b) Les administrations publiques ont renforcé leurs moyens d'expertise économique

Parallèlement, les administrations publiques ont plutôt renforcé leurs moyens d'expertise économique.

Certes les effectifs de la direction de la prévision du ministère de l'économie et des finances se sont réduits (environ 240 personnes aujourd'hui, contre près de 380 en 1978), de même que ceux du Commissariat général du plan (160 personnes aujourd'hui contre 188 en 1978), tandis que ceux de la direction des synthèses de l'INSEE ont un peu augmenté (environ 170 personnes aujourd'hui, contre 143 en 1978).

Au total, les moyens du « tripôle administratif » identifié par le rapport Lenoir-Prot se sont donc contractés (environ 600 personnes aujourd'hui, contre près de 700 en 1978).

Cependant, plusieurs ministères ont développé des services d'études importants.

Par exemple, le ministère de l'emploi et de la solidarité dispose aujourd'hui de deux grandes directions d'études : la direction de l'animation de la recherche et des études statistiques (DARES), créée en 1992, en matière d'emploi (environ 170 personnes) et la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), créée par le décret du 30 novembre 1998, en matière de santé et de protection sociale (environ 160 personnes).

De même, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement s'est récemment doté d'une cellule de prospective et d'une direction de l'évaluation environnementale et des études économiques.

Ces directions ont été le plus souvent créées à partir des structures administratives existantes, ce qui rend difficile les comparaisons intertemporelles. Mais il semble bien que les moyens d'expertise de l'administration se soient globalement accrus .

Il s'agit d'ailleurs là d'une évolution souhaitable dès lors que les transformations de l'environnement économique et social invitent à passer d'une administration de commandement à une administration d'expertise, d'impulsion et de coordination.

En outre, le développement des directions d'études et de recherche dans les autres ministères que celui de l'économie et des finances a puissamment contribué à diversifier l'expertise administrative et à renforcer le pluralisme des analyses économiques au sein des administrations publiques : la France connaît ainsi désormais un certain pluralisme administratif .

c) Cependant, le pluralisme des analyses économiques s'est accru

Par ailleurs trois autres évolutions ont contribué au développement du pluralisme de la production de l'information économique.

En premier lieu, la Commission européenne et les organisations internationales comme l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) exercent une influence croissante sur les débats économiques nationaux au travers de leurs analyses comme de leurs statistiques.

En second lieu, les débat publics en matière économique et sociale sont désormais animés par un nombre croissant de « conseils » et d'institutions publiques plus ou moins autonomes qui ont pour mission d'établir des ponts entre la recherche académique et les responsables publics, à l'instar de l'observatoire de la pauvreté et de l'exclusion, du CSERC, du Conseil d'analyse économique (créé en 1997) ou du Haut conseil de l'évaluation de l'école (créé en l'an 2000).

Ces institutions constituent des forums d'échange très actifs. Elles stimulent le développement d'études statistiques originales. Leurs commandes favorisent le développement de recherches universitaires appliquées. Enfin, elles catalysent la diffusion des analyses des experts de l'administration et leurs rapports rencontrent donc, à juste titre, une large audience médiatique.

Certains domaines connaissent ainsi de ce fait des débats publics intenses. Par exemple, le Conseil d'analyse économique, le CSERC et l'observatoire de la pauvreté et de l'exclusion ont tous les trois publié des rapports relatifs aux inégalités et aux politiques publiques de lutte contre l'exclusion, en s'appuyant sur l'expertise de leurs membres, sur les contributions de leurs propres services, mais aussi sur les analyses de la direction de la prévision, de la DARES et de la DREES.

A certains égards, ces institutions organisent ainsi la publicité des débats d'experts publics.

Enfin, au delà de ces deux premières évolutions, il convient de souligner que les économistes des grandes institutions financières participent aujourd'hui plus largement que par le passé aux débats publics en matière économique : la presse reproduit ainsi fréquemment les analyses, les prévisions et les opinions des responsables des départements d'étude économique des grandes banques.

De même, ces derniers jouent un rôle institutionnel important dans les débats relatifs à la conjoncture et aux perspectives économiques. A titre d'illustration, le panel de conjoncture du Conseil d'analyse économique rassemblait ainsi en 1998 les représentants de dix institutions financières, en sus des représentants des quatre organismes indépendants précités, et de ceux de l'INSEE, de la direction de la prévision, de la direction de l'animation de la recherche et des études statistiques (DARES) du ministère de l'emploi, du commissariat général du plan et de la Banque de France, ainsi qu'un économiste d'entreprise et un économiste de fédération d'employeurs.

Ce rôle accru des économistes de marché résulte sans doute de l'importance croissante des variables et des institutions financières pour l'économie française, mais il s'explique aussi sans doute par le désengagement de l'État du secteur bancaire.

Au total, le pluralisme de l'information économique et sociale a sans doute progressé depuis 1978 .

En particulier, l'oligopole administratif dénoncé par le rapport Lenoir-Prot est battu en brèche en matière d'analyses macro-économiques, de modèles macro-économétriques et de prévisions économiques. L'une des grandes carences identifiées en 1978 a donc été comblée, notamment sous l'impulsion de M. Raymond Barre, alors Premier ministre.

Cependant, l'écart entre les moyens d'analyse économique de l'administration et ceux des institutions indépendantes ne s'est pas vraiment réduit au cours des vingt dernières années : l'administration rassemble toujours près des trois-quarts des moyens d'expertise économique et l'analyse économique demeure largement un oligopole administratif .

Le rôle joué par les économistes de banque est d'ailleurs limité . En effet, si les économistes de banque contribuent aux débats publics, leurs préoccupations premières sont toutefois relativement restreintes à la prévision des variables susceptibles d'affecter les taux de change, les taux d'intérêt, les cours boursiers et la solvabilité des agents endettés.

En outre, le rôle joué par les économistes de banque dans les débats publics est ambivalent , puisqu'il n'est pour partie que le reflet de la faiblesse des institutions économiques indépendantes, qui se traduit par un manque évident de contre-expertise dans certains domaines.

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