III. LE TRIOMPHE DE L'IMMATÉRIEL

La maîtrise de la complexité représente ainsi un des défis majeurs de l'avenir des télécommunications. Le succès, dans ce domaine, suppose une victoire de l'intelligence sur les obstacles physiques, un véritable triomphe de l'immatériel.

Les succès récents d'Internet ou de certains logiciels "orientés objet" comme Java sont dus à des constructions de l'intelligence tendant à masquer l'hétérogénéité des normes ou des matériels, ou à dépasser les cloisonnements entre différents types de bases de données.

1. L'exemple d'Internet

Ainsi, Internet n'est pas un réseau -au sens physique du terme- mais un protocole, c'est-à-dire un ensemble de conventions informatiques, définissant un format de paquets standard et une méthode d'adressage reconnaissable par des routeurs (qui sont des ordinateurs) inter-réseaux. Il s'agit donc, en quelques sorte, d'un réseau de réseaux qui fait appel à la commutation de paquets pour échanger différentes sortes de données et rendre des services variés dans le monde entier à toute personne équipée d'un ordinateur (même un simple micro-ordinateur) muni d'un modem. Le succès de l'application de ce protocole, baptisé alors "Intranet", aux réseaux internes d'entreprises, réside dans le fait qu'il permet à des ordinateurs différents de travailler ensemble.

Mais la faveur dont jouit Internet est également liée aux logiciels qui lui sont associés (un logiciel est un ensemble d'instructions destinées à faire exécuter par l'ordinateur certaines tâches). Que serait Internet sans les logiciels essentiels qui facilitent les recherches dans les surabondantes bases de données disponibles sur les serveurs du monde entier ?

On peut citer :

•  les logiciels issus des technologies "hypertext" ou "hypermédia" qui rendent possibles les recherches par thèmes en reliant les informations correspondantes par mots ou références clé. Ces technologies utilisent le langage HTML ( Hyper Text Markup Language ) et le web , sorte de toile d'araignée mondiale, qui tisse des liens quasiment transparents entre les bases de données du monde entier ;

•  ce sont des navigateurs ( "browsers" en anglais, expression que l'on peut traduire aussi par "butineur" ou "feuilleteur") qui permettent d'aller chercher l'information sur le web . Les plus connus sont Navigator de Netscape et Explorer de Microsoft.

2. Les techniques "orientées objets"

L'évolution des logiciels tend à dépasser les cloisonnements initiaux entre bases de données. On est passé, ainsi, de bases de données initiales monofichiers à des bases reliées entre elles puis aux bases actuelles "orientées objet" qui permettent des liaisons et imbrications d'objets (modules d'informations relatives à un même thème), empruntés à des bases différentes, qui conservent leur format et leurs propriétés d'origine.

Java dont on parle beaucoup actuellement est, en quelque sorte, l'aboutissement ultime de cette notion. Ce langage informatique mis au point par Sun autorise un accès quasiment transparent pour l'utilisateur à n'importe quelle base de données du marché. Il permet de télécharger sur n'importe quelle machine de petites applications ( applets en anglais) d'images animées, complémentaires de pages web .

3. Les ordinateurs de réseaux

Cette possibilité de téléchargement de logiciels sur les terminaux d'Internet est à la base du concept lancé par Sun et Oracle, de "network computer" ou "cybertels" auquel Microsoft et les fabricants d'ordinateurs personnels tentent de répliquer en proposant des machines elles aussi simplifiées et moins chères, mais plus autonomes par rapport au réseau. Cette rivalité fait rebondir le vieux conflit entre l'intelligence dans le réseau ou dans le terminal.

4. Les réseaux intelligents

Du côté des exploitants de réseaux de télécommunications, le choix est clair, seul le concept de "réseau intelligent" permet de concilier la diversification de l'offre de services et l'inter-opérabilité entre infrastructures concurrentes et hybrides. Cette notion revient à séparer les fonctions de base, qui consistent à transporter et commuter des flux numériques de données, des fonctions de commande et gestion des services. Au dessus de l'acheminement banalisé des informations numérisées, apparaît ainsi une spécialisation des points de traitement des services par des plates-formes informatiques.

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Ainsi, la convivialité des terminaux, la transparence des réseaux, la navigation dans des bases de données plus nombreuses et fournies nécessitent des protocoles, des langages et des logiciels dont la complexité s'accroît. L'économie des réseaux est de plus en plus immatérielle en ce sens que les investissements logiciels prennent le pas sur les investissements physiques.