui oblige à compléter les réseaux filaires par des réseaux cellulaires hertziens qui leur sont raccordés par des bornes spécifiques ;

•  hétérogénéité des terminaux, de leurs standards et de leurs normes ;

•  enrichissement de l'offre de services ;

•  concurrence entre opérateurs, qui oblige à prévoir des interconnexions et une inter-opérabilité entre des infrastructures différentes.

Enfin, les anciens supports, revigorés, accèdent aux hauts débits :

•  la bonne vieille paire de cuivre peut ainsi offrir des débits accrus grâce à de nouvelles techniques comme l'ADSL (modulation permettant des débits de plusieurs Mégabits sur de courtes distances par l'utilisation de fréquences inexploitées lors du transport de la voix) ;

•  les réseaux câblés audiovisuels peuvent offrir l'interactivité et, grâce à des modems spécifiques, des accès à Internet à des débits plus élevés que ceux du réseau téléphonique ;

•  en mode hertzien, les ondes millimétriques autorisent de vrais hauts débits. Le MMDS peut ainsi se prêter à la diffusion de programmes audiovisuels ou de données. Des solutions sont actuellement à l'étude pour la voie de retour qui rendrait, en outre, ce système interactif.

•  en ce qui concerne l'espace, l'ambitieux projet TELEDESIC de Bill Gates et Craig Mac Caw prévoit la mise en orbite d'une constellation de 840 satellites défilant en orbites basses susceptibles d'offrir à 20.000 personnes dans le monde entier des liaisons Internet à 1,5 Megabit/s.

Ces différentes solutions peuvent laisser penser à certains que la " fibroptisation " complète des réseaux jusqu'à l'abonné, n'est plus une priorité indispensable. A vrai dire, ce point est lié aux coûts qui, en matière de connectique optique, sont décroissants. De toute façon, comme on l'a vu, la mobilité croissante des communications rend indispensable le recours au "sans fil".

On se trouve ainsi en présence de réseaux concurrents, hétérogènes et hybrides qui font appel, à la fois au fil et au sans fil, au cuivre, au coaxial et à la fibre optique d'un côté, au satellite et au hertzien terrestre, de l'autre.

Si l'ATM, comme il faut l'espérer, parvient à s'imposer, il devra s'accommoder de ces différents réseaux. Il coexistera avec d'autres techniques de transport, notamment celle que l'on appelle le SDH (ou Synchronous Digital Hierarchy ), adoptée pour les hauts débits par de nombreux opérateurs dont France-Télécom. Des solutions permettant d'utiliser en superposition ces deux techniques (l'une asynchrone, l'autre synchrone) sont possibles. Elles sont complexes mais solubles. Rien n'est impossible à la technologie moderne.

Cette complexité croissante des réseaux s'accompagne d'un renforcement des exigences de la clientèle qui réclame, outre une utilisation transparente de l'ensemble des techniques et des infrastructures, et en priorité des terminaux toujours plus conviviaux.

C'est dans cette convivialité accrue que réside à mon avis les progrès essentiels à venir.