D. LA VOCATION SANITAIRE ET SOCIALE DE LA MONTAGNE : L'EXEMPLE DU THERMALISME

Les massifs constituent des espaces prometteurs pour enrayer le processus de surconcentration, de tension et d'asphyxie urbaines. Dans cette perspective, la reconnaissance de la vocation sanitaire et sociale de la montagne peut constituer l'un des axes majeurs de la volonté politique d'accorder une place spécifique à la montagne dans le domaine de l'aménagement du territoire.

1. L'exemple du thermalisme

Il existe en France 105 stations thermales reconnues par le Ministère de la Santé. Elles sont réparties sur l'ensemble du territoire, dans 42 départements, mais avec une concentration particulière au sud-est de la ligne Metz-Bordeaux, c'est-à-dire dans les massifs montagneux et leurs bordures.

a) La fréquentation et le poids économique du thermalisme

Les résultats enregistrés pour l'année 2000 évaluent à 541.929 le nombre de curistes, auxquels il convient d'ajouter la clientèle des accompagnants qui représente environ 300.000 personnes et 25.000 consommateurs de séjours de santé ou de remise en forme. L'Aquitaine arrive en tête avec 88.963 curistes, devançant le Languedoc-Roussillon (88.817 curistes), Rhône-Alpes (85.705 curistes), Midi-Pyrénées (74.831 curistes) et l'Auvergne (67.173 curistes), ces 5 régions accueillant à elles seules près de 74 % des curistes.

En France, 95 % des curistes sont des assurés sociaux, dont 1/3 sont dispensés du ticket modérateur. Il s'agit le plus souvent de personnes de troisième âge, en situation de retraite : 60 % des curistes ont plus de 60 ans et deux sur trois sont accompagnés par les conjoints ; 58 % sont des femmes.

La clientèle est française à 99 %. En 1999, l'ensemble a représenté 10. 196 266 journées de cure. Le chiffre d'affaires qui en découle est évalué à environ 1 milliard d'euros dont 80 % redistribués dans l'économie locale. Le nombre d'emplois directs, indirects ou induits (permanents et saisonniers) générés par le thermalisme est estimé à 120 000.

b) Les perspectives de développement

Le développement du thermalisme n'est pas seulement lié à la modernisation des équipements existants : il dépendra également de la capacité de ce secteur à faire preuve d'un véritable dynamisme commercial.

Un rapport remis en mars 1998 au Conseil national du tourisme insiste, à ce titre, sur la nécessité de s'orienter, au-delà du thermalisme médical, sur un thermalisme renouvelé et ludique, associant les vertus de l'eau thermale à des prestations de santé et s'inspirant d'expériences développées à l'étranger. Il préconise :

- la recherche de nouveaux clients pour de nouveaux traitements ;

- une amélioration des prestations offertes aux accompagnateurs en innovant dans des produits combinant santé et loisirs ;

- ainsi qu'une ouverture, tout au long de l'année, des services médicaux et touristiques pour permettre l'élargissement de la fréquentation des curistes et de leurs familles.

Des actions spécifiques ont été conduites dans cet esprit par la mise en réseau des stations thermales, notamment avec la création d'une association « Route des villes d'eaux du Massif central » dont le but est de créer une véritable alternative touristique s'appuyant sur deux axes prioritaires : le sport et l'activité physique, le patrimoine et la culture.

c) La prise en compte de l'efficacité des dépenses de thermalisme

A la suite d'une augmentation importante des dépenses thermales remboursées (+5 % en 1998 par rapport à 1997), la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), « dans le cadre de sa réflexion sur les moyens de parvenir à une meilleure utilisation des ressources de l'assurance maladie », a proposé le 12 juillet 1999 de restreindre la prise en charge des cures thermales : il était suggéré de maintenir le remboursement du traitement des voies respiratoires et des personnes gravement brûlées ou atteintes de dermatoses difficiles à traiter. Pour les autres indications thérapeutiques, telle la rhumatologie, il était prévu de diminuer progressivement la prise en charge sur une période de cinq ans, cette période devant permettre aux établissements concernés d'opérer une réorientation de leur activité.

Il a été fait observer au Gouvernement, notamment par le président de votre mission commune d'information, que les cures thermales offraient, pour de nombreux patients, et, en particulier, pour les personnes âgées, un moyen efficace et peu onéreux de se soigner . Cette efficacité thérapeutique n'est plus à démontrer, puisque, postérieurement à ces traitements, une amélioration notable de l'état de santé, pour 60 à 80 % des patients, est médicalement observée, permettant ainsi d'éviter des dépenses supplémentaires d'hospitalisation, de produits pharmaceutiques et de consultations.

Un rapport d'information de 1996 émanant de la commission des finances de l'Assemblée nationale avait estimé qu'un forfait de trois semaines de cure équivalait, en termes de dépenses, à une journée d'hospitalisation et que la totalité des bénéfices observés en terme de santé publique résultant de l'activité thermale générait un crédit de plus de 800 millions de francs en faveur de l'assurance maladie.

En outre, l'application d'une telle mesure aurait engendré une baisse notable de fréquentation des établissements thermaux, ce qui aurait eu des conséquences particulièrement néfastes tant en terme d'aménagement du territoire qu'en terme d'impact socio-économique pour les zones concernés, situées, pour l'essentiel, dans des zones fragilisées, en particulier les zones de montagne. En effet, ayant misé sur le développement et la pérennité de ces activités, bon nombre de communes et régions thermales ont souvent investi d'importants moyens financiers et matériels pour offrir aux curistes des infrastructures adaptées. Au surplus, les habitants de ces zones tirent du thermalisme l'essentiel de leurs revenus.

Sur ces bases, « la ministre de l'emploi et de la solidarité et la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ont décidé de ne pas donner suite à ces propositions » de la CNAMTS de ne plus prendre en charge ces dépenses qui ne représentent que 0,2 % du total des dépenses de santé 24 ( * )

Votre mission commune d'information estime essentiel de ne pas entraver l'effort engagé par les pouvoirs publics pour relancer le thermalisme, qui reste une activité essentielle et souvent la seule possible dans les zones fragiles, en bordure de montagne, dans lesquelles elle se développe le plus fréquemment.

Proposition n° 43. : Soutenir les progrès du thermalisme en montagne en prenant en compte toutes ses composantes, y compris la stabilité du régime de remboursement des cures thermales .

2. La montagne « réserve de santé » et pôle d'actions sanitaires ou sociales.

Le secteur sanitaire et social constitue dores et déjà un atout important pour certains départements de montagne : ainsi, en Lozère, ce secteur, reconnu pour la qualité de son accueil et le savoir-faire des personnels, représente 2.000 emplois avec près de 5.000 places en établissements sanitaires et sociaux.

La mission commune d'information tient à exprimer ses réserves à l'égard de la tendance générale, qui se manifeste à travers les schémas régionaux d'organisation sanitaire (S.R.O.S.), à réorganiser au profit des pôles urbains la distribution spatiale des structures dites de « convalescence » polyvalentes ou spécialisées ainsi que celles de réadaptation fonctionnelle.

Pour soutenir le développement du potentiel des massifs dans ce secteur, la mission commune d'information estime qu'il convient d'affirmer la vocation sanitaire et sociale de la montagne et d'alléger les contraintes qui freinent l' utilisation de sa « réserve de santé ».

Proposition n° 44. : Prendre en compte, dans les décisions d'implantation d'établissements sanitaires et sociaux, la vocation particulière de la montagne dans ce domaine et accentuer la démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que la mise en réseau des différents acteurs.

* 24 (Réponse publiée au JOAN du 29 Novembre 1999 en relation avec une question écrite de M. Jacques Blanc n° 41206)

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