B. EXPLORATION DU SYSTÈME SOLAIRE

Notre système solaire, qui est aujourd'hui notre seule référence, comprend, outre son étoile centrale, trois classes d'objets : les planètes telluriques (Mercure, Vénus, la Terre, Mars) ; les planètes géantes (Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune) ; les petits corps (astéroïdes et comètes, ainsi que Pluton qu'il conviendrait de classer dans cette catégorie).

Dans le système solaire, plusieurs types d'objets présentent un intérêt majeur : (i) des corps différenciés susceptibles d'abriter ou d'avoir abrité une forme de vie ; cela concerne en premier lieu Mars, mais peut-être aussi certains satellites des planètes géantes ; (ii) des objets planétaires où une chimie organique complexe se déroule actuellement (Titan) ; (iii) des objets reliquats de la formation du système solaire (astéroïdes, comètes) ayant pu contribuer à la chimie prébiotique de la Terre primitive pendant la phase initiale de bombardement météoritique intense, (iv) le milieu interplanétaire et sa physico-chimie.

On remarque que la Terre et ses deux voisines, Vénus et Mars, présentent au premier abord certaines ressemblances ; dimensions, densité, composition chimique, sont en effet assez voisines. Il est vraisemblable que lors de leur formation, il y a quatre à cinq milliards d'années, l'apparence de ces trois planètes devait être très similaire. Mais par la suite, elles ont subi une évolution complètement divergente si bien qu'elles présentent aujourd'hui des apparences très dissemblables, qu'il s'agisse de la température, de la pression, de la composition de l'atmosphère, du volcanisme, ou de l'activité tectonique. Comprendre ce qui a conduit à cette situation peut nous aider à mieux appréhender les facteurs qui gouvernent l'évolution naturelle de notre propre planète.

1. L'exploration de Mars

Un programme international à long terme d'exploration de Mars se met progressivement en place afin de réaliser l'étude globale des paramètres physiques de la planète (atmosphère, surface et intérieur) et de retracer ainsi l'histoire complexe de son évolution depuis sa formation. Après la perte de la mission Mars-96, l'ESA a décidé l'étude de la mission Mars Express qui doit emporter en 2003 des instruments orbitaux dérivés de ceux de Mars-96 ainsi qu'un atterrisseur britannique Beagle-2 dédié à la recherche de la vie. La France contribue à la charge utile scientifique par la fourniture des instruments Omega de spectro imagerie visible et infrarouge pour l'étude du sol et de l'atmosphère, Spicam pour l'étude chimique de l'atmosphère et contribue à Aspera pour l'étude de l'environnement ionisé de Mars.

De son côté, la NASA a décidé le programme Mars Surveyor suite à la perte de Mars Observer en 1993. Ce programme a débuté de façon spectaculaire avec la mission Mars Pathfinder dont le véhicule Sojourner a effectué des analyses de roches durant l'été 97. Une seconde mission, Mars Global Surveyor, est en phase de cartographie de Mars depuis début 99. La France participe à cette mission par des contributions scientifiques et instrumentales (détermination du champ magnétique et du champ de gravité de la planète) ainsi que par la fourniture d'un relais de données. Des résultats importants ont été obtenus depuis : imagerie à haute résolution, découverte d'un champ magnétique crustal dans l'hémisphère sud, altimétrie et champ de gravité.

Ce programme prévoit ensuite les envois d'une ou deux sondes à chaque fenêtre de lancement vers Mars entre 2000 et 2007, qui visent à préparer la mission de retour d'échantillons martiens. En effet, l'échec des deux missions Mars Climate Orbiter et Mars Polar Lander lancées en 1998 a conduit à un étalement du programme avec un décalage des missions envisagées. En 2001, le lancement de l'orbiteur équipé d'un spectromètre gamma de nouvelle génération fourni par la France est confirmé.

La démarche programmatique retenue donne à la France, à travers le CNES, une position de leader européen pour l'exploration martienne, par une participation à toutes les missions qui seront lancées vers la planète rouge au-delà de 2003. Ce programme comprend 3 pôles : connaissance globale depuis l'orbite, recherches au sol, retour d'échantillons.

Les deux principaux éléments de ce programme sont une coopération avec la NASA d'une part, principalement axée sur la préparation de la première mission de retour d'échantillons martiens au début de la prochaine décennie, et une coopération avec les partenaires européens d'autre part, pour le déploiement du réseau NetLander d'atterrisseurs destinés à l'étude de la structure interne et du climat de la planète.

Une étape-clé de ce programme est la fenêtre de 2007. Pour cette occasion, le CNES entreprend le développement d'un véhicule orbiteur, prototype de celui de la future mission de retour d'échantillons. Il emportera les NetLanders comme passagers et validera l'insertion en orbite martienne par aérocapture. En phase orbitale, il servira de relais aux NetLanders pendant leur vie opérationnelle tout en effectuant un ensemble de mesures par télédétection, puis reviendra vers la Terre en rapportant un échantillon d'atmosphère de Mars. Cette mission associe un volet scientifique améliorant notre connaissance de la planète et un volet technique innovant préparant de futures missions plus ambitieuses : aérothermodynamique, navigation, propulsion (notamment propulsion électrique). Lors du même créneau de 2007, le lancement d'un lander US, prototype de celui de la mission de retour d'échantillons, permettra l'emport d'une charge utile in situ à laquelle les laboratoires français devraient contribuer de manière significative.

La perspective du retour d'échantillons martiens a joué un rôle fédérateur en mobilisant au-delà des laboratoires spatiaux de très nombreuses équipes issues des sciences de la Terre et des sciences de la vie. Un programme de préparation des laboratoires à la manipulation et à l'analyse des échantillons rapportés, incluant la définition de nouveaux outils et l'élaboration de méthodologies spécifiques sera mis en place ; en parallèle un plan de mise à niveau des équipements fera qu'ils seront à même de répondre aux futurs appels à propositions car la sélection des équipes qui auront accès aux échantillons se fera selon le seul mérite scientifique au niveau mondial.

2. Comètes : Rosetta

Les petits corps, astéroïdes et comètes, qui constituent les reliquats de la matière primitive à partir de laquelle s'est formé le système solaire, ont joué un rôle essentiel non seulement au cours de ce processus de formation mais également dans l'évolution biologique. Les premiers sont des blocs de composition et de texture variable tandis que les secondes sont des agrégats de glaces et de poussières. Les comètes sont supposées provenir d'un nuage à la périphérie du système solaire ; de temps à autre, une perturbation gravitationnelle due à l'une des planètes géantes propulse l'une d'entre elles à l'intérieur du système solaire. On pense qu'une fraction importante de la matière organique terrestre, à partir de laquelle se sont constituées les briques élémentaires de la vie, a pu être apportée par les comètes. En 1985, plusieurs sondes interplanétaires, dont la sonde européenne Giotto, ont étudié la célèbre comète de Halley lors de son plus récent passage à proximité de la Terre.

La mission européenne Rosetta (troisième pierre angulaire du programme Horizon 2000), qui sera lancée en janvier 2003, ira à la rencontre de la comète Wirtanen qu'elle accompagnera pendant une partie de son orbite afin d'étudier in situ le noyau et son activité pendant son approche du Soleil (processus à la surface du noyau et dans la chevelure, interaction avec le vent solaire). De plus, il est prévu que Rosetta largue un atterrisseur sous responsabilité allemande appelé "Rosetta Lander", qui se posera sur la surface même du noyau cométaire et y effectuera des prélèvements et des analyses in situ afin de mieux connaître la structure du matériau cométaire, sa nature et sa composition minéralogique, chimique et isotopique, notamment sa composante organique dont la composition chimique et moléculaire n'est à l'heure actuelle pas connue.

La France contribue de façon majeure à la mission par une participation importante à la charge utile scientifique (10 contributions instrumentales dont 2 sous responsabilité française) ainsi qu'une participation technique à l'atterrisseur. La rencontre avec la comète est prévue en août 2011, la mise en orbite autour de la comète aura lieu en août 2012. La mission doit prendre fin au passage au périhélie de la comète en juillet 2013.

3. Saturne & Titan: Cassini-Huygens

Une moisson fabuleuse de résultats a été apportée par les deux sondes américaines Voyager qui ont successivement visité les planètes géantes du système solaire. Très récemment, la sonde américaine Galileo en orbite autour de Jupiter a largué une sonde dans l'atmosphère épaisse de la planète. Le 15 octobre 1997, pour une mission de 4 ans, a été lancée la mission internationale Cassini-Huygens d'étude du système de Saturne et en particulier de son satellite Titan. La particularité de ce dernier, de taille comparable aux planète telluriques, est de posséder une atmosphère dont on pense qu'elle pourrait ressembler à celle de la Terre primitive. L'orbiteur américain Cassini procédera à une étude détaillée de l'atmosphère, des anneaux et de la magnétosphère de Saturne, et se livrera à une étude rapprochée de ses satellites. Il larguera notamment la sonde européenne Huygens dans l'atmosphère de Titan. Huygens analysera la composition de l'atmosphère de Titan et tentera de mettre en évidence les réactions chimiques dont elle peut être le siège, et en particulier de détecter des molécules organiques semblables à celles qui ont pu contribuer à la chimie prébiotique terrestre.

Le lancement a été réalisé par une fusée Titan IV depuis le centre spatial Kennedy et l'arrivée vers Saturne est prévue en juin 2004. La sonde Huygens, contribution majeure de l'Europe à cette mission, sera larguée dans l'atmosphère de Titan en novembre 2004. La charge utile de l'orbiteur et de la sonde est répartie globalement pour moitié entre européens et américains. Huit expériences à participation française ont ainsi été sélectionnées dont l'une, ACP (collecte et pyrolyse d'aérosols de Titan) sous responsabilité française est embarquée à bord de Huygens afin d'analyser la composition moléculaire des aérosols de l'atmosphère.

Les activités concernant Cassini-Huygens, satellite d'exploration du système de Saturne, lancé en octobre 1997, se poursuivent. L'orbiteur de Saturne Cassini développé par la NASA et la sonde Huygens développée par l'ESA atteindront la planète en 2004.

La sonde Huygens sera larguée pour pénétrer dans l'atmosphère de Titan, satellite de Saturne. Pendant les deux heures et demi de descente, la sonde effectuera des analyses de l'atmosphère à l'aide de six instruments scientifiques. Parmi ces instruments, figurent un chromatographe en phase gazeuse couplé à un spectrographe de masse, GCMS, conçu par une équipe américaine (NASA Goddard) avec une participation française importante et un collecteur et pyrolyseur d'aérosols, ACP, à responsabilité française (PI. Guy Israel, Service d'Aéronomie, verrières le Buisson).

Lors de la descente de la sonde dans l'atmosphère de Titan, l'instrument ACP réalisera le prélèvement d'aérosols de l'atmosphère, la pyrolyse et l'injection des produits de la pyrolyse dans l'instrument d'analyse GC-MS, à différentes altitudes. L'objectif est d'identifier la composition moléculaire des grains ou aérosols de l'atmosphère de Titan dont on prévoit qu'ils sont riches en composés organiques et azotés. Les deux composants majoritaires de l'atmosphère, azote et méthane, peuvent en effet donner lieu par photochimie à des composés organiques complexes, dont certains ont un grand intérêt pour la chimie prébiotique (tels que les bases azotées).

4. Jupiter : Galileo

La mission Galileo continue son étude du système de Jupiter et de ses satellites. La France est impliquée dans les instruments NIMS de spectro-imagerie infrarouge pour l'étude de l'atmosphère de Jupiter et des surfaces de ses satellites, et PWS, instrument plasma pour l'étude des ondes de la magnétosphère de Jupiter.

5. Physique des plasmas spatiaux

La physique solaire, le vent solaire et son interaction avec l'environnement terrestre ionisé et neutre ou avec celui des autres planètes du système solaire font intervenir des processus dont les caractéristiques physiques sont très semblables. Plus précisément, il s'agit de comprendre les processus physiques qui organisent l'héliosphère, en tant que système, et assurent les couplages entre ses divers éléments :

- Champ magnétique solaire, qui conduit à l'organisation spatiale de l'atmosphère solaire et de l'héliosphère. Un accent particulier est mis sur la compréhension des processus de dissipation de l'énergie magnétique, sur sa conversion sous différentes formes, sur le chauffage de la couronne, et l'échappement du vent solaire, ainsi que sur les processus d'interaction, entre ce vent de plasma et le milieu interstellaire ;

- Interaction entre le vent solaire et les différents corps du système solaire (planètes ou comètes). Cette interaction est multiforme suivant les corps considérés (planète avec ou sans champ magnétique interne) et peut se révéler très complexe comme par exemple dans le cas de Jupiter et de son satellite Io ;

- Interaction entre le vent solaire et le champ magnétique terrestre, en régime non collisionnel, décélération au niveau du choc d'étrave, transport "anormal" au niveau de la magnétopause, dynamique de la queue magnétique de la Terre. Accélération dans les régions de hautes latitudes et interaction entre le plasma accéléré, puis précipité, et les couches denses (collisionelles) de l'ionosphère et de l'atmosphère terrestre.

C'est à ce niveau que se situe le couplage avec notre environnement ; il est donc nécessaire de mesurer, pour être à même un jour de les prévoir, les conséquences de l'interaction entre les perturbations solaires (particules accélérées, vent solaire, perturbations magnétiques...) et le champ magnétique terrestre.

Cette interaction peut avoir des conséquences variables et importantes sur notre environnement; un certain nombre d'études statistiques semblent confirmer que l'activité et le cycle solaire ont une influence :

- sur les paramètres climatiques globaux de notre planète

- sur les conditions d'opération des satellites en orbite circumterrestre.

Pour mener à bien l'étude du système "global" Soleil-Terre, être capable de comprendre les processus de "mélanges d'échelles" qui s'y déroulent et évaluer leur rôle, la communauté scientifique dispose de moyens complémentaires :

- avec les données sol du radar Eiscat/Esr, celles du réseau de radars SuperDarn et du Radiohéliographe de Nançay.

- avec les données des expériences spatiales embarquées sur les missions Interball, Polar, Equator/S pour l'étude de la magnétosphère terrestre, Ulysses et Wind pour l'étude du milieu interplanétaire, Galileo et Mars Global Surveyor pour l'étude des milieux ionisés planétaires.

- avec les expériences réalisées en ballon (Interboa).

L'Agence spatiale européenne a reconstruit et lancé sur des lanceurs Soyuz fournis par Starsem, les quatre satellites Cluster détruits au cours du vol inaugural du lanceur Ariane 5 en juin 1996.

L'objectif de la mission Cluster est de réaliser la cartographie en temps réel et à mésoéchelle (quelques centaines à 10.000 km) de la turbulence du plasma dans quelques régions clés de la magnétosphère terrestre. On pourra en déduire les transferts de matière, de quantité de mouvement et d'énergie qui régissent la physique de ce système complexe.

Il faut pour cela disposer d'un ensemble homogène de mesures : mesures électromagnétiques (ondes, fluctuations magnétiques), composition du milieu (particules), densité, vitesse moyenne et pression du plasma ainsi que - et c'est essentiel - les gradients de ces quantités qui sont les moteurs du système magnétosphérique.

Pour la première fois, la mission Cluster devrait permettre la séparation des variables de temps et d'espace dans la description de ces phénomènes, à une échelle intermédiaire entre l'effet global du vent solaire et les phénomènes à petite échelle dont témoignent des effets spectaculaires comme les aurores polaires (boréales et australes). Pour cela, il faut impérativement mesurer les phénomènes sur un ensemble de points permettant de séparer les variables, à savoir au minimum 4 points disposés en configuration tétraédrique.

L'ouverture du CDPP (Centre de données de la physique des plasmas), en coopération entre le CNES et le Centre d'Etude Spatiale des Rayonnements (Toulouse), permet à la communauté scientifique de disposer d'un outil qui facilitera l'accès aux données de la discipline et assura leur préservation à long terme. La base de données contient déjà les résultats d'expériences sur Viking, Arcad 3, Wmd et Interball. L'incorporation de données nouvelles dans la base va se poursuivre à un rythme soutenu.

Dans le domaine de l'étude des magnétosphères planétaires, le CNES poursuivra l'exploitation des données des missions européennes SOHO et CLUSTER et cherchera à valoriser ces données, notamment à travers le CDPP pour CLUSTER. La priorité de la participation française à la mission BEPI COLOMBO de l'ESA sera mise sur l'orbiteur magnétosphérique. Au-delà, une participation significative à la charge utile de la mission Solar Orbiter de l'ESA est envisagée.

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