C. LA NOUVELLE STRATÉGIE DE LUTTE EN FRANCE

Une loi n° 91-639 du 10 juillet 1991 relative à la fièvre aphteuse et portant modification du code rural et du code pénal et un arrêté du 29 mars 1991 ont dressé le cadre du nouveau dispositif normatif de lutte contre la fièvre aphteuse. Celui-ci découle de la directive adoptée à Bruxelles le 26 juin 1990.

Depuis 1961, on ne procédait à une vaccination systématique annuelle que pour les bovins. Ceux-ci représentaient environ la moitié des animaux sensibles. Plusieurs personnalités entendues par votre mission d'information ont estimé qu'environ 80 % des bovins français étaient alors vaccinés. Les porcins et les ovins n'étaient, quant à eux, pas traités, compte tenu de la brièveté de leur espérance de vie, limitée à quelques mois.

1. Des principes clairs

Le nouveau dispositif reposait sur :

- un renforcement du contrôle des importations en provenance des pays tiers aux frontières de la CEE ;

- un système d'alerte en cas de foyer et un plan d'intervention ;

- une indemnisation totale des éleveurs des exploitations infectées .

Les motivations de cette nouvelle politique reprenaient, pour partie, l'argumentaire du rapport Mac Sharry précité. C'est ainsi que le dossier de presse de la campagne de sensibilisation lancée le 17 décembre 1991 soulignait les avantages de la nouvelle stratégie en ces termes : « A quoi bon dépenser chaque année 200 millions de francs pour vacciner 20 millions de bovins français alors que l'on ne recense aucun cas de fièvre aphteuse depuis 10 ans ? La France serait-elle le seul pays concerné qu'il conviendrait déjà de s'interroger. Mais l'enjeu est plus large. L'arrêt de la vaccination et l'harmonisation des dispositifs de lutte qui la remplacent, décidés par la Communauté européenne, ont avant tout une portée économique. Les échanges intra-européens se trouvent facilités, notamment avec le Royaume-Uni, la Grèce, le Danemark et l'Irlande qui refusent les animaux vaccinés. Situation identique vis-à-vis de nombreux pays tiers dont les marchés vont s'ouvrir comme l'Amérique du Nord, le Japon, l'Australie et d'autres pays et la zone pacifique » 26 ( * ) .

2. Une mise en oeuvre prévue de façon détaillée

Les éléments diffusés par le ministère de l'Agriculture en décembre 1991 distinguent clairement le rôle respectif des éleveurs, des scientifiques et de l'Etat, garant de la solidarité nationale.

Aux éleveurs incombe un « travail de détection », facilité par l'envoi d'un mémento présentant les signes de suspicion de la maladie et l'organisation de réunions d'information et de sensibilisation, au niveau départemental.

Il revient aux services vétérinaires , prévenus par l'éleveur, d'adresser des prélèvements aux laboratoires chargés du diagnostic qui doivent rendre leur diagnostic « en 6 à 12 heures, en tout état de cause 48 heures au maximum ». La même source note enfin qu'une confirmation de la présence de la maladie par le laboratoire entraîne l'élimination de tous les animaux sensibles de l'exploitation infectée, autour de laquelle le préfet définit un périmètre dans lequel la circulation des animaux, des véhicules et des personnes est limitée.

L'Etat doit prendre en charge « intégralement les préjudices subis et indemnise directement l'éleveur dont les animaux auront été abattus. Toutes les opérations de désinfection et d'assainissement sont également supportées dans leur intégralité par la collectivité nationale ».

On notera au passage que l'on n'évoque nullement à cette époque, les dommages « collatéraux » susceptibles de résulter de la mise en oeuvre du plan de lutte.

La réforme se traduit également par l'adoption d'un plan national d'urgence qui fixe les mesures réglementaires à mettre en oeuvre en cas d'épizootie 27 ( * ) , tandis que dans chaque département un plan départemental d'intervention est élaboré par un comité départemental de lutte contre la fièvre aphteuse présidé par le préfet.

Parmi les nouveaux moyens dont sont dotés les services compétents, on compte des véhicules équipés de chaînes d'électrocution des porcs susceptibles d'intervenir rapidement sur le terrain.

Le Centre national d'Etudes vétérinaires et alimentaires d'Alfort met, en outre, au point un modèle de la dispersion aérienne du virus qui, à partir de données épidémiologiques et météorologiques calcule le nombre de particules inhalées par les animaux des espèces sensibles situés autour du ou des foyers.

Les groupements de défense sanitaire du bétail (GDS) créent, en outre, sur la base des cotisations annuelles, une caisse de péréquation destinée à compenser les pertes dues au blocage des exploitations.

L'ensemble de ces dispositions ont montré une réelle efficacité entre 1991 et 2001. Cependant, comme le soulignait en 1990 un observateur étranger, « l'interdiction de la vaccination antiaphteuse pourrait avoir pour conséquence l'apparition d'épizooties plus étendues et plus difficiles à combattre. Il serait impardonnable de ne pas se préparer dès à présent » 28 ( * ) .

C'est à l'aune de ce pronostic, inquiétant mais fondé, qu'il convient d'examiner les conditions dans lesquelles est apparue la récente épizootie de fièvre aphteuse et les mesures qui lui ont été opposées dans l'Union Européenne, en général, et en France, en particulier.

* 26 Dossier de presse précité, page 4.

* 27 Cf. Jean-Marie Gourreau et al. « Les mesures de lutte contre la fièvre aphteuse en France », dans Bulletin de l'Académie vétérinaire de France, 1997, n° 70, pages 213-218.

* 28 R. Strobbe « Conséquences de l'arrêt de la vaccination antiaphteuse », dans Annales de Médecine vétérinaire, 1990, n° 134, page 578.

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