B. LA POLITIQUE AUDIOVISUELLE

L'audiovisuel (télévision et cinéma) est un secteur dont il est inutile de souligner le poids économique et les enjeux culturels. Pourtant, jusqu'aux années 1980, les interventions de la Communauté dans ce domaine sont restées marginales. Une compétence communautaire ne s'est développée au fil des années qu'à la suite d'une décision de la Cour européenne de justice appliquant au secteur audiovisuel (radiodiffusion, émissions de télévision, cinéma) la notion de libre prestation de services.

1. Le cadre juridique

Le 3 octobre 1989, le Conseil a adopté la directive dite " Télévision sans frontières " (Voir encadré). Cette directive assure la libre circulation dans la Communauté des émissions de télévision émanant des Etats membres, afin de permettre à tous les résidents d'avoir accès aux programmes européens bénéficiant de la retransmission par câble et par satellite.

Dans le traité de Maastricht entré en vigueur le 1 er novembre 1993, le secteur de l'audiovisuel est mentionné explicitement dans l'article 128 qui traite de la culture. En effet, celui-ci dispose que l'action de la Communauté peut " appuyer et compléter l'action des Etats membres " dans le domaine, entre autres, de " la création artistique et littéraire, y compris dans le secteur de l'audiovisuel ".

Ces dispositions ont été reprises à l'article 151 dans le traité d'Amsterdam. La nouveauté de ce traité réside dans le fait qu'un protocole sur le système de radiodiffusion publique dans les Etats membres a été annexé au traité. Selon ce texte, il appartient à chaque Etat membre de définir et d'organiser le service public de radiodiffusion dans les conditions qu'il juge les plus appropriées, en lui assignant les missions qui lui paraissent répondre à l'intérêt général.

LA DIRECTIVE " TELEVISION SANS FRONTIERES "

La directive " Télévision sans frontières " (TVSF) a été adoptée le 3 octobre 1989. Elle est entrée en vigueur le 3 octobre 1991 et elle a été modifiée le 30 juin 1997. Elle constitue la pierre angulaire du cadre réglementaire de l'espace européen pour les services audiovisuels. Son principal objectif est de permettre la libre circulation des émissions de télévision dans l'Union européenne. Pour ce faire, elle repose sur un principe fondamental, l'unicité du droit applicable : chaque radiodiffuseur est soumis à la législation d'un seul Etat membre, l'Etat d'établissement qui assure la responsabilité du contrôle. Les Etats membres garantissent la libre réception et retransmission sur leur territoire des émissions relevant de la compétence d'un autre Etat membre. Pour assurer la libre circulation, la directive harmonise certaines règles de base (les Etats membres pouvant mettre en oeuvre des mesures plus strictes), sur la publicité et le parrainage (limitation à 12 minutes par heure ; respect de règles déontologiques ; instauration d'un régime d'interruption des émissions ... ), la protection des mineurs, et l'interdiction de l'incitation à la haine ; le droit de réponse.

Cette directive comprend également des objectifs culturels. Un temps de diffusion majoritaire doit être consacré à la diffusion des oeuvres européennes " chaque fois que cela est réalisable ", pour encourager leur production et leur diffusion. Les oeuvres doivent également provenir de producteurs indépendants pour 10 % du temps de diffusion ou 10 % du budget de programmation, avec " une proportion adéquate " d'oeuvres récentes. Le délai entre la sortie en salle et la diffusion à la télévision d'un film est de deux ans et de un an pour les films coproduits avec l'organisme de radiodiffusion. Sous certaines conditions, des quotas linguistiques sont autorisés, mais uniquement pour les organismes de radiodiffusion non télévisuelle qui relèvent de la compétence de l'Etat qui les fixe.

Après des débats parfois acharnés, la directive a été modifiée en juin 1997 pour préciser certains points qui étaient restés obscurs, comme la notion d'oeuvre européenne.

Toutefois, des lacunes demeurent, comme le caractère ambigu de la phrase " chaque fois que cela est réalisable " qui résulte d'un compromis entre partisans du laisser faire et partisans d'une politique volontariste en matière audiovisuelle et qui lui retire une partie de sa portée. En outre, la directive est muette sur les nouveaux services multimédias qui ont pourtant des implications importantes sur l'organisation et la diffusion des programmes.

Un quatrième rapport sur la mise en oeuvre de la directive " Télévision sans frontières ", consacré à la mise en oeuvre des articles 4 et 5 de la directive pour les années 1997-1998, a été adopté le 17 juillet 2000 par la Commission européenne. L'article 4 de la directive est celui qui demande aux Etats membres de veiller " chaque fois que cela est réalisable (...) à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent à des oeuvres européennes, (...) une proportion majoritaire de leur temps de diffusion " . L'article 5 les invite à faire en sorte " chaque fois que cela est réalisable " que ces organismes " réservent au moins 10 % de leurs temps d'antenne (...) ou alternativement, au choix de l'Etat membre, 10 % au moins de leur budget de programmation, à des oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants d'organismes de radiodiffusion télévisuelle " . Selon le rapport, l'application de ces dispositions serait satisfaisante puisque la moyenne de transmission d'oeuvres européennes diffusées par les chaînes à grande audience varie entre 81,7 % et 53,3 %, avec deux exceptions  : le Luxembourg qui atteint le niveau de 100 % et le Portugal à 43 %, en raison de l'importation de programmes brésiliens. Ces chiffres sont en général en augmentation par rapport aux années antérieures. Cependant, certaines chaînes ne respectent pas ces obligations. De plus, aucun critère qualitatif, comme l'horaire de diffusion, n'est pris en compte dans l'évaluation de la Commission, basée sur des rapports nationaux. Mais surtout, ces résultats masquent la persistance de la très faible circulation des oeuvres européennes au sein de l'Union.

Au second semestre 2001, un atelier de travail sera organisé par la Commission pour évaluer le fonctionnement global de la directive. Celle-ci devrait être modifiée à l'horizon 2002.

2. Les programmes MEDIA

Les programmes MEDIA constituent le deuxième volet de la politique audiovisuelle après la directive " Télévision sans frontières ". Ils prévoient des dispositions de soutien à l'industrie européenne du film et de programmes de télévision, afin de rendre cette industrie plus compétitive et plus à même de satisfaire les besoins du nombre toujours croissant des chaînes de télévision.

Le premier MEDIA I a été adopté par le Conseil en décembre 1990 et a reçu une dotation de 200 millions d'écus pour une période de quatre années (1991-1995).

A l'échéance du programme, le Conseil a adopté, le 10 juillet 1995, sur la base de l'article 128 du traité, le programme MEDIA II (1996-2000). Moins éclectique que MEDIA I qui proposait dix-neuf programmes, MEDIA II a resserré ses priorités sur trois secteurs des industries de programme : la formation, le développement et la distribution de films et de programmes européens. L'enveloppe financière de ce programme s'élève à 310 millions d'euros (dont 62 millions d'euros pour l'année 2000).

A partir de janvier 2001, le nouveau programme " MEDIA Plus ", proposé par la Commission européenne, doit remplacer MEDIA II .

a) Le contenu du programme MEDIA Plus

Le programme MEDIA Plus se situe dans la continuité de MEDIA II : il en renforce les moyens financiers et y intègre les nouvelles technologies.

Doté d'un budget de 400 millions d'euros pour la période allant du 1 er janvier 2001 au 31 décembre 2005, il comporte deux volets.

MEDIA Plus-Formation

Ce volet, basé sur l'article 150 du traité CE concerne la formation professionnelle. Il est complémentaire des actions de formation professionnelle mises en oeuvre au niveau national dans d'autres programmes communautaires, tels que Socrates et Leonardo.

L'objectif est de renforcer la compétitivité de l'industrie audiovisuelle européenne en contribuant au renforcement qualitatif de la formation des professionnels de ce secteur.

Trois axes de formation sont définis :

- l'application des nouvelles technologies pour la production de programmes audiovisuels  ;

- la gestion économique, financière et commerciale , y compris les règles juridiques et financières et les techniques de financement de la production et de la distribution de programmes audiovisuels  ;

- les techniques d'écriture de scénarii permettant de s'adresser à un public plus large.

Les actions prioritaires mises en oeuvre pour poursuivre les objectifs mentionnés sont la formation à distance, les métiers de la distribution et du multimédia, la promotion des stages en entreprise, la formation des formateurs et la mise en réseau des organismes assurant les formations.

Ce programme repose sur le principe du cofinancement .

Il repose également sur le principe selon lequel une majorité des participants à une action de formation doit être d'une nationalité différente du pays où a lieu la formation. En outre, 10 % des fonds disponibles annuellement sont réservés à des actions nouvelles.

L'enveloppe financière est de 50 millions d'euros pour la période 2001-2005.

MEDIA Plus-développement, distribution et promotion

Ce volet, basé sur l'article 157 du traité, vise à améliorer la compétitivité de l'industrie audiovisuelle de l'Europe sur ses marchés intérieur et international, en soutenant le développement, la distribution et la promotion des oeuvres audiovisuelles européennes.

En effet, la grande faiblesse de l'industrie audiovisuelle européenne réside dans la faible circulation des films et programmes audiovisuels non nationaux. Elle entrave ainsi la rentabilité de ces oeuvres et la production de revenus susceptibles d'être réinvestis dans la production d'oeuvres nouvelles.

Ce programme vise donc à faciliter l'adoption d'une stratégie de développement international par les opérateurs dans toute la chaîne, de la conception à la distribution, de l'écriture du scénario à la distribution internationale des oeuvres.

L'intervention communautaire est subsidiaire dans ce domaine à celle des Etats membres. Elle se concentre sur deux secteurs.

dans le développement en amont , deux types d'actions sont prévus :

- des prêts en faveur de projets individuels présentés par des producteurs ;

- des aides non remboursables pour des " paquets de projets " émanant de sociétés de production.

dans la distribution et la diffusion :

- des avances conditionnellement remboursables pour encourager les distributeurs à investir dans l'acquisition et la promotion de films cinématographiques européens non nationaux ;

- un soutien financier automatique aux distributeurs européens, proportionnel aux entrées en salles réalisées par ces films dans la limite d'un certain plafond pour favoriser leur diffusion sur les marchés européen et international et encourager les exploitants de salles à en programmer une part significative. Ce soutien sera déterminé en fonction du nombre d'entrées, mais aussi des activités de sensibilisation et d'éducation en faveur du public ;

- une aide à la production de bandes sonores internationales de films européens ;

- un apport aux mandataires de vente, c'est-à-dire aux sociétés européennes de distribution internationale de films ;

- un soutien sélectif aux producteurs indépendants pour la diffusion télévisuelle ;

- une mesure destinée soutien à la diffusion d'oeuvres européennes sur de nouveaux supports (comme Internet) ;

- une autre destinée à la distribution d'oeuvres européennes sur des supports, comme la vidéo ou le DVD ;

- un soutien aux éditeurs visant à encourager la création de catalogues d'oeuvres européennes.

En outre, des projets pilotes seront mis en oeuvre par la Commission européenne, notamment dans le domaine de la valorisation du patrimoine cinématographique européen et en matière de diffusion d'oeuvres européennes par des chaînes et services audiovisuels numériques et thématiques.

Ce programme repose sur le principe du cofinancement , l'apport communautaire ne pouvant normalement dépasser 50 % du coût total (60 % dans des cas expressément prévus).

Ce programme est doté de 350 millions d'euros pour la période du 1 er janvier 2001 au 31 décembre 2005.

b)  Une négociation difficile

Les négociations sur MEDIA Plus ont achoppé sur trois points :

L'équilibre entre logiques industrielle et culturelle

Les objectifs de MEDIA Plus sont à la fois culturels et industriels, puisqu'il s'agit par ce programme de " renforcer la compétitivité des industries audiovisuelles européennes " et de " sauvegarder la diversité culturelle ". Or, l'accent a été surtout mis sur l'aspect industriel, comme l'illustre la base juridique retenue pour le second programme de MEDIA Plus, à savoir l'article 157 alinéa 3 qui concerne l'industrie et non la culture.

Le Parlement européen avait proposé de se fonder sur l'article 151, ce qui renforçait son rôle, le faisant passer de la consultation à la codécision.

Mais cette proposition n'a pas été suivie par le Conseil des ministres.

L'opposition entre " grands " et " petits " Etats membres

La ventilation de MEDIA Plus entre les différentes étapes de l'élaboration d'un film (formation d'une part, développement, distribution et promotion, d'autre part) a soulevé de grandes difficultés.

En effet, le débat a mis en évidence l'antagonisme entre les petits pays qui considèrent que l'ensemble du programme, y compris la distribution, doit être au service du développement de la production européenne et les grands qui, à l'instar de la France, considèrent que l'objectif premier doit être la circulation des oeuvres européennes.

La raison essentielle de cet antagonisme tient à la faiblesse des dispositifs nationaux d'aide à la production audiovisuelle dans les petits pays. D'où leur volonté de renforcer leur dispositif national par un apport communautaire, alors que les grands pays s'y opposent, au nom de la complémentarité entre les aides nationales et communautaires.

La question du financement

Cette question a été pendant longtemps la plus controversée.

Le budget de 400 millions d'euros, proposé par la Commission, correspond à une augmentation de 30 % par rapport à MEDIA II qui était, doté de 310 millions d'euros.

Certains pays, comme l'Italie et l'Espagne, souhaitaient que cette dotation soit supérieure. Le Royaume-Uni et l'Allemagne s'y opposaient pour des raisons essentiellement budgétaires. D'autres Etats, comme la Suède, souhaitaient que le budget de MEDIA Plus soit le même que celui de MEDIA II, soit 310 millions d'euros. Les Pays-Bas souhaitaient, quant à eux, une baisse substantielle de ce budget à 266 millions d'euros. Quant à la France, elle considérait le montant de 400 millions d'euros comme un montant minimum, sans se prononcer sur une éventuelle augmentation.

Le rapporteur du programme à la commission de la Culture du Parlement européen, Mme Ruth Hieronymi, considérait que le montant de 400 millions d'euros était un montant minimal, qui devrait être porté à 550 millions d'euros, dont 70 millions pour le volet formation, au lieu de 50, et 380 pour le volet développement/distribution/promotion, contre 350.

Lors du dernier Conseil des Ministres de la Culture et de l'audiovisuel de la présidence française, le 23 novembre 2000, la France a pu obtenir un accord, à hauteur de 400 millions d'euros, sur le budget global du programme MEDIA Plus.

Elle avait fait de l'adoption de MEDIA Plus l'une de ses priorités et s'est félicitée de voir ainsi aboutir ses efforts pour convaincre ceux de ses partenaires (Allemagne, Pays-Bas et Royaume-Uni) qui défendaient un budget beaucoup plus limité, de rallier la proposition de budget établie par la Commission.

De plus, le compromis auquel a abouti le Conseil est globalement satisfaisant, car les modifications apportées à la proposition initiale de la Commission sont restées marginales.

Ainsi, la répartition des ressources financières à l'intérieur des différents volets de la décision " MEDIA Plus Développement, Distribution et Promotion ", qui avait été très contestée, a peu évolué. La part du développement est ainsi passée de 18,3 % à " au moins 20 % ", celle de la distribution de 55,4 % à " au moins 57,5 % ", les parts des volets " promotion " et " projets pilotes " étant inchangées.

Parmi, les autres modifications , il a été prévu d'inclure :

• un troisième mécanisme en matière de soutien au développement, destiné à soutenir des " paquets de projets " pour des sociétés à capacités de financement réduites ;

• une plus grande flexibilité en matière de projets pilotes puisque l'énumération d'actions précises a été remplacée par l'inscription de domaines.

Enfin, la proposition " MEDIA Plus Formation " a été modifiée de façon à ce que le programme soit exclusivement consacré à la formation professionnelle, et non plus à la formation initiale et qu'un lien soit établi entre la formation et le développement.

En résumé, par rapport à MEDIA II, MEDIA Plus représente un progrès à la fois quantitatif et qualitatif. Son budget est en augmentation de 30 %. Et avec l'introduction de projets pilotes, il a été concentré.

Toutefois, si MEDIA Plus est un programme ambitieux, il dispose de moyens trop faibles pour avoir l'impact espéré.

En effet, son budget de 400 millions d'euros sur cinq ans, soit 80 millions d'euros par an, pour un champ de quinze Etats membres, élargi aux pays candidats et aux pays de l'EEE correspond, à peu de choses près, à titre de comparaison, au budget promotionnel du seul film américain " Titanic " . Autre exemple, le Centre National de la Cinématographie affecte en France à l'audiovisuel et au cinéma 2,5 milliards de francs, soit environ 400 millions d'euros . Ainsi, le budget total de MEDIA Plus correspond au budget que la France consacre chaque année au soutien de son industrie audiovisuelle, alors qu'il est destiné à dix-sept pays et cela pour une période de cinq ans.

DÉPENSES RELATIVES À LA CULTURE DANS LE BUDGET COMMUNAUTAIRE POUR 2001

Chapitre

Montant en millions d'euros

Part en %

B-3-2 culture et audiovisuel

111

0,12 %

dont :

CULTURE 2000

MEDIA Plus

33

76

0,03 %

0,09 %

Subventions de fonctionnement accordées par le Parlement européen

4,4

0,004 %

A 3022

A 3042

1,8

2,6

Part des fonds structurels consacrés à la culture (estimation)


400


0,4 %

Total sans éducation

515

0,54 %

Education (programme Socrates)

246

0,25 %

Total avec éducation

761

0,8 %

3. Les autres actions communautaires

Les principales d'entre elles sont la participation de la Communauté à l'Observatoire européen de l'audiovisuel (" Eureka audiovisuel ") et le prix européen du cinéma.

La Commission a créé, l'année dernière, un prix européen du cinéma attribué, une fois par an, au réalisateur d'un premier film ayant bénéficié d'une subvention dans le cadre du programme MEDIA. Ce prix a été décerné pour la première fois à l'occasion de la clôture de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, à Damien O'Donnel, jeune réalisateur irlandais de " East is East ".

En outre, la Banque européenne d'investissement (BEI) a annoncé son intention de soutenir la production de contenus audiovisuels européens, en complémentarité avec les systèmes nationaux de soutien et le programme MEDIA Plus. Une action spécifique pour la période 2001-2003 pourrait être adoptée par le conseil d'administration de la BEI. La forme de cette intervention serait un mécanisme de capital risque.

L'OBSERVATOIRE EUROPEEN DE L'AUDIOVISUEL

Les ministres ou représentants de 26 Etats européens, ainsi que le président de la Commission européenne réunis le 2 octobre 1989 à Paris, ont adopté la déclaration commune portant création de l'Observatoire européen de l'audiovisuel (Eurêka audiovisuel). Le 12 juin 1992 à Helsinki, ils décidaient d'instituer l'Observatoire européen de l'audiovisuel et lui fixaient pour objectifs d'améliorer le transfert de l'information au sein de l'industrie audiovisuelle et de promouvoir une meilleure visibilité du marché et une plus grande transparence. L'Observatoire était appelé à se " concentrer en premier lieu sur les grandes catégories d'informations demandées par les professionnels ".

En conséquence, l'Observatoire a été fondé à Strasbourg sur la base d'un " accord partiel " du Conseil de l'Europe adopté le 15 décembre 1992. En particulier il a pour mission de collecter et de traiter l'information et les statistiques relatives au secteur de l'audiovisuel (à savoir les informations juridiques, économiques, et les programmes) ".

La Commission européenne est membre de l'Observatoire depuis sa fondation et est représentée dans ses instances constituantes (Conseil exécutif et Comité consultatif) ainsi que dans ses divers organes fonctionnels tels que le Comité financier et le Comité de rédaction d'IRIS (la lettre d'information juridique). Elle contribue au budget de fonctionnement de l'Observatoire depuis sa création selon une pondération financière qui la place au niveau des plus grands membres, c'est à dire 12,25 % du budget global (sa contribution sera donc de 200 000 euros en 1999).

Toutefois, la participation de la Commission européenne à l'Observatoire européen de l'audiovisuel n'avait pas été officialisée. C'est la raison pour laquelle le Conseil des ministres a décidé d'officialiser cette participation, en novembre 1999, et de confier à la Commission la mission de représenter la Communauté dans ses relations avec l'Observatoire. Afin de permettre cette participation et de satisfaire à certaines exigences financières propres à la Commission, le Conseil de l'Europe a adopté, le 21 septembre 2000, une résolution prévoyant un nouveau statut et un nouveau règlement financier pour l'Observatoire. Sur cette base, la participation de la Communauté à l'Observatoire devrait être officialisée sous la forme d'un échange de lettres.

4. Les perspectives

a) L'écrasante supériorité américaine

Alors que la part de marché des différentes productions cinématographiques nationales des Etats membres est assez faible, de l'ordre de 32 % pour la France, 14 % pour l'Allemagne, 16,5 % pour le Royaume-Uni, 23,6 % pour l'Italie et 13,8 % pour l'Espagne, en 1998, ce sont principalement les films américains qui comblent la différence. Ainsi, la part de marché du cinéma américain représente 57 % en France, 62 % en Italie, 72 % en Espagne et 80 % au Royaume-Uni.

Pourtant, l'Union européenne produit plus de films que les Etats-Unis (630 longs métrages en 1998, contre 509). Mais, la supériorité du cinéma américain est à la fois qualitative et quantitative. Ainsi, les quinze films qui ont réalisé les meilleures entrées dans l'Union européenne en 1998 sont tous des films américains.

Sans dénier au cinéma américain ses propres qualités, il semble, toutefois, que la faiblesse structurelle de l'industrie audiovisuelle européenne pèse d'un grand poids dans ce constat. C'est ainsi que l'Union européenne accuse un net retard par rapport aux Etats-Unis, tant en matière de développement où les dépenses engagées à cette fin représentent 15 à 20 % d'un budget, contre 5 à 6 % en Europe, que de promotion.

Par ailleurs, le récent rapport de l'Observatoire européen de l'audiovisuel souligne la très mauvaise circulation des oeuvres à l'intérieur de l'Union . Ainsi, concernant le cinéma, la part des productions américaines est de 70 % en moyenne, tandis que la part de marché prise par les films européens distribués en dehors de leur principal pays de production est de 7 %. A la télévision, les oeuvres de fiction américaines importées représentent 74 % du volume total des programmes, contre 14 % pour les oeuvres originaires d'autres pays européens.

b) L'enjeu du numérique

La technologie numérique est en train de transformer profondément le secteur audiovisuel. La numérisation ne se traduit pas simplement par un accroissement de l'information et du contenu audiovisuel transmis au citoyen. Elle permet également à beaucoup de nouveaux opérateurs de prendre part à la production et à la distribution de ces informations. A titre d'exemple, alors que les réseaux de télévision par câble, avec les techniques de transmission analogique, ne permettent que de diffuser entre trente et quarante chaînes, les réseaux numériques câblés proposent non seulement des centaines de chaînes de télévision, mais aussi des services interactifs, la téléphonie vocale, et un accès rapide à Internet.

Une place particulière mérite d'être faite à ce dernier. Il permet, en effet, d'accéder à une quantité virtuellement infinie de données électroniques, à un coût de plus en plus réduit, en ouvrant ainsi de multiples horizons aux fournisseurs de contenu, y compris les créateurs, producteurs et distributeurs du secteur audiovisuel. La télévision numérique jouera ainsi un rôle très important à cet égard : grâce à un décodeur ou un téléviseur numérique intégré, elle pourrait bien devenir la porte d'entrée de la plupart du contenu en ligne et du commerce électronique.

Ce nouveau contexte comporte des implications majeures sur la réglementation du contenu audiovisuel et l'avenir des programmes communautaires. Il est la source de nouvelles opportunités, mais aussi de craintes majeures qui rendent indispensable une intervention européenne en la matière.

La Commission européenne a précisé ses priorités pour les cinq années à venir et élaboré les objectifs et les principes de la politique audiovisuelle à moyen terme, dans une communication du 14 décembre 1999, intitulée " Principes et lignes directrices de la politique audiovisuelle à l'ère numérique ". Elle considère que la réglementation du contenu audiovisuel doit être guidée par plusieurs principes : le principe de proportionnalité, le principe de la séparation de la réglementation du transport et du contenu, les objectifs relevant de l'intérêt général, enfin la reconnaissance du rôle du service public.

Les quinze Etats membres ont approuvé ces orientations lors d'une session du Conseil des ministres de la culture et de l'audiovisuel le 16 mai 2000. Dans leurs conclusions, ils ont souligné notamment que le passage de la télévision analogique à la télévision numérique exigera une action concertée des pouvoirs publics, des opérateurs, des fournisseurs de contenu et de services ainsi que des organisations de consommateurs. Toutefois, l'idée d'un calendrier commun a été écartée.

Si l'on doit souhaiter que l'Union européenne mette en oeuvre une stratégie commune dans ce domaine, on peut cependant craindre, à cette occasion, une remise en cause de l'acquis communautaire en matière audiovisuelle. Ainsi, il convient de faire preuve de vigilance en ce qui concerne la révision de la directive " Télévision sans frontières ", car on assiste à une remise en cause des quotas, tant par la Commission européenne que par certains Etats membres. Or, ces quotas sont la manifestation la plus visible de cette politique.

De la même manière, la complémentarité des aides nationales et communautaires devrait être préservée, face à la menace d'une remise en cause des systèmes nationaux de soutien à l'audiovisuel par l'application des règles de concurrence.

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