2. Des capacités de remboursement inégales

a) Un certain nombre d'actions ont été mises en oeuvre pour limiter l'endettement

La maîtrise de la dette du secteur des transports passe par plusieurs moyens, notamment le cadrage réalisé par le comité des investissements économiques et sociaux et le respect de l'article 4 du statut de RFF qui lui interdit de financer sur fonds propres des projets qui ne génèrent pas de recettes suffisantes pour amortir la dette contractée par leur financement.

Le processus de décision du CIES

Créé par le décret n°96-1022 du 27 novembre 1996, le comité des investissements à caractère économique et social (CIES) a succédé au fonds de développement économique et social (FDES).

Cette instance ministérielle, présidée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, est chargée d'examiner deux fois par an les programmes d'investissements des entreprises et organismes bénéficiant de concours financiers publics. Sur les neuf sociétés concessionnaires d'autoroutes, seule Cofiroute, dont le capital est entièrement privé, est hors du champ des compétences du CIES.

Des comités spécialisés examinent les dossiers, leur instruction portant en particulier sur le rythme de réalisation des travaux et les montants d'investissements et d'emprunts. Le directeur du Trésor assure le secrétariat du CIES et établit des rapports sur la base des conclusions des comités spécialisés.

En fin de premier semestre, le CIES prend acte de l'exécution du programme de l'année précédente, il se prononce sur la réalisation du programme de l'année en cours et le projet de programme de l'année suivante. Il examine les avant-projets de programme pour la deuxième et troisième années suivant l'année en cours. En fin de second semestre, le CIES examine l'avancement du programme de l'année en cours et la révision éventuelle du programme pour l'année suivante.

L'effort de contenir la dette est louable, mais l'on doit noter que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie témoigne d'une véritable aversion pour l'endettement : " la dette globale des gestionnaires d'infrastructures continue d'augmenter. (...) Ce mode de financement n'est pas satisfaisant dans la mesure où il fait peser l'effort d'équipement sur les générations futures. "

Ce raisonnement ne tient pas : tout effort d'investissement est un pari sur l'avenir. Il est normal de faire peser sur les générations futures le poids d'investissements dont elles bénéficieront avant tout. Ce sont les dépenses de fonctionnement courant qui ne doivent pas peser sur l'avenir.

Bien évidemment, l'objectif de " stabilisation de l'endettement " ne peut qu'être approuvé, mais tout endettement doit être rapporté à la capacité de remboursement.

De fait, le flux annuel de dette des gestionnaires d'infrastructures s'est réduit des trois-quarts depuis 1997, passant de 23,6 milliards de francs à 5,7 milliards de francs. Le flux d'endettement s'est même réduit des 4/5èmes pour RFF (de 12 milliards à 2 milliards).

Flux annuel de dette des gestionnaires d'infrastructure (source CIES pour l'année 2000) en MF courants

1997

1998

1999

2000

Autoroutes

10.200

7.000

3.600

3.000

RFF

11.800

8.000

3.400

2.000

Budget annexe de l'aviation civile

700

500

400

300

Aéroports

1.138

-100

700

500

Ports

-228

-200

-200

-100

TOTAL

23.610

15.200

7.900

5.700

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

b) Des perspectives favorables pour le secteur autoroutier

Malgré l'endettement actuel des sociétés concessionnaires d'autoroutes, toutes les projections de long terme montrent que leur situation financière devrait se stabiliser en 2019, date à laquelle les sociétés concessionnaires d'autoroutes auront remboursé leur dette en capital.

La situation des sociétés d'autoroutes s'améliore nettement, comme en témoigne le graphique ci-après.

Source : CIES

Les péages sont extrêmement dynamiques et, dans le même temps, les investissements chutent, de même que les emprunts à long terme.

L'an dernier, le ministère de l'équipement, des transports et du logement, indiquait que l'endettement des six principales sociétés concessionnaires d'autoroutes devait progresser jusqu'à 154 milliards de francs en 2004, en raison :

• du lancement des sections prévues dans les conventions de concessions actuelles ;

• du poids de la fiscalité, qui représente environ 18,7% des recettes de péages ;

• de la progression des recettes de péage de plus de 30 % sur la même période.

Le ministère est plus optimiste aujourd'hui, puisqu'il annonce que l'endettement des six principales SEMCA devrait progresser jusqu'à 143 milliards de francs en 2002 pour diminuer ensuite régulièrement.

Le ministère indique d'ailleurs : " l'endettement du secteur ne constitue donc pas une source d'inquiétude, sa capacité à dégager les ressources nécessaires pour rembourser en particulier les emprunts (l'excédent brut d'exploitation), une fois les charges d'exploitation courantes payées, étant largement positive ".

Les études financières à long terme montrent que les sociétés d'autoroutes pourront rembourser leur dette avant la fin de la concession (soit 170 milliards de francs sur 15 ans) à l'exception de deux sociétés, la société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF) et la société des autoroutes Paris-Normandie (SAPN). Des solutions devront donc être trouvées, notamment la reprise de la dette non apurée par la société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France (SANEF) pour la SAPN, la recapitalisation et l'allongement de la concession et/ou l'adossement à une autre société pour la SFTRF.

Le volume d'investissements en 1999 s'est élevé à 11,2 milliards de francs pour les huit SEMCA, dont 8,1 milliards de francs d'opérations préliminaires et de travaux de construction de lignes nouvelles et 3 milliards de francs d'aménagement et d'équipement du réseau existant. Le financement des investissements des SEMCA a été réalisé en 1999 par les emprunts émis par la Caisse nationale des autoroutes à concurrence de 78 %, l'autofinancement dégagé par les SEMCA et les autres participations représentant 22 % du total.

De 2000 à 2003 et pour ce qui concerne les seules sections d'autoroutes déjà concédées au 31 décembre 1999, les principales prévisions pour les SEMCA sont les suivantes :

- les recettes devraient croître de 4,5 % par an compte tenu des prévisions de trafic et d'extension du réseau ;

- les investissements devraient baisser progressivement compte tenu de la réduction de la part des investissements neufs et de la relative stabilité des investissements sur autoroutes en service. Les derniers kilomètres d'autoroutes déjà concédés, toutes sociétés concessionnaires confondues, devraient être mis en service en 2008, le rythme des mises en service s'infléchissant fortement dès 2005 ;

- la dette totale des SEMCA devrait croître jusqu'en 2003-2004 compte tenu du programme d'investissements concédés restant à réaliser, pour se résorber rapidement ensuite.

ASF

ESCOTA

SAPRR

AREA

SANEF

SAPN

ATMB

TOTAL

dettes financières

32,6

10,6

36,2

8,5

19,9

11,6

1,0

120,5

avances

1,5

3,0

2,1

2,1

7,4

0,8

0,02

10,3

dettes d'exploitation

0,5

0,09

0,4

0,09

0,2

0,05

0,08

1,4

dettes hors exploitation

0,4

0,04

0,3

0,06

0,2

0,07

0,3

1,3

total

35

13,73

39

10,75

27,7

12,52

1,4

133,5

(en milliards de francs)

L'appréciation qui peut être portée sur la situation financière des sociétés concessionnaires d'autoroutes est étroitement dépendante de la situation et des perspectives du trafic. Or, on peut remarquer que la croissance du trafic s'accélère nettement depuis 1997, entraînée en cela par la croissance économique.

On pourra observer que la progression du trafic, particulièrement forte pour les poids lourds ces trois dernières années, est également sensible pour les véhicules légers.

Evolution du trafic sur le réseau autoroutier concédé

En milliards de véhicules/km

1997

1998

1999

véhicules légers

46,3

48,8

51,8

poids lourds

10,9

11,7

12,4

total

57,2

60,5

64,2

Ainsi, selon toute vraisemblance, si de nouvelles ponctions financières ne sont pas réalisées sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes, compte tenu de l'évolution favorable des trafics, leur capacité à rembourser leur dette devrait être réelle.

c) Mais encore aucun plan de remboursement pour le secteur ferroviaire

Face à une dette ferroviaire de 253 milliards de francs, quelles sont les capacités de remboursement ?

1) S'agissant de la dette de la SNCF, l'entreprise parvient à peine, en 1999, à équilibrer ses comptes. Mais le poids des nouvelles charges laisse présumer une détérioration de la situation. L'entreprise n'aura en tout état de cause pas les moyens de rembourser la dette à moyen terme ;

2) S'agissant du service annexe d'amortissement de la dette, l'Etat verse chaque année une dotation de 4,4 milliards de francs. Le compte de résultat prévisionnel (1999-2000) montre que face à des charges s'élevant à 4,396 milliards de francs en 1999, dont 4,460 milliards de francs d'intérêts, le remboursement ne vient ni des produits d'exploitation (nuls), ni des produits financiers (37 millions de francs) mais des produits exceptionnels c'est-à-dire le versement de l'Etat (4,24 milliards de francs) et plus marginalement de l'entreprise (117 millions de francs).

3) S'agissant de RFF, l'établissement essaye pour le moment simplement de ne pas dégrader ses comptes. S'il parvient à remplir ses objectifs, RFF pourra au mieux voir sa dette se stabiliser. Mais seul l'Etat serait capable de la rembourser. Pour le moment, il s'est contenté de verser des dotations en capital selon un programme triennal.

Pour le président de RFF, Claude Martinand, le but de la réforme ferroviaire était de favoriser le retour à l'équilibre de la SNCF et de stabiliser la dette de RFF autour de 160 milliards de francs en 2001. Cet objectif semble a priori atteint, mais au prix de très fortes contraintes sur l'investissement ferroviaire. De plus, la réforme laisse un goût d'inachevé.

L'Etat a produit un effort considérable avec plus de 50 milliards de francs de dotations en capital à RFF en cinq ans. Les subventions d'investissement s'accroissent dans les contrats de plan Etat-région mais cela ne traduit pas un regain des investissements ferroviaires mais vient simplement compenser la chute des moyens propres du secteur ferroviaire (l'autofinancement diminue).

Comme cela a été vu, le secteur ferroviaire ne dispose pas d'un système de péages qui lui permette d'envisager un remboursement de sa dette. Il est évident que c'est l'Etat, et à travers lui le contribuable, qui sera amené à régler la dette ferroviaire.

Pour le moment, l'Etat se contente de " stabiliser " la dette de RFF autour de 160 milliards de francs, mais cela ne suffit pas. Il devra bien, un jour ou l'autre, trouver le moyen de la rembourser.

De fait, devant la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale, le ministre de l'équipement, des transports et du logement s'est interrogé sur l'affectation du produit de la vente des licences UMTS au remboursement de la dette ferroviaire.

Lors de son audition devant notre commission des finances le 21 novembre 2000, le ministre a déclaré qu'un groupe de travail avait été mis en place au sein du comité des investissements économiques et sociaux, afin de réfléchir à cette question.

Il est de toute manière évident, qu'en l'absence de véritable plan de remboursement de la dette ferroviaire, les pouvoirs publics estimeront que les investissements à venir ont une rentabilité trop faible et ne peuvent être réalisés.

En effet, l'idée du ministère des finances est que " les équipements les plus rentables socio-économiquement comme financièrement ayant été réalisés, les projets aujourd'hui à l'étude affichent un besoin en concours publics accru ".

d) Un effort d'assainissement dans les autres secteurs

Le mode ferroviaire et le mode routier ne sont pas seuls concernés par un endettement excessif.

Ainsi, les infrastructures portuaires ont-elles subi un endettement qui fut jugé pendant longtemps excessif. Mais la situation s'améliore depuis quelques années.

En dépit d'une diminution des trafics et de certaines baisses tarifaires les capacités de financement propre des ports ont été préservées grâce à la poursuite des efforts de gestion et aux effets des politiques de désendettement.

L'enveloppe annuelle de recours à l'emprunt pour la couverture des dépenses d'infrastructure et de superstructures, fixée par le Comité des investissements à caractère économique et social (CIES) a ainsi diminué pour atteindre 79 millions de francs en 1998 puis 25 millions de francs en 2000 alors qu'elle s'élevait encore à 208 millions de francs en 1995.

Autorisations d'emprunt accordées par le CIES

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Ports autonomes

275

290

230

255

208

140

60

35

15

25

Ports d'intérêt national

105

151

103

83

100

79

39

44

0

0

TOTAL

380

441

317

335

307

212

99

79

15

25

Du fait de l'amélioration de la situation financière des ports maritimes, on remarque une très forte remontée de l'autofinancement des projets d'investissements.

En 1999, les ports autonomes ont pu globalement financer leurs investissements à hauteur de 61 % par autofinancement. L'Etat a financé 11 % de l'investissement, les collectivités locales et les tiers 28 %, avec un recours à l'emprunt limité à 0,8 %.

Les prévisions retenues pour 2000 par le CIES, au printemps dernier, indiquent un montant d'investissement de 1.433 millions de francs autofinancé à 56 %, avec 9 % de participation de l'Etat, 33 % des collectivités locales et un recours à l'emprunt de nouveau limité à 1,7 %.

En ce qui concerne le secteur aérien, le financement des investissements aéroportuaires est réalisé en grande partie par l'autofinancement, plus marginalement par l'emprunt et pour une faible part par des subventions . Pour les aéroports de province, de bons résultats en termes d'autofinancement ont permis de limiter le recours à l'emprunt pour couvrir le coût des investissements et d'alléger, ainsi, le poids de la charge de la dette pour les années à venir.

Financement des investissements (en milliers de francs)

AEROPORTS

NICE

MARSEILLE

LYON

TOULOUSE

MULHOUSE

BORDEAUX

TOTAL

EMPLOIS

Investissements

271.484

158.611

153.748

39.979

163.356

24.486

811.633

remboursements d'emprunts

80.378

48.150

29.079

27.652

3.138

32.376

220.773

autres

5.895

751

0

0

0

0

6.646

augmentation du fonds de roulement

24.133

0

4.514

20.265

0

11.871

60.783

TOTAL

381.889

207.512

187.341

87.896

166.494

68.733

1.099.865

RESSOURCES

CAF

193.006

77.821

87.561

71.202

121.051

45.999

596.640

Emprunts

135.000

70.000

90.000

5.638

17.549

19.030

337.217

Autres

3.192

197

3.576

11.056

21.356

2.742

42.299

Subventions

50.691

40.825

6.204

0

1.646

962

100.328

dont Etat

20.387

801

6.204

0

1.646

932

30.000

dont CL

30.304

40.024

0

0

0

0

76.328

Prélèvement sur le fonds de roulement

0

18.669

0

0

4.712

0

23.381

TOTAL

381.889

207.512

187.341

87.896

166.494

68.733

1.099.865

Source : DGAC

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