B. LES ORIENTATIONS ENCORE INCERTAINES DU NOUVEAU PRÉSIDENT

Le système de pouvoir dont les grandes lignes viennent d'être présentées peut-il se perpétuer au-delà de l'homme qui l'a mis en place ?

Le déroulement ordonné de la succession a permis d'attester la solidité du régime.

Au-delà de cette transition réussie, une ouverture porteuse de réformes est-elle possible ? Telle est sans doute l'interrogation majeure de la période qui s'ouvre aujourd'hui.

1. Une succession ordonnée

Bien que les étapes en aient été quelque peu précipitées, l'arrivée du président Bachar au faîte du pouvoir n'a rencontré aucun obstacle. Certes, la succession avait été préparée de longue date.

a) Une succession préparée de longue date

La perspective d'une logique dynastique -qui n'était nullement acquise en droit- s'est dessinée depuis plusieurs années.

Marqué par la rivalité qui l'avait opposé à son frère Rifaat, l'ancien chef de l'Etat avait souhaité que ce cas de figure ne se reproduise pas avec ses autres fils. Aussi avait-il destiné l'aîné, Bassel, à lui succéder et écarté les deux autres, Bachar et Maher, de toute activité politique ou militaire. Ainsi Bachar se trouvait-t-il à Londres, où il suivait des études d'ophtalmologie, lorsque la mort accidentelle de Bassel, en janvier 1994, détermina son père à le rappeler en Syrie. Bachar devenait dès lors l'héritier présomptif. Au cours des cinq dernières années, cette vocation a été progressivement affirmée.

L'armée constitue, il faut le rappeler, la véritable source de légitimation du pouvoir en Syrie. Dès lors, Bachar suit, à son retour en Syrie, une formation militaire intensive (d'abord à l'Académie militaire de Homs, puis, en 1995, à l'Ecole d'Etat-Major de Damas). En janvier 1999, Bachar sera promu colonel.

Parallèlement, la position de Bachar se trouve confortée dans les cercles du pouvoir. D'une part, la destitution en février 1998 de la vice-présidence de la République de Rifaat al-Assad et son exclusion du parti Baas permettent de lever un obstacle potentiel à la succession de Bachar. D'autre part, l'application -jusque là quelque peu négligée- de la réglementation sur la retraite dans la fonction publique permet, la même année, d'écarter le chef d'Etat-major Chehabi (sunnite) au bénéfice de son adjoint Ali Aslan (alaouite) dont la fidélité au pouvoir est assurée.

L'influence croissante de Bachar s'est manifestée dans plusieurs dossiers importants : les relations avec le Liban, l'expulsion de Syrie d'Abdullah Öcalan, chef du Parti des travailleurs du Kurdistan. Par ailleurs, l'actuel chef de l'Etat s'est signalé également par sa volonté de lutter contre la corruption.

Cependant, le fils d'Hafez al-Assad n'assure alors aucune fonction officielle au sein des instances du pouvoir syrien. Au début de cette année, il était prévu que l'ascension de Bachar se poursuive en deux temps : désignation au sein du commandement régional du Baas -après la convocation du Congrès du parti qui ne s'était pas réuni depuis 1985 ; ensuite, nomination à l'une des vice-présidences de la République (aux termes de l'article 88 de la Constitution : " le premier vice-président ou le vice-président désigné par le président exerce les pouvoirs du président de la République lorsque celui-ci est dans l'impossibilité de les assumer ").

b) Un processus conforté par l'allégeance des différentes instances de décision

La disparition du Chef de l'Etat, le 10 juin dernier, a quelque peu modifié ce plan en précipitant les étapes de l'accession de Bachar à la magistrature suprême :

- le 10 juin, le jour même de la disparition du président Hafez al-Assad, les députés sont convoqués pour abaisser à 34 ans l'âge légal de la candidature pour la présidence de la République. Dans la soirée, le commandement régional du Baas décide à l'unanimité de présenter la candidature de Bachar à la présidence de la République ; cette candidature devra être examinée le 25 juin par le Conseil du peuple, qui la soumettra ensuite au peuple appelé à se prononcer par référendum ;

- le lendemain, Bachar al-Assad est promu au plus haut grade de l'armée, celui de Farik et nommé commandant en chef des forces armées par deux décrets signés par le vice-président Khaddam, chargé de l'intérim de la présidence de la République ;

- le 18 juin, Bachar est désigné comme secrétaire général du Baas lors du congrès de ce parti ;

- le 28 juin, la candidature de Bachar reçoit le soutien unanime du Conseil du peuple ;

- le 10 juillet, Bachar est plébiscité par 97,29 % des voix et proclamé par le Parlement, réuni en session extraordinaire, Président de la République syrienne pour un mandat de sept ans.

La célérité du processus, l'unanimité des différentes instances de décision ont permis de réaffirmer la continuité du régime et sa stabilité.

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