N° 102

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2000

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la mission qu'il a effectuée dans six pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne (Chypre, Pologne, Estonie, République tchèque, Hongrie et Slovénie), entre mai et juillet 2000,

Par M. Jacques CHAUMONT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Union européenne.

Mesdames, Messieurs,

Dans le cadre de ses fonctions de rapporteur spécial du budget des affaires étrangères, votre rapporteur a effectué entre mai et octobre 2000 une mission dans les six pays candidats à l'adhésion à l'Union Européenne avec lesquels les négociations ont été ouvertes le 30 mars 1998. Il s'est donc rendu à Chypre, en Pologne, en Estonie, en République tchèque, en Hongrie et en Slovénie. Ce choix est quelque peu arbitraire puisque désormais, les 12 pays candidats (soit les six pays visités ainsi que la Slovaquie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Bulgarie et la Roumanie) sont placés sur une même ligne de départ, aussi fictive soit elle 1 ( * ) . Cette mission visait à effectuer un contrôle financier sur les services du ministère des affaires étrangères ainsi qu'à évaluer le niveau, l'évolution et l'utilisation de nos moyens de coopération dans ces pays.

Plusieurs raisons justifiaient le choix des pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne :

- premièrement, l'actualité politique met ces pays " sous les feux de la rampe ". Alors que l'élargissement devient un problème politique essentiel pour l'avenir de l'Europe, votre rapporteur spécial souhaitait comprendre les attentes, les inquiétudes et les préoccupations de ces pays dans leur diversité.

- deuxièmement, les relations entre la France et ces pays ont considérablement évolué au cours de la décennie écoulée : l'éclatement du rideau de fer nous a conduit à renouer avec les histoires et les cultures spécifiques de chacun de ces pays. Nos échanges politiques, culturels et économiques avec les pays de l'Est ont connu une croissance importante, et continuent de se développer. Notre outil diplomatique a connu ce bouleversement. Bien plus, il en a été l'acteur et le promoteur. Nos ambassades, de lieux secrets, fermés aux regards, isolées, ont dû se transformer en vitrine de notre pays, de nos entreprises et de notre culture. Votre rapporteur spécial a donc souhaité évaluer cet outil diplomatique rénové et préparant l'entrée des pays candidats dans l'Union européenne.

CHAPITRE PREMIER :

la France et l'élargissement de l'union européenne

I. L'EUROPE À LA CROISÉE DES CHEMINS

Votre rapporteur spécial considère que l'élargissement de l'Union européenne est la question politique majeure de ce début de millénaire. Le sommet européen de Nice " clôturant " la présidence française de l'Union a permis de mesurer l'étendue de ses implications, politiques, institutionnelles et financières. C'est une véritable révolution que l'Europe est amenée à conduire. Votre rapporteur spécial est tenté de dire, pour résumer sa pensée d'une formule à l'emporte-pièce, que l'élargissement est une grave erreur qu'il serait tragique de ne pas commettre .

A. LA DATE D'ADHÉSION : ENTRE PROMESSES ET INQUIÉTUDES

Après la chute du rideau de fer et du mur de Berlin qui en constituait le symbole, d'immenses espoirs sont nés dans les pays d'Europe centrale et orientale. L'adhésion à l'OTAN (organisation du traité de l'Atlantique nord) leur est apparu comme la garantie d'une sécurité à laquelle ils aspiraient après des décennies de tutelle soviétique, l'Union européenne symbolisant quant à elle l'attrait pour la prospérité et la stabilité . Dans l'esprit de ces pays, les deux idéaux étaient fortement liés. Mais l'OTAN constituait un projet politique, alors que l'Union européenne, paradoxalement, était parfois réduite à une dimension essentiellement économique, portée notamment par les entreprises européenne présentes en Europe centrale et orientale.

Les pays de l'Union européenne, et la France n'a pas dérogé à cette règle, ont multiplié les promesses à l'égard de ces pays, dès leur émancipation de la tutelle soviétique. Ces paroles ont été comprises comme des engagements fermes et définitifs. A force de faire des promesses , qui, s'expliquaient d'ailleurs en partie par une surenchère motivée par le désir de conquérir de nouveaux marchés, et de ne vouloir froisser aucun pays, l'Europe est allée au devant d'immenses problèmes , dont elle découvre aujourd'hui l'ampleur.

Désormais, il n'est plus possible de manquer à nos engagements, et l'impératif de l'élargissement ne peut plus être remis en cause.

La question de la date pour les premières adhésions des pays candidats continue de faire l'objet d'incertitudes. Lors du sommet de Nice, les pays membres de l'Union européenne n'ont pas souhaité s'engager sur une date ferme et définitive. Ils ont cependant retenu l'idée selon laquelle les premières candidatures pourraient être examinées dès 2002, permettant d'envisager des adhésions au mieux en 2004. 2 ( * )

En tout état de cause, la date du 1 er janvier 2003 pour les premières adhésions, avancée dans un premier temps, paraît irréaliste compte tenu du chemin qu'il reste à effectuer, et une première vague d'adhésion vers 2005-2006 semble plus logique. Cette date correspond en effet à la fin du mandat de la Commission européenne présidée par Romano Prodi et à la fin du programme financier " Agenda 2000 " de l'Union européenne.

Mais il faudra, même à cette date, ménager des périodes de transition et développer des mécanismes de coopération renforcée pour éviter un blocage de l'Union européenne. D'un point de vue technique, un délai de 10 à 15 ans est sans doute nécessaire pour assurer une intégration de ces nouveaux pays sans provoquer de chocs brutaux . La proposition récente du chancelier allemand Gerhard Schroeder de maintenir pendant sept ans des barrières à l'accès des ressortissants des nouveaux pays membres au marché de l'emploi de l'Union européenne montre bien les inquiétudes des pays de l'Union vis-à-vis d'une adhésion massive et prématurée de nouveaux pays. On rappellera que le commissaire européen à l'élargissement, Gunter Verheugen, s'est déclaré favorable à cette proposition, en indiquant que la situation sur le marché du travail sera difficile, notamment dans les régions frontalières, après l'élargissement à l'est, et qu'il était impensable que les problèmes sur le marché du travail d'un nouveau membre de l'Union européenne soient transférées vers un ancien membre.

L'état des négociations en vue de l'élargissement à l'issue de la présidence française :

Les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne souhaitaient que le sommet de Nice débouchât sur la fixation d'une date-cible pour l'adhésion. Or, les pays membres de l'Union européenne ont considéré que la fixation d'une telle date était prématurée compte tenu de l'état d'avancement des négociations sur les différents chapitres visant la reprise de l'acquis communautaire.

Dans son rapport du 8 novembre 2000, la Commission a proposé une stratégie visant à conclure dans le courant 2002 les négociations d'adhésion avec les pays candidats qui satisfont à tous les critères d'adhésion.

Elle propose également de distinguer entre les demandes de mesures transitoires qui sont acceptables, négociables ou inacceptables.

A l'issue de la présidence française, l'état d'avancement des négociations d'adhésion se décline ainsi: sur 31 chapitres en négociation, le nombre de chapitres clos à la fin de l'année 2000 est le suivant : 17 pour Chypre, 16 pour l'Estonie, 14 pour la Slovénie et la Hongrie, 13 pour la Pologne et la République tchèque. S'agissant des pays du " deuxième groupe " 3 ( * ) , le nombre de chapitres clos s'élève à 12 pour Malte, 10 pour la Slovaquie, 9 pour la Lettonie, 8 pour la Bulgarie, 7 pour la Lituanie et 6 pour la Roumanie.

* 1 Décision du Conseil européen d'Helsinki du 10 et 11 décembre 1999.

* 2 Une fois l'adhésion décidée par un Conseil des ministres de l'Union européenne, il faut encore que tous les pays membres ratifient la décision, ce qui repousse de plusieurs mois l'entrée en vigueur de l'acte d'adhésion (probablement, de l'ordre d'un an et demi).

* 3 Décision d'ouverture des négociations en vue de l'adhésion lors du Conseil européen d'Helsinki du 10 et 11 décembre 1999.

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