Annexe II

Memorandum du Gouvernement français
(17 mars 1993)

Dans une économie de marché, la réponse aux différents besoins des particuliers ou des entreprises relève généralement de l'initiative privée. Elle s'exprime dans le cadre des règles de la concurrence et de différentes législations sociales, fiscales et techniques. Il en résulte une offre adaptée à la diversité des demandes. avec une bonne qualité de services et des prix ajustés. Certains besoins d'intérêt général nécessitent cependant des dispositions particulières en raison de leurs spécificités et des limites naturelles d'efficacité du marché. Chaque pays européen, en fonction de son histoire, de sa géographie et de ses traditions, y a apporté des réponses variables, mais qui recouvrent en réalité, au-delà des apparences, quatre préoccupations communes et voisines. Ces préoccupations se retrouvent quelle que soit l'étendue du secteur public dans les Etats membres, les services publics étant dans de nombreux cas confiés à des acteurs privés.

1) Les services de base, comme les transports, les communications, l'énergie ou l'eau, impliquent souvent de lourds investissements n'ayant qu'une rentabilité à moyen ou long terme et présentent des effets d'échelle ou de " club ". Ces facteurs, caractéristiques des réseaux d'infrastructures, justifient fréquemment l'attribution de droits spéciaux ou exclusifs.

2) L'exigence d'un service universel, assurant l'accès des services de base à l'ensemble des usagers et clients à un niveau de prix et de qualité jugés raisonnables, est susceptible de figurer clairement dans la mission d'un service public.

Le respect de cette exigence pose parfois un problème d'équilibre financier. Il peut y être remédié par le maintien d'un périmètre d'activité suffisant ou par le versement de subventions.

3) Le marché, par ailleurs, est généralement indifférent à des objectifs de solidarité, de cohésion, ou d'équité que certaines péréquations tarifaires peuvent aider à atteindre. L'éloignement ou l'exclusion de catégories sociales de quelques services de base, essentiels à la vie quotidienne (éducation, santé, transport, logement, eau, électricité...), peuvent entraîner des difficultés sociales.

4) Enfin, le marché ne répond pas spontanément à certaines exigences d'intérêt général et de développement durable, tels que la protection de l'environnement et l'aménagement du territoire, y compris européen. Les transports et les communications conditionnent la localisation des activités, de l'emploi et de l'habitat de manière durable. Une mauvaise anticipation de ces effets peut induire des coûts élevés de fonctionnement et d'investissement, de graves dysfonctionnements économiques et une détérioration de l'environnement et de la qualité de la vie.

Pour toutes ces raisons, le marché et la concurrence ne peuvent répondre en toutes circonstances aux besoins d'intérêt général. C'est pourquoi le traité de Rome se réfère explicitement en son article 90-2 à des missions d'intérêt économique général. Il énonce, par ailleurs, dans son article 77 à propos de la politique commune des transports que " sont compatibles avec le présent traité les aides [ ... ] qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public ".

Pour réaliser le marché intérieur et la libre circulation, l'accent a surtout été mis sur l'ouverture à la concurrence et l'harmonisation, ce qui a contribué à renforcer la compétitivité de l'économie européenne.

Le traité sur l'Union européenne a retenu une série d'actions complémentaires : le titre XI relatif à la protection des consommateurs, le titre XII sur les réseaux transeuropéens, et les dispositions relatives au fonds de cohésion venant compléter les fonds structurels, le titre XIII relatif à l'industrie sont de nature à contribuer puissamment à la compétitivité et à la cohésion de la Communauté dans une vision élargie. La constitution d'un territoire européen, qui résulte d'interdépendances accrues, nécessite le développement de réseaux transeuropéens dans le secteur des transports, des communications et de l'énergie.

C'est tout particulièrement le sens du titre XII du traité sur l'Union européenne.

Pour atteindre cet objectif, l'interconnexion, l'interopérabilité et la réalisation de projets d'intérêts communs sont indispensables, la sécurité des personnes et des réseaux étant assurée de façon adéquate. Il faut donc établir une référence commune pour conduire les différentes politiques concernant ces réseaux et ces services publics.

Deux buts distincts doivent ainsi être poursuivis, dans le respect du principe de subsidiarité :

- favoriser le développement de véritables réseaux transeuropéens à vocation de service public, dans un souci d'intérêt général européen, sans que cela implique une harmonisation des règles ;

- créer un cadre européen reconnaissant la spécificité des services publics nationaux et leur diversité.

C'est pourquoi les autorités françaises prient la Commission de bien vouloir présenter au Conseil un projet de Charte européenne relative aux principes des services publics.

Une telle Charte pourrait comprendre :

- d'une part, l'énoncé des principes concernant les missions respectives des régulateurs et des opérateurs, quel que soit le statut de ces derniers (public, mixte ou privé), et la transparence de leurs relations mutuelles ;

- d'autre part, les principes généraux communs à l'ensemble des services publics : continuité de service, égalité d'accès ou équité ce qui implique neutralité et transparence, adaptation à des besoins évolutifs et diversifiés, le cas échéant universalité. Les consommateurs, les salariés, et plus généralement les citoyens pourront en outre être consultés pour la définition et l'organisation du service.

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