C. LE STATU QUO AU LIBAN

L'influence que la Syrie souhaite préserver au Liban répond à deux considérations principales : historique d'abord, car le Liban reste considéré comme une province abusivement séparée de la Syrie par la puissance mandataire française -" deux Etats indépendants, une nation ", la formule employée par l'ancien chef de l'Etat, Hafez-al-Hassad, résume la position syrienne et trouve sa traduction dans le refus de Damas d'ouvrir une ambassade à Beyrouth ; stratégique, ensuite, car la Syrie a toujours redouté d'être tournée sur son flanc droit par Israël. Il lui importait dès lors que le Liban se conformât aux positions syriennes vis-à-vis d'Israël et qu'il ne conclût pas de paix séparée. Ces raisons n'auraient pas permis de justifier une présence syrienne dans le pays du cèdre si la guerre civile libanaise n'avait offert l'occasion à la Syrie d'intervenir militairement en juin 1976, à la demande d'abord de certains dirigeants chrétiens.

Cette présence armée avait pris, en novembre 1976, le nom de force arabe de dissuasion dont l'essentiel des contingents était en fait syrien. La part syrienne sera ensuite déterminante dans la résolution de la crise avec la signature, le 30 septembre 1989, de la Charte de réconciliation nationale. Connu sous le nom d'" Accords de Taëf ", ce texte prévoyait notamment le regroupement (encore attendu) des forces syriennes dans la plaine de la Bekaa avant leur retrait ultérieur dont la date n'était cependant pas fixée.

Ces accords, ainsi que le traité de fraternité, coordination et coopération, signé entre la Syrie et le Liban le 22 mai 1991, constituent aujourd'hui les fondements juridiques de la présence syrienne au Liban.

Cette présence est d'abord militaire , avec le déploiement de 25 000 hommes sur l'ensemble du territoire libanais, à l'exception du Mont Liban maronite, du Chouf druze et du Sud-Liban. A ces effectifs, il convient d'ajouter les 5 000 " moukhabarat " des services de renseignement syriens.

Le rôle de la Syrie se manifeste également dans le domaine économique : environ 500 000 de ses ressortissants seraient employés au Liban. Ces derniers représentent pour la Syrie une source de devises importantes. Les deux pays sont, par ailleurs, convenus de réduire leurs droits de douane de 25 % chaque année, dans la perspective de la mise en place, à plus longue échéance, d'un " marché commun arabe ".

Enfin, même si la Syrie se défend de toute ingérence dans les affaires intérieures libanaises, son influence sur la vie politique reste indéniable et trouve dans les divisions et les luttes intestines des partis et des hommes un champ propice pour s'exercer.

Comment les relations libano-syriennes évolueront-elles à l'avenir ?

Le retrait des forces israéliennes du Liban Sud en mai dernier a certainement introduit une donne nouvelle. Désormais, les forces syriennes demeurent la seule armée étrangère présente sur le territoire libanais.

La contestation de la présence militaire syrienne demeure aujourd'hui circonscrite à quelques personnalités chrétiennes. Toutefois, les mises en cause dont la Syrie a été l'objet de la part de chefs politiques sunnites et du dirigeant druze, M. Walid Joumblatt, lors des élections législatives de septembre dernier au Liban, traduisent peut-être un changement de tonalité de la classe politique libanaise vis-à-vis de leur grand voisin.

Interrogé sur l'évolution de la présence syrienne au Liban, les interlocuteurs de votre délégation ont réitéré la position traditionnelle de leur pays : les forces syriennes étant présentes sur le sol libanais à la demande des autorités de ce pays, elles se retireront lorsque le gouvernement libanais en aura fait la demande. Le ministre de la défense, le général Tlass a cependant évoqué la possibilité d'un " redéploiement " des forces sans en préciser ni la portée, ni l'échéance.

Les députés rencontrés par la délégation sont revenus longuement sur les relations syro-libanaises ; ils ont appelé de leurs voeux un renforcement des relations entre les deux pays, certains allant même jusqu'à évoquer la présence de forces libanaises sur le sol syrien...

D'après eux, la présence militaire syrienne a été justifiée par la volonté de stabilité des Libanais eux-mêmes, stabilité menacée de l'intérieur par certains foyers de résistance armée libanaise et, de l'extérieur, par Israël. Les députés ont admis par ailleurs que le retrait des forces israéliennes conforterait l'" évolution " en cours du rôle de l'armée syrienne au Liban. Certains parlementaires ont observé que ces forces n'étaient pas présentes " pour l'éternité " et qu'elles partiront après avoir rempli " leur mission de sécurisation " vis-à-vis d'Israël.

Le regain de tension dans la région constitue sans doute aujourd'hui, aux yeux des Syriens, un argument supplémentaire pour maintenir le statu quo. Les personnalités rencontrées lors de la mission sénatoriale ont par ailleurs récusé l'existence de liens entre la Syrie et le Hezbollah, présenté comme un mouvement national libanais totalement indépendant.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page