XIII - OCÉANOGRAPHIE

L'océanographie est sans doute l'une des disciplines scientifiques qui, depuis quelques années, connaît le développement le plus rapide, avec un élargissement considérable de ses centres d'intérêt et un rôle majeur à jouer dans la compréhension de l'un des défis majeurs de notre temps, le changement climatique.

Des difficultés existent certes dans le recensement des moyens indispensables de la discipline et dans la mise en place de financements pérennes.

Mais de nouveaux besoins d'investissement apparaissent dans la perspective de constituer une chaîne complète d'observations, composée de bouées de mesure, de navires de toutes tailles, de satellites et de centres de calculs.

La satisfaction de ces besoins est essentielle pour franchir un palier dans la connaissance des océans, éléments clés pour l'avenir de la planète.

1. Les équipements lourds de l'océanographie

Les moyens d'observation lourds jouent un rôle capital en océanographie et se composent de la flotte hauturière, de satellites, de la flotte côtière, de bassins d'essai et de réseaux de bouées d'observation.

La flotte française hauturière de l'IFREMER comprend actuellement l'Atalante, le Suroît, le Thalassa et le Nadir, tous navires de plus de 50 mètres, auxquels il faut rajouter le navire polaire polyvalent Marion Dufresne de l'IFRTP, le plus grand du monde.

La flotte océanographique hauturière représente un investissement cumulé de 500 millions de francs par navire. La plus grande partie de ce montant est à financer sur une période de 5 ans correspondant à la durée de construction du navire, le reliquat correspondant à la modernisation dont la date ne peut être déterminée à l'avance avec précision.

Le coût annuel d'opération d'un navire hauturier est de l'ordre de 30 à 50 millions de francs, à quoi il faut ajouter les coûts scientifiques.

Le coût d'investissement des satellites s'étage de 50 millions à 2 milliards de francs, selon leur complexité et selon qu'ils appartiennent ou non à une série de même nature. Leur durée de vie moyenne est de 5 ans. Le coût d'opération d'un satellite revient à 30 millions de francs par an.

Les réseaux d'observation, principalement les bouées dont chaque exemplaire représente un investissement de 300 000 francs environ, peuvent atteindre un total de 300 millions de francs, comme dans le cas des 3000 bouées du système ARGO, dont le coût annuel d'opération s'élève à 30 millions de francs.

Autre infrastructure indispensable, les moyens de calcul se chiffrent à 30 millions de francs environ pour les investissements et à 20 millions de francs par an en exploitation, si l'on estime les besoins de calcul de l'océanographie au tiers de ceux de l'IDRIS.

A ces très grands équipements, il faut bien entendu ajouter d'autres grands outils, comme les bassins d'essais ou d'élevage, la flotte côtière avec ses navires de 20 à 40 mètres, dont 3 appartiennent à l'IFREMER, 4 à l'INSU, 2 à l'IRD (Institut de recherche pour le développement), 1 à l'IFRTP.

2. Les équipements océanographiques de la nomenclature actuelle des TGE

Dans la nomenclature des TGE, on retient pour l'océanographie la flotte et les satellites TOPEX-POSEIDON, PROTEUS-JASON, POLDER et ERS1 et ERS2.

S'agissant de la flotte, les données communiquées par le ministère de la recherche montrent que les dépenses d'exploitation représentent la plus grande part de la dépense totale.

On constate une diminution tendancielle des dépenses de construction, depuis 1992. Le point bas de cette évolution a été atteint en 1999. Toutefois, les autorisations de programme retrouvent un niveau de 60 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2001 et devraient se maintenir à ce niveau en 2002, selon les indications données à vos Rapporteurs.

Tableau 1 : Evolution des dépenses relatives à la flotte océanographique TGE 1

millions de francs

dépenses

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999*

2000*

Flotte

(TGE scientifique)

personnel

5

4

4

5

6

6

8

7

5

6

6

exploitation

147

151

159

182

180

175

178

178

187

174

185

construction

46

37

93

60

50

49

54

34

11

10

20

total

198

192

256

247

236

230

240

219

203

190

211

Ces chiffres doivent être rapprochés de ceux fournis par l'IFREMER quant à la flotte qu'il gère.

Tableau 2 : Plan de renouvellement de la flotte de l'IFREMER de 1995 à 2000 2

millions de francs

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Total

AP financées par le BCRD

15

35,2

199,95

48,00

0

0

118,15

AP financées par les recettes propres

7,56

7,56

Total AP capitalisées

125,71

Les autres TGE océanographiques sont des satellites.

TOPEX-POSEIDON, satellite de topographie des océans, lancé en 1992 en coopération avec les Etats-Unis, a représenté une dépense de construction pour la France de 700 millions de francs et fonctionne toujours.

Tableau 3 : Evolution des dépenses relatives au satellite TOPEX-POSEIDON 3

millions de francs

dépenses

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

TOPEX-POSEIDON

(TGE scientifique)

personnel

12

12

exploitation

6

15

11

18

21

20

15

11

17

construction

189

216

142

89

68

total

189

216

148

104

79

30

33

20

15

11

17

Son successeur, PROTEUS-JASON, qui sera lancé au printemps 2001, représente une dépense de construction cumulée de près 600 millions de francs, intégrant le coût de développement de la plate-forme multi-usages PROTEUS qui sera amorti sur d'autres programmes.

Tableau 4 : Evolution des dépenses relatives au satellite PROTEUS-JASON 4

millions de francs

dépenses

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

PROTEUS-JASON

(TGE scientifique)

personnel

exploitation

construction

37

52

150

78

180

98

total

37

52

150

78

180

98

Autres TGE apportant une contribution à l'océanographie, les satellites ERS-1, lancé en 1991, et ERS-2, lancé en 1995, ont pour objet la surveillance permanente et tout temps des océans, des terres émergées et des glaces polaires, grâce à l'utilisation de techniques radars. Leur coût total de construction atteint 795 millions de francs.

Tableau 5 : Evolution des dépenses relatives aux satellites ERS1 et ERS2 5

millions de francs

dépenses

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

ERS1 et ERS2

(TGE scientifique)

personnel

12

12

exploitation

23

23

43

42

46

53

48

48

42

43

16

construction

86

105

161

185

175

76

7

total

109

128

204

227

221

141

67

48

42

43

16

On citera pour mémoire le programme POLDER intégré aux TGE pour la seule année 1996, et qui correspond à un instrument de surveillance du phytoplancton embarqué par le satellite japonais ADEOS-2, lancé à la mi-2001.

Tableau 6 : Evolution des dépenses relatives à l'équipement POLDER 6

millions de francs

dépenses

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

POLDER

(TGE scientifique)

personnel

8

exploitation

construction

total

8

On citera également pour mémoire les dépenses relatives à WOCE (World Ocean Circulation Experiment).

Tableau 7 : Dépenses relatives au TGE océanographique WOCE 7

millions de francs

dépenses

1990

1991

1992

1993

1994

1995

WOCE

(TGE scientifique)

personnel

4

4

4

4

7

55

exploitation

2

2

7

4

8

9

construction

5

4

8

7

7

3

total

11

10

19

15

22

67

Ces très grands équipements ont représenté en 1999 une dépense de 424 millions de francs, dépense qui connaît une diminution tendancielle depuis 1992 (voir graphique suivant).

Figure 1 : Evolution des dépenses annuelles relatives aux TGE océanographiques

Avec l'augmentation des dépenses relatives à l'ensemble des TGE techniques, qui elle-même est la principale cause de celle des TGE scientifiques et techniques, la baisse en valeur absolue des dépenses des TGE de l'océanographie se retrouve en valeur relative.

Figure 2 : Evolution des dépenses relatives aux TGE de l'océanographie, par rapport aux dépenses totales des TGE scientifiques et techniques

Ainsi, en 1999, les dépenses relatives aux TGE de l'océanographie ont représenté 9,3 % du total, contre 17,8 % en 1990.

3. Les besoins prévisibles

La France a engagé depuis 1995 un effort de modernisation de sa flotte hauturière, effort qui est sans équivalent en Europe.

Mais la suppression des autorisations de programme dans les lois de finances pour 1999 et 2000 pour la flotte hauturière est venue interrompre un processus de capitalisation essentiel pour la continuation de son plan de modernisation. Les 70 millions de francs prévus pour 2001 et 2002 ne constituent pas un rattrapage suffisant, puisqu'un processus continu de modernisation et de renouvellement régulier de la flotte hauturière exige à lui seul des autorisations de programme annuelles de ce montant. Par ailleurs, le financement du renouvellement de l'un des navires de façade doit être prévu.

Différentes critiques ont pu être émises dans le passé sur l'incapacité de l'océanographie en tant que discipline de prévoir et planifier le renouvellement de sa flotte hauturière, voire côtière.

Mais les années récentes témoignent d'un bel effort de prévision et d'élargissement des perspectives, avec la participation de l'Espagne au financement du Thalassa, navire spécialisé dans la recherche halieutique.

En réalité, la difficulté essentielle constatée pour l'océanographie provient de l'absence de capitalisation des autorisations de programme, qui seule pourrait garantir un financement régulier de grands équipements comme les navires océanographiques.

Par ailleurs, la France dispose avec le navire polaire Marion Dufresne d'un navire à bien des égards unique au monde. Or il lui revient deux missions, l'une de souveraineté et de soutien logistique dans les Territoires des Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) et l'autre de recherche scientifique.

Ces deux missions entrent régulièrement en conflit. En tout état de cause, il semble que le Marion Dufresne puisse être rentabilisé d'une manière plus satisfaisante qu'actuellement en étant déchargé de certaines de ses rotations logistiques. Ceci impliquerait soit la construction d'un nouveau bâtiment spécialisé dans la logistique soit des dépenses récurrentes d'affrètement.

Enfin, les stations marines constituent un réseau d'équipements lourds dont la rénovation et la modernisation trop longtemps différée s'imposent d'urgence. La flotte côtière et le réseau de bouées de l'INSU nécessitent également une modernisation urgente.

L'INSU estime au total le besoin d'investissement à 100 millions de francs par an sur 4 ans.

Compte tenu des atouts de la position géographique de la France, de la qualité de sa recherche, et de l'importance de l'océanographie pour l'étude du changement climatique, les besoins de l'océanographie ne sauraient être sous-estimés mais au contraire placés au premier rang des très grands projets de la Nation.

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