2. L'état des négociations

Le processus n'en est qu'à ses débuts. Outre sa proposition de règlement, la Commission a publié un « document de travail » qui est, d'après sa terminologie, un « non-papier » [sic], dont elle indique qu'il ne la lie pas, mais qui expose toutefois les pistes explorées. Les négociations s'engagent actuellement entre les Quinze au sein d'un groupe de travail du Conseil. Le sujet a été abordé lors d'un dîner réunissant les ministres des Etats membres.

a) La question du traitement des litiges en première instance

Presque tous les Etats membres semblent accepter de confier au juge communautaire la compétence pour connaître du contentieux de la contrefaçon et de la nullité du brevet communautaire. Mais si tous les Etats membres acceptent que ce contentieux soit centralisé en appel, ils sont divisés sur le traitement de la première instance .

La France est favorable à un traitement centralisé de la première instance, par une chambre juridictionnelle installée, par exemple, à Luxembourg. (Le Luxembourg, la Belgique, l'Irlande étant sur la même ligne). Mais d'autres Etats membres demandent que la première instance, tout en étant communautaire, soit décentralisée au niveau de chaque Etat membre (par exemple, en créant 15 juridictions communautaires spécialisées de première instance ou une juridiction unique, mais qui comprendrait des chambres locales).

La question des règles de fonctionnement de cette juridiction devra également être résolue : règles procédurales et composition de ces tribunaux sont deux enjeux essentiels qu'il reste à définir.

b) La question du rôle des offices nationaux de brevets et de la répartition des taxes de renouvellement

Autre question épineuse, certains offices nationaux des brevets souhaitent pouvoir jouer un rôle actif dans la préparation de la décision d'octroi d'un brevet communautaire, qu'il s'agisse de la recherche ou même de l'examen, à tel point que certains revendiquent une certaine forme de sous-traitance des procédures actuellement gérées par l'OEB.

Votre rapporteur estime que cette revendication pose la question de l'uniformité et de la qualité de l'instruction de ces demandes. Elle remettrait en cause le protocole sur la centralisation, un des principaux acquis de la Convention de Munich. Tout se passe comme si plusieurs délégations utilisaient la négociation sur le brevet communautaire pour essayer de récupérer des compétences qu'elles ont déléguées à l'OEB dans le cadre du brevet européen, ce qui consacrerait un retour en arrière.

Sur ce point, on distinguait, lors de réunions du groupe de travail du Conseil en avril et mai, trois groupes d'Etats :

- ceux qui, comme la France 42 ( * ) , sont attachés à la centralisation à l'OEB de la recherche et de l'examen, qui leur semblent être la meilleure garantie de la qualité et de l'homogénéité du brevet communautaire ;

- ceux, comme le Danemark 43 ( * ) , qui semblent rencontrer une oreille favorable à la Commission, demandent que le Conseil d'administration de l'OEB puisse décider d'attribuer des dossiers aux offices les plus performants pour qu'ils l'aident à faire face à l'accroissement du volume des demandes ;

- ceux qui, comme l'Espagne ou le Portugal, demandent que les offices nationaux puissent traiter dans leur langue les demandes de brevet communautaire qui seraient déposées devant l'office national (ces délégations demandent que les offices nationaux puissent aller aussi loin que possible dans l'examen de la demande, avant de transférer le dossier à Munich pour la délivrance finale).

Le risque existe donc de remettre en cause les acquis du système de Munich. Derrière ce sujet se pose en filigrane l'enjeu de la répartition des taxes de renouvellement pour le maintien en vigueur du brevet communautaire entre les Etats membres. Dans le système actuel de la Convention de Munich, les offices nationaux perçoivent, dans certains cas, les taxes de validation et, dans tous les cas, de maintien en vigueur des brevets européens qui désignent l'Etat auquel ils appartiennent, ce qui leur assure des revenus. Dans certains Etats, les entreprises utilisent peu le système européen actuel qui « rapporte » en revanche des ressources à l'Office national voire à l'Etat. Par exemple, au Portugal, la proportion des demandes d'origine nationale par rapport aux désignations du Portugal toutes origines confondues est de 10 pour 10.000 chaque année 44 ( * ) .

La Commission n'a pas détaillé ses intentions, mais sa démarche est la suivante : a priori, seuls les services rendus par les offices nationaux justifieraient une rétribution. Certains Etats qui « encaissent » aujourd'hui les taxes de déposants qui les ont désignés demandent donc une certaine forme de redistribution vers leurs offices nationaux, qui ne recevraient pas de recettes au titre des services rendus dans le cadre de la délivrance du brevet communautaire, et qui verraient ainsi se tarir une source de revenus.

* 42 Ainsi que l'Irlande, la Belgique, le Luxembourg et l'Italie.

* 43 Ainsi que l'Autriche, la Finlande, et, sous réserve, le Royaume-Uni, la Grèce, les Pays-Bas et la Suède.

* 44 Source : Entretiens à l'OEB.

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