D. Des services publics modernisés

Deux exemples seront cités : ceux de l'éducation et de la santé.

1. L'éducation

Depuis longtemps, les pédagogues se sont aperçus que les connaissances ne pouvaient être acquises de façon uniquement livresque et qu'il fallait recourir aussi à des explications orales, à des illustrations ou à des figures sur un tableau et au jeu des questions et des réponses.

En y ajoutant l'image animée, l'audiovisuel s'est avéré un précieux moyen d'enseignement, facilitant la compréhension et la mémorisation de la part des élèves.

Le multimédia a, à son tour, encore enrichi les possibilités de l'audiovisuel par l'interactivité. Celle-ci, par exemple, confère aux CD-ROM un aspect ludique qui augmente leur attrait pédagogique. Il en existe pour tous âges, tous niveaux, et dans toutes les disciplines (apprentissage de la lecture, mathématiques, droit de l'entreprise...).

Toutes sortes d'autres applications en réseau peuvent être imaginées (campus électronique, test d'auto-évaluation, information sur les formations et leurs débouchés, etc...). En Grande-Bretagne, la seule, l' Open University "accueille" 150.000 étudiants dont 70.000 post graduate dans un réseau de 250 centres de téléformation. Le taux de réussite aux examens est analogue, sinon supérieur, à celui des autres universités anglaises.

Aux États-Unis, les cours pour adultes de P.B.S. ( Public Broadcasting Service ) sont adressés par satellite aux enseignants des deux tiers des collèges, aux personnels des services de santé et dans les hôpitaux.

Il existe aussi une chaîne destinée aux hommes d'affaires, une autre spécialisée dans l'enseignement des mathématiques et un serveur WEB ( "PBS on line" ) vient d'être créé.

L'exemple de l' Exploratorium de San Francisco est également tout à fait remarquable. Ce musée, un peu analogue à la Cité des Sciences de La Villette, permet, chaque semaine, à 250.000 visiteurs, empêchés de venir sur place, de se familiariser à travers Internet avec les sciences, de se livrer à distance à des expériences ou des manipulations interactives...

En France, le CNED (Centre national d'études à distance) utilise, comme PBS, le média de la télévision par satellite pour toucher 350.000 élèves dont 80 % d'adultes (20 % se trouvant à l'étranger). Ce télé-enseignement est complété par un "tutorat" téléphonique et télématique. Les élèves qui n'ont pas la chance de suivre les cours dans des locaux pourvus de dispositif d'émission, peuvent poser des questions par Minitel.

Les mises en réseau d'enseignement sont multiples, surtout aux États-Unis et au Canada, plus rares en Europe (réseau Nettuno en Italie, réseaux des lycées, dans l'académie de Nice, dans les académies pilotes, à Marne-la-Vallée, dans les Grandes Écoles. L'efficacité est grande.

Aux États-Unis comme en France, l'enseignement télévisuel à distance concerne de plus en plus la formation permanente.

Le télé-enseignement permet aussi de développer des relations avec les pays du Sud qui leur sont profitables ("désenclavement" de leurs universités par des contacts scientifiques fréquents et rapides...).

Certes, rien ne remplacera le face à face entre l'élève et le professeur et le rôle éducatif du lien social qui se crée dans une classe. L'enseignant verra cependant son rôle évoluer pour devenir moins un dispensateur unique de savoir qu'un guide, un accompagnateur, un pourvoyeur de techniques d'apprentissage. Un encadrement de proximité, quelque puisse être la valeur pédagogique des apports des nouvelles techniques interactives d'information, demeure indispensable dans la plupart des cas..

Il reste que ces dernières :

•  constituent un auxiliaire précieux, notamment pour l'ouverture d'esprit par la mise en réseau ;

•  sont un puissant facteur de motivation des élèves ;

•  permettent, en démultipliant la portée du travail des enseignants, de faire face à une explosion des besoins de formation et d'éducation : augmentation du nombre d'étudiants, recours croissant à la formation permanente (actualisation des connaissances, reconversions, actions dans les PME...) ;

•  autorisent enfin, du point de vue de l'aménagement du territoire, le maintien d'antennes universitaires de taille réduite en dehors des grandes villes.

•  permettent d'apporter des compétences rares (personnalités exceptionnelles, langues peu usitées, opérations chirurgicales, etc.).

L'appel aux nouvelles techniques pour moderniser le service public de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle est donc une nécessité absolue.

2. La santé

La santé publique peut bénéficier elle aussi de la télématique de deux façons :

•  pour la formation initiale et continue,

•  pour la télésurveillance à domicile de certaines pathologies,

•  pour l'amélioration des soins,

•  pour celle de la gestion du service public correspondant.

a) La formation médicale continue

Il faut mentionner tout particulièrement la révolution apportée par les NTIC à la formation médicale continue du personnel médical et paramédical. L'interactivité est plus forte que dans les grands amphis et la relation pédagogique est meilleure dès que les professeurs ont surmonté les difficultés des modalités pédagogiques liées à la relation à distance. Dans les blocs opératoires, ceci implique un commentateur à côté du praticien.

b) L'amélioration des soins

La même conclusion s'impose qu'en ce qui concerne l'enseignement, il ne s'agit pas de remplacer le praticien, sauf cas extrêmes, mais de l'assister. Plutôt que de télémédecine, de télédiagnostic ou de téléchirurgie, c'est donc d'aide à distance (télé-assistance) au médecin et au chirurgien qu'il faudrait parler.

Cependant, les applications médicales des nouvelles techniques d'information et de communications sont nombreuses :

•  aide au diagnostic sous forme soit de consultation à distance de base de données, soit de téléconférences entre plusieurs praticiens (par exemple un généraliste et des spécialistes...) ;

•  assistance au chirurgien, en cas de mauvaise visibilité, grâce à la représentation du champ opératoire en trois dimensions... ;

•  réalisation de certains tests à domicile (rythme cardiaque, tension, température), les résultats étant transmis via un modem à un centre de traitement de données médicales.

Dans des cas extrêmes (immobilisation ou éloignement du patient embarqué, par exemple dans un bateau ou un avion), des télédiagnostics pourraient être pratiqués sans que l'examen clinique perde pour autant quoi que ce soit de son utilité.

Il existe déjà des cas, encore isolés, où le praticien opère à distance à l'aide d'un moniteur qui lui transmet les images du champ opératoire et où il aide à diriger les mouvements des instruments chirurgicaux.

Ces applications présentent un intérêt évident d'un point de vue d'économie de la santé (diminution des journées d'hospitalisation, des frais de déplacement...). Elles peuvent également avoir un avantage pédagogique (formation, par exemple, des chirurgiens par simulation d'opération sur un patient virtuel).

Elles supposent :

•  dans de nombreux cas des hauts débits de transmission (images haute définition véhiculées sur des réseaux ATM...) ;

•  une grande facilité d'usage des équipements pour le suivi des patients à domicile (surtout s'il s'agit de personnes âgées. Les aides-soignants, toujours nécessaires, voient leur rôle renforcé.

c) Une gestion plus efficace

L'efficacité non seulement des soins mais aussi de la gestion des dépenses de santé est améliorée par la télématique.

Ainsi, la caisse d'assurance maladie des Alpes-Maritimes fait effectuer la saisie informatique des renseignements figurants sur les feuilles de soin et la transmission automatique des données correspondantes à la caisse d'assurance maladie chargé du remboursement. Les chèques de remboursement partant le jour même pour toutes les dépenses pharmaceutiques d'infirmière, de kinésithérapeutes.

Le carnet de santé électronique [8] permettra de suivre les profils des patients et d'éviter la superposition d'analyses, de scanners, de radios, lorsqu'elles sont inutiles.

3. Les télécommunications

Une des conséquences majeures de l'évolution des techniques d'information et de communication a été d'entraîner une remise en cause du statut des opérateurs historiques dans la plupart des pays développés.

Le rapport n° 250, annexé au procès-verbal du 2 juin 1987 du Sénat, de la mission d'information du Sénat sur l'avenir des Télécommunications en France et en Europe (président : Pierre Laffitte, rapporteur : Jean-Marie Rausch) préconisait la mise à l'étude d'une Commission européenne des Télécommunications avec pouvoir en matière de normes et d'agréments et la transformation de la direction générale des Télécommunications en société nationale. Moins de dix ans après, une partie de ses recommandations est réalisée.

France Télécom restait en 1996 le seul des vingt premiers opérateurs mondiaux à ne pas être constitué sous forme de société commerciale. Ses alliances internationales, indispensables, risquaient de s'en trouver entravées. Personne morale de droit public, soumise -selon la loi du 2 juillet 1990- aux règles applicables aux établissements publics industriels et commerciaux, l'opérateur national a enfin été pourvu d'un capital social. France Télécom demeure cependant une entreprise nationale [9] dont L'Etat détient directement plus de la moitié des actions et dont une grande partie du personnel demeurera longtemps encore fonctionnaire ou régi par des contrats de droit public.

L'ouverture à la concurrence, la fin des monopoles et l'adaptation des opérateurs historiques apparaissent ainsi comme des phénomènes mondiaux absolument inéluctables qui peuvent faire naître des inquiétudes mais se révéleront, en fin de compte, profitables à la collectivité.

La libéralisation des télécommunications : un phénomène mondial

1974 •  Action antitrust du département de la justice américaine contre ATT et les 22 compagnies du système Bell

1982 •  Octroi d'une licence de télécommunications à Mercury

1984 •  Démantèlement d'ATT et du système Bell

•  Vente de 51 % du capital de British Telecom

1985 •  Privatisation partielle de NTT

1987 • "Livre vert" de la Commission européenne sur les télécommunications européennes

1993 •  Décision du Conseil des ministres européens de généraliser la concurrence sur tous les services de télécommunications à compter du 1er janvier 1998

1996 • Telecommunications Act américain (concurrence entre compagnies téléphoniques régionales et longue distance, cablo-opérateurs, diffuseurs hertziens...)

•  Lois françaises du 26 juillet (réglementation des télécom et statut de FT)

•  Privatisation de Deutsche Telekom

•  Les terminaux (depuis 1990) et services de télécommunications hors liaisons téléphoniques entre points fixes sur des infrastructures publiques sont déjà libéralisés en Europe (transmissions de données depuis 1993, mobiles, infrastructures alternatives...)

Les évolutions prochaines peuvent éveiller des craintes et aussi des espoirs :

•  chez l'opérateurs historique français, la crainte d'un écrémage des segments de marché les plus rentables, la complexité des nouvelles obligations (interconnexions, portabilité des numéros difficiles à mettre en œuvre, etc...), quelle compensation pour les charges liées au service universel, mais aussi l'espoir de conquête de parts du marché mondial en forte expansion ;

•  les usagers : hausse des abonnements mais diminution des coûts

•  chez les concurrents : difficulté d'entrer sur le marché, guerre des prix affaiblissant les marges dans le secteur jusqu'alors profitable de la téléphonie.

Les dispositions des deux lois de juillet 1996 ont écarté certains de ces dangers (service universel, péréquation géographique et sociale...).

Concernant les effets de la concurrence, beaucoup dépendront de la façon dont l'ART (agence, dite Autorité de régulation des télécommunications) s'acquittera de sa tâche. Comme l'indique le nom de cette institution, la situation nouvelle instaurée ne sera pas celle d'une loi de la jungle issue d'une déréglementation sauvage, mais d'une concurrence soumise à des règles du jeu dont le respect sera contrôlé. De même, la Commission supérieure des postes et télécommunications, organisme consultatif auprès du ministère, comportant une majorité de parlementaires, veille à la structure et à l'évolution du service universel.

S'agissant des réductions d'effectifs, France Télécom se trouve dans une situation relativement favorable du fait de la productivité honorable de ses agents [10] et d'une pyramide des âges de ses effectifs qui lui permet d'user de l'incitation à des départs volontaires anticipés à la retraite.

En tout état de cause, l'exemple des États-Unis montre que l'augmentation du nombre d'emplois dans le nouveaux services excède les réductions d'effectifs enregistrées chez les opérateurs traditionnels.

Les avantages (baisse de tarifs sur les grandes distances, les échanges de données, l'utilisation d'Internet, ...) l'emporteront fortement pour les usagers, surtout pour les entreprises, et notamment les PME.

A côté des cas ci-dessus examinés (Éducation, Santé, Télécommunications), d'autres exemples de modernisation des services publics auraient pu être étudiés. Ils sont innombrables.

Citons la nécessaire relation Armée/Nation, dont beaucoup estiment qu'elle est compromise par la réforme du service militaire obligatoire, nécessite pour le moins une action de communication majeure dont dépend l'avenir du civisme français. La semaine civique devrait sans aucun doute être préparée et suivie par un système moderne de communication entre des serveurs militaires et les citoyens, les jeunes et tous les intéressés.

On peut estimer qu'un rapport particulier de l'Office devra être consacré à la modernisation de L'Etat et des collectivités locales, grâce aux nouvelles technologies. Ceci est en dehors du champ de cette annexe technique.