VI. Audition de M. Jean-Marc Gillonne,
Responsable du Service social, éducatif, sportif et culturel
de l'Association des maires de France (AMF)

Les communes emploient directement les emplois-jeunes ou subventionnent des associations. Lorsque les maires se sont fixé leurs objectifs de recrutement en emplois-jeunes, ils ont tenu compte des possibilités de pérennisation qu'ils pensaient pouvoir offrir au-delà de la période de cinq ans. Les subventions fournies par les départements et les régions ont pu jouer un rôle déterminant pour faciliter le montage de dossier.

Selon une enquête réalisée à la fin de 1998, 5.500 communes se sont engagées dans le programme " Nouveaux services - Emplois-jeunes " et ont embauché environ 40.000 emplois-jeunes : les trois quarts de communes de plus de 5.000 habitants et toutes les communes de plus de 100.000 habitants sont employeurs ; les communes de moins de 5.000 habitants se sont rarement engagées directement dans le programme, préférant recourir soit à une formule d'embauche par une structure intercommunale, soit à des embauches en temps partagé.

Les perspectives de création de nouveaux emplois-jeunes sont quasi inexistantes dans les communes de plus de 5.000 habitants qui ont atteint leurs objectifs mais subsistent encore dans les communes de moins de 2.000 habitants dans lesquelles des besoins existent toujours même si les écueils financiers sont nombreux.

La nature des emplois directs correspond aux priorités des besoins des communes ainsi qu'aux nécessités du moment. Six domaines d'activité peuvent être distinguées : les missions de médiation et de prévention dans les quartiers sensibles ; la culture ; le sport ; la protection de l'environnement ; les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) ; les services aux personnes âgées ou aux associations.

60 % des emplois-jeunes municipaux sont rémunérés au niveau du SMIC ; les niveaux des rémunérations tiennent compte de la nature de l'emploi ou du niveau de diplôme de l'intéressé ou des deux critères à la fois.

Les emplois-jeunes communaux étaient majoritairement inscrits à l'ANPE avant leur embauche. 9 % étaient déjà en poste dans une collectivité locale dans le cadre d'un contrat aidé (CES, CEC).

La mise en oeuvre du programme a soulevé plusieurs sortes de difficultés.

Tout d'abord, les maires ont particulièrement regretté la complexité administrative du dispositif : les services de l'Etat ont souvent adopté des critères très exigeants pour définir la notion de besoins " émergents et non satisfaits ". De fortes différences d'attitude ont été observées selon les départements, certains allant même jusqu'à refuser systématiquement la transformation d'emplois aidés en emplois-jeunes ou d'autres refusant d'approuver tous les dossiers dans lesquels la pérennisation de l'emploi n'était pas garantie. Les cahiers des charges sont apparus contraignants et les délais d'instruction des dossiers, excessifs. Des divergences d'appréciation sont parfois apparues au sein des services déconcentrés d'un même département.

Une autre difficulté tient au refus du CNFPT d'assurer une formation aux emplois-jeunes des communes ; ce n'est qu'à compter de mars 2000 que le CNFPT a accepté des emplois-jeunes dans les stages de préparation de passage de concours externe de la fonction publique. Dans ce cas, les frais de formation doivent être pris en charge par la commune, étant entendu toutefois qu'ils ne sont pas décomptés dans le seuil de 1 % applicable aux collectivités locales.

La non-affiliation automatique des emplois-jeunes à l'assurance chômage soulève également un problème. L'AMF avait saisi Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité de cette question qui lui a répondu que ce problème relevait de l'UNEDIC. Les emplois-jeunes sont toutefois couverts au titre de l'assurance chômage lorsqu'ils travaillent dans une mairie qui a pris la décision d'affilier l'ensemble de son personnel non titulaire à l'UNEDIC.

Il n'existe pas aujourd'hui de formation adaptée pour reconvertir les emplois-jeunes des communes sur de nouveaux métiers. Certaines communes ont toutefois financé, sur leurs fonds propres, des stages de formation particuliers en concertation avec les emplois-jeunes eux-mêmes.

Les emplois-jeunes, embauchés dans des communes rurales, sont souvent pénalisés par la distance qui les sépare des lieux de formation.

Certains maires ont parfois connu des difficultés dans leurs rapports avec l'Education nationale dont les conventions prévoient que, dans le cas où un emploi-jeune communal assure un accompagnement périscolaire ou dans les cantines scolaires, la responsabilité en cas d'accident incombe entièrement à la commune.

Les maires soulignent enfin la difficulté de la pérennisation des emplois, compliquée de surcroît par la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.

Dans quatre cas sur dix, les maires pensaient pouvoir pérenniser le service de l'emploi-jeune sans financement extérieur. Dans 5 % des cas seulement, les maires pensaient que l'emploi pourrait être financé par les usagers (accompagnement administratif de personnes âgées) à la condition toutefois que les financeurs acceptent d'intégrer le coût du service dans le prix de journée.

Le taux de sortie est très faible (12,5 %) ce qui semble montrer que le dispositif ne s'inscrit pas dans une logique " d'emplois tremplins " mais plutôt d'accès et de qualification à des emplois publics locaux. A cet égard, il semble dommage de ne pas prévoir des concours réservés aux emplois-jeunes pour entrer dans la fonction publique territoriale, à l'image de ce qui se fait dans la police nationale.

En tout état de cause, la question de la pérennisation reste entière dans six cas sur dix : le financement par une augmentation des impôts locaux ne semble pas plausible ; le financement direct des activités apparaît largement illusoire ; les possibilités de passage dans le secteur privé ou parapublic (dans des sociétés d'économie mixte, notamment) restent à démontrer.

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