3. Audition de M. Jean-Pierre Besson, président directeur général de Météo France, accompagné de MM. Philippe Courtier et Olivier Mock, directeurs généraux adjoints de Météo France, de M. Pierre Bessemoulin, directeur de la climatologie de Météo France et M. Jean Soulier, responsable du centre départemental de la Somme de Météo France (30 mai 2001)

M. Marcel Deneux, Président - Nous recevons aujourd'hui M. Jean-Pierre Besson, président directeur général de Météo France, accompagné de MM. Philippe Courtier et Olivier Mock, directeurs généraux adjoints de Météo France, de M. Pierre Bessemoulin, directeur de la climatologie de Météo France et de M. Jean Soulier, responsable du centre départemental de la Somme de Météo France.

Le Président rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à MM. Jean-Pierre Besson, Philippe Courtier, Olivier Mock, Pierre Bessemoulin et Jean Soulier .

Nous accueillons M. Jean-Pierre Besson, qui est président de Météo France. Le plus simple, puisque vous êtes plus nombreux que ce qui était indiqué sur nos fiches de références serait que vous nous présentiez vos collaborateurs.

M. Jean-Pierre Besson - Olivier Mock est directeur général adjoint et a en charge les questions de rapport avec l'Etat, des missions institutionnelles de l'établissement et des questions internationales. Philippe Courtier est directeur général adjoint, en charge de la coordination de l'ensemble de nos directions interrégionales et de nos centres départementaux, ainsi que du développement de Météo France. En outre, sur le plan scientifique, Philippe Courtier est un éminent spécialiste de la modélisation numérique mais occupe d'autres fonctions. M. Pierre Bessemoulin est directeur de la climatologie. Il est présent afin de répondre à l'ensemble de vos questions concernant les références et l'éventuel aspect exceptionnel des inondations de la Somme. M. Jean Soulier est responsable du centre départemental de la Somme. Il est possible que vous l'ayez d'ores et déjà rencontré.

Nous sommes venus nombreux car nous considérons que le sujet est extrêmement important. D'une part, il s'agit d'un événement tout à fait exceptionnel. D'autre part, nous nous sommes sentis solidaires des personnes qui se sont retrouvées dans des situations catastrophiques. Comme la cause en est météorologique, nous nous sentons proches de ces populations. De plus, cet événement vient, une fois de plus, conforter notre propos selon lequel le système français de surveillance des crues et d'alarme des populations ne fonctionne pas correctement. Nous pensons que nous pouvons, à cet égard, apporter quelques réflexions qui peuvent être utiles afin d'améliorer ce système. Tel est le message que je souhaiterais vous soumettre, étant entendu que nous répondrons à l'ensemble de vos questions. Notre formation sera, je l'espère, apte à répondre à toutes vos interrogations.

Je tiens à préciser que Météo France a été créée par le biais du décret du 18 juin 1973. Ce décret comporte, dans son article premier, une description de la mission de Météo France, qui se doit d'observer l'atmosphère, l'océan superficiel et le manteau neigeux afin d'en prévoir les évolutions et de diffuser les informations correspondantes. Météo France n'a donc pas vocation à observer les rivières et les cours d'eau. Nous sommes responsables de la pluie, jusqu'à ce qu'elle ait atteint le sol. Ceci correspond à une certaine logique dans la mesure où les phénomènes de crues ne sont pas seulement issus d'un phénomène météorologique. L'effet que peut avoir une certaine quantité de pluie tombée sur le sol dépend également de l'état et des caractéristiques du bassin, et en la circonstance, de l'état de la nappe phréatique. Les inondations sont dues, comme chacun le sait, non seulement au phénomène de crue de type classique mais également à la remontée des nappes phréatiques. En outre, s'additionne un phénomène de hauteur des marées. Par conséquent, le phénomène a été particulièrement complexe.

Que Météo France n'ait pas une compétence entière sur le sujet n'est pas illogique en soi mais, au regard de l'évolution, nous considérons que nous sommes en mesure d'apporter des informations supplémentaires à celles qui nous sont aujourd'hui demandées. Un réel progrès doit être réalisé en matière de gestion des crues. Il est symptomatique de noter que les services d'annonce des crues ne sont pas des services de prévisions des crues. Dans la terminologie même, nous constatons que l'appellation des services officiels chargés de ces questions n'a pas intégré les progrès qui sont intervenus, et qui permettent non seulement d'annoncer ce qu'il se passe mais également de prévoir ce qu'il va se passer. A fortiori, lorsque l'on regarde le département de la Somme, nous constatons qu'il n'existe pas de service d'annonce des crues. La Somme n'est pas couverte par un service d'annonce des crues.

M. le Président - C'est effectivement le cas.

M. Jean-Pierre Besson - Il s'agit d'un fait. Le message que je souhaite vous délivrer sera bref, afin que nous puissions répondre à vos questions.

Notre analyse est la suivante. Deux grands types de flux sont constatés.

Les crues soudaines sont très fréquentes dans le Sud-Est de la France mais également en Normandie.

Les crues plus longues de grand bassin sont identiques à celle que nous avons observée dans le cas de la Somme.

Dans les deux cas, un lien s'établit avec l'approche météorologique. Dans le cas des crues soudaines, ce lien est évident dans la mesure où l'aspect dominant de ces crues est la forte quantité de pluie qui tombe dans un temps très court sur un bassin dont les caractéristiques sont telles que la pluie provoque une crue soudaine. L'aspect dominant de ce type de crue est incontestablement un aspect météorologique. De ce point de vue, la compétence en matière de prévision est essentiellement du ressort de la météorologie. Concernant les progrès qui sont d'ores et déjà constatés, le réseau radar que nous avons fortement développé et que nous continuons à développer sur l'ensemble de la France en densifiant le réseau, permet non seulement d'alerter sur le fait que des pluies vont se produire mais également de quantifier le phénomène. Des logiciels, mis en place par Météo France ou par des concepteurs privés, permettent de doter les services de surveillance des crues d'un outil permettant d'aller au-delà de l'alerte et de quantifier la lame d'eau (soit la quantité d'eau qui va tomber). Les progrès à venir porteront sur la détection anticipée de ce phénomène et reposeront sur la détection des phénomènes, en particulier la caractérisation de la couverture nuageuse et la détection d'un certain type de nuages capables de se traduire par des phénomènes de convention et de précipitations extrêmement fortes. Ceci va reposer essentiellement sur l'utilisation des nouveaux instruments satellitaires. Un nouveau satellite météorologique européen, Météosat seconde génération, sera lancé dans les mois qui viennent et sera opérationnel à la mi-2003. Il comporte un nouvel outil qui permettra de détecter ces phénomènes nuageux susceptibles d'être dangereux. Je simplifierai en vous indiquant que cet outil s'accompagne de nombreuses avancées dans d'autres domaines. Ainsi, une organisation dite de prévision immédiate est actuellement mise en place. Il s'agit de déterminer ce qu'il se passera au cours des quatre prochaines heures et quelle quantité de pluie est susceptible de tomber entre 13 heures 30 et 14 heures 25. Nous procédons d'ores et déjà de la sorte pour Roland-Garros et étendrons ce type de système grâce à l'organisation que nous mettons en place et grâce aux instruments que je vous ai précédemment cités. Cela est directement lié à des outils météorologiques. Nous ne voyons pas d'objection à ce qu'ils soient mis en place par les services d'annonce des crues, mais il n'en demeure pas moins que les outils qu'ils utilisent vont reposer sur ces nouvelles possibilités ouvertes par les progrès de la technologie et de la science, qui sont, il faut le reconnaître, entre les mains de Météo France aujourd'hui.

En ce qui concerne les crues plus lentes, les crues de bassin, les phénomènes qui interviennent sont beaucoup plus complexes. L'aspect météorologique demeure extrêmement important dans la mesure où la pluie provoque les inondations. Toutefois, beaucoup d'autres phénomènes interviennent, notamment l'état des sols, l'interférence entre les sols et les types de végétations, la nappe phréatique comme tel a été le cas dans la Somme et le niveau de la mer. Par conséquent, la connaissance de la pluviométrie ne saurait suffire, il est nécessaire d'y apporter des connaissances plus proprement hydrologiques. En tout état de cause, il est certain que, dans les prochaines années, la véritable capacité à prévoir les inondations sur les grands bassins reposera sur la modélisation de l'atmosphère, tout comme la prévision météorologique repose sur cette même modélisation. En entrant autant de données que possible sur l'état initial de l'atmosphère, à partir des lois de la thermodynamique des flux, nous prévoyons son évolution. Ce type de simulation devra être appliqué en matière hydrologique et nous avons, sur ce point, engagé des travaux d'ordre scientifique qui sont très prometteurs. Nous avons travaillé sur la simulation des phénomènes de flux hydrologiques sur le grand bassin du Rhône ainsi que sur le grand bassin de la Garonne. Nous tenons compte non seulement des phénomènes météorologiques mais également hydrologiques (du niveau de la couche des neiges, de l'effet de la fonte nivale, de la nature des sols, de la nature de la couverture végétale sur les différents sols...) à partir d'un certain nombre de logiciels que nous imbriquons les uns aux autres. Les simulations font montre d'une bonne fiabilité et d'un bon réalisme lorsque nous confrontons les résultats obtenus à la situation constatée, aussi bien dans le flux de l'ensemble de l'année que dans les flux quotidiens. L'analyse réalisée sur le bassin du Rhône a été transposée sur la Garonne. Les travaux sur ce dernier fleuve fonctionnent correctement, le résultat est très prometteur sur les grands bassins, mais il reste de nombreuses avancées à réaliser sur les petits bassins. Quoi qu'il en soit, au cours des prochaines années, ce type d'outils permettra de progresser. D'autres méthodes, consistant à relier le passé et la situation présente, sont aujourd'hui quelque peu obsolètes. Il est indispensable d'intégrer un grand nombre d'éléments dans le calcul, ce qui peut être réalisé par un outil de simulation de prévision numérique. Notre message consiste à affirmer qu'il faut réfléchir et qu'il sera indispensable de tenir compte, d'un moyen ou d'un autre, des outils et des compétences existantes. Nous estimons que ces outils peuvent prendre différentes formes. Nous considérons qu'un grand progrès serait envisageable en tenant compte d'une idée reprise à l'occasion des retours d'expérience des inondations de l'Aude, dirigée, me semble-t-il par M. Claude Lefrou. Cette idée consiste à dire qu'un centre hydrologique national devrait être mis en place. Il s'agit d'un centre d'appui qui apporterait les outils et aurait une mission opérationnelle pour la prévision à venir tout en fournissant un soutien aux services délocalisés et centralisés existants. Nous considérons que ce centre hydrologique devrait être agrégé autour de l'aspect météorologique, qui est le plus complexe, en y additionnant des compétences hydrologiques, qui ne sont pas du ressort de Météo France. Il serait sans doute plus aisé d'agréger un certain nombre de compétences hydrologiques à un ensemble assez large et vaste.

En outre, je tiens à souligner un autre élément important. Il faut reconnaître aujourd'hui que les services d'annonce des crues, dont certains fonctionnent très bien et ont acquis de nombreuses compétences, ont le désavantage de ne pas être des services permanents. La cellule est mobilisée lorsque l'on pense qu'une crue est susceptible de se produire. Dès lors, au sein de la DDE, un certain nombre de techniciens sont affectés à ce service. Toutefois, le service d'annonce des crues n'est pas un service opérationnel fonctionnant 24 heures sur 24. L'unique service opérationnel travaillant 24 heures sur 24, présent dans l'ensemble des départements français est Météo France. De notre point de vue, il s'agirait d'un élément supplémentaire pour réfléchir à cette question.

M. le Président - Je vous remercie. Réagissons-nous immédiatement à votre exposé en vous posant des questions ? Nous pourrions procéder de la sorte à moins que les spécialistes qui vous accompagnent aient eux aussi préparé un exposé introductif. Nous pouvons vous accorder quelques minutes.

M. Jean-Pierre Besson - M. Pierre Bessemoulin pourrait répondre aux questions numéro 7 et 8 que vous nous avez soumises. Quels sont les mécanismes qui déterminent l'évolution du climat à long terme ? Peut-on parler d'un réchauffement climatique ? Quelles en sont les causes ? Quelles en sont les conséquences ?

M. Pierre Bessemoulin - Concernant les modalités du réchauffement climatique, je rappelle tout d'abord que le climat de la terre est piloté en grande partie par la position de la terre par rapport au soleil. Sans rentrer dans le détail, je vous indiquerais trois paramètres essentiels :

- l'excentricité de la trajectoire terrestre ;

- le phénomène de précession des équinoxes ;

- la variation d'inclinaison de l'axe de la terre par rapport au plan de la trajectoire.

Tous ces phénomènes modulent les épisodes chauds et froids. Chaque trajectoire a une valeur quasiment circulaire et module les grandes glaciations tous les 100.000 ans. L'utilisation de cette théorie astronomique des climats, qui s'applique extrêmement bien aux climats anciens reconstitués à partir des archives climatiques, nous permet de réaliser des prévisions. Ces dernières indiquent que nous avions atteint un optimum chaud il y a 5.000 ans, et que le retour à une petite glaciation devrait intervenir dans 6.000 ans. Nous observons, depuis l'an 1000 jusqu'à la fin du XIXe siècle, une décroissance régulière de la température globale de la terre. Puis, à l'ère industrielle, nous constatons que le phénomène s'inverse. Il existe également un consensus international s'accordant à dire que la tendance à la hausse est essentiellement imputable à l'activité humaine, au gaz à effet de serre. De plus, nous avons assez clairement évalué d'autres influences comme l'activité solaire, qui a eu une importance par le passé, notamment au XVIIe siècle durant l'épisode du petit âge glaciaire, au cours duquel l'activité solaire était quasiment nulle, provoquant des périodes froides. Toutefois, nous savons qu'au cours des cinquante dernières années, ce phénomène est de second ordre.

Nous disposons de modèles de circulation générale utilisés dans le mode de prévision climatique. Par ce biais, nous sommes en mesure de déterminer les climats des 150 dernières années. Les derniers résultats suggèrent que ces modèles ne sont capables de reconstituer le climat des 150 dernières années qu'à condition d'utiliser l'évolution des teneurs en gaz à effet de serre et des aérosols, dont l'effet est inverse au précédent. Si nous considérons ces éléments, avec les concentrations adéquates, nous disposons d'une reconstitution correcte du climat. Je vous rappelle qu'il existe trois phases :

- une phase de croissance de la température jusqu'à la guerre ;

- une phase de légère décroissance due en particulier à la croissance économique et au recours à une technologie n'étant pas forcément propre ;

- une phase de forte croissance, enclenchée depuis la fin des années 60 ou 70.

A l'échelle globale, le chiffre donné est de 0,6° d'augmentation sur le siècle. Il convient de signaler que ce chiffre recouvre de fortes disparités géographiques. Ainsi, en France, le chiffre est différent selon que l'on considère les températures minimales, maximales ou moyennes. A titre d'exemple, pour les températures minimales, il s'établit à 0,6° dans le Nord, ce qui est proche du chiffre global, mais s'élève, en revanche, à 1,2° ou 1,3° dans le Sud. L'augmentation des températures minimales a eu un effet très important dans la mesure où elle s'est traduite, en particulier, par la réduction drastique du nombre de jours de gel. A cela s'ajoute un effet qui commence à être visible sur les durées d'enneigement.

Par ailleurs, je tiens à vous signaler que nous avons récemment publié des cartes du réchauffement climatique en France.

M. le Président - Je vous remercie. Nous changeons de sujet.

M. Jean-Pierre Besson - Je souhaiterais revenir sur la structure de Météo France. Je vous ai indiqué ses missions. Nos effectifs s'établissent à 3.700 personnes. Météo France est présente dans chaque département de France et d'Outre-Mer. Ce choix est politiquement fort dans la mesure où les progrès de l'automatisation et de la modélisation numérique -nous disposons d'un modèle portant sur sept kilomètres-, nous permettrait de concevoir une concentration de notre organisation. Dans le cadre des grandes réflexions que nous avons menées sur le schéma directeur de la prévision, nous avons clairement affirmé que nous considérions que la présence locale est un élément important de notre efficacité. Nous sommes un service de proximité. Pour l'essentiel, la sécurité intervient au niveau du département. Dès lors, nous n'imaginions pas nous retirer de l'échelon départemental, même si, sur le plan technique, nous pourrions considérer que nous pourrions procéder différemment. En matière de météorologie, la plupart des pays européens ont concentré de manière extrêmement forte leur localisation et se sont centrés sur un centre unique de prévision nationale, ou sur un centre national et quelques centres régionaux. Je signale, puisque l'occasion m'est donnée, que cette organisation nous pose de nombreux problèmes de coordination. En effet, nous disposons de trois échelons : national, régional et départemental. Toutefois, nous avons mis en place des procédures afin de palier ce problème. J'estime que notre système fonctionne correctement sur ce point de vue particulier. En effet, le contrôle automatique de la qualité des prévisions montre que la prévision au niveau local est enrichie pour les échéances prochaines et de manière plus particulière dans les zones côtières, littorales ou les reliefs dans la mesure où les phénomènes locaux ont une importance particulière.

Concernant le réseau d'alerte météorologique et les instructeurs de Météo France, nous avons conclu des conventions avec les différents services de l'Etat :

- la protection civile pour les catastrophes de type météorologique ;

- la Direction de l'Eau pour les services d'annonce des crues.

Ces conventions datent de 1995 et s'appuient sur des circulaires interministérielles. Elles nous engagent, lorsque certains seuils sont franchis pour différents paramètres météorologiques (vent, précipitations...), à envoyer des messages d'alerte aux services officiels. En ce qui concerne les crues, nous réalisons des bulletins d'alertes de précipitations (BAP). S'agissant du département de la Somme, ces BAP doivent être envoyés lorsque le seuil de 20 millimètres sur 24 heures est franchi ou quand un seuil de 30 millimètres en 48 heures est atteint. Pour ce qui concerne le vent, la neige ou d'autres phénomènes météorologiques, nous fournissons un bulletin régional d'alerte météorologique (BRAM) au Ministère de l'Intérieur.

En la circonstance, il n'y a pas l'ombre d'un problème quant à l'exercice des missions qui nous ont été confiées, ce qui n'est pas toujours le cas. Nous avons émis de nombreux BAP, qui n'ont pas concerné le bassin de la Somme. En effet, nous ne savions pas où envoyer ces documents dans la mesure où la Somme ne dispose pas d'un service d'annonce des crues.

M. Soulier vous fournira l'ensemble des BAP qui ont été publiés et envoyés par la Direction départementale. Dès le mois de janvier, nous avions demandé au centre départemental un rapport de catastrophe naturelle compte tenu des fortes précipitations qui ont marqué cette région, comme de nombreuses régions de France, depuis le mois d'octobre. En effet, la pluviométrie était plus du double des normales saisonnières. Dès le mois de janvier, un rapport a été demandé concernant les conséquences de ces pluies. Ce rapport laissait clairement entendre qu'il existait un risque réel d'inondation. De manière assez paradoxale, le mois de février a, en revanche, affiché des résultats en dessous des normales.

M. Pierre Martin, Rapporteur - Monsieur le Président, je me permettrai de vous poser une question concernant le rôle que vous avez joué dans la Somme. Vous n'avez pas l'entière responsabilité, comme vous l'avez déclaré, dans la mesure où vous ne disposez pas de l'entière compétence en la matière. Vous avez transmis vos informations. S'il n'existait pas de cellule dans la Somme pour les recevoir, il n'en demeure pas moins qu'au niveau national, vous avez fourni ces informations. Vous serait-il possible de nous indiquer quelles sont les informations concrètes que vous avez données ? A quel moment les avez-vous fournies ?

M. le Président - Existe-t-il une corrélation entre lesdites informations et les annonces téléphoniques du 36.68 ? Sommes-nous correctement informés lorsque nous composons le 36.68 quotidiennement ?

M. Jean-Pierre Besson - Oui, bien entendu.

M. Soulier - Les bulletins régionaux météorologiques ou d'annonces de pluie sont répercutés, en règle générale, en début de bulletin. Lorsque vous composez le 36.68, qui est aujourd'hui le 36.92, le bulletin d'annonce ou d'alerte est mentionné. Ces bulletins sont réalisés par le centre météorologique interrégional de prévision. Notre rôle consiste à répercuter les informations transmises.

M. le Rapporteur - Pourrions-nous disposer des annonces qui ont été diffusées ?

M. Jean-Pierre Besson - Nous vous avons apporté l'ensemble des bulletins d'alerte de précipitations qui ont été émis au cours de la période et qui ont été transmis à la Direction de l'Environnement du Pas-de-Calais.

M. le Président - La DIREN Picardie a-t-elle reçu ces informations ?

M. Paul Raoult - La Direction est située à Lille.

M. Jean-Pierre Besson - Tout dépend du bassin. En fonction du bassin, nous déterminons les destinataires des BAP que nous sommes tenus d'envoyer. Par conséquent, nous adressons les documents portant sur les bassins considérés aux destinataires indiqués. Ainsi la DIREN Pas-de-Calais reçoit les informations relatives au bassin de la Ganne.

M. Paul Raoult - Pour quelle raison cette même DIREN reçoit-elle les BAP concernant la Somme ?

M. Jean-Pierre Besson - La Somme n'est pas couverte par un service d'annonce des crues.

M. le Président - La Somme est un petit territoire autonome n'ayant jamais subi d'inondation.

M. Paul Raoult - Il est important d'être aussi précis que possible. Vous déteniez une information et vous nous avez indiqué qu'il n'existait pas de service d'annonce des crues. Dès lors, que faisiez-vous de cette information ?

M. Philippe Courtier - Concernant les endroits couverts par des services des crues, nous appliquons une procédure ordinaire pour envoyer ces bulletins. La Somme n'est pas couverte par un service d'annonce des crues.

La préfecture a pris contact avec Météo France dès que les problèmes ont surgi. Monsieur Soulier pourra confirmer et expliquer dans le détail cet élément. Au-delà de ces premiers contacts, une cellule de crise a été mise en place. Nous avons, bien entendu, communiqué les informations quotidiennement.

M. Paul Raoult - Cette procédure s'est enclenchée à l'occasion de la crise. Au départ de la crise, avant même sa réalisation, c'est-à-dire lorsque l'on constate des pluies importantes, que faites-vous de l'information ?

M. Jean-Pierre Besson - L'information sur les niveaux de flux figure dans nos bulletins.

M. le Président - Quel est le destinataire du bulletin afin que l'alerte soit donnée ?

M. Soulier - Le bulletin régional d'annonce météorologique peut couvrir non seulement les pluies mais également d'autres phénomènes. Ces bulletins sont diffusés dans l'ensemble de la zone qui risque de voir des problèmes surgir de ce type de paramètres.

M. Jean-Pierre Besson - Comme je l'ai indiqué précédemment, il existe deux types de messages. Les bulletins d'annonces de précipitations, les BAP, sont spécifiques aux précipitations et, par voie de conséquence, aux risques d'inondation. Conformément aux instructions qui nous sont données et à la convention signée avec le Ministère de l'Environnement en 1995, des règles sont fixées. La convention stipule que lorsque le seuil déterminé par le Ministère est dépassé, nous sommes tenus d'envoyer un message de telle forme au destinataire, qui s'avère être le service d'annonce des crues de la zone. Il n'existe pas de service de ce type dans la Somme. Nous n'avons pas d'instruction selon laquelle nous devons envoyer ces informations au Préfet.

M. le Rapporteur - Quelqu'un doit nécessairement être informé de la situation.

M. Jean-Pierre Besson - Je vous répondrai par la négative. Un BAP est envoyé à un service d'annonce des crues qui nous est indiqué en fonction du bassin. Si le bassin concerné n'est pas couvert, deux possibilités sont offertes. Si le seuil du BRAM est dépassé, le Centre interrégional de coordination de la sécurité civile (CIRCOSC), soit le service régional de la protection civile basé à Lille, reçoit ce document. Dès lors, le Préfet de la zone reçoit le BRAM. Toutefois, se pose un problème lorsque le niveau de pluie se situe entre 20 millimètres et 30 millimètres, selon les instructions qui sont en vigueur, et nous appliquons les instructions que nous recevons...

M. Paul Raoult - Nous ne vous mettons pas en cause mais nous cherchons à comprendre.

M. Jean-Pierre Besson - Je tiens à faire preuve de clarté. Il existe une zone d'ombre. Nous considérons que le système d'alarme officiel est perfectible, notamment en ce qui concerne les crues. En effet, ce système contient des zones d'ombre, ce qui est également vrai pour les vents et les tempêtes. Dès lors, nous avons proposé au plan public, à l'issue des tempêtes de 1999, de remplacer la mécanique qui ne fonctionne pas aujourd'hui dans la mesure où la chaîne publique est trop longue, par un système de carte de vigilance que nous publierons deux fois par jour et de façon régulière. Cette carte serait accessible à tous dans les journaux et gratuite sur Internet. Nous pourrons indiquer qu'un département donné se situe dans l'un des quatre degrés de vigilance.

- Le vert signifie que l'on ne court aucun risque.

- Le jaune reflète qu'il faut faire attention et ne pas s'exposer

- L'orange suggère que la situation est sérieuse.

- Le rouge dénote une situation extrêmement sérieuse.

En principe, nous diffuserons ces informations pour chaque département dès le 1er octobre. Nous sommes prêts depuis longtemps mais le Ministère de l'Intérieur et la Direction de la sécurité civile a souhaité que nous différions la mise en oeuvre de ce dispositif. Nous avons organisé des journées portes ouvertes il y a 15 jours afin d'expliquer le fonctionnement de ces cartes. Il n'est pas nécessaire d'essayer de me convaincre des dysfonctionnements du système actuel, je suis le premier à les reconnaître.

M. Ambroise Dupont - Vous évoquiez le service d'annonce des crues sans pour autant nous indiquer de quelle initiative le service dépend. Qui doit créer ce service d'annonce des crues ?

M. le Président - Je répondrai, a priori, que le Ministère de l'Environnement doit remplir cette tâche.

M. Jean-Pierre Besson - La Direction de l'Eau est responsable du système de l'annonce des crues. Les Préfets sont théoriquement invités par la Direction de l'Eau à indiquer qu'un bassin donné est susceptible de connaître des crues.

M. Paul Raoult - Deux Ministères interviennent dans ce domaine : le Ministère de l'Environnement et le Ministère de l'Intérieur.

M. Jean-Pierre Besson - Ainsi que les Ministères de l'Equipement et de l'Agriculture.

M. le Président - Nos auditions porteront également sur trois Ministres. Je constate que nous ne nous sommes pas trompés.

M. Paul Raoult - Nous souhaiterions disposer de chiffres précis.

M. Philippe Courtier - Nous tenons à vous soumettre un rapport très précis relatant les événements.

M. le Président - Si j'osais, j'indiquerais que la Somme n'a pas été avertie par la faute des gens du Nord.

M. le Rapporteur - Les informations ont été fournies à la région du Nord. Si le bon sens pratique prévaut dans le Nord, la Somme est prévenue. Qu'y a-t-il lieu de faire en la circonstance ? Faut-il prévenir la Somme ? Faut-il conserver ces informations ?

M. Jean-Pierre Besson - Les bassins ont été divisés par zones. Chaque bassin réagit d'une manière particulière. Sachant qu'une information concernant la pluie arrive dans un bassin que l'on ne connaît pas, que souhaitez-vous que nous fassions de cette information ? Le Préfet a eu connaissance des hauteurs de pluie. Très honnêtement, il faut reconnaître que personne ne disposait de la compétence nécessaire dans la mesure où le phénomène concernait les nappes phréatiques. Même si un service d'annonce des crues avait existé, de fait, le problème se serait posé. Le problème de la diffusion des fiches n'est pas essentiel. En revanche, il est indispensable que le destinataire soit capable de déchiffrer et d'utiliser ces informations, ce qui nécessite une connaissance approfondie du bassin, ses particularités, les caractéristiques de la végétation etc. Le vrai problème consiste à s'interroger sur l'inexistence d'un service d'annonce des crues sur le bassin de la Somme.

M. le Rapporteur - Le Ministère de l'Environnement prône le principe de précaution sur un ensemble de points. En la circonstance, nous aurions pu imaginer un principe de précaution.

M. Paul Raoult - Existe-t-il d'autres régions en France qui ne disposent pas d'un service des crues ?

M. Jean-Pierre Besson - A ma connaissance, il existe une cinquantaine de services des crues en France.

M. Soulier - Je souhaitais indiquer que les bulletins d'alerte de précipitations sont destinés aux services d'annonce des crues (SAC). Afin qu'un tel service existe, il faut que la rivière considérée réagisse directement aux précipitations. Or la Somme, par définition, est une rivière qui réagit essentiellement aux phénomènes des nappes, ce qui est, en règle générale, un processus long. Les bulletins d'alerte et de prévisions, qui se basent sur des précipitations de 24 heures à 48 heures, sont inopérants. Telle est la raison pour laquelle ces services n'existent pas et que les bulletins d'alerte de précipitations ne sont pas diffusés dans la Somme.

Je tenais également à signaler que les seuils des BRAM n'ont pas été atteints. Par conséquent, il n'y a pas eu de bulletin d'alerte. Une hauteur de 20 millimètres ou de 30 millimètres est courante. Toutefois, des précipitations de 20 millimètres à 30 millimètres durant trois mois reflètent une situation totalement différente.

M. le Président - La pluie est tombée, sans discontinuer, pendant 26 jours.

M. Paul Raoult - Nous sommes sur des critères de climat méditerranéen et non de climat océanique. Dès lors, le système n'est pas adapté. En effet, 20 millimètres en climat océanique est énorme.

M. Pierre Bessemoulin - Je tiens à vous soumettre le chiffre de la durée de retour des précipitations. A Abbeville, par exemple, la durée de retour en 24 heures sur cinq ans s'établit à 39 millimètres. Nous avons constaté ce processus à une seule occasion. La durée de retour sur deux jours s'élève à 50 millimètres sur cinq ans. Ce chiffre n'est pratiquement jamais atteint. Le seuil de catastrophe naturelle considérée correspond à la fréquence décennale. Les chiffres sont de 44 millimètres sur 24 heures et de 56 millimètres sur 48 heures. Nous ne disposons pas de ces chiffres sur le terrain, ce qui corrobore les propos tenus précédemment. Les précipitations individuelles au jour le jour ne sont pas problématiques, mais le cumul était inquiétant.

M. le Président - Vos statistiques suggèrent qu'il s'agit de précipitations estivales. J'habite la région et j'ai été témoin d'orages provoquant des pluies de 45 millimètres, mais nous ne constatons pas de telles précipitations au cours de l'hiver. Vos chiffres portent sur une période de cinq années. La pluviométrie d'hiver vient compliquer le dossier.

M. Pierre Bessemoulin - Les durées de retour prennent en compte l'ensemble des données.

M. le Président - Certes, mais le dossier est aggravé par les fortes pluviométries hivernales.

M. le Rapporteur - Monsieur Soulier, Monsieur Vialle a évoqué en début d'après-midi le bassin versant de 5.500 km 2 . Il me semble que l'un de vos collègues a mené une étude afin de démontrer ce que cela représentait et que les résultats qu'il a obtenus sont impressionnants. Il serait déplacé d'affirmer que le bassin versant ne compte pas, en quelque sorte, et que seules les marges sont importantes.

M. le Président - Concernant l'amélioration du système, il convient de signaler que le Ministère de l'Environnement a décidé de quadriller la France il y a peu de temps. A quelle date le quadrillage des bassins a-t-il été introduit ?

M. Jean-Pierre Besson - La décision a été prise en 1995.

M. le Rapporteur - Vous nous indiquiez, me semble-t-il, que les mesures que vous avez réalisées laissaient présager cette crue. Si la pluviométrie laissait envisager cette crue, l'alerte a été fournie à un acteur. Quelles sont les conséquences concrètes de cette annonce ?

M. Soulier - Si nous comparons la situation avec celles constatées en 1994 et 1995, nous observons des phénomènes identiques dès le mois de décembre et janvier sur certains secteurs, notamment sur les côtes que vous connaissez.

M. le Président - Il s'agit de Vron et de Bernaville.

M. Soulier - Neuf secteurs sont concernés : Fontaine-sur-Somme, Vron, Bernaville, Abbeville, Amien-Glisy, Erondelle, Oisemont, Albert-Méaulte, Eppeville.

Nous avons connu des problèmes similaires en 1994 et 1995 sur la borne côtière, lorsque nous avons vu apparaître des sources coulant tous les 20 ans ou 30 ans. Cette année, nous avons constaté des phénomènes équivalents au mois de décembre et janvier. Le mois de février étant déficitaire, il n'y avait pas lieu de s'alarmer. Toutefois, le mois de mars a déclenché la catastrophe. En effet, les précipitations se sont élevées à 169 millimètres, voire à 220 millimètres sur certains secteurs. Elles se sont traduites par l'écoulement intégral de l'eau sur un sol complètement saturé et des étangs sur le point de déborder. L'eau est arrivée directement à la rivière. Nous avons été confrontés à une crue de flot que nous n'avons pas coutume de constater sur une rivière qui réagit aux nappes. Le phénomène s'est propagé sur Boves, puis sur Amiens, puis sur Fontaine et, enfin à Abbeville. Par conséquent, l'arrivée d'eau a réagi directement à la pluie.

M. Jean-François Picheral - N'aviez-vous pas prévu la pluviométrie exceptionnelle constatée au mois de mars ?

M. Philippe Courtier - Je souhaiterais répondre en vous indiquant quelles sont nos capacités en matière de prévision.

M. Hilaire Flandre - Les prévisions se basent sur le principe d'une chance sur deux.

M. Philippe Courtier - Je vous répondrai par la négative. Comme M. le Président vous l'a indiqué précédemment, nous sommes capables de réaliser des prévisions immédiates, à très courte échéance, en extrapolant les observations sur les prochaines heures. Ce mécanisme est typiquement le cas à Rolland-Garros, pour utiliser l'image retenue par Monsieur le Président.

De douze heures à sept jours, la prévision repose sur des techniques numériques. Nous intégrons dans des modèles simulant, dans le temps, l'ensemble de l'écoulement atmosphérique en prenant aujourd'hui en compte les aspects hydrologiques du sol. Nous sommes en mesure de réaliser des prévisions jusqu'à sept jours, étant entendu que la qualité de la prévision diminue avec l'échéance. En définitive, nous sommes capables de fournir une information pertinente sur une durée de sept jours. Entre sept jours et dix jours, il existe un potentiel mais, pour l'heure, nous ne pouvons effectuer des prévisions utiles. Au-delà de dix jours, et en particulier au-delà d'un mois, nous ne pouvons établir de prévisions. Nous ne voyons pas de pistes de recherche nous permettant de déclarer que nous serons en mesure de le faire dans dix ans.

En revanche, à l'échéance de la saison, soit de trois à six mois, il existe un potentiel de prévisibilité lié à l'océan. Il est clair que nous ne serons pas en mesure de prévoir s'il pleuvra ou non sur la Somme. Toutefois, nous pourrons annoncer que l'Europe de l'Ouest connaîtra un hiver froid ou doux, pluvieux ou sec. Actuellement, nous pouvons prévoir les grands phénomènes dans la ceinture tropicale, de type El Niño, mais ne sommes pas capables de prévoir ce qu'il se passera en Europe de l'Ouest. Néanmoins, nous disposons d'un espoir pour les dix prochaines années. Nous considérons que nous pourrons progresser.

M. Jean-Pierre Besson - Les outils de prévision saisonnière que Météo France utilise, tout comme le Centre européen de prévision météorologique, donnent des résultats quelque peu décevants. Notre capacité à utiliser ces outils est, à l'heure actuelle, très faible.

M. Philippe Courtier - Elle est en effet très faible sur l'Europe de l'Ouest, soit sur nos latitudes. En revanche, le potentiel de prévisibilité sur l'Amérique de l'Ouest est lié aux évolutions du Pacifique tropical.

M. le Président - Le phénomène qui nous intéresse porte sur l'excès de pluviométrie au cours des six derniers mois. Pouvez-vous nous indiquer la cause de cet excès ? Etes-vous en mesure de déclarer qu'un tel phénomène ne se reproduira plus ?

M. Philippe Courtier - Ce phénomène se reproduira.

M. le Président - Pouvez-vous nous apporter des éléments supplémentaires concernant les causes des inondations ? Pour quelle raison la zone pluviométrique s'est-elle installée sur le Nord de la France alors qu'elle concerne, traditionnellement, les zones plus hautes ?

M. Pierre Bessemoulin - Nous pouvons uniquement élaborer un diagnostic de la situation. Le rapport qui vous a été fourni contient une carte d'anomalie de pression, qui reflète la forte anomalie située à l'Ouest de la France.

M. le Président - Si nous nous engageons dans un changement de climat et d'effet de serre, peut-on prévoir dès aujourd'hui la périodicité des anomalies ?

M. Pierre Bessemoulin - Je vous répondrai par la négative. J'ai mentionné, en tête de ce rapport, un court couplet sur l'oscillation nord Atlantique, qui est improprement baptisé El Niño de l'Atlantique. Un indice caractérise cette oscillation nord Atlantique et reflète l'importance relative de l'anticyclone des Açores et de la zone de dépression islandaise. En régime positif, comme telle est la situation depuis près de trente ans, l'anticyclone des Açores est très puissant et les dépressions se déroulent très au nord. Or cela n'a pas été le cas en début d'année sur la zone considérée. Ainsi, lorsque nous analysons les indices, nous constatons qu'ils sont négatifs au long de la période.

Concernant votre question, dans l'hypothèse d'un changement climatique, une majorité des modèles suggèrent une tendance vers davantage de phases positives de l'oscillation, soit une poursuite de la situation actuelle.

M. le Président - La majorité des modèles connus arrivent-ils au résultat que vous indiquez ?

M. Philippe Courtier - En matière de régionalisation du changement climatique, c'est-à-dire ce qu'il se passera à l'échelle d'un pays comme la France, il faut souligner que la science est aujourd'hui loin d'être mure. Nous sommes à même de dire que l'augmentation de l'effet de serre se traduira par un changement climatique et un accroissement significatif de la température sur le globe. Toutefois, il est nécessaire de faire preuve de précautions concernant l'évolution climatique d'un pays comme la France.

M. Pierre Bessemoulin vous a expliqué que si le climat de la planète continue à fonctionner tel que nous le comprenons aujourd'hui, il y a peu de chances que nous observions ce genre de phénomène. Néanmoins le changement climatique que nous serons amenés à connaître est un changement majeur, d'amplitude majeure, et nous sommes loin de comprendre, à ce stade, ses répercussions, par exemple, sur la circulation océanique. Je considère qu'il est important de prendre ses précautions.

M. Jean-Pierre Besson - D'aucuns s'accordent à penser que cela s'accompagnera d'une désertification des zones qui sont d'ores et déjà désertifiées. L'aspect géopolitique en la matière est extraordinaire. Les pays pauvres deviendront encore plus pauvres.

Il est important de noter que les températures minimales s'élèvent davantage que les maximales. En outre, le Sud de la France est davantage affecté que le Nord de la France. En définitive, la barrière de sécheresse remonte.

M. Michel Souplet - Votre réflexion me paraît intéressante. Vous nous avez indiqué précédemment que l'axe de la terre variait, se traduisant par une incidence sérieuse sur les effets météorologiques. Or l'axe ne varie pas brutalement mais lentement. Je considère que lorsque l'Ancien Testament évoquait les années pluvieuses et les années sèches, les années de vache grasse et de vache maigre, cela correspondait à des cycles, qui sont probablement dus à cette déviation. Aujourd'hui, après six années de sécheresse extraordinaire au Maroc, les habitants déclarent qu'une période de six années humides débutera dès l'an prochain. Cette réflexion est-elle fondée ? Si l'inclinaison nous permet de dire que nous nous engageons dans un cycle d'années qui sont susceptibles d'être humides, nous risquerions de constater, en octobre prochain, un phénomène identique à celui que nous avons connu en octobre dernier.

M. Pierre Bessemoulin - Mes propos traitaient du paléo climat, ce qui correspond à une échelle de temps constituée de plusieurs dizaines de milliers d'années.

Actuellement, nous avons une connaissance importante de l'impact des oscillations australes, soit El Niño et La Niña, ainsi qu'une connaissance relative des impacts globaux, comme, par exemple, une grande sécheresse en Indonésie. Malheureusement, à l'échelle de l'Europe, et plus particulièrement pour l'Ouest de la zone, la téléconnection est très faible. En effet, la différence entre les températures observées en France au cours des années Niño et Niña sont faibles et s'établissent à 0,1.

M. Paul Raoult - Il convient de prendre en considération l'influence du Gulf Stream.

M. Pierre Bessemoulin - Concernant le Gulf Stream, certaines théories prévoient une disparition de la circulation, en particulier de la circulation profonde, ce qui mettrait fin à l'arrivée de chaleur sur les côtes de l'ouest de l'Europe. Le GIEC indique que ce mécanisme nécessite un apport très important d'eau froide qui proviendrait des fleuves du Groenland, soit de la fonte arctique. Dans ce dessein, il faudrait que le réchauffement soit beaucoup plus important que les prévisions ne l'indiquent pour la fin du siècle. En définitive, l'eau chaude est trop légère pour pouvoir plonger. Le GIEC ne prévoit pas l'occurrence d'un tel phénomène au cours du XXIe siècle.

M. Ambroise Dupont - Je souhaiterais revenir sur l'inexistence d'un service d'annonce des crues. Par conséquent, personne ne reçoit les annonces. Avez-vous modifié les destinations de vos bulletins ? Les envoyez-vous à la DDE ou au Préfet ?

M. Jean-Pierre Besson - Je me répéterai en vous indiquant que ces informations seraient, en soi, totalement inutiles. Je dispose ici d'un certain nombre de BAP datés du 8 mars, du 20 mars, du 23 mars, du 28 mars, du 24 avril et du 3 mai. Ces documents informent de la quantité de pluie attendue. Mais l'élément majeur consiste à déterminer la réaction du bassin, le temps de réponse du bassin et le niveau des sols. Il est indispensable qu'une personne dispose d'une compétence hydrologique lui permettant d'utiliser ces documents.

M. Paul Raoult - S'il tombe plus de 1.200 millimètres en six mois, il n'est pas nécessaire d'être sorti d'une grande école pour comprendre qu'une telle situation est anormale.

M. Jean-François Picheral - Concernant la légère rémission observée en février, n'avez-vous pas averti la préfecture que le mois de mars serait particulièrement pluvieux ?

M. Philippe Courtier - Nous sommes en mesure de réaliser des prévisions sur sept jours. Mais, nous ne sommes pas capables de déterminer des prévisions à un mois. Par conséquent, nous ne pouvions pas annoncer que le mois de mars serait pluvieux. Nous ne savons pas le faire.

M. Paul Raoult - Je tiens à évoquer la qualité des relations entre Météo France et les médias, notamment la télévision. En effet, le bulletin météo diffusé à la télévision joue les grands sorciers. J'estime que la médiatisation des bulletins est quelque peu irritante.

M. Philippe Courtier - Evelyne Déliat, sur TF1, présente fort correctement la météo et a d'ailleurs reçu un prix pour sa prestation.

M. Jean-Pierre Besson - Très honnêtement, il fut un temps au cours duquel nous estimions que l'information donnée était dénaturée. De nombreux efforts ont été menés afin que les présentateurs soient formés. Si vous veniez dans nos services, vous constateriez que des présentatrices telles qu'Evelyne Déliat se rendent dans nos locaux afin qu'un prévisionniste leur explique la situation. Nous avons ajouté à nos contrats le soutien permanent d'un prévisionniste afin de compléter la formation des présentateurs.

Je conçois que la météorologie serait mieux expliquée si nous disposions d'un temps d'antenne plus conséquent et si le bulletin était moins médiatisé. Toutefois, il faut reconnaître que la situation s'est véritablement améliorée. Si vous comparez les bulletins portant sur d'autres pays, vous constaterez que nos bulletins ne sont pas médiocres.

M. Paul Raoult - Il demeure à déterminer comment l'information que vous fournissez est utilisée. Les localisations géographiques sont approximatives. Le nord de la France n'est pas clairement identifié. La main des présentateurs bouge sur la carte mais n'explique pas, par exemple, la zone correspondant à l'est de la France.

M. Olivier Mock - Je souhaiterais aborder deux points. Indépendamment des difficultés de prévision, il faut noter que la France est un pays extrêmement varié. L'information doit être présentée en 45 secondes. Or la présentation synthétique de l'ensemble de la météo planant sur la France est un exercice périlleux.

En outre, concernant les procédures d'alertes, nous avons indiqué que la procédure était dédiée à la sécurité civile. La nouvelle procédure, que M. le Président a évoquée, sera plus simple dans la mesure où elle sera diffusée auprès de l'ensemble des acteurs, y compris le grand public. Elle contiendra des éléments de qualification. Ainsi nous qualifierons une zone qui, par exemple, subit un vent de 130 km/h en expliquant que ce phénomène est extrêmement rare, et se produit dans la région tous les vingt ans. Ce genre d'élément doit nécessairement être explicité. En outre, il convient de fournir des conseils de comportement à la population. Ce moyen indirect me permet de répondre à votre question. Nous fournirons cette information non seulement aux services de la sécurité civile mais également à la population.

M. Paul Raoult - Lorsque des personnes du midi portent plainte contre la météo en prétextant que cette dernière n'a pas prévu un orage qui a détruit une récolte, j'estime qu'il y a une désinformation du public. Nous sommes arrivés à un stade qui se caractérise par la recherche d'un responsable.

M. Jean-Pierre Besson - Vous avez raison de souligner que les présentateurs n'évoquent jamais qu'il fait beau dans le Nord. Les protestations des Bretons se sont traduites par l'abandon de l'information selon laquelle une dépression arrive de la Bretagne. Désormais, les présentateurs déclarent que la dépression arrive de l'Ouest.

M. le Rapporteur - Pourriez-vous nous transmettre les adresses auxquelles vos BRAM et BAP sont transmis ? En outre, pourrions-nous disposer des conventions auxquelles vous avez fait référence ?

M. le Président - Je vous remercie pour votre participation.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page