D. LE SOUCI DE METTRE FIN À UN CERTAIN ISOLEMENT RÉGIONAL

Les relations souvent conflictuelles entretenues avec ses voisins ont placé la Syrie dans une position d'isolement dont elle cherche aujourd'hui à sortir.

. Une volonté d'apaisement avec la Turquie

Les relations avec la Turquie ont été marquées par trois types de contentieux. Contentieux territorial, d'abord, car la Syrie n'a jamais reconnu l'arrangement franco-turc de 1939 qui cédait à la Turquie le Sandjak d'Alexandrette. L'eau a constitué une deuxième source de conflit. La question du partage des eaux de l'Euphrate a fait l'objet de plusieurs tentatives de conciliation demeurées vaines. Un simple protocole , signé en 1987, garantit à la Syrie, en aval du fleuve, un débit moyen de 500 m3/seconde. Damas souhaiterait un engagement d'une portée juridique plus élevée et redoute les conséquences des aménagements hydrauliques qui pourraient être réalisés en Turquie, ainsi que l'éventualité d'un chantage politique.

L'opposition entre les deux pays s'est enfin cristallisée sur la bienveillance dont Damas pouvait faire preuve, d'après les autorités turques, vis-à-vis des activités du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et de son chef, aujourd'hui emprisonné, Abdallah Öcalan. Elle a abouti à une grave crise, en 1998, finalement réglée pacifiquement par les accords d'Adana (20 octobre 1998) dont le contenu donne, dans ses grandes lignes, satisfaction à la partie turque.

Ces différends, conjugués au rapprochement entrepris entre la Turquie et Israël (notamment avec la signature d'accords militaires en 1996), ont nourri chez les Syriens la crainte d'un encerclement. Conscientes de l'inégalité des forces en présence, les autorités syriennes cherchent aujourd'hui l'apaisement, comme en témoignent plusieurs visites ministérielles dans les deux capitales dans la période récente. Les intérêts économiques conduisent à privilégier une telle orientation. La Turquie est en effet le troisième pays client et le quatrième pays fournisseur de la Syrie.

Le ministre de la défense, le général Tlass, a souligné devant votre délégation l'excellence des relations avec Ankara en relevant que les tensions qui avaient pu opposer les deux pays avaient été attisées par les Etats-Unis. La vice-ministre des affaires étrangères s'est montrée plus nuancée en regrettant les libertés prises par la Turquie avec l'accord de 1987 et le refus exprimé par Ankara de considérer l'Euphrate comme un fleuve international. Les membres du Conseil du peuple ont jugé inéquitable le partage actuel des eaux qu'ils imputent à un rapport de forces favorable à la Turquie.

. Les prémices d'une ouverture avec l'Irak

La volonté d'apaisement a également conduit Damas à modérer son hostilité vis-à-vis du régime rival de Bagdad. L'antagonisme entre les deux pouvoirs baasistes s'était exacerbé avec la participation syrienne aux forces alliées pendant la guerre du Golfe.

Les relations économiques ont repris en 1997, grâce à l'ouverture de trois postes frontière et l'utilisation du port de Tartous pour l'évacuation du pétrole irakien, dans le cadre de la résolution " pétrole contre nourriture ". Les deux parties ont signé en 1998 un accord sur la remise en service de l'oléoduc transsyrien reliant les champs de Kirkouk, au Nord de Bagdad, au port de Banyas sur la Méditerranée.

Sur le plan politique, la reprise des relations diplomatiques ne semble pas à l'ordre du jour, même si Damas a accepté, fin février 2000, l'ouverture d'une section d'intérêts irakiens. Par ailleurs, la vice-ministre des affaires étrangères a plaidé, lors de sa rencontre avec la délégation, pour la levée des sanctions contre l'Irak. Elle a, en outre, souligné les risques que soulèverait une partition de ce pays.

. Le maintien de l'" alliance stratégique " avec l'Iran

Aucun des infléchissements récents de la diplomatie syrienne ne devrait remettre en cause l'" alliance stratégique " entre Damas et Téhéran, nouée depuis 1979, renforcée lors de la guerre Iran-Irak lorsque la Syrie a pris position en faveur de l'Iran. La pérennité de ce lien sert en effet les intérêts des deux pays.

L'Iran peut ainsi compter sur un allié au sein d'un monde arabe qui lui est, dans son ensemble, plutôt hostile ; en outre, Damas peut constituer un relais utile pour préserver l'influence iranienne sur la communauté chiite du Liban (aujourd'hui la plus importante de ce pays avec 35 % de la population). La Syrie, de son côté, considère cette relation privilégiée comme un atout stratégique dans le rapport de forces entre Damas et Bagdad. Les deux pays ont d'ailleurs, selon toute vraisemblance, développé une coopération militaire. Enfin, l'appui économique de l'Iran peut se révéler précieux, notamment dans la perspective prochaine de l'épuisement des réserves pétrolières de la Syrie.

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