B. LE LYCÉE FRANÇAIS DE VARSOVIE : UNE POLÉMIQUE IMPORTANTE

Le lycée français de Varsovie (lycée " René Goscinny ") est un établissement géré par une association de parents d'élèves, et qui bénéficie d'une convention avec l'AEFE. Pourtant les autorités polonaises le considèrent toujours comme une " école d'ambassade ". Ce lycée accueille 831 élèves (60 % de français, 26 % de polonais et 14 % de tiers), de la maternelle aux classes terminales. L'établissement est ouvert aux étrangers (29 nationalités y sont représentées) et les élèves peuvent y suivre des cours de polonais. Les droits d'écolage y sont assez modérés (pour un élève français ou polonais, de 13.580 francs par an en maternelle à 19.570 francs au collège ou au lycée).

Le lycée connaît des problèmes juridiques pour engager son extension, qui devront être réglés en collaboration étroite avec les autorités polonaises. En effet, le lycée est situé sur trois parcelles de terrain, dont deux (représentant la moitié de la surface totale) sont en cours d'acquisition par l'Etat sous forme de bail emphytéotique de 99 ans. L'acquisition de la troisième parcelle, nécessaire pour mener à bien les travaux d'extension, est actuellement bloquée en raison d'un contentieux entre la commune et la région sur la propriété du bien, et de la revendication d'un particulier sur une partie de celui-ci. Le fait que le lycée soit toujours considéré comme une " école d'ambassade " par les autorités polonaises ne facilite pas la résolution de cette question.

Au cours de sa visite du lycée, votre rapporteur a constaté qu'une partie des bâtiments ne permettaient plus d'assurer des conditions de travail et de sécurité convenables. Cette impression a été par la suite largement confirmée par le rapport de mission de l'architecte conseil de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE), du 20 septembre 2000, diffusé sur Internet par une publication électronique francophone en Pologne, dénommée " Varsovie on line ", suite à sa communication à un parent d'élève membre du Conseil de gestion, sous pli anonyme : " au cours de ces visites sur l'ensemble des locaux mis à la disposition de l'établissement j'ai été amené à constater que les bâtiments qui posaient les problèmes les plus graves de sécurité étaient utilisés pour les classes de maternelle et de primaire. En cas du moindre problème dans ces bâtiments, nous aurions de très grandes difficultés pour faire sortir les enfants et les enseignants. "

Par ailleurs, le même site a publié le rapport d'une expertise réalisée par un organisme polonais chargé du contrôle des conduits d'évacuation du chauffage. Les experts polonais indiquent : " le lycée français étant un lycée près l'Ambassade de France, nous ne pouvons pas intervenir. S'il s'agissait d'un établissement scolaire polonais, il aurait été fermé dans la demi-heure suivant le dépôt du rapport de notre expertise ".

A la suite de la diffusion des rapports d'expertise, les réactions ont été vives, tant de la part des parents d'élèves concernés que dans la presse locale. La publication de ces rapports alarmants sur la sécurité du lycée est intervenue alors que l'AEFE avait prévu que le lycée passe prochainement sous gestion parentale. Les parents d'élèves, dont une partie considérait que cette évolution du statut de l'établissement n'était pas souhaitable dans l'immédiat, ont réagi très vivement compte tenu de l'ampleur des travaux d'aménagement à effectuer. Tous les parents élus au Conseil de gestion du lycée ont démissionné. Plusieurs membres de ce Conseil ont expliqué dans leur lettre de démission leur soutien au maintien du lycée et, pour une partie d'entre eux, ont dénoncé les évolutions statutaires demandées par l'AEFE.

Un parent d'élève écrit ainsi : " je considère que le passage en gestion parentale est inopportun, alors que la situation du lycée, je n'hésite pas à le dire, est dramatique. De facto, le lycée, depuis plusieurs années déjà, fonctionne en une gestion directe qui n'avoue pas son nom. Cette situation, nous avons eu l'occasion de la vérifier plusieurs fois, et encore cette année : lorsque le Conseil de gestion, à la demande de l'Ambassade a voulu contracter un emprunt pour rembourser l'achat de deux parcelles dont l'Etat s'était rendu propriétaire, il s'est avéré que cela n'était pas possible, compte tenu de notre personnalité juridique. A cette occasion, nous avons aussi découvert que, contrairement à ce que nous croyions, le lycée n'était pas conventionné. Pourtant, pendant toutes ces années, nous avons fonctionné comme un lycée conventionné, ou plutôt comme un lycée en gestion directe. Aujourd'hui, l'AEFE nous dit : " Passez en gestion parentale, adoptez des statuts qui rendent les parents gestionnaires du lycée. A cette condition, nous vous conventionnerons et vous pourrez bénéficier de subventions ". Soit, mais même avec ces nouveaux statuts, qui gérera vraiment ce lycée ? Seront-ce les parents élus au Conseil de gestion, ou l'Etat ? A l'égard des autorités polonaises (...) le lycée a le statut d'Ecole d'ambassade, ce qui implique que sa personnalité juridique se confonde avec celle de l'ambassade. La gestion parentale, tant que cette situation durera, ne sera qu'un leurre : le vrai pouvoir de décision restera à l'ambassade et à l'AEFE.

Surtout, il me semble que ce n'est pas le moment de passer à une gestion parentale aujourd'hui alors que la situation est je le répète, dramatique : elle fait penser à un désengagement de l'Etat qui remet entre les mains des parents un établissement sinistré en les laissant se débrouiller pour gérer une situation dont l'Etat est largement responsable puisqu'il a de facto géré cet établissement depuis des années. Dans certaines limites encore inconnues aujourd'hui, l'Etat participera financièrement à la rénovation du lycée et décidera en fait ce qu'il accepte de financer mais c'est aux parents qu'il appartiendra d'assumer les décisions prises notamment en terme d'augmentation des frais de scolarité. La gestion parentale que l'on nous propose aujourd'hui en aura le goût et la couleur mais ca n'en sera pas vraiment une.

Alors, cessons de faire semblant, disons le franchement : l'Etat, contraint et forcé, de par le statut juridique du Lycée, continuera de prendre les décisions importantes, notamment celles concernant l'avenir immobilier de l'établissement. Mais les décisions prises, pas toujours agréables, devront être entérinées par un Conseil de gestion parental, qui n'aura pas vraiment le choix. On aura alors beau jeu de dire que ce sont les parents qui ont décidé de l'augmentation des frais de scolarité que ce sont les parents qui ont décidé de l'installation de préfabriqués dans la cour etc.. . "

Les journaux polonais ont largement commenté cette situation : l'un d'entre eux, Zycie Warszawy , note ainsi que " la situation de l'école française a toutes les allures d'un scandale. L'Ambassade de France se lave les mains de la responsabilité de la santé et de la vie de ses 860 élèves tandis que les parents membres du Conseil de gestion ont démissionné. (...) Mercredi dernier avait lieu l'assemblée des parents avec les représentants de l'Ambassade. Pour cette rencontre, se prolongeant tard dans la nuit dans une ambiance nerveuse, on avait interdit l'accès au journaliste de Zycie Warsawy, qui fut expulsé de force du terrain de l'école, ce qui constitue, selon l'Ambassade une pratique naturelle dans de pareils cas. On a appris par des parents souhaitant garder l'anonymat, que l'Ambassade n'avait pas jugé utile d'informer les parents sur le danger pour la santé et la vie de leurs enfants en prétextant que le rapport était de nature interne. Et paraît-il, c'est pour les mêmes raisons que l'Ambassade avait tardé à fermer une partie des bâtiments. L'Ambassade s'est également dégagée de la responsabilité du sort des enfants en la faisant porter, après changement des statuts de l'école sur le Conseil de gestion composé de parents d'élèves. Ces derniers, considérant le vote sur les statuts peu démocratique (il n'y avait pas de quorum) et ne voulant pas endosser la responsabilité de la négligence de l'Ambassade vieille de plusieurs années, ont démissionné. (...) Le changement fréquent d'avis ou le manque d'informations sur les projets concernant l'école et nos enfants est un comportement typique des employés de l'Ambassade, commentent les anciens membres du Conseil de Gestion du lycée. "

La " fuite " ayant été à l'origine de la diffusion des conclusions du rapport d'inspection de l'expert de l'AEFE a conduit à étaler sur la place publique polonaise les problèmes du lycée français de Varsovie, qui ne sont pas dignes de notre pays. Selon les informations recueillies auprès de l'AEFE par votre rapporteur spécial, les rapports d'inspection citées plus haut ont été confirmés par une expertise complète du site par l'entreprise Veritas. Par conséquent, des décisions ont été prises afin de garantir la sécurité des élèves : certains travaux ont été engagés immédiatement (en particulier, les fuites de gaz carbonique décelées sur les conduits de cheminée ont été réparées), les cours des élèves du secondaire ont été délocalisés dans des espaces libérés au sein même de l'ambassade, une alternance étant par ailleurs organisées dans le bâtiment sécurisé du lycée afin d'assurer l'ensemble des cours. Au cours du mois d'avril, plusieurs bâtiments préfabriqués devraient être installés sur le site du lycée français grâce à une subvention de 3,5 millions de francs de l'AEFE, afin d'accueillir les classes du secondaire. Pour l'année 2001, deux solutions sont à l'étude : soit un maintien des classes du secondaire dans les bâtiments préfabriqués, soit une délocalisation des cours sur le site, d'un établissement scolaire polonais.

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