6. M. Gérard Mestrallet, président-directeur général de Suez

Une certaine peur, en France, de la libéralisation dans le domaine de l'énergie est paradoxale quand on connaît la puissance de grands acteurs mondiaux, présents aujourd'hui, comme AREVA, EDF, GDF et Suez, le plus international de tous. Ces acteurs français peuvent conserver leur compétitivité tout en favorisant le consommateur et, dès lors, la concurrence.

Suez est présent dans trente pays et dans toute la gamme des métiers de l'énergie (production électrique, transport, distribution, vente, trading). L'électricité représente plus de la moitié (62 %) des activités de Suez ; sur les 55.000 mW de production, 98 % sont en dehors de France (55 % en Europe dont un tiers en Belgique, 45 % hors d'Europe). En Europe, nous nous sommes développés aussi en Hongrie, en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne, et au grand international avec l'Amérique latine (Brésil, Chili, Mexique), en Asie, au Moyen-Orient. Nous sommes aussi un trader d'énergie aux Etats-Unis et en Scandinavie, fondateurs de la bourse d'Amsterdam et de Powernext.

Il est essentiel de sécuriser cette activité de trading par des activités de production et avoir une capacité de réserves propres. Nous nous sommes développés en Europe plutôt sur l'aval avec des centrales nucléaires en Belgique, des turbines à gaz aux Pays-Bas. En France, contrairement aux idées reçues, il est possible de vendre de l'électricité sur une soixantaine de sites français. Cela prouve que le marché est réellement ouvert, et l'accès aux lignes haute tension est le même pour nous que pour EDF.

Le marché ne s'organisera cependant pas tout seul, d'où la nécessité de créer des règles menant à une dérégulation organisée.

La crise californienne est l'expression d'une régulation mauvaise et insuffisante, en plus de l'absence de capacités de production supplémentaires. Comme la faillite d'Enron n'est pas due à l'excès de trading, il faut donc se méfier des assimilations trop rapides.

Suez approuve l'ouverture avec la mise en place d'autorités de régulation indépendantes mais coordonnées entre les États membres. La dérégulation américaine, longue et hétérogène, n'est pas l'exemple à suivre. Il est important de séparer les activités régulées et libérées. Il devrait y avoir une séparation juridique en Europe, comme en France, entre le réseau de transport (RTE) et la société mère (EDF). Électrabel est ainsi devenu le principal fournisseur du RTE. Electrabel, qui s'est séparé, en Belgique, en deux réseaux, pour l'électricité et pour le gaz. Un exemple que devrait suivre l'Allemagne qui, malgré un marché libéré à 100 %, n'a pas de régulateur, ses lignes à haute tension étant en outre la propriété des grands opérateurs. Ce qui marche en France, ne marche pas outre-Rhin.

Pour les collectivités, la dérégulation offre des ouvertures formidables. Les communes, déjà propriétaires des réseaux, vont devenir éligibles - comme les sociétés d'économie mixte -, elles pourront choisir leur fournisseur.

Enfin, depuis le 11 septembre 2001, les rapports mondiaux ont changé; on ne peut pas laisser des poudrières potentielles dans les pays du Sud, il faut commencer à résoudre les problèmes cruciaux pour l'humanité de la faim dans le monde, de l'accès à la santé, de l'accès à l'eau et à l'énergie.

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