B. DES PISTES À EXPLORER AUTOUR D'UN MÊME IMPÉRATIF : CLARIFIER LES RESPONSABILITÉS

Les trois rapporteurs partagent une double conviction ; sans remettre en cause le principe de la départementalisation, le système actuel ne peut pas rester en l'état ; il doit être réformé en profondeur pour que les élus puissent assumer leurs responsabilités.

Même s'ils n'adhèrent pas également à toutes les pistes évoquées ci-après, ils se retrouvent sur leur dénominateur commun, qui est de permettre aux Français de connaître et de décider en pleine connaissance de cause, des moyens qu'ils veulent consacrer à leur sécurité civile.

1. Rechercher de nouvelles sources de financement : une vraie solution ?

Les moyens dont disposent actuellement les SDIS pourraient sans doute être redéployés dans le sens d'une plus grande efficacité. Des économies d'échelle sont possibles, notamment en développant la coopération entre SDIS.

Cependant, pour résoudre la quadrature du cercle, lequel s'agrandit chaque année depuis 1996, il est indispensable de réfléchir à la possibilité de trouver des nouvelles ressources pour les SDIS.

S'agissant de l'exercice par les collectivités locales d'une fonction régalienne, l'hypothèse d'un financement par l'État vient assez rapidement à l'esprit. Après tout, celui-ci ne prendra-t-il pas en charge plus du quart du budget de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris en 2002, sans parler des marins-pompiers de Marseille ? ?

On peut noter que, en dépit des déclarations du ministre de l'intérieur qui, devant la commission des finances du Sénat le 16 novembre 2000,  « a plaidé pour un meilleur partage du financement entre l'État et les collectivités locales en indiquant que l'État n'avait pas l'intention de se désengager, notamment en matière de formation des pompiers » 17 ( * ) , et même si le rapport de notre collègue député Jacques Fleury constate « la nécessité pour l'État de participer au financement des services d'incendie et de secours » 18 ( * ) , l'hypothèse d'un financement étatique n'a pas été retenue par le projet de loi relatif à la démocratie de proximité.

Mise au point sur la DGE des SDIS

Le gouvernement invoque souvent, pour illustrer son soucis de soutenir financièrement les SDIS, sur la majoration de la dotation globale d'équipement (DGE) perçue par les SDIS, instaurée par l'article 24 de la loi n° 99-1126 du 28 décembre 1999 modifiant le code général des collectivités territoriales.

Le Sénat se félicite d'autant plus de cette disposition qu'il avait, dans le courant de l'examen de cette loi, dont le texte définitif résulte du travail fructueux de la commission mixte paritaire, fortement incité le gouvernement à présenter un tel amendement.

Il faut cependant relativiser la portée de cette disposition. L'article 24 prévoit que, entre le 1 er janvier 2000 et le 31 décembre 2002, les SDIS perçoivent une majoration de leur DGE et que cette somme provient, à hauteur de 100 millions de francs par an, d'un prélèvement sur la DGE des communes.

Comme, par ailleurs, la DGE des communes disposent de « réserves » importantes issues de la disparition de sa première part en 1996, le gouvernement, sans que cela soit prévu par la loi « pioche » à hauteur de 250 millions de francs supplémentaires par an dans ces réserves au bénéfice des SDIS. On peut ajouter que ces « autorisations de programme dormantes », dont le montant s'établissait à 1.200 millions de francs, ont fait l'objet d'une annulation à hauteur de 600 millions de francs dans la loi de finances rectificative de l'hiver 2000.

La création de la DGE des SDIS, qui permet d'éviter une augmentation supplémentaire des contributions des communes, est de toute façon payée par les communes par le biais de la réduction de leur DGE. Au surplus, 600 millions de francs, qui auraient pu être « réactivés » à leur profit, sont désormais définitivement annulés.

Une autre piste réside dans la mise à contribution systématique des personnes et organismes qui bénéficient aujourd'hui des services des SDIS sans en assumer le coût financier.

Les SDIS prennent en charge gratuitement des missions pour lesquelles ils devraient être rémunérés : le recours aux services d'incendie et de secours pour le secours aux personnes, voire pour la protection systématique des biens, représente une charge importante pour les SDIS, qui ne peuvent cependant généralement refuser d'intervenir.

L'activité déclarée des SDIS sur la période 1996-2000 montre que le nombre d'interventions de secours aux personnes a cru de 26,2 %, une partie de ces interventions étant demandée par le SAMU. Si les relations avec le SAMU sont généralement considérées comme bonnes par les SDIS, peu d'entre eux ont réussi à obtenir un remboursement des prestations effectuées pour le compte des hôpitaux publics. En revanche, près de la moitié des départements facture déjà certaines interventions non urgentes, en vertu de la loi du 3 mai 1996 qui prévoit que le « SDIS peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais » s'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à ses missions de service public.

L'absence de financement par le SAMU des interventions effectuées par les SDIS découle de l'insuffisante clarté de la définition de la mission assignée aux SDIS, s'agissant du secours aux personnes ou de la protection des biens. Or, la charge correspondant à ces interventions correspond généralement à près de 10 % des budgets des SDIS.

L'enquête d'Ernst & Young montre bien, s'agissant des ressources financières des SDIS, la faiblesse des contributions en provenance de l'État, des particuliers et du secteur hospitalier, alors même que les SDIS effectuent des interventions de « confort » à la limite du service public, participent à des missions de sécurisation et de secours d'ampleur nationale, et interviennent de manière croissante en matière de transport sanitaire, notamment afin de suppléer les carences des ambulanciers privés.

Outre le financement par les agences régionales d'hospitalisationétablissements hospitaliers, le projet de loi relatif à la démocratie de proximité retient également l'idée participation financière des sociétés d'autoroutes.

En revanche, l'idée, un temps avancée, d'une mise à contribution des sociétés d'assurance semble, à juste titre écartée.

L'abandon de l'idée d'une mise à contribution des sociétés d'assurance

Le même jour, le 6 avril 2000, le gouvernement prenait deux positions différentes sur la même question :

- en réponse à une question écrite de notre collègue Claude Haut 19 ( * ) , le ministre de l'intérieur soulignait en avril 2000 qu' « une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale visant à instaurer une contribution des assurances au financement des services départementaux d'incendie et de secours (...) Il appartiendra aux parlementaires de se prononcer sur cette proposition de loi. Néanmoins, ce dossier est fort complexe. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie étudie ce dossier et les différentes voies possibles ».

- en réponse à une question écrite de notre collègue Marie-Claude Beaudeau, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie indiquait que « la fiscalité applicable aux primes émises à raison des contrats d'assurance dommages est d'ores et déjà la plus élevée d'Europe en raison notamment des taux applicables en matière de taxe sur les conventions d'assurance. L'institution d'une taxe additionnelle à la taxe sur les conventions d'assurance serait contraire à la politique menée en cette matière depuis plusieurs années qui tend à réduire les taux applicables et à exonérer certains contrats. Par ailleurs, la mise en place d'une telle mesure conduirait en fait à alourdir les charges des entreprises et des particuliers dès lors que les compagnies d'assurances répercuteraient le coût de cette nouvelle taxe sur ces derniers. Une telle situation serait, en toute hypothèse, contraire à l'objectif recherché. » 20 ( * )

Notre collègue député Jacques Fleury a, dans le rapport qu'il a remis au Premier ministre sur le sujet, constaté « la nécessité pour l'État de participer au financement des services d'incendie et de secours » ; de son côté, le projet de loi relatif à la démocratie de proximité ne retient pas l'hypothèse d'un financement étatique bien que le ministre de l'intérieur ait plaidé devant votre commission des finances le 16 novembre 2000 « pour un meilleur partage du financement entre l'État et les collectivités locales » indiquant même que « l'État n'avait pas l'intention de se désengager en matière de formation des pompiers ».

L'opinion de vos rapporteurs est assez différente puisqu'ils estiment qu'avant de rechercher de nouvelles ressources, il convient, en premier lieu, de mettre en place un cadre institutionnel faisant apparaître clairement le coût des SDIS.

* 17 Bulletin des commissions.

* 18 Le ministre de l'intérieur considère pourtant, en réponse à une question écrite de notre collègue Serge Matthieu, que le « remarquable travail d'analyse » de Jacques Fleury a été conclu « par 35 propositions pertinentes » (Question n° 28384, JO Sénat,15 mars 2001, p.940).

* 19 Question n° 20277, JO Sénat, 6 avril 2000, p. 1280.

* 20 Question n° 21739, JO Sénat, 6 avril 2000, p. 1260.

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