B. LA RUSSIE

La relation avec la Russie pose des problèmes très spécifiques. Elle s'inscrit dans la suite d'une longue tradition de coopération spatiale entre la France et l'Union soviétique, initiée par l'accord de Gaulle-Brejnev en 1966 ; restreinte d'abord à la recherche scientifique puis étendue aux vols de « spationautes » français sur les stations soviétiques. Cette coopération n'a pas d'équivalent européen, l'Union soviétique ayant toujours manifesté son hostilité aux institutions européennes. L'Allemagne a conduit une démarche coopérative de même nature mais beaucoup plus limitée.

Le contexte politique a complètement changé avec la disparition de l'Union soviétique mais il subsiste, de ce partenariat fructueux, l'impression partagée d'une relation de travail facile et équilibrée entre partenaires français et russes. Le succès de Starsem a peut-être bénéficié, à l'origine de ce contexte puis il a contribué à le consolider. Il existe donc, de part et d'autre, le sentiment d'une relation humaine favorable à des entreprises communes. Il reste naturellement à déterminer s'il existe une base d'intérêt commun pour de telles entreprises.

Du côté russe, le fondement de cet intérêt, de purement politique qu'il était au temps de l'Union soviétique, est devenu purement financier et économique. Le problème auquel sont confrontés les responsables soviétiques est de préserver, dans la mesure du possible, une lourde machine industrielle, autrefois exclusivement alimentée par des crédits étatiques qui sont presque complètement taris. Au-delà de cette urgence et des conséquences qu'elle comporte, il semble que le développement d'une coopération spatiale entre l'Europe et la Russie puisse se fonder sur des intérêts communs très généraux.

C'est en effet pour la Russie la seule alternative à une relation exclusive avec les États-Unis, relation dont les limites seront automatiquement marquées par la volonté de dominance américaine et le refus de dépendance mutuelle. Ces deux facteurs n'interviendraient pas de la même façon dans une relation Europe-Russie. L'Europe pourrait bénéficier de l'étendue des savoir-faire techniques acquis dans certains domaines, comme la propulsion alors qu'en sens inverse, la demande russe d'installation d'un pas de tir Soyuz à Kourou semble témoigner d'une volonté d'ouverture vers l'Europe. Bien entendu, cette analyse peut s'étendre à des secteurs industriels voisins de l'espace.

Une relation exclusive de la Russie spatiale avec les États-Unis aurait évidemment pour l'Europe l'inconvénient d'accentuer l'hégémonie spatiale américaine. Il semble donc souhaitable de chercher à élargir la coopération de l'Europe spatiale avec la Russie, quelles que soient les difficultés et les incertitudes que cette démarche puisse rencontrer dans l'avenir : incertitudes résultant de celles qui affectent l'évolution du système politique de la Russie, difficultés liées notamment au fait que nos partenaires européens ne possèdent pas, dans ce domaine, le capital d'expérience de la France.

C'est, compte tenu de ce contexte élargi, que l'on doit notamment examiner l'avenir de la coopération organisée autour des lanceurs Soyuz.

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