INTRODUCTION : DIVERSITÉ ET SPÉCIFICITÉS
DES ZONES DE MONTAGNE

La situation économique des zones de montagne présente une forte hétérogénéité.

Avant de décrire cette hétérogénéité, il convient de souligner que cette situation économique est également mal connue.

Ainsi que l'a affirmé M. François Philizot, directeur adjoint au délégué de la DATAR, lors de son audition par la mission commune d'information : « Il n'existe pas aujourd'hui d'approche statistique coordonnée, cohérente sur les espaces de montagne. Il y a certes une géographie des zones de montagne, mais notre appareil statistique ne contient aujourd'hui aucun regroupement systématique sur la montagne. L'INSEE ne sort notamment aucune statistique identifiée autour de l'idée de montagne : ses statistiques respectent le découpage traditionnel des départements, des régions, par zones d'emploi ».

La dernière étude réalisée sur le sujet, le rapport du Commissariat général du Plan et du Conseil national de l'évaluation sur la politique de la montagne 2 ( * ) , date de 1999, et ses données les plus récentes concernent l'année 1996.

Les chiffres indiqués dans les développements qui suivent proviennent de cette étude (les principaux d'entre eux sont synthétisés dans le tableau ci-après), mais les analyses sont celles de votre mission d'information.

Zone montagne

Espace de référence

Total France

Alpes du Nord

Alpes du Sud

Corse

Jura

Massif central

Pyrénées

Vosges

Superficie (km 2 )

124.000

396.300

543.966

17.684

17.680

8.013

6.375

52.871

15.314

4.364

Dont SAU %

32,9

53,4

52,6

24,4

16,0

13,5

37,3

49,2

18,8

16,1

Dont forêt %

33,3

25,2

23,5

32,8

34,9

40,6

41,6

29

31,3

62,9

Dont alpages %

8,8

2,4

2,3

9,0

18,7

16,1

3,3

1,6

22,9

0,6

Population (1990) (milliers hab.)

4.338

22.941

56.562

959

303

112

298

1.931

331

329

Densité (hab./km 2 )

34,9

21,6

104,1

54,2

17,2

13,9

46,8

36,5

21,6

75,5

Evolution annuelle 1982/1990

+ 0,35

+ 0,65

+ 0,51

+ 1,41

+ 1,52

+ 0,52

+ 0,90

- 0,21

- 0,06

- 0,39

Dont solde migratoire

+ 0,30

+ 0,48

+ 0,10

+ 0,92

+ 1,49

+ 0,86

+ 0,38

- 0,06

+ 0,42

- 0,53

Dont solde naturel

+ 0,04

+ 0,17

+ 0,41

+ 0,52

+ 0,03

- 0,36

+ 0,53

- 0,15

- 0,48

+ 0,13

% de 20 ans

24,9

27,1

26,5

27,4

23,6

21,2

28,3

24,0

20,7

26,1

% + de 60 ans

20,0

22,0

23,6

17,5

24,8

28,1

18,6

26,1

30,7

21,8

Part en 1990 des personnes venues depuis 1982 d'un autre département (%)


13,0


15,0


16,2


15,9


20,4


19,1


14,6


10,5


15,0


7,5

Part parmi les actifs (%)

13,5

15,2

17,4

16,2

20,9

18,9

16,2

10,6

15,2

7,7

Part parmi les retraités (%)

7,3

7,5

7,7

6,8

13,2

18,3

4,4

6,2

10,2

3,8

Taux d'activité (1990) (%)

42,9

42,5

44,4

46,4

43,1

36,1

46,8

41,3

40,4

43,5

Secteur primaire (%)

9,7

11,6

5,7

4,3

8,4

12,5

6,7

13,5

13,3

3,9

Secteur secondaire (%)

33,4

34,6

30,1

35,8

22,0

21,1

49,2

32,6

26,0

48,4

Secteur tertiaire (%)

58,3

53,8

64,2

59,9

69,6

63,5

44,1

53,9

60,8

47,7

Taux de chômage 1990 (%)

9,2

10,4

10,9

6,7

9,8

14,1

5,8

10,3

12,3

9,4

Evolution actifs occupés 1982/1990 (%)

+ 2,3

+ 4,0

+ 3,1

+ 14,0

+ 10,4

+ 3,0

+ 10,1

- 4,0

- 4,1

- 2,2

Variation des emplois existant sur place 1982-1990 (%)

0

0

+ 3,1

+ 12,4

+ 6,1

- 2,1

+ 3,8

- 5,1

- 3,8

- 8,7

Evolution emplois salariés secteur privé 1989/1994

Créativité d'établissements (étab. Créés ou repris dans la période 1980/1988 p 1000 hab.)


- 1,2


nd


+ 3,1


+ 4,9


+ 6,5


nd


- 2,9


- 1,5


+ 6,2


- 0,2

8,5

6,7

7,0

13,0

11,3

11,1

7,3

6,4

9,1

6,5

Capacité d'accueil touristique (1000 lits)

4.815,7

10.415,2

19.043

1.328,1

732,9

299,3

173,0

1.354,6

739,2

188,6

Dont résidence secondaire (%)

48,9

55,4

54,0

41,8

52,9

41,0

52,0

59,4

41,7

46,2

Emplois hôtellerie + restauration (% du total en 1990)

4,6

3,0

3,4

5,9

7,3

7,2

3,9

3,2

6,4

4,0

Evolution 1989/1994 (%)

+ 17,6

+ 13,0

+ 15,1

+ 20,7

+ 10,2

nd

+ 3,8

+ 14,0

- 31,6

+ 15,2

Logements construits 1982/1990 (%)

15,8

14,2

12,8

23,5

18,9

17,9

13,9

11,4

16,6

11,1

Enclavement de 1 er niveau 1988 (par rapport à 7 services de base (km)


2,5


1,7


1,7


1,9


3,0


3,9


2,2


2,5


2,5


1,0

Evolution de l'enclavement 1980/1988 (%)

9,6

17,2

14,7

7,1

1,2

- 7,7

8,0

17,5

10,9

10,5

Enclavement de 2 e niveau 1988 (par rapport à un ensemble de services élaborés) (km)


17,9


11,9


11,8


13,5


23,2


25,9


12,0


18,3


17,5


9,1

Evolution de l'enclavement 1980/1988 (%)

- 4,9

- 3,2

- 3,9

- 5,3

- 9,7

- 5,9

- 0,5

- 3,8

- 4,0

- 1,2

Revenu imposable moyen 1990 (euros)

10565

11281

12653

12562

11159

9406

11845

9498

9665

11007

% de communes sans école primaire

9

7

6

7

10

22

13

7

19

7

Source : Conseil national de l'évaluation, Commissariat général du Plan, La politique de la montagne, rapport d'évaluation, 1999.

Cadrage socio-économique et démographique des zones de montagne (zonage agricole-1996-toutes communes)

A. UNE FORTE HÉTÉROGÉNÉITÉ ENTRE MASSIFS ET AU SEIN DES MASSIFS

La forte hétérogénéité des zones de montagne se manifeste tout d'abord entre les différents massifs.

La situation économique des massifs peut être évaluée par une comparaison des revenus imposables moyens. Cet indicateur semble d'autant plus pertinent que, selon la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne : « la politique de la montagne a pour finalité de permettre aux populations locales et à leurs élus (...) d'établir (...) la parité des revenus et des conditions de vie entre la montagne et les autres régions ».

Selon le critère du revenu par habitant, il est possible d'établir la typologie suivante.

1. Deux zones bénéficiant d'atouts économiques diversifiés : les Alpes du Nord et le Jura

Tout d'abord, l'ensemble Alpes du Nord 3 ( * ) -Jura est plus développé que la moyenne des zones rurales hors montagne, avec des revenus imposables moyens de 12.500 euros et 12.000 euros respectivement en 1990 (contre 11.000 euros pour les zones rurales hors montagne).

Ce sont les massifs dont le taux de chômage est le plus faible (respectivement 6,7 % et 5,8 % en 1990, pour une moyenne de 10,4 % dans les zones rurales hors montagne).

Ils figurent également (avec les Alpes du Sud) parmi les plus dynamiques sur le plan démographique (+1,4 % et +0,9 % respectivement de 1982 à 1990).

a) Les Alpes du Nord : tourisme et villes moyennes dynamiques

L'économie des Alpes du Nord est caractérisée par la place très importante occupée par le tourisme.

Ainsi, en 1990 la restauration et l'hôtellerie employaient 5,9 % de la population active dans les Alpes du Nord (la moyenne de la zone montagne française étant de 4,6 %).

Les emplois indirects sont eux aussi importants, en particulier dans le domaine du tertiaire marchand.

Le tourisme joue également un rôle déterminant dans la nature des activités industrielles. En effet, trois départements concentrent l'essentiel de celles liées aux sports d'hiver et à l'alpinisme : la Haute-Savoie (équipements de ski, de matériel d'alpinisme et de vêtements de montagne), la Savoie (dameuses et remontées mécaniques) et l'Isère (skis et remontées mécaniques) 4 ( * ) . Il convient cependant de souligner que la part de la main-d'oeuvre employée par le secteur secondaire (35,8 % en 1990) est dans les Alpes du Nord analogue à celle observée dans l'ensemble des zones de montagne (33,4 % en 1990). Le tourisme semble donc influencer la nature de l'activité industrielle, plus que son poids en terme de main-d'oeuvre employée.

Le massif des Alpes du Nord bénéficie également d'un réseau de petites villes dans les basses vallées. Les villes sont en effet, par nature, le lieu privilégié de l'activité économique, et leur situation économique est généralement meilleure que celle des zones rurales.

b) Le Jura : une forte présence industrielle

Le tourisme joue en revanche un faible rôle dans le cas du Jura. Ainsi, la restauration et l'hôtellerie n'y employaient en 1990 que 3,9 % de la population active, ce qui en faisait, avec le Massif central, le massif où ces activités étaient les moins développées.

L'économie du Jura repose en fait sur l'activité industrielle. Il s'agit du massif le plus industrialisé : en 1990, 49,2 % de la population active était employée dans le secteur secondaire. L'industrie, diffuse, est localisée dans sa partie sud.

2. Les autres massifs connaissent des difficultés économiques

La situation des autres massifs est en revanche moins favorable que celle de la moyenne des zones rurales hors montagne.

a) Des massifs dans la moyenne des zones de montagne : Vosges, Alpes du Sud

Tout d'abord, jouxtant au nord et au sud l'ensemble Alpes du Nord-Jura, on trouve des massifs moins développés que la moyenne des zones rurales hors montagne, mais qui s'inscriront en 1996 dans la moyenne des zones de montagne : Vosges, Alpes du Sud (revenu imposable par habitant de 11.000 euros, contre une moyenne de 10.500 euros).

Ces massifs ont un taux de chômage inférieur à la moyenne des zones rurales hors montagne (respectivement 9,4 % et 9,8 % en 1990, contre 10,4 % en moyenne).

(1) Les Vosges : une région industrielle en mutation

Les Vosges sont dans leur quasi-totalité une région industrielle en mutation, utilisant une main-d'oeuvre souvent peu qualifiée. Ainsi, le secteur secondaire y employait en 1990 48,4 % de la population active, ce qui en faisait le massif le plus industrialisé après le Jura.

Ce massif est celui qui se dépeuple le plus rapidement (diminution de la population de 0,4 % de 1982 à 1990, en raison d'un solde migratoire fortement négatif).

(2) Les Alpes du Sud : un environnement d'excellence

Les Alpes du Sud sont quant à elles organisées en trois zones concentriques : la haute montagne est une zone de « grand tourisme », sa périphérie, désertifiée et enclavée, s'efforce de développer une activité analogue, et les Préalpes sont une zone rurale démographiquement attractive et comprenant 25 % d'agriculteurs (contre 11,6 % dans l'ensemble des zones de montagne).

b) Les Pyrénées : le massif le moins homogène

Les Pyrénées sont le massif le moins homogène : la haute montagne est une zone de grand tourisme, sa partie orientale bénéficie d'une activité touristique moins développée et sa partie occidentale est constituée de régions agricoles en difficulté.

Ainsi, les chiffres moyens ne reflètent que très partiellement la réalité de ce massif (revenu imposable de 10.000 euros en 1996 et taux de chômage de 12,3 % en 1990, stagnation de la population).

c) Des massifs moins favorisés que la moyenne des zones de montagne : Massif central, Corse

Les autres massifs sont moins développés que la moyenne des zones de montagne : Massif central et Corse (revenu imposable de 9.500 euros par habitant en 1990).

Ce sont ceux dont le taux de chômage est le plus élevé (respectivement 10,3 % et 14,1 % en 1990, contre 9,2 % pour l'ensemble des zones de montagne).

De 1982 à 1990 la population a diminué dans le cas du Massif central (- 0,21 %) et augmenté dans celui de la Corse (+ 0,52 %). Cependant le Massif central est (avec les Vosges) le seul massif à avoir un solde migratoire négatif (- 0,06 %).

(1) Le Massif central : des régions agricoles en difficulté

Le Massif central est presque exclusivement constitué de régions agricoles en difficulté, souvent très enclavées.

(2) La Corse : une opposition entre centre et périphérie

La Corse quant à elle est composée d'une partie centrale agricole en crise, entourée de zones urbaines et zones touristiques.

3. Une forte hétérogénéité entre cantons

A un niveau plus microéconomique, il convient de souligner l'existence d'une forte hétérogénéité entre cantons.

Le rapport du Commissariat général du Plan et du Conseil national de l'évaluation sur la politique de la montagne 5 ( * ) propose à cet égard une typologie intéressante, synthétisée dans le tableau ci-après.

TYPOLOGIE DES CANTONS DE MONTAGNE SELON
LE RAPPORT D'ÉVALUATION DE LA POLITIQUE DE LA MONTAGNE (1999)

Désignation

Principales caractéristiques

Principales localisations

Grand tourisme confirmé

Importance de la capacité d'accueil touristique

Fortes proportions d'emplois dans l'hôtellerie et la restauration

Alpes du NE

Une partie des Pyrénées

Cantons les plus touristiques du Sud de la Corse

Développement diversifié

Groupe rural « classique » (environ 30 habitants/km², 25 % d'agriculteurs)

Attractivité démographique

Principalement les Préalpes du Sud

Economie et démographie fragiles

Groupe rural « classique » (environ 30 habitants/km², 25 % d'agriculteurs).

Population en déclin

Essentiellement le Massif central

Forte influence urbaine

164 habitants/km², population jeune, emploi et population en forte croissance (+2 % et +12,8 % par an), 1/3 d'industrie, 2/3 de tertiaire, revenus supérieurs à la moyenne nationale, tourisme peu important

Cantons comportant les principales petites villes qui animent les massifs ou situés dans les basses vallées (notamment dans les Alpes du Nord).

Cantons désertifiés en conversion touristique

Faible densité de population (11 habitants/km²).

Stagnation démographique à cause de l'âge élevé de la population

Fort enclavement.

Importance du tourisme, moindre cependant que dans le cas du 1 er groupe et incapable d'entraîner l'ensemble de l'économie.

Etage agro-forestier des montagnes sèches, où les deux saisons touristiques sont souvent compromises, et le handicap de la pente très difficile pour l'agriculture.

Exemples : certaines régions du Massif central (rebord du Vivarais et des Cévennes, cantons isolés du Limousin et de l'Auvergne), régions des Alpes du Sud périphériques des régions de grand tourisme, chaînes pré-pyrénéennes.

Industrie en difficulté

Forte place de l'emploi industriel (main-d'oeuvre faiblement qualifiée, recul sensible de l'emploi non compensé par le secteur tertiaire).

Enclavement moindre que la moyenne nationale.

Faible développement du tourisme.

Quasi-totalité du massif vosgien, sud du Jura, Bugey, basse vallée de la Maurienne, monts du Beaujolais, vallée de la Dore, sites industriels anciens du Massif central, de la vallée de l'Ariège et des cantons du piémont pyrénéen.

Très agricoles à très forts handicaps

Extrême spécialisation agricole (44 % de l'emploi).

Recul de l'emploi dans tous les secteurs.

Territoires fortement enclavés : Massif central, Corse centrale, 7 cantons des Pyrénées.

Source : Conseil national de l'évaluation, Commissariat général du Plan, La politique de la montagne, rapport d'évaluation, 1999.

* 2 Conseil national de l'évaluation, Commissariat général du Plan, La politique de la montagne, rapport d'évaluation, 1999.

* 3 Pour la précision de l'analyse, et pour respecter la définition des massifs du rapport du Conseil national de l'évaluation et du commissariat général du plan sur la politique de la montagne, on considère ici que les Alpes du Nord et les Alpes du Sud constituent deux massifs distincts, bien qu'ils aient été juridiquement unifiés par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 «démocratie de proximité».

* 4 L'usine nouvelle, n° 2814, 28 février 2002.

* 5 Rapport précité.

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