43. Audition de M. Alain Martel, directeur adjoint des sinistres aux Mutuelles du Mans Assurances (MMA) (18 juillet 2001)

M. Marcel Deneux, Président - Nous recevons aujourd'hui M. Alain Martel, directeur adjoint des sinistres aux Mutuelles du Mans Assurances (MMA) accompagné de M. Laurent Chamailloux, responsable des sinistres pour le Nord de la France.

Le Président rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à MM. Alain Martel et Laurent Chamailloux

M. Alain Martel - Je suis directeur des sinistres pour le département spécialisé dans toutes les matières autres que la circulation automobile, et ce pour le compte des MMA, mais également d'autres sociétés filiales ou adhérentes, telles que les Caisses d'épargne ou la société Carma du groupe Carrefour. De surcroît, je représente aujourd'hui la MAF.

J'ai essayé de réunir non seulement des informations relatives aux sociétés que je représente aujourd'hui, mais également des chiffres mis à la disposition du public par la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) et du Groupement des entreprises mutuelles d'assurance (GEMA). En effet, ma fonction actuelle aux MMA engendre mon appartenance à la « famille » FFSA, tandis que le fait d'appartenir à la MAF a pour effet de me faire appartenir également à la seconde famille des assureurs, qui est celle des mutuelles sans intermédiaires, à savoir le GEMA.

Votre première question portait sur le bilan des dégâts suite aux inondations de la Somme. Concernant nos deux sociétés d'assurance, ce bilan est mineur par rapport à l'ensemble de la sinistralité.

D'une part, la MAF couvre aujourd'hui trois cents sinistres environ, pour un montant tournant autour de douze millions de francs, ce qui représente une somme peu importante. D'autre part, pour les MMA, les inondations de la Somme ont engendré à peu près cent cinquante sinistres, pour une somme avoisinant les quinze millions de francs.

En outre, une mission a notamment été diligentée par la FFSA et le GEMA. Dénommée Mission des risques naturels (MRN), elle suit tous les événements climatiques de France, afin d'en tirer une politique cohérente entre les différentes sociétés d'assurance.

La FFSA et le GEMA estiment aujourd'hui que les inondations de la Somme ont généré 3.000 sinistres environ, dont 2.000 seulement ont fait l'objet d'une déclaration. Le chiffre de 3.000 sinistres n'est actuellement pas encore validé par les remontées des différentes sociétés d'assurance. Cent cinquante PME ont souffert des événements climatiques de la Somme ; une centaine de communes ont déclaré des dommages aux biens appartenant à la commune. Le chiffre aujourd'hui annoncé est celui de 300 millions de francs, même s'il semble légèrement en deçà de la vérité d'après les dernières informations. Toutefois, ce chiffre a été cité le 4 juillet par la FFSA.

En conséquence, le bilan économique s'élèverait plutôt à un milliard de francs, comparé aux 300 millions de francs, qui représentent la matière assurable. Ce chiffre comprend bien sûr les pertes d'exploitation, les dommages causés au matériel et mobilier professionnel, les dommages automobiles et les risques privés.

Quelles sont les incertitudes actuelles s'agissant du coût véritable de ces sinistres ?

Je dirai que le recensement des dommages n'est pas terminé. Tous les clients n'ont pas encore fait remonter au siège le nombre exact de dossiers. On a cité un coût de 100.000 francs. En effet, 3.000 sinistres coûtant trois cents millions de francs aboutirait à un coût moyen de 100.000 francs par sinistre. Or ce chiffre correspond parfaitement -même dans la fourchette haute- à des événements climatiques comparables à celui de la Somme.

Comment apprécions-nous le coût de cette crue par rapport à celui d'autres catastrophes naturelles ?

Je prends quelques exemples récents, comme les inondations de Bretagne en décembre 2000 et janvier 2001 : aujourd'hui, le bilan de ces événements est beaucoup plus consolidé que celui de la Somme, puisque nous disposons de davantage de recul dans le temps.

Les sociétés d'assurance communiquent le chiffre de 6.500 dossiers pour les deux événements climatiques ayant eu lieu sur la Bretagne, générant un coût global de 450 millions de francs, ce qui correspond à un coût moyen d'environ 70.000 francs par sinistre. Ce montant est déjà inférieur à celui des estimations pour les inondations de la Somme. Certes, à y regarder de plus près, ces 450.000 francs correspondent à deux événements distincts et l'événement climatique le plus violent constitué par les inondations de décembre 2000 d'une part et l'événement climatique moins important du mois de janvier 2001 d'autre part. Si l'on considère l'événement le plus important, en l'occurrence celui de décembre, son coût moyen se situe plutôt aux alentours de 90.000 francs.

Quelle catégorie de dommages pèse le plus lourdement dans les sinistres « catastrophes naturelles » ?

Globalement, et d'après les informations qui nous sont remontées, nous ne sommes pas confrontés aujourd'hui à un pourcentage d'entreprises touchées beaucoup plus important que dans d'autres événements comparables.

Je prends les exemples de l'Aude en novembre 1999, ou celui de la Bretagne en décembre 2000. Dans ce dernier cas, le nombre de sinistres aux entreprises ne représentait que 20 % des dommages ; en revanche le coût de l'indemnisation de ces entreprises représentait 80 % des sommes allouées. En outre, 65 % de cette proportion consistaient en dommages Assurance Multirisque Habitation (MRH). En fait, le coût de ces 65 % de dossiers MRH ne représentait que 25 % de la somme payée.

Concernant les indemnités de la Somme, aucun élément ne semble donc annoncer un dépassement très important de la première estimation qui s'élevait à 300 millions de francs. Cette somme se révèlera peut-être légèrement inférieure au montant réel de l'indemnisation, mais elle devrait être en adéquation avec le nombre et la nature des sinistres connus.

L'une des question qui m'étaient posées portait sur les éventuelles particularités des sinistres de la Somme. Certes, ces derniers présentent certaines particularités. J'en ai d'ailleurs identifié plusieurs.

Tout d'abord, l'une des particularités de la catastrophe de la Somme réside dans la longueur de l'événement. En effet, l'eau a stagné longtemps dans les sols et sous-sols, ce qui s'avère problématique par endroits, puisque leur déstabilisation va entraîner dans certains cas des travaux de confortement ou de destruction d'un certain nombre de bâtiments.

La longue durée du sinistre a également provoqué des complications au niveau du traitement de décontamination et de celui d'assèchement, notamment de toutes les installations électriques.

Nous sommes donc à ce titre en présence d'éléments de surcoût, qui sont non pas anormaux mais spécifiquement liés à la durée de l'événement.

Par ailleurs, d'autres critères peuvent entrer en ligne de compte pour mettre en lumière le particularisme de la catastrophe naturelle de la Somme. Par exemple, le taux de TVA applicable aux maisons les plus touchées ne sera pas celui de 5,5 %, parce que nous nous situons dans le cadre d'une reconstruction. Or, malheureusement, le taux de TVA de 5,5 % ne s'applique pas dans ce cas. Cet élément constitue aussi un facteur de surcoût potentiel.

Enfin, conformément au code des Assurances, je dirai qu'un certain nombre de zones seront certainement déclarées impropres à l'urbanisation, ce qui entraînera soit des mesures d'expropriation, soit des refus de permis de reconstruire.

Dans ce cas, le code des Assurances est très clair : depuis la loi du 2 février 1995, il prévoit que les assureurs ne peuvent opposer à un assuré la déclaration administrative de non-reconstruction sur son assiette foncière auquel il serait éventuellement soumis. En d'autres termes, nous sommes « contraints » de régler la valeur à neuf du bâtiment, et ce même si ce dernier n'est pas reconstruit sur son assiette d'origine. Cette disposition constitue ainsi la seule clause véritablement dérogatoire au contrat d'assurance.

Cette règle représente le premier élément conduisant à citer de plus en plus souvent le chiffre de 5 % de dossiers sur les 1.700 ou 1.850 maisons d'habitation sinistrées qui seraient soit à démolir, soit situés dans une zone rouge sur un PPR définitivement arrêté.

Plus généralement, je constate que nous connaissons une évolution du climat.

Concernant la Somme, et au regard de l'ensemble de ces éléments, nous sommes confrontés à une inondation d'un type nouveau, qui, malheureusement, sera certainement amenée à se répéter dans le Nord de la France. En effet, les études climatologiques conduites par la FFSA tendent à démontrer que depuis une dizaine d'années, cette région est soumise à un niveau de pluviométrie accentué, en particulier depuis les trois dernières années

Parallèlement, nous subissons une aggravation dans la zone Sud, du fait d'une sécheresse accompagnée d'une réhydratation des sols qui a coûté seize milliards de francs au régime des catastrophes naturelles, et qui constitue l'élément principal de la déstabilisation de ce régime, bien plus que l'inondation de la Somme.

Le troisième élément qui met en péril l'équilibre du régime des catastrophes naturelles réside dans les orages violents que connaît désormais le Sud de la France. A cet égard, les événements observés à Vaison-la-Romaine, à Nîmes ou dans l'Aude en novembre 1999 se reproduiront à une fréquence malheureusement beaucoup plus importante -c'est-à-dire à des intervalles de temps nettement moins longs, et avec des conséquences financières de plus en plus lourdes. Les orages de novembre 1999 ont en effet coûté près de 2 milliards de francs, pris sur le budget du régime des catastrophes naturelles, ce qui en fait l'un des dix événements les plus onéreux depuis que ce système a vu le jour.

Pour faire face à ces mutations, nous avons mis en place une Mission sur les risques naturels, qui se définit comme un groupe de travail et d'analyse permanent, qui publie ses rapports une fois par an au mois d'octobre.

La FFSA a établi en octobre 2000 un bilan historique complet de 1982 à 1999 sur l'évolution du régime des catastrophes naturelles. Je l'ai apporté et peux donc vous le laisser si vous le souhaitez. Il est publié et envoyé à toutes les organisations professionnelles qui le souhaitent.

Un autre rapport est paru le 6 juillet : il fournit des recommandations à toutes les sociétés d'assurance sur les mesures d'indemnisation qui doivent être appliquées aux sinistres survenus. Aujourd'hui, 99 % des compagnies ou des sociétés d'assurance qui travaillent en France suivent ces conseils. Ce rapport leur sert donc de référence. Ces recommandations plaident pour ne pas accélérer les mesures définitives de règlement de sinistres prises envers les assurés dont les maisons ou les bâtiments professionnels sont endommagés. Dans cette perspective, nous avons classifié les dommages sur le bâti en cinq catégories :

- les trois premières permettent une indemnisation relativement rapide, après une expertise et une offre, bien entendu ;

- les deux dernières mettent en garde les assureurs, demandent qu'une provision rapide soit délivrée, que des procédures de relogement soient mises en oeuvre - avec prise en charge d'un certain nombre de frais tels que ceux de déménagement, et prévoient enfin une période d'observation, car nous pensons que certaines maisons ne pourront pas être expertisées correctement avant l'automne 2001.

A ces recommandations publiques est annexé un rapport d'expertise type, que chaque compagnie d'assurance doit normalement envoyer à son réseau d'experts. Pour les sinistres les plus importants, ce rapport type doit servir de support pour l'ensemble des sociétés d'assurance. Il permettra également d'étudier l'évolution de l'indemnisation des futurs événements climatiques similaires. Il s'agit bien d'un rapport communiqué à toutes les compagnies d'assurance, et publié sur le site Internet de la FFSA.

Enfin, s'agissant de l'une de vos questions relative à la déresponsabilisation, je n'ai pour l'heure aucun avis sur le rapport de la Cour des Comptes que je n'ai pas lu : je me bornerais seulement à dire que les assureurs sont loin de se déresponsabiliser sur le risque « catastrophe naturelle ».

M. Hilaire Flandre - La question relative à la déresponsabilisation ne mettait pas en cause les assureurs.

M. Alain Martel - La question porte également sur ce sujet précis. C'est en tous cas de cette manière qu'elle peut être interprétée.

Je dirai qu'aujourd'hui, les assureurs ne se déresponsabilisent pas. Au contraire, ils prennent les mesures leur permettant d'analyser les évolutions du processus indemnitaire et l'absence d'assurance dans certains cas. A cet égard, nos garanties ont largement évolué. Bon nombre de clients professionnels et privés peuvent aujourd'hui s'assurer en dehors de tout décret « catastrophe naturelle » pour des éléments de nature similaire à un événement climatique. Actuellement, les assureurs offrent des garanties de dommages permettant de prendre en charge les risques d'inondation, d'avalanche, etc...en dehors de tout décret d'arrêté « catastrophe naturelle ».

Ressemblant quelque peu au système américain, le régime des catastrophes naturelles est mixte. Il joue à la fois sur le principe de la solidarité nationale et sur la logique du marché. En d'autres termes, le taux, aujourd'hui fixé par l'Etat, offre la capacité aux assureurs de trouver un réassureur doté de capacités illimitées - c'est en tous cas de cette manière que la capacité de réassurance de la Caisse centrale de réassurance (CCR) est présentée.

Pour ce faire, en premier lieu, la CCR recouvre 50 % des primes perçues au titre de la garantie « catastrophe naturelle » ; elle doit automatiquement reverser, sur présentation des compagnies d'assurance, 50 % des sommes versées au titre des différents arrêtés. Les 50 % restants sont pris sur les fonds propres des assureurs, alimentés par une partie des 12 % précédemment cités, puisque depuis la loi Barnier, une petite partie est prélevée pour alimenter partiellement le fonds d'expropriation. Une part de ce régime est donc assumée par les compagnies d'assurance sur leurs fonds propres.

En 1999, la CCR présentait une insuffisance ; une recapitalisation de trois milliards de francs a donc été opérée par l'Etat pour aider cet organisme à faire face à son engagement de réassurance.

En second lieu, les compagnies d'assurance s'organisent afin de pouvoir régler les sinistres lorsqu'ils surviennent. Nous constituons deux sortes de réserves : d'une part, des réserves légales, qui nous sont imposées à hauteur des chiffres d'affaires que nous réalisons et d'autre part -lorsque l'assureur est prévoyant- une « provision d'égalisation », c'est-à-dire que nous avons le droit de sortir une certaine réserve des boni de l'exercice pour constituer des provisions.

Sur les trois dernières années, les compagnies d'assurance ont puisé très largement dans les provisions pour supporter le coût généré par la tempête de la fin de l'année 1999, le sinistre de l'Aude de novembre 1999, les catastrophes de Bretagne et de la baie de Somme, ainsi que d'autres événements. Par conséquent, plus d'un milliard de francs ont été à ce jour sortis des provisions d'égalisation. Ces dernières sont donc à leur plus bas niveau depuis les quinze dernières années. Ainsi, le bas de laine constitué par les compagnies d'assurance pour pallier partiellement les 50 % non couverts par la CCR se trouve amoindri d'année en année.

Actuellement, la part totale de la prime revenant au régime des catastrophes naturelles s'élève à 5,1 milliards de francs, cette somme représentant 2,70 % des encaissements au titre des dommages aux biens et du risque responsabilité civile en France et par an. Or nous devons aujourd'hui mettre en réserve comptable la somme de huit milliards de francs, afin de pouvoir payer les sinistres déclarés et ouverts.

En pratique, nous devons, sur le montant des primes, payer les investissements, les salaires, l'informatique, les locaux, etc...tous les frais auxquels une entreprise doit faire face, ainsi que la part de réassurance que nous devons renvoyer à la CCR ou à un autre réassureur. En effet, nous n'avons aucune obligation de céder 50 % à la CCR. Nous pouvons rester notre propre réassureur, ou solliciter un autre réassureur sur le marché. Les assureurs ne sont pas contraints de collaborer avec la CCR.

Ainsi, ces cinq milliards de francs - même bruts - ne représentent qu'une petite partie des sommes actuellement identifiées et devant être payées par les différentes compagnies d'assurance.

Dans ces conditions, les assureurs sont aujourd'hui très soucieux du maintien de l'équilibre économique du régime des catastrophes naturelles, tel qu'il est actuellement calculé. La prime est en effet issue de modèles mathématiques reposant sur l'aléa, c'est-à-dire sur le passé : l'assureur tire les leçons du passé, tentant par ce biais de décrypter quel sera son avenir. Or, dans l'avenir, la fréquence des événements représente un aléa primordial. Combien de fois la compagnie d'assurance devra-t-elle couvrir le même sinistre ? Une fois tous les cinq ans, tous les dix ans, tous les cinquante ans, ou tous les siècles ?

Une donnée fausse le modèle mathématique : d'une part, le taux, fixé par l'Etat, ne varie pas en fonction de la fréquence réelle des sinistres événementiels ; d'autre part, la fréquence des événements elle-même, exprimée par le nombre d'arrêtés « catastrophe naturelle » issus de décrets ministériels, n'est plus aléatoire non plus. Dans ce contexte, l'aléa du modèle mathématique n'existe plus, parce que la fréquence des sinistres résulte d'une décision humaine. Je ne porte pas de jugement sur les décisions prises. J'affirme seulement que le régime ne repose pas sur un modèle mathématique courant du point de vue des assureurs.

Je ne sais pas si j'ai été très clair, mais j'ai tenté de l'être.

M. Hilaire Flandre - Le pays connaît actuellement un accroissement des catastrophes naturelles.

M. Alain Martel - Avant et après 1982, le législateur avait conçu les sinistres « catastrophe naturelle » sur le principe de la solidarité nationale : « le montagnard paye pour la plaine, et la plaine paye pour le montagnard », selon les termes employés au cours du débat parlementaire de l'époque. Or, depuis cette période, un événement essentiel est apparu, à savoir la sécheresse. Autrement dit, le régime des catastrophes naturelles a été « asséché par la sécheresse ». C'est un mauvais jeu de mots, mais il traduit clairement la réalité.

En effet, la sécheresse touche plus de 3.000 communes françaises. Certains arrêtés « catastrophe naturelle » portent sur des périodes comprises entre dix et douze ans. En 1993, les sécheresses représentaient 12 % des sommes payées par les assureurs dans le cadre du régime des catastrophes naturelles ; en 1999, plus de 35 % des paiements effectués par les compagnies d'assurance le sont au titre des arrêtés « catastrophe naturelle sécheresse et réhydratation des sols », puisque ces deux phénomènes se développent de manière conjointe : en effet, le sol sèche après la pluie, mais il gonfle lorsqu'il pleut à nouveau.

En soit, la sécheresse est un événement naturel. Cependant, nous pouvons nous interroger sur la nature des dommages qui ont été rendus imputables à la sécheresse, notamment par diverses décisions judiciaires. Dans ce cadre, nous constatons qu'en dehors du jeu climatique normal, l'interprétation humaine des textes et des réalités a engendré un système inflationniste de prise en charge de dommages qui touchent pourtant toutes les maisons et n'appellent pas un traitement spécifique de la part de l'assuré. C'est donc bien l'interprétation -ou l'imputabilité- de certains désordres mineurs qui ont fait des événements de sécheresse le facteur principal du déséquilibre économique que subissent à la fois les assureurs et le régime des catastrophes naturelles.

M. Jean-Guy Branger - Les 3.000 communes auxquelles vous faites allusion sont-elles également réparties sur le territoire national ?

M. Alain Martel - Je ne souhaite pas faire de commentaires. Toutefois, vous pourrez aisément trouver cette information en observant les cartes géographiques annexées au rapport d'octobre 2000 ; parfaitement lisibles et fortement colorées, ces cartes démontrent une certaine propension à prendre des arrêtés « catastrophe naturelle sécheresse » dans différents départements relativement regroupés. La qualité du sol et l'exposition au soleil contribuent sans doute au phénomène.

Je vous ai fait oralement les principaux commentaires. Mais si vous souhaitez obtenir quelques précisions sur les chiffres exacts et la cartographie de l'évolution des événements et des décrets, vous pourrez les trouver dans ce document.

Je vous ai également apporté une lettre émanant de la FFSA, datant du 5 juin 2001 et qui est accessible sur Internet. Relative aux sinistres de la baie de Somme, elle restitue les principales informations que je vous ai fournies.

Vous pouvez enfin demander à la MRN de la FFSA de vous produire le rapport type d'experts sur les inondations dans la Somme, qui date du début du mois de juillet.

Le régime des catastrophes naturelles, s'agissant des récentes modifications intervenues dans le problème de l'augmentation de la prime, constitue un sujet de discussion très important. Cette thématique peut être reliée à celles de l'augmentation des franchises et de l'application des coefficients multiplicateurs en cas d'absence de PPR.

Je considère qu'il est aujourd'hui beaucoup trop tôt pour tirer un véritable bilan de ces tendances récentes.

D'une part lorsque la prime augmente de 9 à 12 %, elle se trouve déjà limitée par l'application de la taxe de l'Etat sur cet écart de 3 %. En effet, l'Etat prend son impôt sur cette variation. Par suite, cette dernière s'élève non pas à 3 %, mais seulement aux deux tiers de ce pourcentage. Cette remarque constitue le premier point de mon raisonnement.

D'autre part, les 2 % restant éventuellement sont largement battus en brèche par les réassureurs, qui démontrent que le régime des catastrophes naturelles semble à ce jour présenter quelques faiblesses sur le plan des calculs économiques à long terme - mais je resterai très prudent sur ce plan. En effet, les richesses que nous avions constituées les uns et les autres depuis 1982 sont mises à mal depuis 1991.

M. Hilaire Flandre - Qu'entendez-vous exactement par l'expression « les uns et les autres » ?

M. Alain Martel - Je parle de la CCR d'un côté, et des assureurs de l'autre.

Ainsi, de 1982 à 1991, les assureurs comme la CCR ont constitué un « bas de laine », qui est aujourd'hui largement entamé et arrive à l'assèchement depuis 1999. Cette évolution touche non seulement la CCR, qui a été recapitalisée à hauteur de trois milliards -comme je l'ai dit tout à l'heure-, mais également les compagnies d'assurance, qui doivent lourdement utiliser leurs provisions d'égalisation.

Dans ces conditions, il est un peu trop tôt pour tirer des conclusions de ces constats.

Aujourd'hui, quel dispositif peut sauver le régime des catastrophes naturelles, qui se révèle être un régime excellent en comparaison des autres systèmes européens - il est en effet unique ?

Je vous ai apporté une étude comparative des régimes existant dans les différents pays européens limitrophes de la France, que je pourrai vous laisser si vous le souhaitez. Au regard de ce document, seule la Belgique témoigne d'un projet semblant organiser une couverture des risques naturels aussi performante que celle mise en place en France. Le marché anglais n'offre pour sa part aucune solution. Quant au marché espagnol, il s'avère très hybride, tenant de toutes façons à la bonne volonté de l'Etat. Dans les autres pays, le système de garantie reste très partiel, excluant bien souvent le problème des pertes d'exploitation des entreprises.

Par conséquent, seul le régime français couvre de manière satisfaisante les entreprises en cas de catastrophe naturelle : en effet, même le système américain ne rivalise pas avec le nôtre.

Quelles mesures pourraient donc sauver aujourd'hui le régime des catastrophes naturelles ? Peut-être une redéfinition du taux contribuerait-elle à le remettre sur pieds. Un actuaire aurait la compétence pour réaliser ce calcul, sachant que je n'en ai pas moi-même la capacité. En toute hypothèse, une meilleure prévention concrète favoriserait le maintien du régime actuel.

M. Hilaire Flandre - Faites-vous référence à la nécessité d'une moralisation des pratiques ?

M. Alain Martel - Non, je préconise une véritable prévention.

En 1992 et 1993, certains ministères ont commandé des travaux que je n'ai pas pu retrouvé, mais auxquels vous accéderiez facilement. Les études en question concluaient à l'existence de 7.000 zones comportant un risque d'avalanche, d'inondation, de raz-de-marée, de tremblement de terre, etc...N'oublions pas que l'un des sinistres les plus importants de ces dix dernières années est le tremblement de terre d'Annecy, qui a généré 40.000 sinistres et coûté 500 millions de francs. Nous l'oublions : c'est sans doute le propre de la nature humaine d'oublier ainsi un tel événement.

Dans ces conditions, je pense qu'une véritable politique de prévention pourrait améliorer la situation. Toutefois, il doit s'agir d'une prévention concrète, objective et qui ne dépende pas de la seule autorité locale, parce que la prise de décision au niveau local engendre un émiettement des mesures.

De mémoire, je sais que les travaux dont je parlais plus tôt concluaient à l'existence de 7.000 zones à risques, même si le chiffre exact est légèrement supérieur. Or, actuellement, j'entends dire que pour mettre en oeuvre une prévention satisfaisante, 5.000 PPR devraient être élaborés jusqu'en 2005. Or il n'existe aujourd'hui que 2.030 PPR connus, plus ou moins correctement mis en place - voire pas du tout mis en place, et qui sont encore souvent rangés dans des cartons. De fait, ces plans consistent surtout en des déclarations administratives, plutôt qu'en réalités concrètes de terrain.

Par conséquent, et si je compare le chiffre de 2.000 PPR à celui de 7.000 zones à risque, j'en conclue qu'aujourd'hui, l'assureur est fortement exposé au risque.

A Montauban, en 1930, l'eau a provoqué 200 morts : les inondations ont généré 10.000 sinistres, l'eau est montée de dix-sept mètres. Or je ne sais pas quelles mesures sont aujourd'hui prises à Montauban - ou plutôt je crois le savoir. Dans ces conditions, si j'habitais dans cette ville, je m'intéresserai beaucoup aux PPR mis en oeuvre dans ce secteur.

Je n'habite pas à Paris. Au contraire, étant provincial, je suis très attentif à l'évolution de nos provinces, d'autant que ma clientèle se déploie dans toutes les régions de France. Je crois donc que nous devrions tout d'abord faire des recherches dans nos archives nationales : nous devons tirer de notre passé des leçons pour notre futur. Or cette exigence est trop souvent négligée. Dans ce contexte, l'assureur se pose comme le gardien du temple du passé, parce que nos taux de primes résultent du calcul mathématique des événements auxquels nous avons assisté depuis plusieurs décennies. Dès lors, je pense que le taux de prime de 12 % ne couvre pas le risque réel encouru.

A cet égard, le coefficient multiplicateur constitue à mon sens une mesure de responsabilisation, qui n'a toutefois pas vocation à s'exercer sur l'assuré. En effet, ce dernier n'a pas la capacité, en tant que citoyen isolé, de faire appliquer un PPR, ou de demander la mise en place d'un PPR ou d'une étude de PPR.

En réalité, le coefficient existe normalement pour rappeler à l'ordre les instances administratives. Malheureusement, si en Bretagne, un coefficient multiplicateur a été appliqué pour la première fois en France, je note que dans le cas de la Somme, aucun PPR n'existait au moment de l'événement. De fait, un tel plan n'a été décidé que deux jours avant la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dans la Somme.

En termes de précautions objectives et concrètes sur le terrain, quelle valeur peut revêtir un PPR défini plusieurs semaines après l'événement, mais décidé, dans le principe, deux jours avant la publication de cet arrêté. Pour l'assureur que nous sommes, que représente un PPR pris dans ces conditions, en termes « d'assurabilité » de la zone ? Il ne représente absolument rien. L'exposition au risque reste la même.

Je crois que nous n'avons pas même envisagé le problème d'un plan pris sur cinq ans qui ne serait pas réellement et concrètement mis en place : quelle seront les positions respectives de l'Etat et de l'assureur lorsqu'une commune n'aura pas mis son plan en place, et que le préfet n'y aura pas veillé en tant qu'autorité de tutelle ? Dans cette hypothèse, je crois que le législateur devra faire face à un vide juridique. J'ai personnellement cherché une réponse à cette question dans le texte. Je n'en ai pas trouvé.

Par conséquent, devant l'allusion à une quelconque déresponsabilisation des assureurs, tous les propos que je tiens depuis quelques minutes tendent justement à démontrer que les compagnies d'assurance sont amplement responsabilisées. Ils visent à mettre en évidence tout l'intérêt que nous portons à ce régime que nous soutenons, à son évolution et à sa sauvegarde. Or le maintien de ce système suppose la mise en oeuvre d'une véritable politique de prévention en France et surtout la suppression de la balkanisation des mesures. Aujourd'hui, trop d'instances locales peuvent peser les unes sur les autres. Les événements de la baie de Somme illustrent ce dysfonctionnement : des mesures prises à Amiens peuvent se révéler parfaitement contraires à celles mises en place à Abbeville, lesquelles s'avèreront contradictoires avec celles prises dans des villes situées en aval.`

Dès lors, la politique de prévention doit certes résulter naturellement d'un processus démocratique, mais le champ dans lequel ce dernier s'exerce doit être élargi à des bassins naturels de zones à risque.

Enfin, vous m'interrogez sur les mécanismes d'indemnisation des biens non-assurables des communes.

Je suis interpellé par cette question. En effet, un grand nombre de « décideurs » issus du marché local ont certainement dû mettre en place des plans d'assurance soit pour le compte d'un Conseil général, soit pour celui d'une commune.

Je veux dire que le marché libéral offre aujourd'hui aux collectivités locales de très nombreuses possibilités d'assurance. Nous représentons un assureur important des collectivités territoriales, puisque nous assurons un tiers des Conseils généraux : nous couvrons des lycées et de multiples bâtiments.

Les difficultés que vous soulevez concernent sans doute les infrastructures appelées ouvrages d'art.

M. le Président - Nous visons les ouvrages d'art, mais également quelques autres biens non-assurables d'une autre nature, comme les terrains de sport, par exemple.

M. Alain Martel - Le terrain peut être assuré. Nous pouvons en effet garantir non pas le terrain en tant que tel, mais l'aménagement du terrain. Par exemple, les compagnies d'assurance -et pas seulement celles que je représente aujourd'hui- assurent les terrains de camping. Que couvrons-nous sur un terrain de camping, dans la mesure où rien de ce qu'il abrite ne semble pouvoir être assuré, hormis les sanitaires qui comportent généralement un bâti ? Bien souvent, nous garantissons les aménagements, les talus, les zones ombragées, les terrains de sport, la piscine, etc...

Par conséquent, je pense que les assureurs offrent aux communes une réponse aux besoins de couverture de ces biens, excepté pour quelques ouvrages d'art d'envergure tels que les ponts. Ces derniers exigent en effet d'être couverts pour des travaux de confortement importants, qui sont bien souvent déjà supportés par des subventions accordées dans un cadre qui dépasse la commune. Dès lors, il n'est pas concevable de demander à un assureur de garantir des ouvrages d'art dont le coût se révèle souvent assumé par l'Union européenne, l'Etat, le Conseil régional, le Département, une communauté de communes, etc...

Aujourd'hui, pour assurer ces infrastructures lourdes qui appartiennent à un domaine régional, départemental ou communal, je suis convaincu que nous pourrions trouver des solutions qui s'insèreraient dans un cadre plus large que celui d'une simple assurance de dommages aux biens communaux. Cette démarche supposerait d'organiser des échanges avec les assureurs et les courtiers qui assistent les communes dans la rédaction de leurs appels d'offre.

Par ailleurs, dans une commune, tous les biens -les panneaux fixes de signalisation, les feux tricolores, l'ensemble des bâtis- sont actuellement assurés. Ils le sont d'une manière plus ou moins satisfaisante, mais la qualité de l'assurance dépend aussi du prix que la commune a consenti lorsqu'elle a signe son contrat. Ce paramètre doit également être pris en compte, parce que l'assureur qui couvre le mieux n'est pas forcément celui qui dit offrir la prestation optimale au prix minimal.

M. Hilaire Flandre - Je souhaite seulement faire une remarque. Vous avez dit au début que sur les 3.000 sinistres recensés dans la Somme, 2.000 d'entre eux seulement avaient fait l'objet d'une déclaration de sinistre.

M. Alain Martel - Ce chiffre est celui que la FFSA m'a communiqué.

M. Hilaire Flandre - Comment expliquez-vous cette distorsion importante ?

M. Alain Martel - Je l'explique principalement par le phénomène de la non-assurance.

M. Hilaire Flandre - La non-assurance explique-t-elle cette distorsion pour un tiers des sinistres non-déclarés ?

M. Alain Martel - Je ne sais pas. En tous cas, l'une des explications notables réside dans la non-assurance.

M. Hilaire Flandre - Les sinistres de trop faible importance jouent-ils également un rôle dans cette distorsion entre les chiffres ?

M. Alain Martel - L'explication peut également provenir des sinistres passant sous le seuil des franchises ou de ceux dont la déclaration n'est pas encore remontée des agences au siège des compagnies d'assurance.

M. Hilaire Flandre - Je souhaite faire une seconde remarque : les entreprises sinistrées vont subir des pertes d'exploitation. Une société qui a subi des pertes de cette nature ne sera-t-elle pas incitée à se délocaliser le cas échéant, si elle se situe dans une zone déclarée à risques ?

M. Alain Martel - Nous avons récemment constaté ce type de pratiques en Bretagne, sur Quimper. Dans la région de l'Hérault, des établissements ou entreprises ont également déménagé du fait de leur exposition au risque. Je sais qu'à Quimper, deux sociétés -dont une importante- sont sur le point de changer de lieu d'implantation ou sont en cours de déménagement.

M. Hilaire Flandre - Ne faudrait-il pas tenter de cerner d'une digue  les zones exposées au risque ?

M. Alain Martel - Je ne sais pas. Je ne suis pas technicien.

Dans l'une des questions à laquelle je n'ai pas encore répondu, vous demandiez quel était le seuil d'assurabilité pour le particulier et le professionnel, lorsqu'il se situait dans une zone à risques.

Le code des Assurances est très clair sur ce sujet : avant la loi Barnier, l'assureur pouvait refuser de couvrir les risques lorsque la zone d'implantation du bâtiment était sous contrainte administrative.

Depuis la loi Barnier, le refus d'assurance est possible pour les zones rouges des PPR. Mais une personne ne reste pas non-assurée en France, parce que ce n'est pas le principe en vigueur dans notre pays. Par suite, lorsque le client potentiel d'une compagnie d'assurance a déjà essuyé deux refus d'assurance, il peut se retourner auprès du Bureau commun de tarification (BCT), afin d'obtenir la désignation d'un assureur par le BCT, qui ne peut le refuser, sous peine de retrait d'agrément de la vente d'assurance sur le territoire français. L'assureur est donc contraint d'accepter de couvrir ce risque, mais au tarif fixé par le BCT.

Dans ces conditions, à la question de savoir si les clients qui se trouvent dans des zones à risques sont aujourd'hui pénalisés -c'est-à-dire à la question de savoir si nous assistons à une moralisation des personnes les plus exposées-, la réponse est partielle : elle réside dans la surprime appliquée par le BCT, même si cette solution se révèle pourtant insuffisante. Mais elle existe.

M. le Rapporteur - Concrètement, dans la mesure où vous affirmez que le montant des indemnités avoisinera les 300 millions de francs, quel coût l'indemnisation entraînera-t-elle pour les compagnies d'assurance ?

M. Alain Martel - Le coût supporté par les compagnies d'assurance s'élèvera de fait à 300 millions de francs. La FFSA fournit le chiffre correspondant à la somme des indemnités qu'elle pense pouvoir assumer.

M. Pierre Martin, Rapporteur - D'accord, mais il serait intéressant de connaître la différence existant entre le montant de la surprime et celui des indemnités réellement payées.

M. Alain Martel - La logique induite de votre question pourrait conduire à une « démutualisation », laquelle s'avère contraire au principe d'assurance.

M. Hilaire Flandre - Si j'ai bien compris la question posée par notre rapporteur - qui est malicieux -, ce dernier souhaite connaître le rapport entre le montant des sinistres et celui des cotisations en la matière. Depuis l'ouverture du régime en 1982, les compagnies d'assurance ont encaissé un certain nombre de surprimes. A la suite des sinistres et déclarations de catastrophes naturelles, elles ont ensuite décaissé des indemnisations pour un montant donné, au bénéfice de leurs assurés. Finalement, le rapport en question est-il déficitaire ou équilibré ?

Je ne doute pas que vous nous fournissiez la réponse : vous allez nous annoncer que la surprime sera prochainement augmentée parce qu'elle s'est révélée insuffisante...

M. Alain Martel - A la page 4 du rapport que j'ai évoqué précédemment, qui est public, je lis qu'en 1997, le rapport sinistres à primes présentait un excédent minime de quelques centaines de milliers de francs, alors que les sommes engagées en cas de catastrophes naturelles s'élèvent à plusieurs milliards de francs. En 1998, le régime était déficitaire. En 1999, il serait à peine équilibré, et en 2000, il est annoncé comme déficitaire. En outre, il était largement déficitaire en 1994 et en 1995.

Dans ces conditions, je veux bien faire un rapport sinistres à cotisations...

M. le Rapporteur - Si le rapport n'était pas déficitaire, je me serais permis d'apporter une conclusion : lors de ces catastrophes, c'est naturellement la compagnie d'assurance couvrant le sinistré qui traite le dossier. Dès lors, les assureurs pourraient en quelque sorte assurer leur publicité auprès des assurés, en les dédommageant correctement.

M. Alain Martel - « C'est le serpent qui se mord la queue ». Le principe de précaution s'applique en la matière : les chiffres dont vous disposez représentent les montants des cotisations brutes. Or, l'entreprise qui accomplit la prestation de service est bien forcée de se rémunérer. Or les frais généraux d'une compagnie d'assurance représentent aujourd'hui plus de 30 % de la cotisation commerciale. La prime des catastrophes naturelles doit donc supporter 30 % de frais généraux de la vie des entreprises.

M. le Rapporteur - Etes-vous certain que les primes « catastrophes naturelles » font l'objet d'une comptabilité analytique ?

M. Alain Martel - Toutes nos garanties font bien sûr l'objet d'une comptabilité analytique.

M. Hilaire Flandre - La proportion de frais généraux ne peut que difficilement être appréciée, à moins de tenir une comptabilité analytique très approfondie.

M. Alain Martel - Nous pouvons parfaitement déterminer le montant des frais généraux que génère un sinistre dommage aux biens issu d'une eau de ruissellement ou de remontée de nappe phréatique. Nous savons très bien comment apprécier cette part de frais généraux. Autrement, nous ne parviendrons pas à rééquilibrer les résultats des compagnies d'assurance.

Si nous dépensons du côté gauche plus que nous ne gagnons du côté droit, nous déclenchons deux mécaniques négatives.

D'une part, la réassurance ira de mal en pis, puisqu'elle prend 50 % de nos débours ; j'aggraverai donc le déficit du réassureur, qu'il soit privé ou public -puisque les deux interviennent - or le réassureur me le ferait payer, parce qu'il tenterait de se rattraper de son déficit sur le long terme. D'autre part, étant donné les cycles de plus en plus courts entre deux événements climatiques, les assureurs et les réassureurs disposent de délais de plus en plus réduits pour reconstituer des réserves et étaler dans le temps le surcoût éventuel payé en trop ou dans un esprit purement commercial.

Nous aboutirions par conséquent à une augmentation objective du taux de cession de réassurance, conduisant à un découvert qui entraînerait nécessairement une relevée des primes d'assurance à 13, 14 ou 15 %.

M. le Rapporteur - Selon vous, comment la surprime évoluera-t-elle dans le temps ?

M. Alain Martel - Il est objectivement trop tôt pour répondre à cette question. Je pense seulement que les coefficients multiplicateurs ne seront pas forcément appliqués : l'exemple de la Somme nous en apporte une première preuve. Je tiens une fois de plus à souligner que je ne juge pas de l'opportunité de cette décision. En tant que technicien de l'assurance, je me dis seulement que, dès la seconde catastrophe, l'une des mesures essentielles, qui consistait dans l'application de coefficients multiplicateurs en cas d'absence ou de carence de PPR, n'a pas été appliquée. Ce constat laisse imaginer ce qui adviendra lors de la troisième catastrophe.

J'ai tenu tout ce raisonnement pour vous montrer que l'adoption d'une méthode fait par la suite jurisprudence : Si certains dommages qui ne sont pas inclus dans le risque d'inondation sont à l'avenir pris en compte, cette manière de procéder fera jurisprudence. Sur un événement, je pourrai me permettre d'outrepasser les conditions de la garantie. Cependant, au regard de cette première décision à caractère « humanitaire » ou « commercial » - on peut la qualifier à son gré -, les juges transformeraient immédiatement en matière assurable le dommage que j'ai décidé de couvrir à titre exceptionnel. Ce processus nous entraînerait dans la logique d'un régime inflationniste, auquel nos réserves actuelles ne pourraient plus répondre.

Je ne sais pas si j'ai bien répondu, mais je l'ai fait en tous cas.

M. Hilaire Flandre - Encore que la démonstration ne soit pas très convaincante...Vous m'en excuserez. En effet, les catastrophes naturelles ne représentent qu'une partie du portefeuille d'une compagnie d'assurance. Par suite, dans la mesure où un agent d'assurance ou une mutuelle peut faire valoir, en cas de catastrophe naturelle, qu'il a rapidement procédé aux estimations et payé les dégâts, cette efficacité est vite connue. Or cette réputation peut avoir des répercussions sur l'ensemble de l'activité de la compagnie.

M. Alain Martel - Quelle est votre estimation du coût des tempêtes de 1999 ?

M. Hilaire Flandre - Je n'ai aucune idée du montant global de ce coût.

M. Alain Martel - D'après les chiffres de la FFSA, les chiffres avoisinent les quarante-cinq ou quarante-neuf milliards de francs. Or, si l'on prend en considération les chiffres réels de la réassurance, ils s'élèvent alors à soixante milliards de francs.

Pensez-vous donc que les compagnies d'assurance françaises peuvent assumer une telle somme ?

M. Hilaire Flandre - Non, elles ne le peuvent absolument pas -je n'en doute pas.

M. Alain Martel - Cela leur est impossible.

Aujourd'hui, un petit effort a été fourni : il a consisté dans la prise en charge de petites garanties complémentaires. Ils ont notamment porté sur des antennes qui n'étaient pas prises en compte dans des contrats anciens, et sur des dommages survenus par tronçonnage -je crois que le bûcheronnage est le terme technique-, lorsque l'arbre tombe tout seul. Nous avons proposé des forfaits à ces assurés, malgré l'absence de garantie dans le contrat de base. Nous avons procédé ainsi par esprit citoyen.

Or, devant le retentissement de cet événement, nous serons contraints de retrouver l'équilibre économique. Nous appliquons donc une surprime de vingt francs, annoncée à tous nos clients en leur expliquant que pour payer la tempête, le montant de cette surprime est augmentée de vingt francs à partir de l'année prochaine.

Mais nous ne devons surtout pas assister à une seconde tempête dans un an ou deux, parce que le supplément de vingt francs subodore que nous ne subirons pas une tempête - ne serait-ce que partiellement analogue, avant dix, quinze ou vingt ans, selon les cas, notamment en ce qui concerne le risque agricole. Aujourd'hui, ce dernier a coûté extrêmement cher ; sans l'intervention de l'acteur économique assureur, le monde agricole ne se serait pas relevé des tempêtes de 1999.

Nous sommes sur un terrain où nous pouvons mettre à mal non seulement l'équilibre d'un régime, mais également un certain nombre de compagnies d'assurance. C'est d'ailleurs le cas : beaucoup de petites mutuelles - telles que la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), qui était assureur de communes - ne se sont pas relevées des tempêtes de 1999. D'autres mutuelles ont été obligées de se réfugier auprès de sociétés plus importantes pour parvenir à indemniser les dommages causés par ces tempêtes.

M. le Rapporteur - Comment prenez vous en compte les risques annexes ? A partir du moment où la maison n'existe plus, il faut se reloger comme on peut ou comme on veut, c'est-à-dire en famille, dans un nouvel appartement ou sous d'autres formes. Comment prenez-vous en compte ces frais supplémentaires ?

M. Alain Martel - Je laisserai Monsieur Chamailloux répondre, parce qu'il s'agit de mesures plus techniques.

M. Laurent Chamailloux - Nous disposons de plusieurs approches.

Les garanties contractuelles prévoient une solution de première urgence. Les inspecteurs ont notamment la possibilité de verser une somme pouvant s'élever jusqu'à 20.000 francs, pour assurer une prise en charge complète des frais de relogement et des premières mesures d'habitation nouvelle.

Toutes les autres approches, telle que la prise de mesures conservatoires, permettent de réhabiliter le plus rapidement possible le logement sinistré.

L'assureur organise donc une prise en charge du logement, et si le logement est complètement inhabitable, une prise en charge de l'individu sinistré pour lui permettre de se reloger assez facilement. A cette fin, il met une somme d'argent déterminée contractuellement à la disposition de l'assuré, afin que ce dernier puisse pourvoir à ses premières dépenses.

M. le Rapporteur - Cette somme de 20.000 francs est-elle forfaitaire ?

M. Laurent Chamailloux - Tout à fait, elle est contractualisée et forfaitaire.

M. Alain Martel - C'est ce qui est prévu dans les contrats de notre compagnie d'assurance.

M. Laurent Chamailloux - En effet, tout dépend des contrats d'assurance. Je n'ai pas précisé que je faisais référence au contrat des MMA. Je dirai donc que selon les contrats, la somme allouée peut varier.

M. Alain Martel - Nous prenons ainsi en charge le garde-meuble, le déménagement, etc...

M. Laurent Chamailloux - En réalité, nous prenons en charge toutes les dispositions de première urgence que doit prendre une personne confrontée à un sinistre important qui rend son habitation totalement inhabitable, et devant de ce fait se reloger immédiatement. Par suite, je crois que nous pourvoyons aux frais d'hôtel pendant trois jours, et plus globalement aux frais de relogement, aux frais vestimentaires, pour lui permettre de repartir « du bon pied », et afin que l'assuré puisse continuer à mener des activités normales.

M. Hilaire Flandre - Le chèque de 20.000 francs que vous évoquez représente en fait un acompte sur les indemnités à recevoir.

M. Laurent Chamailloux - Il s'agit d'une somme de première urgence, qui n'est pas comptabilisée dans l'indemnité finale.

M. Alain Martel - C'est un « plus » que nous offrons à nos clients en cas d'événement naturel.

M. le Rapporteur - Certaines familles qui viennent de passer quatre mois hors de leur logement devront sûrement séjourner à nouveau ailleurs, pendant un délai non-négligeable. Cette situation implique que la somme de 20.000 francs constituera un acompte, l'indemnisation étant ultérieurement appréhendée en fonction du coût de ces mesures provisoires.

M. Alain Martel - Nous pouvons prendre en charge une durée « d'inhabitabilité » à dire d'expert, c'est-à-dire le loyer de la maison inhabitable. Naturellement, le loyer pris en charge est celui d'une habitation similaire à celle que la victime a quittée. Nous proposons un appartement à l'assuré qui vivait en appartement, une maison à celui qui habitait dans une maison, etc...

M. le Président - Ne prévoyez-vous pas une durée maximale de la prise en charge de « l'inhabitabilité » ?

M. Laurent Chamailloux - Cette prise en charge dure pendant une période de douze mois, prévue contractuellement.

M. le Président - Etes-vous confrontés à de nombreuses demandes de prise en charge ?

M. Laurent Chamailloux - Non.

M. le Président - J'ai le sentiment que sur le terrain, l'information relative à ces mesures ne circule pas.

M. Hilaire Flandre - Dans nos provinces, les assurés nous affirment qu'ils sont obligés de payer un loyer, parce que leur assurance ne le prendra pas en charge.

M. Alain Martel - Nos clients n'ont pas besoin d'un arrêté « catastrophe naturelle » pour être pris en charge.

M. le Président - Sur le terrain, je n'ai personnellement rencontré aucun assuré qui m'ait déclaré que tout allait pour le mieux parce que son assureur prendrait en charge son loyer...

M. Laurent Chamailloux - Lorsque vous êtes confronté à un sinistre relativement important qui nécessite une prise en charge immédiate, deux situations s'offrent généralement à vous : soit l'intermédiaire fait la demande de prise en charge, en expliquant que la personne est dans une situation qui l'exige, soit l'assureur envoie en mission un inspecteur qui se rend sur place afin d'identifier quelles mesures de première urgence doivent être prises, et notamment si le versement d'une somme pour pourvoir à ces dispositions urgentes est nécessaire.

Cependant, dans la plupart des cas, la demande n'émane pas de l'assuré. En réalité, l'assuré se plaint auprès de son intermédiaire qui est souvent un agent général. Au regard des dispositions contractuelles, ce dernier demande ensuite le versement d'une somme déterminée en vue de la prise en charge des frais d'urgence.

M. Hilaire Flandre - Ce dispositif est prévu au contrat.

M. Laurent Chamailloux - Tout à fait.

M. le Rapporteur - Vous venez naturellement de nous décrire les clauses du contrat des MMA.

Dans l'hypothèse où l'un de vos assurés profite d'un mobil home, lui accordez-vous tout de même la somme de 20.000 francs ?

M. Alain Martel - Dans le cas d'un mobil home alloué par le gouvernement, je dirai que les compagnies d'assurance devrons certainement se rapprocher des instances publiques concernant ce type de mesures. En effet, nous sommes en présence d'une mesure relevant des missions de l'Etat, au titre de la sécurité notamment.

M. Jean-François Picheral - Ces mesures sont nouvelles : elles n'avaient jamais été prises jusqu'à présent.

M. Alain Martel - Je ne sais pas. J'ai par exemple réglé des sinistres à Vaison-la-Romaine, j'ai également couvert le cyclone Louis en 1995 et 1996, et je suis enfin intervenu en Amérique du Sud : partout où je suis passé, des mesures de relogement avaient été mises en oeuvre, soit par l'Etat, soit par le Conseil général, soit par la mairie, etc..

M. Jean-François Picheral - Les mesures prises n'étaient pas de ce type.

M. Alain Martel - Des mesures ont été prises. Il est vrai que dans le cas que j'évoquais, la mesure a été considérablement « médiatisée ». Elle s'est révélée satisfaisante, mais la prise de décision n'a donné lieu à aucune concertation entre les assureurs et l'administration.

Concernant un certain nombre de nos clients, le mobil home fourni gratuitement représente presque une économie pour l'assureur, si l'on tient votre raisonnement jusqu'à l'extrême.

En pratique, au niveau du département, les FFSA disposent d'un représentant local, dans la personne d'un coordinateur « catastrophes naturelles ». Dans tous les départements, ce coordinateur existe. Leur liste officielle est connue, référencée et nominative.

Dans ces conditions, si l'autorité administrative souhaite discuter avec un intermédiaire immédiat des compagnies d'assurance, il peut s'adresser au coordinateur « catastrophe naturelle » de son département. Dès lors, le préfet, le sous-préfet ou le maire peut prendre contact avec ce dernier et lui demander d'assister aux commissions d'urgence : au moment des événements de Vaison-la-Romaine, j'ai moi-même fait partie des premières réunions, au cours desquelles nous avons par exemple décidé de prendre en charge les expropriations dans le lit de l'Ouvèze.

En baie de Somme, si une concertation avec le coordinateur « catastrophes naturelles » avait été mise en place, peut-être aurions-nous pu offrir une forme de contrepartie à « l'économie » réalisée du fait du logement dans des mobil homes supportés financièrement par l'Etat.

M. le Président - Cette concertation n'a cependant pas eu lieu.

M. Alain Martel - En tous cas, nous disposons de correspondants locaux dûment désignés et identifiés.

M. Jean-François Picheral - C'est la première fois que nous entendons parler d'un coordinateur départemental des assurances pour les catastrophes naturelles.

M. Alain Martel - Nous ne le cachons pourtant pas.

M. Laurent Chamailloux - En fait, les coordinateurs sont généralement les inspecteurs des différentes compagnies d'assurance présentes sur le terrain. Leur recensement étant réalisé, ils se révèlent parfaitement disponibles.

M. le Rapporteur - Faisaient-ils partie de la cellule de crise constituée autour du préfet ?

M. Alain Martel - Ont-ils été invités à y participer ?

En tant qu'assureurs, nous informons de l'existence du Centre d'information et de documentation des assurances (CDIA). La FFSA et le GEMA font quant à eux connaître les bureaux de représentants susceptibles de recevoir le grand public pour les informer, ainsi que le nom du coordinateur « catastrophes naturelles ». Dans ce contexte, si les autorités locales ne le sollicitent pas, il ne peut pas faire son travail.

M. le Rapporteur - Le coordinateur « catastrophes naturelles » est votre correspondant.

M. Alain Martel - Oui. Il peut s'agir d'un inspecteur des compagnies AXA ou AGF ou du groupe Azur ou MMA. Nous nous en remettons toutefois à notre représentation collective.

M. Jean-Guy Branger - Un tel délégué est-il actuellement en poste dans la Somme ?

M. Alain Martel - Nous disposons d'un représentant par département géographique.

M. le Président - Il serait intéressant de le connaître...

M. le Rapporteur - Si ce coordinateur existe, il remplit une mission. S'il remplit une mission, et puisqu'il a été informé des événements qui se produisent, il aurait pu se manifester...

M. le Président - Il est tout de même curieux que nous ne l'ayons pas rencontré.

M. Alain Martel - Invitez-le donc : il vous expliquera quel est son rôle.

M. Jean-François Picheral - Il n'a pas fait de zèle, en tous cas...

M. Alain Martel - La mission du coordinateur « catastrophes naturelles » consiste à recevoir les plaintes du public, répondre aux questions des clients sur leur contrat d'assurance et sur le mécanisme légal, répondre à une invitation de la commission de sécurité ou des différentes instances administratives pour participer au débat et informer les autorités administratives lorsqu'elles doivent prendre des décisions.

Il constitue en quelque sorte un sapiteur au service des autorités publiques.

M. le Rapporteur - Les collectivités ont créé des structures de ce type, afin de se rapprocher du public et lui donner des informations et des conseils.

M. Alain Martel - Le CDIA et le coordinateur « catastrophes naturelles » ont consacré des centaines d'heures sur le sujet de la baie de Somme. Le chiffre exact du nombre de réunions et d'heures passées à travailler sur ces questions est accessible.

M. le Rapporteur - Le coordinateur ne se serait-il pas présenté aux collectivités qui ont mis en place des structures pour concourir la même mission que lui ?

M. Alain Martel - Je ne peux pas vous répondre. Si vous interrogez la FFSA, vous obtiendrez communication du nom du correspondant du département. Je ne m'en souviens pas, parce qu'ils sont nombreux.

M. le Rapporteur - Les membres de la FFSA sont intervenus devant cette commission et ne nous ont pourtant rien dit.

M. le Président - Nous les avons auditionnés. Or cette information ne nous a pas été fournie.

M. Alain Martel - Vous pouvez la demander.

M. Jean-Guy Branger - Lorsque le coordinateur entre en fonctions, avertissez-vous l'autorité administrative ?

M. Alain Martel - En principe, il doit être connu des autorités administratives. Pendant l'année, il assure une présence permanente dans le département, dont il est généralement résident.

M. le Rapporteur - Comment aurait-il pu ignorer que des inondations s'étaient produites dans la Somme ?

M. le Rapporteur - Pour revenir à la question de la prise en compte forfaitaire d'un logement provisoire par les assureurs, peut-être certaines personnes ont-elles perçu une indemnité pour des loyers qu'elles n'ont pas payés ? En effet, les mobil homes peuvent être habités trois mois sans loyer.

M. Alain Martel - Cet état de fait ne veut pas dire que l'administré a touché une contrepartie de la part de son assurance, parce que l'assureur demande en général à l'assuré le montant du bail. Hormis les cas de fraude éventuelle ou d'un concours de circonstances, je pense que le travail des experts consiste précisément à réclamer un certain nombre de justificatifs. Ainsi, lorsque l'assureur couvre un déménagement, il le fait sur facture du déménageur.

M. le Président - Nous arrêtons maintenant cette audition et vous remercions.

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