3. Un recours intensif à l'économétrie et à la modélisation économique

Comme votre rapporteur l'a déjà exposé, le CBO ne dispose pas en propre d'un modèle macro-économétrique analogue à ceux qu'exploitent en France la direction de la Prévision ou l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), notamment dans le cadre de leurs exercices de prévision à court et à moyen terme et pour simuler des mesures de politique économique.

• Néanmoins, les travaux d'expertise du CBO s'appuient largement :

- sur des modélisations simples du fonctionnement d'ensemble de l'économie américaine, notamment pour simuler les effets de très long terme de politiques budgétaires alternatives. Trop rustiques, ces modèles ne sont toutefois pas utiles pour l'étude de la conjoncture, et ne permettent pas de simuler des mesures fiscales complexes ;

- sur une utilisation intensive de techniques économétriques . Le CBO utilise par exemple des équations économétriques pour prévoir respectivement les recettes d'impôt sur les sociétés, les bénéfices de la Réserve fédérale et les droits d'accise.

Certaines de ses simulations économétriques sont très imprécises et doivent donc être largement amendées à l'aide de jugement d'experts . Par exemple, l'écart type de la prévision à court terme des plus values taxables par rapport à la réalité au cours des dernières années est de 16 %, ce qui signifie que le CBO n'est en fait aucunement en mesure de prévoir l'évolution de ces plus values à l'aide d'équations économétriques. Il s'agit là d'ailleurs d'un constat logique, puisque le niveau des plus values taxables est étroitement corrélé à l'évolution des cours de la bourse et des prix de l'immobilier, par essence difficilement prévisibles ;

- un large éventail de modélisations théoriques plus ou moins ambitieuses, depuis le modèle élémentaire utilisé pour prévoir les recettes douanières à partir des prévisions d'importations, jusqu'à des modèles complexes (dits « d'équilibre général calculable ») pour apprécier les effets théoriques de réformes fiscales d'envergure sur l'ensemble de l'économie.

Parmi les travaux ponctuels, on peut notamment mentionner que CBO a construit un modèle destiné à relier les niveaux respectifs des prix et de la consommation de tabac, les recettes de taxes sur la tabac et l'évolution de la législation fédérale en matière de tabagisme ;

- des modèles de « micro-simulation » permettant d'effectuer des calculs à partir de fichiers de données fiscales ou sociales réelles.

En matière d'impôt sur le revenu, le CBO dispose ainsi d'un logiciel permettant de simuler de manière assez détaillée l'impact statique (sans effets de retour) de changements de la législation à partir d'un échantillon de déclarations de revenus.

Ce logiciel est complété d'un module permettant de simuler l'évolution de ce fichier, donc de réaliser des projections à moyen terme.

A ces logiciels s'ajoute en outre un modèle s'appuyant sur des données de comptabilité nationale, et donc prenant en compte les revenus des personnes qui, pour des raisons diverses, n'ont pas à remplir de déclarations de revenus.

Sur ce point, les capacités de simulation du CBO sont d'ailleurs plus étendues que celle de la direction de la législation fiscale en France.

En revanche, le CBO ne dispose pas de fichiers ou de modèles relatifs à la fiscalité locale (notamment à la TVA perçue au profit des États fédérés) ;

- enfin des modèles de micro-simulation dynamique , qui combinent le recours à des fichiers de données fiscales ou sociales réelles et à des techniques de simulation.

Par exemple, le CBO a récemment construit un modèle pour estimer le coût de diverses propositions visant à subventionner la prise en charge du risque-maladie pour les salariés au chômage. Ce modèle s'appuie sur des données individuelles détaillées relatives à un échantillon réel de salariées et compilées par le système statistique public, ainsi que sur la modélisation par le CBO du comportement des salariés concernés.

De même, le CBO dispose d'un modèle semblable simulant l'accumulation patrimoniale et le décès d'un échantillon de contribuables afin de prévoir les recettes ou de simuler des réformes en matière d'impôts sur les successions et les donations.

• Cette présentation appelle deux remarques :

- en premier lieu, le CBO est transparent quant à ses méthodes. Les caractéristiques de ses modèles sont ainsi publiques, et régulièrement soumises à des expertises techniques extérieures ;

- en second lieu, le CBO dispose de données et d'une expertise étendues en matière de dépenses sociales .

En matière d'assurance maladie publique (programme Medicare ) le CBO dispose ainsi d'un fichier de donnés individuelles (évidemment « anonymisées ») détaillant les caractéristiques démographiques et économiques des bénéficiaires, ainsi que leurs dépenses de santé remboursables par grands agrégats (hospitalisation de longue durée, hôpital de jour, médecine de ville, etc.), et même des précisions relatives aux ordonnances. Ces fichiers sont actualisés chaque année, et sont notamment utilisés par le CBO pour réaliser des projections de dépenses, d'une part, pour estimer l'impact budgétaire de propositions de réforme, d'autre part.

En matière de retraites , le CBO s'efforce actuellement, en coopération avec les actuaires de l'administration de la sécurité sociale, de développer un modèle combinant l'ensemble des techniques précédentes, c'est à dire à la fois des micro-simulations dynamiques réalisées à partir de fichiers de données individuelles longitudinales, et une modélisation théorique du fonctionnement d'ensemble de l'économie. Cette combinaison permettrait de simuler dans un cadre cohérent les effets des propositions de réforme du régime général de retraites sur la croissance, sur l'évolution des revenus et sur leur distribution.

En particulier, si ces travaux sont conduits à bien, le CBO pourrait ainsi simuler dans quelle mesure les réformes proposées en matière de retraite sont susceptibles de modifier les revenus relatifs des actifs et des retraités, donc leurs comportements, notamment en matière d'épargne, donc la croissance, donc les revenus des agents, etc.

L'idée sous-jacente à ce type de travaux est claire : des régimes de retraite publics moins généreux réduiraient le besoin de financement des administrations publiques et soutiendraient le revenu des actifs, au détriment de celui des retraités, ce qui augmenterait le taux d'épargne des ménages, puisque les actifs épargnent en théorie proportionnellement plus. La hausse du taux d'épargne et la baisse du besoin de financement des administrations publiques favoriseraient alors la baisse des taux d'intérêt, donc le dynamisme de l'investissement et de la croissance. En retour, l'accélération de la croissance augmenterait le total des revenus disponibles, donc « le grain à moudre ». Ce type de réforme serait donc, à long terme, largement favorable à la plupart des ménages.

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