2. Une procédure budgétaire complexe et conflictuelle

A grands traits, la procédure budgétaire peut être séparée en quatre étapes identiques en France et aux États-Unis :

- la préparation d'une proposition de budget par l'exécutif ;

- le vote du budget par le législatif ;

- l'exécution du budget par l'exécutif ;

- le contrôle de l'exécution du budget par le législatif (cette dernière phase sera exposée en détail dans le cadre de la présentation du GAO).

Notons que la notion de budget est toutefois plus large aux États-Unis qu'en France, car le « budget fédéral américain » englobe aussi les dépenses fédérales de protection sociale.

La préparation du budget par l'exécutif est cependant similaire dans nos deux pays, si ce n'est qu'elle commence beaucoup plus tôt aux États-Unis.

En effet, l'Office of Management and Budget (OMB) de l'administration du Président, qui joue en l'espèce un rôle analogue à celui de la direction du Budget en France, rassemblera et analysera à partir de l'été 2000 les demandes des agences et des départements fédéraux pour l'année fiscale 2002, qui commencera le 1 er octobre 2001.

Les derniers arbitrages présidentiels sont ensuite traditionnellement rendus avant Noël, soit environ neuf mois avant le début de l'année fiscale, contre quatre à cinq mois en France, et le Président soumet au Congrès sa proposition de budget entre le premier lundi de janvier et le premier lundi de février.

Le Congrès dispose alors en principe de huit ou neuf mois pour adopter le budget, ce qui signifie concrètement que la procédure budgétaire occupe le Congrès presque toute l'année .

L'examen du budget par le Congrès est par ailleurs extrêmement complexe. En effet, la procédure budgétaire n'est pas précisée par la Constitution, mais par une sédimentation de textes législatifs et surtout de règles internes et de coutumes propres à chaque chambre, parfois vieilles de deux siècles et par surcroît fréquemment remises en cause par des résolutions ponctuelles.

S'agissant en premier lieu des recettes , il convient ainsi de préciser que leur examen relève d'une commission distincte de celles compétentes en matière de dépenses.

S'agissant en second lieu des dépenses , qui se présente comme un ensemble de lois sectorielles distinctes, il convient tout d'abord de distinguer les dépenses dites discrétionnaires ( discretionnary spending , environ 30 % des dépenses), qui font l'objet d'un examen approfondi, des dépenses dites obligatoires ou directes ( mandatory spending ou direct spending , soit environ 70 % des dépenses, pour l'essentiel des dépenses de protection sociale et le service de la dette publique), qui font l'objet de procédures distinctes.

La procédure budgétaire relative aux dépenses discrétionnaires est dédoublée à l'intérieur de chaque chambre :

- en principe, chaque programme doit d'abord être autorisé pour une période de temps limitée (le plus souvent un an, parfois plus), dans le cadre de lois d'Authorization , examinées dans chaque chambre par les commissions sectorielles compétentes (les commissions « dépensières », Authorization Committees , dont le nombre et les compétences diffèrent d'une chambre à l'autre), puis adoptées en termes identiques par les deux chambres.

Ces lois donnent en principe une base légale à l'existence des programmes ou des agences concernés, en fixent les missions, et proposent un montant indicatif de dépenses ;

- dans un second temps, chaque programme ou agence se voit allouer des crédits dans le cadre de treize lois d' Appropriation , qui sont examinées par les treize sous-commissions sectorielles de la commission des crédits de chaque assemblée ( Appropriation Committee ), ces dernières jouant ainsi un rôle de gardien des deniers publics face aux commissions dépensières, analogue à certains égards au rôle exercé en France par les commissions des finances de chaque assemblée.

En revanche, les dépenses obligatoires ne sont examinées que par les commissions sectorielles concernées. Près de 70 % des dépenses, en particulier le paiement des intérêts sur la dette publique et le financement de programmes autorisés à titre permanent (notamment les grands programmes sociaux et le régime général de retraite), suivent ainsi une procédure d'examen simplifiée.

Pour appréhender pleinement la complexité de la procédure, il convient toutefois d'ajouter que :

- les crédits votés sont bien sûr des crédits budgétaires, susceptibles d'être étalés sur plusieurs années (les États-Unis n'appliquent pas le principe d'annualité budgétaire) ;

- la distinction Authorization - Appropriation n'a aucun fondement constitutionnel ou législatif et cette distinction est largement contournée, par exemple au travers de l'introduction de cavaliers budgétaires ( riders ) par les commissions d'examen des crédits dans les lois relatives aux crédits (les lois d'Appropriation ), ou à l'inverse au travers de la création de fonds extrabudgétaires à l'initiative des commissions sectorielles afin d'éviter le contrôle des commissions d'examen des crédits.

Dans certains cas, il est alors possible à des parlementaires de solliciter un rappel au règlement, mais le respect du règlement peut être écarté ( waived ) par un vote majoritaire de la chambre concernée.

Ces artifices de procédure peuvent s'appliquer à des programmes très importants : en 1998, le Président de la commission des transports de la Chambre des Représentants réussit ainsi à soustraire de l'examen de la commission des crédits l'ensemble du financement des routes nationales.

Au total, l'examen du budget par le Congrès se traduit ainsi par de multiples conflits internes entre commissions et sous commissions, où les manoeuvres procédurales sont monnaie courante.

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