B. LE DISPOSITIF D'AIDE

L'aide française apportée au Maroc reste de loin la plus importante aide bilatérale reçue par le Royaume. Selon les derniers chiffres du Comité d'Aide au Développement de l'OCDE, le Maroc a reçu de la France, en 1998, 1,4 milliard de francs d'aide publique au développement, dont 1,2 milliard de francs à titre bilatéral, ce qui représente la moitié de l'aide totale reçue par le Maroc.

Premier " bailleur ", la France est également premier prêteur, avec un peu moins de la moitié des créances du Club de Paris et encore près de 18 % de l'encours total fin 1999 40 ( * ) .

Enfin, la contribution française au programme MEDA -soit 18 % du total- s'élève à 740 millions de francs, effectivement versés par la France à l'Europe, mais décaissés par l'Europe à hauteur de 20 % seulement 41 ( * ) .

1. La coopération économique et financière

Jusque vers 1993, l'aide économique et financière reposait essentiellement sur les protocoles financiers et les rééchelonnements dans le cadre du Club de Paris.

A partir de 1996, la France a mis en oeuvre une aide à la gestion active de la dette extérieure.

Enfin, à partir de 1998-1999, est mis en place un dispositif complet -voire un peu complexe- d'aide au secteur privé marocain, qui combine les procédures réserve pays émergents et les procédures FASEP , avec une " variante " tunisienne spécifique.

a) Protocoles financiers

Les protocoles financiers ont longtemps occupé une place prépondérante dans l'aide bilatérale française au Maroc : plus de la moitié (62 %) des décaissements d'aide bilatérale entre 1991-1997. Pour autant, leur vocation d'" aide au développement " n'apparaît pas flagrante, ni leur efficacité avérée.

De 1989 à 1997, le total des engagements sur protocoles s'est élevé à 7 milliards de francs.

L'analyse des réalisations effectuées fait apparaître, hors annulations et réaffectations, un reliquat de 1,2 milliard de francs , soit près de 17 % de l'enveloppe , ce qui n'est pas négligeable. De fait, pour un montant total d'engagements nouveaux de 2,4 milliards de francs, les décaissements n'ont pas dépassé 628 millions de francs, soit à peine plus du quart (26 %), ce qui est très insuffisant.

L'importance des reliquats et annulations régulièrement constatés à chaque exercice entre 1992 et 1998 42 ( * ) , notamment sur les protocoles " aides-projets ", appelle quelques interrogations. Pourquoi, face à cette " inappétence ", renouveler ainsi, pour des montants aussi conséquents, une procédure qui ne semble pas couronnée de succès ?

Un tel exemple confirme, en tout cas, s'il en était besoin, le bien-fondé de la suppression de l'ancien système des protocoles.

Protocoles 1992-1997

Année 1992

- 5 protocoles

- montant total 1.065 MF

- reliquat de 260 MF, sur un protocole aide-projets de 267 MF

- annulations : 19 MF sur un protocole partenariat de 100 MF

Année 1993

- 4 protocoles

- montant total 883 MF

- reliquat de 102 MF, sur un protocole aide-projets de 223 MF

- réaffectation de la totalité d'un des 4 protocoles (160 MF) sur 1997

Année 1994

- 4 protocoles

- montant total 475,5 MF

- reliquat de 993 MF sur un nouveau protocole aide-projets de 245 MF (complété par une annulation de 52 MF)

Année 1995

- 3 protocoles

- montant total 855 MF

- annulation (1) du protocole " projets eau pour les régions déshéritées " (50 MF)

- annulation (1) de 144 MF sur protocole aide-projets de 500 MF

- reliquat de 142 MF sur protocole aide-projets

- reliquat de 297 MF sur protocole exceptionnel

Année 1996

- 1 protocole

- montant total 3,5 MF

- aucun reliquat

Année 1997

- 3 protocoles

- montant total 953 MF

- annulation (2) de 162 MF sur protocole aide-projets de 183 MF

- reliquat de 7 MF sur même protocole

(1) reporté sur 1997

(2) reportés sur 1998

b) Aide au secteur privé

La réforme des protocoles intervenue en 1998 s'est traduite par la mise en place de la procédure dite réserve pays émergents , dont le Maroc bénéficie depuis l'origine. A ce titre, le Maroc s'est vu attribuer en 1999 une ligne de 200 millions de francs, prévue pour un projet de signalisation ferroviaire, mais qui n'a fait l'objet à ce jour d' aucun décaissement .

Les deux volets des nouvelles procédures FASEP d'aide au secteur privé , FASEP-garantie et FASEP-études , s'appliquent au Maroc.

•  Le volet FASEP-garantie a pris au Maroc la forme d'un Fonds de garantie français d'appui à la mise à niveau, dont la gestion est entièrement confiée à l'Agence française de développement 43 ( * ) . Doté de 200 millions de francs à sa création en octobre 1998, ce fonds permet de garantir 50 % des crédits à moyen et long terme accordées par des banques marocaines agréés à des PME-PMI de droit marocain, déjà installées au Maroc, pour le financement de programmes d'investissements de mise à niveau.

A la mi-2000, sept dossiers avaient été examinés. Cinq ont fait l'objet de prises en garantie, pour un total de 15,9 millions de francs de garanties, correspondant à 64 millions de francs de crédits ; soit, là aussi, un démarrage un peu lent, mais qui, il est vrai, s'est accéléré entre avril et juillet.

•  A la mi-2000, le volet FASEP-études , opérationnel depuis 1997, s'est traduit par la signature de seize " FASEP industriels et commerciaux " pour un montant global d'environ 42 millions de francs.

On y relève, pour plus de la moitié de ce " chiffre d'affaires ", un projet de 25 millions de francs sous forme d'avance remboursable -soit un montant dépassant nettement le plafond réglementaire de 5 millions de francs- au profit de Bouygues, pour " assistance technique à la maîtrise d'ouvrage de la future autorité en charge des transports collectifs de Casablanca et études préliminaires " (projet dit du " métro de Casa ") 44 ( * ) .

Fruit d'un accord passé entre le ministre de l'Intérieur marocain et le ministre français de l'Economie et des finances français, le 24 octobre 1997, cette subvention, complétée par une mission d'assistance technique de l'ISTED à hauteur de 200.000 francs, était à l'origine fondée sur le principe d'une avance remboursable par Bouygues, au cas où le marché serait remporté.

En réalité, la convention conclue en définitive n'évoque pas de clause d'exclusivité 45 ( * ) .

Il n'est donc pas interdit de penser que cette aide irrégulière de 25 millions de francs risque d'avoir été consentie à fonds perdus, en tout cas pour le contribuable français.

Au total, la faiblesse du taux de décaissement enregistré à la mi-2000 sur ces nouvelles procédures mises en oeuvre en 1998 et 1999 doit être soulignée.

Là encore, est-il indispensable d'engager à une telle hauteur les deniers publics français, ou s'agit-il seulement de satisfaire à un besoin d'affichage, au demeurant peu significatif pour le contribuable français ?

c) Conversion de dettes

Le mécanisme de conversion de dettes en investissements mis en place en 1996 a donné lieu à trois tranches successives en 1996, 1997 et 1998, pour un total de 2,4 milliards de francs - une nouvelle enveloppe de 700 millions de francs a été adoptée en 2000.

Ceci porte à 3,1 milliards de francs le total des opérations de conversion-annulation de dettes, et représente un effort financier conséquent pour la France, de l'ordre de 1,75 milliard de francs en dons 46 ( * ) .

Analysés en termes d'aide publique au développement, ces mécanismes appellent un jugement nuancé.

L'annulation de dettes en faveur d'un programme d'investissements publics dans le nord du pays n'a pas, semble-t-il, inclus un dispositif adéquat de suivi et d'évaluation des investissements réalisés à ce titre, et les résultats médiocres, si ce n'est inexistants, sont généralement contestés.

L'annulation de dettes en faveur d'un programme d'investissements privés ne donne pas non plus les résultats attendus, compte tenu de l'insuffisance de l'élément-don (12 %) pour peser de façon valable sur la décision d'investisseurs de qualité.

De fait, face aux besoins actuels du Royaume, et compte tenu de ces expériences, on peut à juste titre regretter que la nouvelle tranche de 700 millions de francs n'ait pas été affectée, comme beaucoup le préconisaient, à un fonds d'éducation pour les zones rurales.

d) Coopération administrative

Compte tenu de son importance, l'action menée par l'ADETEF, (Association pour le Développement des Echanges en Technologie Economique et Financière) doit être signalée.

Placée sous l'égide de l'Inspection générale des Finances, l'ADETEF " permet un dialogue constant 47 ( * ) entre les directions des ministères en charge de l'économie et des finances " , sous forme de missions d'experts de courte durée. Pour 1,5 million de francs par an environ, une centaine de missions entre les deux ministères sont ainsi prises en charge. L'ADETEF entend étendre son action à d'autres ministères marocains, notamment celui du Commerce et de l'Industrie.

* 40 Contre 22 % en 1998. La diminution s'explique par le succès de l'appui au désendettement du Maroc.

* 41 Pourraient également être évoqués l'ampleur des transferts des travailleurs marocains vivant en France, les dépenses des touristes français et les sorties dues aux investissements privés directs au Maroc, qui dépassent largement l'excédent commercial de la France avec le Maroc, lequel d'ailleurs ne cesse de se dégrader.

* 42 À l'exception d'un exercice 1996 quasiment " blanc "

* 43 Ce qui permet apparemment d'éviter les difficultés rencontrées à Tunis entre la Mission économique et financière et l'Agence française de développement. Votre rapporteur a par ailleurs constaté que la Mission économique et financière du Maroc possédait des " fiches pédagogiques " -bien nécessaires- d'une qualité supérieure à celles de la Tunisie. Il s'étonne que ce type de fiches ne soient pas " normalisées " et fournies par la centrale.

* 44 Les projets suivants -en importance- sont un don de 4 millions de francs au BRGM (projet national de cartographie-géologie) et une avance remboursable de 2 millions de francs à EDF (étude du système biphasé pour l'électrification rurale).

* 45 Deux concurrents importants sont aussi en lice ; Mitsubishi, moins coûteux, et Siemens, chez qui le Roi a des intérêts personnels

* 46 , La partie marocaine a émis une nouvelle demande portant sur une tranche de 900 millions de francs pour la dette gouvernementale et de 500 millions de francs pour la dette assurée par la COFACE.

* 47 Et essentiellement bilatéral.

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