C. LES JURISTES ET LES CONFÉRENCES INTERNATIONALES

RAPPEL CHRONOLOGIQUE DES PRINCIPALES CONFÉRENCES MONDIALES SUR L'ENVIRONNEMENT

1972 (Stockholm) : autolimitation de certaines productions (énergies fossiles) ; répartition plus équitable des fruits de la croissance ; méthodes d'exploitation plus respectueuses des milieux ; règles de gestion plus rationnelles de l'espace, de l'énergie, des ressources ; prise en charge des patrimoines communs.

1973 : Création du programme des Nations-Unies pour l'environnement ( PNUE ) : législation internationale de l'environnement. Création de ministères de l'environnement dans nombre de pays.

1982 : Charte mondiale pour la nature.

1988 : Création du Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat ( G.I.E.C ou I.P.C.C).

1992 (Rio de Janeiro) : Adoption de la Charte de la Terre ; concept de développement durable ; principe pollueur-payeur ; finalités sociales de l'activité économique ; adoption de l'Agenda 21 (plan d'action pour le XXI ème siècle).

Adoption de deux conventions-cadres sur les changements climatiques et la diversité biologique.

1995 : Conférence des Parties de la convention sur les changements climatiques (COP 1, Berlin) . Adoption de la logique des quotas d'émissions de gaz à effet de serre .

1997 : Conférence des Parties (COP 3, Kyoto) . Les pays industrialisés, dits de l'annexe B du protocole, s'engagent à réduire ou contrôler leurs émissions de six gaz à effet de serre sur la période 2008-2012 . Les engagements respectifs sont les suivants : Union européenne : -  8 % ; États-Unis d'Amérique : - 7 % ; Japon : - 6 % ; Russie : stabilisation ; Australie : + 8 %. Des mécanismes de flexibilité accompagnent ces engagements quantitatifs.

1998 : Conférence des Parties ( COP 4, Buenos Aires ). Tentative des États-Unis d'Amérique d'accélérer la mise en oeuvre de permis d'émissions négociables ; échec du fait du désaccord sur la question des bases donnant accès au marché des droits, le Tiers-monde refusant que les droits d'émettre soient fondés sur les émissions existantes.

1999 : Conférence des Parties ( COP 5, Bonn ). Négociation du plan d'action de Buenos Aires.

2000 : Conférence des Parties ( COP 6, La Haye ). Echec dû à l'intransigeance des États-Unis d'Amérique, du Japon, du Canada et de l'Australie qui souhaitaient limiter le protocole à ses mécanismes de flexibilité et accroître la prise en compte des puits de carbone .

2001 : Conférence des Parties ( COP 7, Bonn ). Compromis sur un accord environnemental ambigu accordant la prise en compte de puits de carbone supplémentaires pour les États-Unis d'Amérique et le Japon.

2001 : Conférence des Parties ( COP 8, Marrakech ). Traduction juridique des règles de mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Comité ad hoc d'observance . Moyens techniques et financiers en faveurs des pays en développement .

La limitation de l'émission de gaz à effet de serre ne peut résulter que d'une approche internationale puisque l'intensification dudit effet de serre est un phénomène planétaire indépendant du lieu d'émission des gaz.

Il est donc satisfaisant qu'une tentative de coordination internationale soit intervenue concernant ce sujet. Mais, compte tenu de nombreuses réticences et des divergences d'intérêt de grands groupes de pays, de la difficulté également de discerner dès à présent entre les gagnants et les perdants éventuels, la régularité du rythme même des conférences internationales, qui aurait dû inciter à l'approfondissement méthodique d'accords mûrement réfléchis, a fini par se muer en rebonds chaotiques allant de compromis en échecs ou d'engagements mal consentis en décisions peu acceptées.

Sur la question fondamentale du choix à opérer entre la renonciation à des émissions de carbone ou le paiement d'une taxe-carbone liée aux émissions, nombre de pays ont fluctué dans leur approche, donnant le sentiment d'un choix non réellement effectué .

C'est ainsi qu'au départ la France était favorable à l'instauration d'une taxe plutôt qu'à des quotas, tandis que les États-Unis d'Amérique étaient opposés à la taxe. La position de la France fut affaiblie au sein de l'Union européenne par ceux de ses voisins qui souhaitaient bien une taxe, mais non simplement une taxe sur le carbone, plutôt une taxe frappant à la fois le carbone et l'énergie, ce qui incluait le nucléaire et pénalisait donc la France.

En l'absence de choix clairs des divers partenaires économiques majeurs, l'accord se fit en 1992, à Rio de Janeiro, sur un objectif non contraignant d'un retour en l'an 2000 au niveau des émissions de 1990 , ce qui évidemment conduisait à des répartitions inéquitables de l'effort. Lors de la Conférence des Parties tenue à Berlin en 1995, la logique des quotas l'emporta , alors que la France, hostile à ce système, n'avait proposé aucune autre solution.

En 1997 , lors de la troisième Conférence des Parties tenue à Kyoto , l'Union européenne, présente en tant que telle, n'est pas arrivée pour autant avec des propositions cohérentes, ni sur les politiques nationales à mener, ni sur les permis d'émissions négociables ; son seul point d'unité consistait alors en la fixation d'objectifs forts de baisse des émissions. De leur côté, les États-Unis d'Amérique avaient comme priorité de faire adopter les permis d'émissions négociables. Le résultat fut la fixation d'objectifs ambitieux , sauf pour la Russie, et la grande incertitude sur les tendances d'émissions futures conduisit, dans le doute, à se rallier à des mécanismes de flexibilité .

Craignant une avancée excessive des États-Unis d'Amérique, l'Union européenne obtint de limiter les mécanismes de flexibilité en les bornant à n'être que des compléments aux efforts nationaux (système dit de la supplémentarité).

Cinq ans après la Conférence de Rio, un choix clair n'avait toujours pas été effectué sur l'approche par les quantités ou par la fiscalité . Pour autant, les conférences diplomatiques se succédaient et engendraient des textes mêlant les deux principes.

A compter de 1998, le débat fut encore obscurci par l'idée d'un plafond quantitatif imposé aux échanges de permis et connu sous le nom de « concrete ceiling ». Lancée par l'Allemagne et soutenue par la France, cette position finit par être adoptée par l'Union européenne qui en fit son mot d'ordre de 1998 à 2000. Toutefois, cette attitude était ambiguë, dans la mesure où la « bulle » européenne, consistant à affecter à l'ensemble de l'Union un objectif de réduction de 8 %, permettait en réalité d'organiser de facto au sein de celle-ci un genre de troc et non de plafonner les échanges : les efforts allaient de - 21 % pour l'Allemagne à 0 % pour la France et même à l'absence de tout effort, avec + 27 % pour le Portugal, autorisé à augmenter ses émissions.

Quoi qu'il en soit, ce système reste mal perçu par les pays du Tiers-monde qui reprochent au protocole de Kyoto d'avoir fondé les droits d'émissions sur les émissions existantes, c'est-à-dire sur un partage inégal de l'usage de l'atmosphère à l'opposé du principe de l'égalité des émissions par tête.

C'est dans ce contexte qu'est intervenue la Conférence de La Haye , en novembre 2000 , à la veille des résultats définitifs des élections américaines. Une telle date explique largement que le texte final, adopté in extremis à la suite d'une initiative de dernière heure du Président de la Conférence, Jan PRONK, ait tenté de concilier les positions du Groupe des 77 et celles des États-Unis d'Amérique et du Japon, ces deux derniers pays obtenant des tonnes supplémentaires sous la forme de puits de carbone nouveaux.

Par la suite, lors de la Conférence de Marrakech en 2001 , chacun s'est accordé à considérer comme un succès ce qui n'était que la prolongation des concessions faites à La Haye et la circonstance même que les négociations se soient poursuivies fut considérée en soi comme une victoire, cet aspect prenant quelque peu le pas sur les conclusions mêmes de la négociation (57 ( * )) .

* (57) Sur les ambiguïtés du dialogue intergouvernemental sur les questions d'environnement de 1992 à 2001, M. Jean-Charles HOURCADE, directeur de recherche au CNRS et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales a publié un article très synthétique intitulé ; « Gouvernements : un dialogue difficile » (Problèmes économiques,25 avril 2001, pages 1 à 7).

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