7. Audition de M. Eric Le Guern, directeur-adjoint du service de la Navigation de la Seine accompagné de M. Bernard Chantrelle (31 mai 2001)

M. Marcel Deneux, Président - Nous accueillons M. Eric Le Guern, directeur-adjoint du service de la Navigation de la Seine accompagné de M. Bernard Chantrelle.

Le Président rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à MM. Eric Le Guern et Bernard Chantrelle.

Nous vous demandons de répondre aux questions qui préoccupent cette Commission, c'est-à-dire la façon dont se fait la circulation entre les différents biefs, ruisseaux et fleuves qui sont sous votre autorité. Je vous laisse la parole, puis vous répondrez à quelques questions.

M. Eric Le Guern - Je propose de vous faire une présentation succincte du service, de son organisation et de ses missions.

Le siège est à Paris, mais le service est divisé en quatre arrondissements territoriaux. Aujourd'hui, les deux arrondissements qui nous intéressent sont celui de la Champagne, basé à Reims, qui est le centre d'annonce des crues pour l'Aisne, et l'arrondissement Picardie, responsable de l'annonce des crues de Compiègne et de l'Oise. Il n'y a pas de centre d'annonce des crues de la Somme.

M. Paul Raoult - Donc, si la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie avait été créée, tout cela ne serait pas arrivé !

M. Eric Le Guern - Je dois apporter quelques nuances à vos appréciations. Les centres d'annonce des crues sont créés par décret. Ils ont été implantés sur des rivières considérées à risque pour les personnes humaines. La Somme n'a pas été considérée comme entrant dans ce cas de figure. Fort heureusement, nous pouvons constater que les inondations de la Somme n'ont pas fait de victimes humaines. Cela ne doit cependant pas minimiser la véritable catastrophe que la Somme a subie. Il est à noter par ailleurs que la Somme n'est pas la seule sur le territoire national à ne pas posséder de centre d'annonce des crues.

Le bassin de la Seine est drainé par l'Oise, l'Aisne, la Marne et l'Yonne. Ce bassin comporte quatre centres d'annonce des crues. Celui de la région Ile-de-France est géré par la DIREN d'Ile-de-France. Il concerne la région à l'aval de Paris et une partie de l'amont, une partie de la Marne et l'aval de l'Oise. Le centre d'annonce des crues de Compiègne est compétent pour l'Oise. Celui de Reims gère l'Aisne. Ces centres s'efforcent de travailler ensemble. C'est ce qui permet au service de la Navigation de la Seine, en tant qu'exploitant d'un réseau fluvial, d'éditer des messages internes, des synoptiques d'annonces de crues.

M. le Président - Dans le cas de la Somme, qui est le destinataire de ce document, lorsqu'il est édité ?

M. Eric Le Guern - Les destinataires sont nos subdivisions territoriales. Ce synoptique est construit sur la base des données des quatre centres d'annonce des crues, ce qui n'inclut pas la Somme, mais l'Oise et l'Aisne principalement.

M. Pierre Martin, Rapporteur - Lorsque M. le Préfet a envoyé un courrier aux maires en février, il n'y avait pas d'indication de niveau d'alerte.

M. Paul Raoult - Il faut noter que la Somme n'est pas navigable. A ce titre, elle n'est pas gérée par vos services.

M. Eric Le Guern - Nous gérons une partie des voies non navigables, pour le compte du ministère de l'Environnement. Cette gestion ne concerne pas l'aspect de l'annonce des crues, mais la police de l'eau et la protection de l'environnement. Cependant, nous ne gérons effectivement pas la Somme. Je tiens à préciser que, par navigables, j'entends les voies inscrites à la nomenclature nationale des voies navigables.

Je vais tout d'abord tenter de vous expliquer le fonctionnement hydrologique du secteur et l'impact du canal du Nord sur la Somme à l'aval de Péronne. Je vous invite pour cela à vous référer aux schémas hydrologiques qui vous ont été distribués. Nous avons quatre schémas de fonctionnement. Un schéma concerne la période dite normale. Un autre schéma a été créé après le 26 avril. Il n'existait pas avant la dernière crue de la Somme. Ces deux schémas se différencient par des pompages complémentaires. Des pompes mobiles ont été ajoutées aux pompes fixes qui préexistaient, afin de fermer le déversoir d'Epenancourt.

M. le Rapporteur - Dans la presse, il était indiqué que rien ne venait du canal du Nord. Or le lendemain, il a été annoncé qu'une pompe avait été mise en place pour pomper l'eau de la Somme et la renvoyer sur l'Oise. Cela n'a pu que provoquer des interrogations dans la population.

M. Eric Le Guern - Je suis d'accord avec vous et je pense que c'est le fondement de la rumeur. Sur le schéma de fonctionnement en période normale, il existe trois affluents, anciennement affluents de la Somme, la Beine, l'Allemagne et l'Ingon. Ils servent aujourd'hui à alimenter le canal du Nord puisque, pour fonctionner, un canal doit être rempli d'eau. Ce canal du Nord a été mis en eau en 1965.

M. Paul Raoult - Les travaux étaient déjà en cours quand la guerre de 1914-1918 a commencé. Le Général de Gaulle, lors de son retour au pouvoir, a décidé de terminer les travaux du canal, qui était à l'abandon depuis la guerre de 1914. Cette décision a eu des effets mitigés. Le gabarit qui avait été mis en oeuvre lors du début de la construction des écluses a du être repris. Il s'agit donc d'un gabarit intermédiaire qui n'existe nulle part ailleurs ; ce n'est ni le gabarit Freycinet, ni le gabarit européen. Dans le Nord, nous militons donc pour un canal Seine-Nord avec un gabarit européen. Le canal du Nord n'a été qu'une demi-mesure puisqu'il constitue désormais un bouchon entre la région parisienne et le Nord dans la mesure où il s'agit d'un gabarit intermédiaire. En 1960, il y avait déjà eu un débat pour savoir s'il fallait détruire les écluses déjà construites afin de faire un gabarit européen. Finalement, la décision n'a pas été prise et nous pouvons le regretter.

M. le Président - Je vous remercie de cette précision Monsieur Raoult. Revenons aux affluents du canal du Nord qui permettent de le mettre en eau.

M. Eric Le Guern - L'eau qui, à l'origine, était de l'eau de la Somme et qui allait en totalité d'Abbeville à Amiens est aujourd'hui captée en totalité, aussi bien en période de sécheresse qu'en période normale. En période de forte pluviosité, toute l'eau ne peut être gardée : si elle l'était, le canal déborderait. Si c'était le cas, nous prendrions le risque d'une rupture de digue avec des effets éventuellement catastrophiques sur l'aval. C'est pourquoi les concepteurs du canal ont prévu des soupapes de sécurité, qui sont notamment le déversoir d'Epenancourt, qui se trouve au niveau de l'écluse 14. Ce dernier permet d'évacuer le trop-plein d'eau vers la Somme. La Somme coule ensuite vers Péronne, puis atteint le niveau de l'écluse 12. A la jonction de la Somme et du canal du Nord, un siphon, appelé le siphon de Sormont, a été construit. Ce siphon limite le débit de la Somme, qui va passer à l'aval du canal du Nord. Je peux vous donner un ordre de grandeur car l'hydrologie n'est pas une science totalement exacte. Le débit maximum que le siphon de Sormont peut évacuer est de l'ordre de 20 à 25 m 3 /seconde. Cela signifie que même lorsque le déversoir d'Epenancourt est ouvert, il n'y aura pas plus d'eau à l'aval qui ira jusqu'à Abbeville ou Amiens. L'ouverture du déversoir ne change rien pour les habitants d'Abbeville ou d'Amiens, au contraire des gens qui habitent en amont du siphon. Ces derniers nous attaquent en justice régulièrement pour cause d'inondations. Toutefois, il s'agit là de cabanes de chasseurs et de pêcheurs ; il n'y a pas de maisons d'habitation.

Si la quantité d'eau est trop importante, il peut y avoir un débordement au-dessus du canal. C'est ce qui s'est passé. Nous n'en sommes cependant pas responsables. Avant d'arriver à ce stade, nous avons une disposition qui consiste en des lâchures d'eau sur le canal de la Somme, à l'aval du siphon de Sormont. Ce dispositif permet de maintenir le fonctionnement de la navigation. En termes de bilan hydraulique, la quantité d'eau qui arrive in fine à Abbeville et Amiens n'est pas modifiée.

M. le Rapporteur - Je ne sais pas si les contestations sont fondées ou non. Mais s'il existait un débitmètre entre l'entrée des trois affluents et un deuxième à la sortie, nous pourrions voir quel serait le différentiel.

M. Eric Le Guern - Je tiens à dire que nous ne travaillons pas dans l'intuitif. Une note de calcul interne datant de 1989 nous conduit à penser que le débit maximal théorique des trois rivières est de 3,3 m 3 /seconde. Lors de la dernière crue, pour laquelle nous n'avons pas de mesure, nous pensons, de manière intuitive, que nous avons atteint 5 à 6 m 3 /seconde. Cette estimation est corroborée par nos mesures de pompage. Nos installations de pompage fonctionnent toute l'année. A la jonction de la Somme et du canal du Nord, nous avons des pompes qui fonctionnent uniquement la nuit en période normale avec un débit de 4 m 3 /seconde et qui permettent d'alimenter le canal du Nord vers le Nord. L'eau redescend ensuite suivant le sens du trafic, par le jeu des éclusées. Nous avons également un pompage au niveau de l'écluse 15 qui fait remonter de l'eau vers le bief de partage avec le bassin versant de l'Oise vers le souterrain de la Panneterie. De la même façon, en fonction du sens du trafic, l'eau redescend par le jeu des éclusées, d'un côté ou de l'autre.

En période de sécheresse, et il s'agit peut-être du deuxième élément qui a permis d'alimenter la rumeur, nous avons souvent des soucis pour avoir une quantité d'eau suffisante dans le canal. Nous inversons donc le pompage. Il se peut alors que, par le jeu des éclusées, et cela arrive fréquemment, de l'eau pompée dans l'Oise redescende vers la Somme. Je le répète, ce dispositif n'a de sens qu'en période de sécheresse.

En période de forte pluviosité, le problème s'inverse. Nous ne pouvons avoir l'idée de faire venir de l'eau de l'Oise dans le bassin de la Somme puisque cela mettrait en péril la pérennité du canal. En effet, qui dit débordement du canal dit risque de rupture des digues. Notre souci en période de forte pluviosité est donc d'évacuer le maximum d'eau du bassin de la Somme.

Un troisième élément a pu alimenter la rumeur, bien qu'il soit plus lointain et à manier avec précaution. Au niveau de Saint-Quentin, le canal de Saint-Quentin est alimenté par une rigole qui se nomme la rigole de l'Oise et du Noirieu. A l'origine, elle s'appelait la rigole du Noirieu, mais par manque d'eau, nous avons dû aller chercher de l'eau ailleurs. Cette rigole a alors été prolongée jusqu'à la commune de Vadencourt où nous prélevons de l'eau en amont de l'Oise pour alimenter le canal de Saint-Quentin. Par le jeu des éclusées, et donc en fonction du trafic, une partie de cette eau va descendre le canal de Saint-Quentin jusqu'au canal latéral à l'Oise, c'est-à-dire que de l'eau de l'Oise revient à l'Oise, une autre partie peut se retrouver dans le canal latéral à l'Oise et, in fine, à l'aval de Sormont se retrouver dans la Somme.

A partir du début de la saison hivernale, vers le 15 novembre, nous fermons la prise d'eau dans l'Oise. Si nous ne le faisions pas, nous aurions une quantité d'eau trop importante dans le canal de Saint-Quentin, qui est en contact avec la nappe phréatique. La rigole de l'Oise et du Noirieu gonfle, bien que la prise d'eau dans l'Oise soit fermée, car il y a un ruissellement de proximité. De l'eau arrive donc à Saint-Quentin. A Saint-Quentin, par l'Etang d'Ile, 6 m 3 /seconde sont prélevés dans la Somme par une vanne automatique. En mode de fonctionnement normal, 2 m 3 /seconde sont rejetés à l'aval de Saint-Quentin. Cela permet de gérer la situation hydrologique dans la ville de Saint-Quentin elle-même. A partir du 26 avril, nous avons fermé ce rejet de 2 m 3 /seconde et nous l'avons évacué par éclusées et lâchures successives par le canal de Saint-Quentin vers le canal latéral à l'Oise. Cependant, les populations inondées ont pu penser que de l'eau de l'Oise venait par cette rigole. Il est possible que cela ait alimenté la rumeur selon laquelle de l'eau était pompée de l'Oise pour être rejetée dans la Somme.

M. le Président - Pour que cette rumeur soit fondée, il faudrait donc que votre système sécheresse ait fonctionné anormalement durant les mois de mars et d'avril. Pouvez-vous nous livrer les débits de ces pompes et les consommations de courant de ces différentes stations de pompage pour que nous puissions vérifier si ces pompes n'ont pas tourné dans le sens que la rumeur leur prête ?

M. Eric Le Guern - Cela ne pose aucun problème. Nous avons un relevé du fonctionnement de nos pompes.

M. Bernard Chantrelle - Il suffit de regarder les factures EDF de l'écluse 16 et celles des écluses 16 à 19.

Nous effectuons des lâchures à Epenancourt et à Sormont. En période de forte pluviosité, dans des débits très faibles, nous retirons de petites quantités d'eau du bassin de la Somme pour les envoyer en partie vers le bassin de l'Oise. En mode de fonctionnement normal du canal, le passage des bateaux renvoie de l'eau de l'écluse 16 vers la 19. L'écluse 15 est alors en fonctionnement à 2 m 3 /seconde, pendant 20 heures sur 24. Une moitié de cette eau, que nous pouvons évaluer à 500 l/seconde, est renvoyée sur le canal latéral. De la même façon, sur la partie du canal comprise entre l'écluse 1 et l'écluse 7, en période de forte pluviosité, nous ne pompons pas d'eau. En résumé, en mode de fonctionnement normal du canal, c'est-à-dire sans avoir pris de mesures exceptionnelles de pompage, nous renvoyons de l'eau du canal de la Somme vers les bassins de l'Oise et de la Sensée. Cela concerne des quantités précises, qui n'ont rien à voir avec les débits à Abbeville. Nous enlevons du bassin de la Somme entre 500 litres et 1 m 3 /seconde. Cela peut être démontré, comme le soulignait M. le Président, par les factures EDF de l'écluse 7, que je demanderai à mon collègue.

M. le Président - Il y a donc une certitude pour la Commission. Il existe bien des communications entre les bassins de la Somme, de l'Oise et de la Sensée. Mais, je ne préjuge en rien du sens de ces communications

M. Eric Le Guern - Je le répète, les fonctionnements hydrologiques des bassins de la Somme et de l'Oise sont indépendants. Le bassin de la Somme s'écoule d'Est en Ouest, le bassin de l'Oise du Nord au Sud. Ce ne sont pas les quelques vannes qui existent qui remettent en cause ce fonctionnement hydrologique.

M. Bernard Chantrelle - Je voudrais donner deux précisions sur les capacités de pompage. A l'écluse 16, les capacités de pompage sont actuellement de 2 m 3 /seconde, au maximum, et ils sont de 1 m 3 /seconde à l'écluse 7.

M.Paul Raoult - Le Conseiller général de Chasse, Pêche et Nature d'Abbeville, Monsieur Nicolas Lottin, disait qu'un bief aurait été vidé et que l'eau du bief serait entièrement partie vers la Somme. Est-ce exact ?

M. Bernard Chantrelle - Cette information n'avait pas été portée à ma connaissance. Nous avons baissé un bief sur la Somme pour faire une inspection d'ouvrage de deux écluses situées à 600 mètres l'une de l'autre.

M. Paul Raoult - C'est donc un des fondements de la rumeur. Il faudrait nous dire à quelle date cela s'est produit et l'indiquer dans le rapport. Il faut pouvoir répondre à cette rumeur, qui, malgré tout, repose sur une réalité concrète.

M. Bernard Chantrelle - Nous avons fait l'inspection, avant le 20 mars, des deux écluses en vidant le bief inférieur proche de Ham mais le débit n'est que de 600 m 3 /seconde.

M. Paul Raoult - Le problème météorologique était déjà important dans toute la Somme dès novembre. Il y avait eu de fortes pluies. Vous avez fait cette inspection à un mauvais moment ; la population était déjà sur ses gardes.

M. le Président - Quoi qu'il en soit, le siphon de Sormont limite tout de même le débit de l'eau qui est renvoyée. Entre Epenancourt et Sormont, il peut y avoir une inondation, mais cela ne préjuge pas de la quantité d'eau qui passe dans le fleuve par la suite.

M. le Rapporteur - En ce qui concerne l'écluse d'Epenancourt, il y a deux déversoirs pour délester l'eau vers les étangs de la haute Somme.

M. Bernard Chantrelle - Effectivement, en amont d'Epenancourt, il y a deux déversoirs. L'un se reverse directement dans les étangs de la haute Somme et l'autre est un déversoir de contournement de l'écluse qui conduit l'eau de l'amont vers l'aval du canal.

M. le Rapporteur - Un de ces deux déversoirs est un système à poutres. Or il semblerait que deux poutres aient été retirées, le 23 mars, ce qui a eu pour conséquence de livrer un plus grand passage à l'eau. Pourquoi ces deux poutres ont-elles été enlevées ?

M. Paul Raoult - Il est évident que le problème qui se pose pour ces services est de remplir le canal. Preuve en est que de Dunkerque à Valenciennes, nous sommes toujours en conflit avec les services des canaux car ils nous prennent l'eau dont nous avons besoin par ailleurs. En période de pluies abondantes, ils ne peuvent laisser déborder le canal, car il faut laisser libre court à la navigation. Il se produit alors la situation inverse.

M. Bernard Chantrelle - Je voudrais revenir sur le bief que nous avons vidé. Cela a représenté 200 l/seconde pendant 24 heures.

M. Paul Raoult - Là n'est pas la question. A ce moment, les habitants étaient déjà submergés par l'eau et vous, vous avez vidé un bief. Les gens ne pouvaient que mal réagir.

M. le Rapporteur - C'est le même problème que pour l'écluse d'Epenancourt. Vous nous dîtes que cela a été fait pour que le canal ne déborde pas. Mais, il y a bien eu des masses d'eau qui ont été déplacées. Or cette eau a été vidée dans les étangs de la haute Somme. Il ne faut pas oublier que ce sont d'abord les étangs qui ont inondé la région. Il y a des preuves que des poutres ont bien été enlevées entre le 11 et le 23 mars, puisque des traces d'engins mécanisés ont été retrouvées.

M. Bernard Chantrelle - Le maximum a été enlevé aux alentours du 23 mars. Le bief avait alors atteint sa cote de 3,40 mètres, et à 3,50 mètres, il y avait débordement. Si nous ne l'avions pas vidé, rien n'aurait pu être maîtrisé par la suite et une partie des digues aurait dû être reconstruite.

M. le Rapporteur - Quelle a été la quantité d'eau en cause à cette occasion ?

M. Eric Le Guern - Il s'agit d'environ 5 m 3 /seconde. Mais je souligne que même si le déversoir avait été fermé, ces 5 m 3 seraient allés dans la Somme. Ouvrir le déversoir sert seulement à protéger la pérennité du canal.

M. Paul Raoult - Il est difficile de l'expliquer à la population, dans la mesure où le canal est en relation avec l'Oise et avec l'Escaut. Il est aussi en relation avec le canal de Dunkerque. Dans l'esprit de la population, il y a donc des transferts d'eau entre ces différents canaux. Il en est de même pour le bief que vous avez vidé.

M. le Président - Est-ce que cette vidange du bief était programmée depuis longtemps ? Pourquoi avez-vous choisi cette date dans votre programmation ?

M. Bernard Chantrelle - Le mois de mars est une date idéale pour faire les vidanges. La quantité d'eau est alors suffisante pour que le canal du Nord fonctionne. C'est aussi une période propice en ce qui concerne la météo. Enfin, la dernière raison est une remise en eau facile. La vidange de ce bief a duré trois jours. Lors de cette opération, 18 m 3 ont été pris à la Somme puis remis.

M. Paul Raoult - Notre problème actuel est la « rumeur d'Abbeville », qui est manifestement fondée sur des éléments réellement existants. Il y a bien eu un substrat d'information réelle.

M. Bernard Chantrelle - Je viens de penser à une dernière raison pour le choix de cette date. De fin avril jusqu'au mois de septembre, il y a une navigation de plaisance. Or la navigation de plaisance est l'une des principales vocations du canal de la Somme, puisque 300 bateaux environ l'utilisent durant cette période. Il permet de faire deux boucles, une boucle du canal du Nord au canal de Saint-Quentin par Cambrai et une boucle par Noyon. Si les travaux étaient faits en août et en juin, nous serions obligés de couper la navigation et d'arrêter les ponts tournants.

M. Eric Le Guern - Je tiens à votre disposition les cours de suivi de crues sur l'Oise. Ils montrent qu'après les pompages du 27, l'eau sur l'Oise a continué à baisser à la station de Champigny, à l'aval de Noyon. L'impact de nos pompages a donc été nul.

Sur le site Internet de la préfecture de la Somme, vous pouvez trouver l'information selon laquelle, le 27 avril 2001, le débit à Péronne était de 21 m 3 /seconde avec une tendance à la baisse. Le 29 avril, les conditions étaient les mêmes. Nous avons commencé à pomper le 26 avril. Le 27 avril, l'eau a baissé de 5 cm à Abbeville et monté de 4 cm à Amiens. Le 29 avril, date à laquelle notre pompage complémentaire était en fonctionnement, le niveau à Abbeville a monté de 1 cm. Nos pompages complémentaires avaient donc, avant tout, une vocation psychologique.

M. le Président - Pourquoi ne pas avoir commencé le 4 avril ?

M. Eric Le Guern - Le 24 avril, toutes les stations de Condren à l'amont et de Pontoise à l'aval étaient encore en alerte. Le lendemain, Pontoise est tombé au niveau vigilance et Venette n'est plus qu'en pré-alerte. Trois semaines auparavant, tout le monde était en pleine alerte. C'est pourquoi le pompage n'a pas commencé à cette date. Cela aurait inquiété les populations et cela aurait eu un impact important sur la navigation. Par contre, à partir du 25 avril, la décrue a commencé. Nous avons alors mis en place des pompages complémentaires, mais ce fut sans doute trop tôt. Ce fut fait sous l'autorité du Préfet de la région Ile-de-France

M. le Rapporteur - Fontaine-sur-Somme a été inondée le 21 mars. Dès ce moment, il y avait urgence !

M. Eric Le Guern - Chaque mètre cube pompé est aussitôt remplacé par un mètre cube supplémentaire, Monsieur le Rapporteur.

M. le Président - Quelles sont vos liaisons avec le BRGM et le service de gestion des nappes ? Etes-vous en communication permanente ?

M. Eric Le Guern - Nous avons des contacts de nature scientifique. Durant cette période, nous avons décidé, afin que les messages ne se brouillent pas, que nos actions seraient répercutées à nos collègues de la DDE de la Somme. A charge de la Directeur de répercuter les informations au Préfet de Picardie.

M. Bernard Chantrelle - La subdivision de Péronne et celle de la navigation d'Amiens, qui dépend de la DDE, sont en contact permanent. Ces contacts ne se font pas au niveau des directions, mais au niveau des opérationnels. Nous sommes obligés d'assurer une chaîne hydraulique. Il s'agit d'ouvrages artificiels. Dès que nous intervenons en amont d'un ouvrage, cela a des conséquences sur l'aval. Ainsi, en ce qui concerne Epenancourt, lorsqu'une intervention est prévue, nous alertons le maire de la commune, qui gère les barrages sur la haute Somme, M. Boulanger, président de la Commission de surveillance, et la DDE de Péronne. Tous ces fax ont été envoyés. Nous n'avons rien à cacher.

M. le Président - Finalement, de Dunkerque jusqu'à Paris, c'est vous qui maîtrisez tous les étiages.

M. Eric Le Guern - Nous les maîtrisons tant que la crue n'est pas trop importante. Je voudrais dire un mot sur les barrages de navigation. Un barrage de navigation est différent d'un barrage de réservoir. A titre d'exemple, à Creil, nous régulons la ligne d'eau par des manoeuvres de barrages jusqu'à 300 litres d'eau /seconde. Au-delà de 300 l/seconde, nous enlevons les barrages. L'Oise est alors rendue à son régime de fonctionnement hydraulique normal. Nous maîtrisons donc les étiages, mais jusqu'à un certain niveau.

M. Paul Raoult - Lorsque le canal Seine-Nord sera construit, nous n'aurons plus ces problèmes.

M. le Président - Comme vous l'avez compris, nous sommes préoccupés par ces problèmes ; nous resterons donc en contact avec vos services. Je vous remercie de ces précisions.

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