2. Un impact globalement négatif sur le fonctionnement des juridictions

Les chiffres bruts précédemment examinés ne tiennent pas compte des disparités de la charge de travail, inégalement répartie selon les juridictions. L'impact de la réduction du temps de travail devrait varier selon la taille des sites.

En se référant aux statistiques relatives aux tableaux de bord d'activité permettant d'analyser la charge de travail par agent et aux indications données par les juridictions elles-mêmes, il apparaît que les conseils de prud'hommes d'Alsace pourront passer aux 35 heures avec le même effectif, tout en absorbant le même volume de travail. Cela s'explique par le calibrage très confortable de l'effectif, effectué en 1982, lors de la mise en place de la réforme de ces juridictions ainsi que par le nombre très faible de postes vacants qui offre de bonnes conditions de travail.

De même, certains petits tribunaux d'instance ou certains greffes permanents dans lesquels par commodité de gestion, plusieurs personnes ont été maintenues sans que la charge de travail le justifie, pourront à moyens égaux passer aux 35 heures sans dégradation du service rendu.

Par contre, les juridictions qui concentrent une activité importante et ont à gérer beaucoup de personnel connaîtront de sérieuses difficultés pour passer aux 35 heures, à moyens constants.

A l'intérieur même de ces juridictions importantes, surtout les TGI, la cour d'appel et les « gros TI » 10 ( * ) , certains services à fortes contraintes (pénal, instruction, assises, tribunal pour enfant) rencontreront plus de difficultés que les services civils, moins soumis à des délais. Globalement cependant, il est prévisible pour ces grosses unités un rallongement des délais « d'évacuation » des procédures, une augmentation des affaires en stock, des indisponibilités temporaires de personnel qualifié pour les fonctions spécifiques de l'instruction (les assises notamment) et peut-être une réduction des moyens mis en oeuvre pour l'accueil du public.

Aussi, selon l'état des lieux actuel et les données connues à ce jour, il est à craindre que l'avancée sociale voulue par la réduction du temps de travail apporte dans les juridictions d'Alsace et plus généralement dans les juridictions de l'ensemble de la France une amélioration pour certaines et une dégradation des conditions de travail pour d'autres. La même interrogation se pose quant à la qualité du service rendu au justiciable.

En ce qui concerne les conditions de travail des agents, pour certains (en petit nombre) dont la charge de travail n'est pas trop lourde (conseils de prud'hommes et petits TI), la réduction du temps travaillé constituera un gain. Pour les autres, il pourrait y avoir gain que si elle s'accompagnait des créations d'emplois correspondants au moins à la compensation du temps de travail actuellement effectué, et au mieux au comblement des postes vacants.

Mais dans cette hypothèse idéale, une autre difficulté surgirait dans la mesure où les bâtiments judiciaires occupés par les TGI et la cour n'ont plus de capacité d'accueil pour les personnels supplémentaires.

En conclusion, la dégradation des conditions de travail paraît inévitable pour la majorité des TGI, et dans une moindre mesure pour la cour et les gros TI.

En ce qui concerne la qualité du service public de la justice, le ministère a affiché les enjeux : amélioration du service public de la justice ; meilleure évaluation des besoins des juridictions ; meilleure prise en compte des compétences des agents. C'est un véritable défi proposé à l'encadrement, que les juridictions d'Alsace, qui manquent depuis plusieurs années de cadres (10 postes de catégorie A sont actuellement vacants sur un effectif total de 60 pour le ressort) peuvent difficilement relever.

Des aides en formation ont été proposées par le ministère, en 2002, pour apprendre à « réorganiser » les juridictions.

La mobilisation de l'encadrement ne peut permettre à elle seule de réussir la mise en place de la réduction du temps de travail dans les juridictions du ressort de la cour d'appel de Colmar. Le manque de moyens humains, chronique dans la région, reste un handicap majeur.

* 10 Il s'agit des tribunaux d'instance de Mulhouse et de Colmar pour le département du Haut-Rhin.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page