III. POUR OU CONTRE LA VACCINATION ?

Dix ans après l'arrêt de la vaccination en Europe, le débat qu'elle suscite n'a rien perdu de son intensité. Ses partisans et ses adversaires s'opposent dans un dialogue ou les certitudes des uns n'ont d'égale que l'assurance des autres. Au vu de ces positions si tranchées, votre mission d'information se propose de rendre compte des arguments échangés entre les deux courants, avant de présenter dans le chapitre six du présent rapport sa propre analyse des mesures susceptibles d'être prises sur ce sujet d'intérêt général en distinguant :

- la vaccination médicale prophylactique ;

- la vaccination « en anneau » ;

- la vaccination des espèces sensibles.

A. LA VACCINATION MÉDICALE PROPHYLACTIQUE

1. Les arguments en faveur de la vaccination

Les partisans de la vaccination mettent en avant des motifs économiques, financiers, environnementaux et éthiques pour prôner une prophylaxie médicale qu'ils estiment d'autant plus nécessaire que la multiplication des échanges internationaux aura pour effet d'accroître le risque de contamination.

La vaccination permet de préserver un patrimoine vivant

Le premier argument en faveur de la vaccination résulte de son efficacité à préserver les animaux qui en font l'objet.

Certes, les promoteurs de la politique de vaccination préventive sont convaincus que celle-ci se saurait toucher l'ensemble des espèces sensibles, mais seulement les bovins, dont la valeur est la plus élevée et le cycle de vie le plus long. Ils soulignent que la vaccination annuelle systématique des bovins de plus de six mois contre les types O, A et C a permis de constituer un « matelas immunitaire » qui empêchait la propagation du virus aux autres espèces sensibles, et en particulier aux ovins et aux porcins, lesquels n'étaient vaccinés qu'exceptionnellement, en cas d'appariation d'un foyer. Ils estiment que lorsqu'un foyer aphteux est apparu dans un élevage porcin, en 1981, cet épisode a été jugulé rapidement précisément grâce au « tapis vaccinal » existant à l'époque à cause de la vaccination des bovins.

La vaccination permet en conséquence, selon eux, de préserver un capital génétique, fruit de longues années de sélection et dont la destruction constitue une perte irréparable pour les agriculteurs qui en sont victimes.

Des raisons financières

Les partisans de la vaccination prophylactique estiment que le coût d'une épizootie de fièvre aphteuse est exorbitant par rapport au coût de la vaccination.

Selon la société Mérial, le coût annuel total d'une politique de vaccination serait estimé, pour la France, à 303 millions de francs dont 300 millions pour la vaccination et 3 millions pour la surveillance sérologique. Cette vaccination nécessiterait, la première année, deux injections à deux ou trois mois d'intervalle pour tous les bovins âgés de plus de quatre mois puis, chaque année, une injection pour les animaux de plus de quatre mois. Elle supposerait aussi, en cas d'apparition d'un virus très différent de la souche du vaccin, une injection de rappel dans la région concernée.

Le coût de la vaccination se décomposerait entre :

- le coût du vaccin trivalent souches Europe/Moyen Orient : O + A + Asia 1 (une dose coûte 5 francs) ;

- le coût de l'acte vaccinal (estimé entre 4 et 10 francs) ;

- le coût du stockage, (soit 1 franc environ).

Le coût unitaire de la vaccination variant entre 14 et 16 francs français, son coût total pour 20 millions d'animaux serait de 300 millions de francs, chaque année, et le double pour la première année.

Quant au coût de la surveillance sérologique des marqueurs indirects de l'infection qui permet de rechercher les traces sérologiques d'un éventuel virus, il se décompose entre :

- des réactifs (5 francs) ;

- des analyses (5 francs) ;

- des prises de sang (5 francs environ).

Le rapport du nombre d'analyses au nombre de vaccinations étant de 1 à 250, il conviendrait de réaliser 80.000 analyses de sang par campagne vaccinale pour 20 millions de vaccinations, soit un coût total annuel des analyses sérologiques estimé entre 1,2 à 1,5 million de francs.

On retiendra, à titre de comparaison, le coût exhorbitant de l'épizootie en Grande-Bretagne qui avoisinerait 50 milliards de francs. Outre-Manche, toutes les filières économiques ont ressenti le contrecoup de la crise. Selon le Wall Street Journal 64 ( * ) du 19 avril 2000, la crise a eu pour effet de faire baisser le trafic aérien passagers de 8,9% pour British Airways tandis que les locations de voitures, l'industrie de la chaussure et les activités de loisirs tels que les concerts en plein air étaient touchées.

Aux Pays-Bas , le coût direct de l'abattage des animaux touchés et des animaux « contacts » serait estimé à 870 millions de francs, tandis que les mesures annexes (vétérinaires, transports...) auraient été chiffrées à 540 millions de francs. Il convient d'ajouter à ces deux chiffres la première évaluation macroéconomique des préjudices subis par l'économie néerlandaise, lesquels s'élèveraient respectivement à :

- 3,6 milliards de francs pour l'agriculture ;

- 3 milliards de francs pour les industries d'amont et d'aval ;

- 1,5 milliard de francs pour l'industrie touristique.

Cette estimation, effectuée par le Bureau central du Plan néerlandais qui représente environ 8 milliards de francs , est cependant contestée par la fédération néerlandaise des petites et moyennes entreprises (MKB), qui estimait, selon Les Echos du 25 avril 2000, les pertes subies par les entreprises entre 7,5 et 18 milliards de francs.

En ce qui concerne la France , l'INRA a procédé à une estimation macro-économique des effets de la crise, au moyen d'un logiciel d'aide à la décision élaboré entre 1995 et 1998 pour la DGAl. Il résulte de cette étude qu' une fois les subventions de l'Union européenne déduites , les pertes pour l'économie français sont estimées à :

- 2,8 milliards de francs si l'on raisonne dans le cadre du scénario le plus favorable (la perte de la filière de l'élevage étant de 1,2 milliard) ;

- 6,8 milliards de francs dans le cas le plus défavorable, c'est-à-dire celui où les pays importateurs situés hors de l'Union européenne maintiennent leur embargo.

L'ensemble des éléments relatifs à cette simulation est reproduit dans le tableau ci-joint.

EVALUATION DES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES DE L'ÉPIZOOTIE DE FIÈVRE APHTEUSE EN FRANCE EN MARS-AVRIL 2001 : PREMIERS RÉSULTATS
(INRA - ESR - Rennes, Avril 2001)

MÉTHODOLOGIE

Utilisation du logiciel d'aide à la décision élaboré entre 1995 et 1998 pour la Direction générale de l'alimentation, bureau de l'Épidémiologie et des Prophylaxies en élevages de ruminants.

PREMIERS RÉSULTATS

Suite à la décision du Comité vétérinaire permanent du 3 avril 2001, la principale source d'incertitude réside dans la réaction des pays tiers sur la levée des embargos. Ces premiers résultats ont été construits à partir de deux scénarios concernant la réaction des pays non membres de l'Union européenne importateurs de produits sensibles français.

Les produits sensibles sont regroupés en deux groupes :

- ensemble de produits I : bovins vifs et viande, porcins vifs et viande, ovins-caprins vifs et viande, lait 65 ( * ) ;

- ensemble de produits II : beurre et crème, fromages, poudre de lait, autres produits laitiers.

SCÉNARIO OPTIMISTE

Hypothèses : Un embargo national sur l'ensemble des produits I est imposé pendant l'épizootie, puis ces mesures sont levées par l'ensemble des pays importateurs lorsque la maladie est éradiquée.

Résultats estimés : Pertes pour l'économie nationale (subvention de l'UE déduite) : 2,8 milliards de francs, dont pertes pour la filière de l'élevage (subvention de l'UE déduite) : 1,2 milliard de francs.

SCÉNARIO PESSIMISTE

Hypothèses : Un embargo national sur l'ensemble des produits I est imposé pendant l'épizootie. Ces mesures sont levées lorsque la maladie est éradiquée par les Etats membres de l'Union Européenne, mais elles sont maintenues pendant trois mois par les autres pays importateurs. Résultats estimés : Pertes pour l'économie nationale (subvention de l'UE déduite) : 6,8 milliards de francs, dont pertes pour la filière de l'élevage (subvention de l'UE déduite) : 2,5 milliards de francs.

COÛT D'UNE SEMAINE SUPPLÉMENTAIRE D'EMBARGO

Dans le cas du scénario pessimiste, une semaine supplémentaire d'embargo coûte environ 300 millions de francs .

JUSTIFICATION ÉCONOMIQUE D'UNE STRATÉGIE DE VACCINATION D'URGENCE

Au vu des simulations réalisées, la stratégie de vaccination d'urgence, associée à une stratégie d'abattage, ne se justifie d'un point de vue économique que si les autorités sanitaires s'avèrent incapables d'éradiquer l'épizootie dans un délai raisonnable en mettant en oeuvre de stratégies sanitaires strictes. Dans l'hypothèse où les animaux vaccinés sont abattus dans un délai de trois mois après l'éradication de la maladie, une campagne de vaccination n'est économiquement justifiée que si on anticipe une durée de l'épizootie d'au moins 5 mois avec au moins 500 foyers.

Des motivations environnementales

Les moyens de destruction des animaux consécutifs aux abattages massifs sont susceptibles d'entraîner des conséquences préjudiciables à l'environnement.

La presse s'est faite l'écho du risque que constituent les modalités de destruction des cadavres des animaux abattus. Ceux-ci dégagent, en effet, de la dioxine s'ils sont incinérés. En outre, si des animaux atteints par l'ESB sont euthanasiés en cas de risque de fièvre aphteuse, la crémation de leurs restes à l'air libre peut ne pas suffire à détruire les prions pathogènes susceptibles de transmettre cette maladie 66 ( * ) . Certes, selon une étude scientifique, le risque de transmission du prion est faible 67 ( * ) . Cependant, les instructions données par l'administration pour la constitution des bûchers où sont incinérés les restes des animaux évoquent le risque d'une diffusion aérienne du virus aphteux si cette opération n'est pas rapide et si elle ne s'accompagne pas d'un traitement assurant la crémation de la totalité des cadavres 68 ( * ) .

Devant votre mission d'information, la représentante d'une importante association de consommateurs s'est déclarée sensible au risque de diffusion du prion par voie aérienne, affirmant que si des milliers de foyers avaient dû être allumés, des mesures de précaution scientifiques auraient été exigées. Comme l'incinération des cadavres n'est pas possible dans des zones où la forte densité humaine se double d'une forte population animale, on a également recours, comme cela fut le cas en Seine-et-Marne, à la technique de l'enfouissement des animaux abattus. Cette technique n'est, elle-même, pas sans risque notamment dans les bassins versants. En outre, si des bovins touchés par l'ESB sont ensevelis sans que les tissus où se logent les prions pathogènes ne soient retirés pour être incinérés à 133 degrés, et 3 bars de pression pendant 20 minutes, ces agents ne sont pas détruits et peuvent demeurer dans le sol, c'est pourquoi les Britanniques ont choisi de recourir à la crémation des cadavres, qui diminue fortement le risque de diffusion des maladies à prions, sans pour autant que celui-ci soit totalement nul.

Des raisons éthiques

Effectué avec retard, l'abattage systématique des animaux infectés n'a pas eu partout la même efficacité qu'en France et a parfois suscité de violentes critiques.

Selon le témoignage de certains observateurs néerlandais, l'épizootie de peste porcine qui a duré du 4 février 1997 au 13 mars 1998 et conduit à l'abattage de près de 10 millions de porcs aux Pays-Bas a été vécue comme « une tragédie économique et morale » par les éleveurs et de nombreux citoyens. Lors de la récente crise aphteuse, les Néerlandais ont détruit près de 270.000 animaux, dans des conditions difficiles puisque les services vétérinaires ont parfois affronté l'hostilité des populations. Des incidents violents se sont, par exemple, déroulés les 6 et 7 avril dernier autour de Kootwijkerbroek (séquestration des agents du RVV (équivalent de la DSV) et incendies de véhicules jetés ensuite au canal). Une citoyenne néerlandaise a, en outre, intenté une action contre la Commission européenne devant la Cour de justice des communautés en invoquant une éventuelle contradiction entre la directive de 1985 sur la fièvre aphteuse et la convention européenne de 1976 sur la protection des animaux de ferme 69 ( * ) .

On notera que, selon Le Monde du 4 avril 2001, 87 % des Français étaient « solidaires des paysans opposés à l'abattage massif des animaux », signe que la crise aphteuse a suscité une réelle émotion dans l'opinion publique. Si le politique ne doit pas fonder ses décisions sur des motivations purement émotionnelles, il ne saurait, cependant, négliger les réactions de l'opinion publique et doit, à tout le moins, expliquer les raisons et la portée des décisions qu'il prend.

2. Les arguments contre la vaccination

L'argument sanitaire

Selon certains spécialistes interrogés par la mission d'information, la théorie du « matelas vaccinal » invoquée par certains partisans de la vaccination n'est pas totalement valide , car la vaccination des seuls bovins ne suffit pas à protéger toutes les autres espèces. Une politique de vaccination doit, pour être totalement efficace, concerner toutes les espèces, et les prémunir de tous les types de la maladie, faute de quoi elle ne garantit nullement qu'une crise ne surviendra pas, laquelle touchera soit les espèces non vaccinées, soit les espèces vaccinées contre un type de virus différent de celui avec lequel elles entrent en contact. Menée à l'échelle de l'Union européenne, la vaccination systématique entraînerait l'obligation de vacciner, outre 84 millions de bovins, 118 millions de porcins, 94 millions d'ovins et 12 millions de caprins, soit près de 310 millions d'animaux.

Pour les tenants de cette thèse, la récente épizootie aphteuse serait survenue en Grande-Bretagne quand bien même l'on aurait procédé à une vaccination prophylactique des bovins analogue à celle réalisée avant 1991. La vaccination aurait, en effet, protégé les bovins, mais n'aurait pas empêché les ovins et les porcs d'être atteints par le virus. Pire ! La vaccination des bovins aurait allongé le délai au cours duquel l'épizootie a circulé « à bas bruit » parmi les ovins , puisque les bovins vaccinés n'auraient pas exprimé l'infection, alors même que c'est au vu des symptômes manifestés par les animaux de l'espèce bovine que l'on a détecté le premier foyer en France. En ce sens, la politique de non-vaccination pourrait avoir indirectement permis d'accélérer la détection de l'épizootie .

Les partisans d'une politique de non-vaccination se fondent, en outre, sur l'expérience de l'enseignement vétérinaire, qui prescrit que la politique de vaccination systématique obligatoire constitue le meilleur instrument pour parvenir à l'éradication du virus et que, par la suite, il est préférable de recourir à une prophylaxie sanitaire qui passe par l'abattage rapide des animaux malades pour obtenir l'extinction des foyers qui menacent de diffuser le virus. L'efficacité de la prophylaxie médicale permet donc de passer, une fois sa réussite assurée, à un système exclusif d'épidémiosurveillance, de protection aux frontières et d'interdiction d'importer des animaux et des produits d'origine animale en provenance des pays infectés.

Enfin, l'on sait que si les animaux vaccinés bénéficient d'une très bonne protection clinique -ils ne tombent pas malades s'ils entrent en contact avec le virus sauvage-, ils peuvent être infectés par la maladie, multiplier et excréter le virus et le transmettre à des animaux sains . C'est d'ailleurs précisément cet argument qui conduit les pays indemnes de fièvre aphteuse sans vaccination, au sens du code zoosanitaire international, à soumettre les importations d'animaux vivants à des interdictions lorsque ceux-ci proviennent d'un Etat où règne la fièvre aphteuse et à des mesures de quarantaine très strictes, parfois accompagnées d'examens sérologiques, lorsque ces animaux sont importés d'Etat indemnes de fièvre aphteuse où est pratiquée la vaccination. Ces pays ne se privent pas, au surplus, de refuser l'entrée du nombre de produits qui ne sont, en théorie, pas susceptibles de diffuser la maladie.

Les vaccins traditionnels entraînaient l'apparition d'anticorps qui ne se distinguaient pas des anticorps infectieux, si bien que l'on était dans l'incapacité de dire si les animaux vaccinés étaient ou non porteurs du virus. Cependant, en l'état actuel de la recherche, on peut désormais distinguer, par une analyse sérologique, les animaux infectés dès lors qu'ils ont été vaccinés . Ces examens sérologiques doivent être pratiqués sur des échantillons provenant de troupeaux, ce qui est possible car vu la contagiosité de la maladie, il est difficilement concevable qu'un animal malade n'infeste pas rapidement le reste du cheptel.

Les arguments économiques et commerciaux

Parmi les motifs invoqués par les opposants à la vaccination, l'argument économique est le plus important .

Ceux-ci constatent, en premier lieu, que la politique mise en oeuvre depuis 1991 a montré son efficacité pendant dix ans, puisque le nombre de foyers aphteux apparus dans l'ensemble de l'Union Européenne s'est avéré très limité , et qu'il a été jugulé très rapidement. Ils estiment, en second lieu, que l'analyse coût-bénéfice de la décision de ne plus recourir à la vaccination justifie les mesures prises en rappelant notamment que, selon le rapport Mac Sharry précité, le coût de la vaccination était estimé 1,135 milliard d'écus en 1990 tandis que la stratégie de non vaccination était chiffrée à 35 millions d'écus. Ces calculs étaient effectués sur la base d'une hypothèse de travail selon laquelle on n'aurait, au plus, que 13 foyers primaires d'infection au cours de la décennie 1991-2001, soit la même probabilité qu'au cours de la décennie précédente.

Le coût commercial indirect de la vaccination est également considéré comme très lourd . En effet, si un Etat ou un groupe d'Etats vaccinent leur cheptel, en tout ou partie, les Etats indemnes de fièvre aphteuse qui ne vaccinent pas ont la faculté de leur interdire d'exporter les produits susceptibles d'introduire la fièvre aphteuse sur leur territoire , à commencer par les animaux vivants.

Votre mission d'information a souhaité faire le point sur cette importante question, en distinguant les produits sensibles à d'éventuelles mesures de restriction commerciale consécutives à l'apparition d'un foyer de fièvre aphteuse. Comme le souligne l'INRA dans une étude sur les conséquences économiques de l'épizootie aphteuse, ces produits se rangent en deux groupes :

- bovins, porcins, ovins et caprins, vifs ou sous forme de viande et lait ;

- beurre, crème, fromages, poudre de lait et autres produits laitiers.

Si les problèmes posés à la France en la matière sont moins graves que ceux que connaît le Danemark, qui exporte jusqu'aux 4/5 e de certaines de ses productions, ils n'en demeurent pas moins très vifs.

Aperçu des exportations françaises susceptibles d'être affectées par une crise aphteuse

Le tableau ci-après montre qu'en l'an 2000 les exportations de bovins français se sont élevées à 13,63 milliards de francs, dont 12,89 milliards d'expéditions vers l'Union européenne et 0,73 milliard d'exportations vers les pays tiers . Au sein de l'Union, le principal acheteur est l'Italie qui, avec 7,72 milliards de francs , absorbe à elle seule plus de 56 % du total des exportations bovines françaises. Ces bêtes proviennent en particulier de zones du Massif Central où les broutards sont élevés avant d'être expédiés dans la plaine du Pô pour être engraissés. On sait, en effet, qu'il existe une complémentarité économique entre les pays français de « naisseurs » et les « engraisseurs » italiens qui disposent de forts excédents de production céréalière, propres à engraisser des animaux de bonne qualité. Les deuxième et troisième clients de la France sont l'Espagne et la Grèce qui achètent pour environ 11 % chacun des exportations bovines en valeur (soit 1,5 milliard de francs chacun). La France exporte, en revanche, très peu vers les Etats qui ne pratiquaient pas la vaccination avant 1991 puisque le produit total de ses expéditions vers le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark ne dépasse pas 88 millions de francs.

Sur un total de 7,37 milliards , les exportations de porcins vers l'Union européenne s'élèvent, quant à elles, à 5,2 milliards de francs , tandis que 2,17 milliards de francs sont exportés vers les pays tiers . La moitié de ce chiffre, soit 1,1 milliard, est exporté vers les zones indemnes de fièvre aphteuse que constituent le Japon (650 millions de francs) et la Corée du Sud (308 millions de francs).

Quant aux exportations d'ovins , elles ne dépassent pas, au total, 535 millions de francs en valeur, dont 487 millions vers l'Union européenne et seulement 47 millions hors de l'Union européenne. La faiblesse de ces exportations résulte de la situation de déficit structurel de l'offre française par rapport à la demande. Les exportations d'ovins vivants, notamment de mâles à destination de l'Espagne, ont cependant une réelle importance dans les régions où les éleveurs ne conservent que les brebis pour produire du lait et du fromage.

Selon les statistiques fournies par la Fédération des commerçants en bestiaux, la France, qui est le premier consommateur de viande ovine de l'Union, ne couvre qu'environ 40 % de ses besoins. Sa production est de 140.000 tonnes d'équivalent carcasse (Tec), sa consommation de 305.000 Tec. Le déficit à couvrir représente, par conséquent, environ 165.000 Tec. Les principaux fournisseurs de notre pays en nombre d'animaux vivants sont : les Pays-Bas (404.000 têtes) et le Royaume-Uni (260.000 têtes). En ce qui concerne les importations de viande exprimées en volume, la France recourt principalement : au Royaume-Uni (83.000 Tec) à l'Irlande (44.000 Tec) et à la Nouvelle-Zélande (31.000 Tec).

L'ensemble de ces chiffres, auxquels il convient d'ajouter les exportations de produits laitiers, figurent dans le tableau ci-après :

EXPORTATIONS FRANCAISES EN VIANDES ET ANIMAUX VIVANTS EN 1000 FF

EXPORT VALEUR DOUANE : FRANCE

BOVINS

PORCINS

OVINS

VOLAILLES

1000 FF

1999

2000

%2000/1999

1999

2000

%2000/1999

1999

2000

%2000/1999

1999

2000

%2000/1999

MONDE

14 684 305

13 630 701

-7%

5 962 499

7 378 380

24%

613 195

535 088

-13%

8 909 490

9 689 061

9%

U.E.

13 485 912

12 896 531

-4%

4 375 432

5 206 785

19%

572 623

487 624

-15%

6 421 241

7 286 754

13%

PAYS-BAS

334 391

283 219

-15%

167 954

203 199

21%

18 645

10 216

-45%

436 164

463 855

6%

ALLEMAGNE

1 166 710

988 673

-15%

722 715

785 861

9%

18 606

22 870

23%

1 765 650

1 945 731

10%

ITALIE

7 832 625

7 725 372

-1%

1 487 488

1 869 717

26%

236 192

213 819

-9%

83 838

561 332

570%

ROYAUME-UNI

69 599

67 412

-3%

630 865

731 932

16%

21 702

33 079

52%

1 665 243

1 646 221

-1%

IRLANDE

14 744

14 003

-5%

102 301

125 578

23%

3 184

2 866

-10%

34 595

42 094

22%

DANEMARK

6 800

6 335

-7%

126 193

115 487

-8%

4 055

3 413

-16%

251 927

298 727

19%

GRECE

1 625 173

1 445 725

-11%

194 016

286 234

48%

9 089

5 707

-37%

114 153

140 032

23%

PORTUGAL

472 822

444 461

-6%

57 293

73 470

28%

12 767

14 330

12%

69 085

61 979

-10%

ESPAGNE

1 557 701

1 564 564

0%

221 347

245 160

11%

167 663

99 076

-41%

529 579

541 950

2%

BELGIQUE

293 157

267 460

-9%

601 040

705 142

17%

69 090

70 033

1%

1 152 214

1 221 509

6%

LUXEMBOURG

109 094

82 271

-25%

37 689

33 763

-10%

11 070

10 991

-1%

57 958

72 352

25%

SUEDE

880

1 053

20%

6 912

11 408

65%

305

387

27%

11 768

13 925

18%

FINLANDE

155

67

-57%

199

258

30%

1

10

900%

38 825

50 255

29%

AUTRICHE

2 061

5 916

187%

19 420

19 576

1%

254

827

226%

210 242

226 792

8%

PAYS TIERS

1 198 393

734 170

-39%

1 587 067

2 171 595

37%

40 572

47 464

17%

2 488 249

2 402 307

-3%

Ex-URSS

684 791

91 547

-87%

672 283

612 790

-9%

162

766

373%

244 189

242 577

-1%

RUSSIE

671 430

88 545

-87%

660 896

586 426

-11%

143

766

436%

219 858

225 306

2%

asie est

20 287

29 327

45%

569 890

1 100 262

93%

3 535

4 020

14%

133 500

134 560

1%

COREE DU SUD

8

#DIV/0!

182 187

308 327

69%

128

-100%

3 999

1 098

-73%

JAPON

5 584

6 833

22%

303 113

650 006

114%

3 329

3 547

7%

43 762

40 955

-6%

Pro Moy Orie

195 216

330 746

69%

31 992

38 112

19%

7 899

10 352

31%

1 432 643

1 293 007

-10%

LIBAN

149 407

295 761

98%

10 165

8 787

-14%

4 331

7 567

75%

5 714

3 583

-37%

ARABIE SAOUDITE

#DIV/0!

9 240

10 432

13%

3 515

1 476

-58%

800 524

724 305

-10%

Maghreb

82 936

59 774

-28%

1 403

2 922

108%

159

68

-57%

9 775

10 505

7%

Af. Sub Saha

62 818

65 411

4%

103 449

128 576

24%

3 066

3 096

1%

276 648

304 044

10%

Amer. Nord

100

-100%

22 994

22 441

-2%

#DIV/0!

2 478

1 569

-37%

Am. centrale

3 614

9 738

169%

23 813

28 200

18%

69

463

571%

65 951

45 851

-30%

Am. Sud

1 247

786

-37%

12 914

12 696

-2%

72

-100%

1 135

1 648

45%

Autres Pays Tiers

147 384

146 841

0%

148 329

225 596

52%

25 610

28 699

12%

321 930

368 546

14%

Source : OFIVAL d'après douanes françaises

Impact d'un embargo sur les exportations françaises

Il résulte de ces éléments que la production française porcine est, exportée pour environ 29 % vers les pays tiers, hors de l'Union européenne, qu'ils soient ou non indemnes de fièvre aphteuse. La part exportée vers les pays tiers indemnes de fièvre aphteuse représente , quant à elle, 1,1 milliard de francs , soit près de 15 % du total des exportations de la filière porcine . Comme le souligne le Syndicat national du commerce du porc (SNCP), ce chiffre montre les gains de compétitivité réalisés par la filière porcine entre 1990 et 2000. La balance commerciale est, dans ce secteur, passée d'un déficit de 4,7 milliards de francs à un excédent de plus de 1 milliard en dix ans. Les exportations sont constituées par 76 % de viande fraîche, vers les pays de l'Union européenne, et pour 96 % de viande congelée vers les pays tiers.

Cette vigoureuse politique d'exportation permet de valoriser la carcasse des porcs en en vendant chacun des morceaux là où leur prix est le plus élevé. Certaines parties de cet animal (poitrine, oreilles et groin par exemple) trouvent notamment preneur en Extrême-orient, alors même que l'offre nationale est excédentaire, tandis qu'elle est déficitaire pour certains morceaux tels que le jambon.

Les exportations ont une incidence majeure sur la marge bénéficiaire des éleveurs de porcins puisque, selon une étude citée par le SNCP entre 1987 et 2000, la plus value résultant des exportations était, en moyenne, de 0,27 franc par kilo de carcasse pour 100.000 tonnes exportées. Dans ces conditions, la perte des débouchés sur les pays tiers a une influence sur l'équilibre de toute la filière porcine , puisque 30.000 tonnes par semaine sont susceptibles d'être réorientées sur le marché communautaire en cas de fermeture.

Comme on l'a constaté au cours de la récente épizootie aphteuse, les exportations de viandes et d'animaux vivants sont largement conditionnées par l'obtention du statut de pays indemne de fièvre aphteuse . En la matière, l'Union européenne est, désormais, considérée comme une entité unique par certains pays tiers . C'est ainsi que la Suède , qui est l'un des seuls Etats de l'Union a avoir été épargné par la crise de la vache folle et a celle de la fièvre aphteuse a subi un embargo de la Norvège, vers laquelle elle exporte 10 % de sa production 70 ( * ) . On constate, en outre, que, selon le directeur de la Fédération de l'industrie alimentaire belge : « certains pays lointains ne font pas la distinction entre les produits provenant du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de Belgique » 71 ( * ) . C'est ainsi qu'au début de la crise, du chocolat belge serait resté bloqué à la frontière argentine, pays qui, comme on le verra, a omis de déclarer à l'OIE les foyers de fièvre aphteuse apparus au milieu de l'an 2000 sur son territoire ! Au demeurant, la France a rencontré des difficultés analogues pour effectuer certaines exportations de céréales , comme l'a indiqué le ministre de l'agriculture au cours de son audition par votre mission d'information, le mardi 5 juin dernier.

Evaluation des préjudices dus à la perte de statut de zone indemne sans vaccination

Selon les informations communiquées par une note du ministère de l'agriculture à votre mission d'information, la perte de statut de pays indemne de fièvre aphteuse sans vaccination est susceptible d'affecter les exportations annuelles de :

- produits laitiers non thermisés (0,8 milliard de francs, dont 0,6 milliard de francs vers l'Union européenne) ;

- produits laitiers thermisés (24,4 milliards de francs, dont 17,2 milliards de francs vers l'Union européenne) ;

- bovins vivants (8 milliards de francs, dont 7,6 milliards de francs vers l'Union européenne) ;

- viandes, abats et préparations (26,6 milliards de francs, dont 20,4 milliards de francs vers l'Union européenne).

Selon la même note communiquée à votre rapporteur par le Ministère de l'agriculture, il convient de distinguer, pour effectuer une simulation, le cas où la France change seule de statut de celui où l'ensemble de l'Union européenne perd le statut de zone « indemne sans vaccination ».

Si la France perd le statut de zone « indemne sans vaccination » et que le reste de l'Union européenne le conserve :

« Sous réserve que l'Union européenne autorise la France à recourir à une politique vaccinale, on peut supposer que l'Union européenne appliquerait vis-à-vis de la France un embargo « raisonnable », limité aux animaux vivants, viandes non transformées et produits laitiers non thermisés, alors que les pays-tiers appliqueraient un embargo plus large, incluant les viandes transformées issues d'espèces sensibles et tous les produits laitiers. Le montant des exportations en cause serait de 26,3 milliards de francs vers l'Union européenne et 9,77 milliards de francs vers les pays-tiers.

Les secteurs suivants seraient particulièrement touchés :

- produits laitiers thermisés destinés aux pays-tiers (7,2 milliards de francs) ;

- viande porcine à destination des pays-tiers (1,7 milliard de francs) et Union européenne (3,2 milliards de francs) ;

- bovins vivants (et viandes) exportés vers l'Union européenne (12,73 milliards de francs).

Toutefois, certaines exportations de bovins pourraient continuer sous réserve de réaliser des tests individuels, certes lourd, mais possibles (cinétique d'anticorps). »

Si l'ensemble de l'Union européenne perd son statut de zone « indemne sans vaccination » :

« Suite à un changement de « politique européenne », on peut supposer que les pays-tiers indemnes sans vaccination (Amérique du Nord, Japon, Australie, Nouvelle Zélande) appliqueraient à l'ensemble de l'Union européenne un embargo global s'appliquant à tous les produits issus d'animaux des espèces sensibles à la fièvre aphteuse et tous les produits laitiers. Le montant des exportations en cause serait de 0,2 + 7,2 + 0,62 + 1,7 = 9,72 milliards de francs par an pour la France et 52,45 milliards de francs par an pour l'Union européenne.

Les secteurs suivants seraient particulièrement touchés :

- produits laitiers en général (7,4 milliards de francs pour la France et 35,2 milliards de francs pour l'Union européenne) ;

- viande porcine (1,7 milliard de francs pour la France et 12,7 milliards de francs pour l'Union européenne). »

Au total, selon le ministère de l'agriculture :

« Si la France perd son statut « indemne » de fièvre aphteuse, la perte d'exportations est estimée entre 9,8 milliards de francs par an (si l'Union européenne perd son statut) et 26,3 milliards de francs (si l'Union européenne le conserve). Une vaccination généralisée sans abattage des animaux vaccinés aurait donc un coût minimal de 9,7 à 52 milliards de francs selon que cette démarche soit seulement nationale ou communautaire.

Dans tous les cas, les filières porcines et laitières auraient un surplus de produits très significatif et vivraient une crise profonde et durable. Pour la filière porcine, l'impact serait plus fort que le surplus de production qui avait entraîné la crise de 1998.

Si la France est isolée par rapport à l'UE, c'est également le secteur bovin qui se trouverait dans une situation de crise. En particulier l'impact sur les broutards (dont le débouché traditionnel est dans les autres Etats membres), et donc sur le troupeau allaitant, serait pire que celui lié actuellement à la crise de l'ESB. »

En outre, l'épizootie de fièvre aphteuse a un impact négatif sur les performances des productions animales, du fait :

- d'un taux très élevé de morbidité (60 à 65 % d'un cheptel vierge) ;

- d'une augmentation du taux de mortalité , habituellement faible (2 à 5 % en général), mais parfois très élevée (veaux, agneaux et porcelets) ;

- de séquelles graves qui transforment l'animal apparemment guéri en non valeur économique (surinfection des lésions buccales, mammaires ou podales entraînant un amaigrissement, des pertes en viande ou en lait, une incapacité d'allaiter, des complications sous forme de mammites et surtout des lésions cardiaques ) ;

- de retrait de la consommation pour le lait issu d'animaux ayant une surinfection des lésions mammaires ou une mammite.

* 64 Foot-And-Mouth Diesesase Harts Wide Range of UK. Businesses.

* 65 Le modèle ne permet pas de distinguer les animaux vifs et les viandes.

* 66 Selon le site internet de la Food Standards Agency : « The Environment Agency advised at the beginning of the crisis that sheep and pigs could be buried. But that it would be preferable for cattle to be burned or rendered and not buried, so as to protect public health from any risk of BSE and other infectivity entering water supplies and the environment generally. Now that much large numbers of animals need to be slaughtered, the Spongiform Encephalopathy Advisory Committee (SEAC) has been asked for its expert advice on the risk from burying cattle.

SEAC's view is that burning cattle carcasses remains preferable to burying them since possibly as much as 90 % of BSE infectivity would be destroyed. With burial none would be destroyed. Nevertheless, the Committee has estimated that the likely BSE infectivity in cattle born on or after 1 August 1996 would be about 400 times less than that in cattle born before that date. In light of this advice the Environment Agency has decided that, if required for logistical reasons, and depending on local water conditions and other factors, cattle born after 1 august 1996 may be buried, subject to site specific risk assessments. A copy of the public summary of SEAC's meeting can be found at www.maff.gov.uk/animalh/bse/bse-science/seac/seac0301.html

* 67 Cf. le compte rendu de la réunion du Spongiform Encephalopathy Advisory Committee (SEAC) du 30 mars 2001.

* 68 Une note du ministère de l'agriculture relative à la méthode applicable à l'incinération des carcasses souligne, par exemple, qu'« avant le transport sur le lieu d'incinération, il faut tremper toutes les carcasses dans du gasoil avant d'allumer le feu, pour garantir que tout le poil soit immédiatement brûlé ».

* 69 Cf Europolitique, n° 2597, 2 juin 2001, page IV-9

* 70 La Tribune - 11 avril 2001, page 6.

* 71 La Libre Belgique - 19 avril 2001, page 6.

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