ANNEXE II -

CONTRIBUTION DE MAÎTRE EDOUARD LACROIX, AVOCAT À LA COUR

I. LA PROCÉDURE DÉCONCENTRÉE DES UNITÉS TOURISTIQUES NOUVELLES A VINGT-CINQ ANS : BILAN ET PERSPECTIVES DE RÉFORME

La politique de la montagne a plus de quarante ans, si l'on considère qu'elle est née avec la délimitation de cette zone en tant que support d'une intervention publique identifiée comme telle. La nomination du premier commissaire à la montagne en 1967 et la mise en oeuvre de la politique de rénovation rurale constituent une autre étape. En 1971, sont établis les fondements de soutien spécifique à l'agriculture, dont celle de montagne. En 1973, un Comité Interministériel d'Aménagement du Territoire (CIAT) est consacré à la « politique de la montagne » dont la formule est ainsi officialisée. L'Europe prend le relais en 1975 avec la Directive 75/268 sur l'agriculture des zones de montagne et défavorisées.

Sur un plan plus sectoriel, celui du tourisme, des actions successives des pouvoirs publics vont être conçues et entreprises, s'intégrant avec plus ou moins de bonheur dans cette politique globale d'aménagement. Les sports d'hiver d'abord, mais aussi le tourisme estival sont reconnus comme des outils de développement, dont on cherchera à favoriser la complémentarité avec l'activité agricole, forestière et pastorale. A ce titre, le Plan Neige 1971-1975 et surtout la directive du 22 novembre 1977, annoncée en 1976 dans le discours du Président de la République à Vallouise consacré à la protection et à l'aménagement de la montagne, marquent définitivement la volonté des pouvoirs publics d'intégrer le tourisme dans la politique en faveur de la montagne. De cette directive, sanctionnée par un décret et non par une loi, naît la procédure des Unités Touristiques Nouvelles (UTN). La loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 dite « Loi Montagne » la reprendra dans un contexte de décentralisation des circuits de décision, liée à la décentralisation issue des textes de 1982-1983. C'est l'objet du chapitre I du Titre IV intitulé « de l'aménagement et de la protection de l'espace montagnard - des règles d'urbanisme dans les zones de montagne », dont l'article 72 insère un certain nombre de dispositions aux articles L. 145-9 à L. 145-13 du code de l'urbanisme.

Cette remarque n'est pas mineure. En effet, de la directive de 1977 à la « Loi Montagne », la procédure UTN a subi quelques changements significatifs que « l'instance d'évaluation » installée en avril 1995 a justement soulignés. La suppression du «plan pluriannuel de développement touristique » (PPDT) qu'imposait la directive de 1977 a, sans doute, gêné l'autorité chargée d'autoriser la création d'une UTN, ainsi que les opérateurs et les élus, la réglementation n'imposant plus une démarche préalable pédagogique et fédérative. Mais cela n'a pas empêché certains préfets de massif, comme celui de Rhône-Alpes, de subordonner dans certains cas l'examen d'une demande d'autorisation UTN à la présentation par l'ensemble des communes concernées d'un « schéma de cohérence » ressemblant fort à un PPDT. On peut en définitive regretter que la procédure issue de la « Loi Montagne » apparaisse davantage comme destinée à maîtriser la consommation d'espace qu'à intégrer des projets dans une démarche d'aménagement global.

« L'instance d'évaluation » relève qu'il s'agit d'une procédure d'urbanisme à l'amont des procédures opérationnelles. C'est, d'après elle, « un bon outil de connaissance des enjeux mais il ne s'agit pas d'une procédure de développement » ( La politique de la montagne . Rapport d'évaluation. Conseil National d'Evaluation. Commissariat Général du Plan. Volume I PP. 393-395. La Documentation Française 4 ème trimestre 1999).

Quoiqu'il en soit, la procédure UTN a modelé la montagne française depuis un quart de siècle. Il n'est donc pas illégitime, dans le doit fil des conclusions de « l'instance d'évaluation », de réfléchir à de possibles inflexions des dispositions législatives qui l'ont instaurée, ne serait-ce que pour tenir compte de l'évolution constatée dans la pratique et la fréquentation de la montagne. La volonté des pouvoirs publics de rassembler les conditions optimales pour un développement économique et social de cette part importante du territoire (23 % de sa superficie et 8 % de sa population) ne s'est jamais démentie. Elle ne peut que s'adapter à une réalité différente, aujourd'hui, de ce qu'elle était il y a un quart de siècle. Le précédent gouvernement avait confié à une mission interministérielle le soin de « réfléchir à l'adaptation de la procédure des unités touristiques nouvelles ». Sans attendre ses conclusions, il n'est pas anormal que la Mission Commune d'information du Sénat s'interroge, elle aussi, sur la pertinence actuelle de cette procédure, au vu de ses résultats et du contexte dans lequel, désormais, s'applique la politique de la montagne.

C'est l'objet de la première partie de cette contribution. Seront ensuite exposés quelques éléments de réflexion sur ce que pourrait comporter une réforme de cette procédure.

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Cette rubrique portera sur trois domaines que la « Loi Montagne », ainsi que d'autres dispositions législatives ou réglementaires ont marqués de leur empreinte ou qui, eux-mêmes, par leur évolution, ont influé sur la portée attendue de ces dispositions.

A. LE CADRE INSTITUTIONNEL

a) Importance de la jurisprudence

Les lois de décentralisation de 1982-1983 sont venues bouleverser les relations entre les collectivités territoriales et l'Etat. Le contrôle du représentant de celui-ci s'effectue par l'appréciation a posteriori de la légalité des actes et décisions qu'elles prennent, et un certain nombre de compétences leur sont transférées. Si le tourisme fait partie, et depuis longtemps des compétences partagées, il n'en est plus de même pour l'urbanisme, notamment. Ainsi, le maire agissant au nom de la commune délivre les permis de construire dans la majorité des cas. Le juge administratif, auquel peuvent être déférées les décisions des exécutifs locaux, va donc intervenir plus systématiquement dans le processus administratif. De là, l'importance de la jurisprudence des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et du Conseil d'Etat dans l'application de la « Loi Montagne ». Ces juridictions seront le garant et l'interprète de la volonté du législateur et les justiciables, en l'occurrence le milieu associatif par exemple, leur donneront l'occasion de la préciser, de l'affiner pour aboutir à une construction jurisprudentielle, de cas d'espèce en cas d'espèce. La lutte contre l'habitat dispersé, la notion même d'unité touristique nouvelle trouveront dans les arrêts du Conseil d'Etat les définitions que la loi ou le décret ne donnaient pas. A défaut, de la part de l'Etat, d'avoir formulé une doctrine administrative, comme le note « l'instance d'évaluation », le juge administratif a dit le droit à partir du fait. Il en est résulté, au-delà des retards liés aux délais de procédure, une incertitude latente que bon nombre de juristes ont soulignée.

b) L'organisation administrative des massifs

La loi du 9 janvier 1985, elle, est venue organiser administrativement la montagne, par la création du Conseil National de la Montagne et l'identification des massifs qu'elle dote de comités. C'est à ces derniers, ou plus exactement à la commission spécialisée constituée en leur sein, que sont soumis les projets d'unités touristiques nouvelles. Quant à la décision d'autorisation de celles-ci, elle est transférée du niveau ministériel au niveau régional. Elle est dévolue au préfet coordonnateur de massif. Il s'agit, là, d'un processus logique de déconcentration que la dynamique de promotion de la montagne comme espace différencié impliquait. « L'instance d'évaluation » reconnaît la valeur pédagogique du nouveau dispositif, même si, de l'avis de membres des commissions spécialisées, l'absentéisme et la faible motivation, face à des dossiers sans intérêt stratégique, ont altéré la crédibilité de ces organes ou, plus exactement, ne l'ont pas conforté.

c) La montagne dans les contrats de plan Etat-Régions

Enfin, les Régions, érigées en collectivités territoriales de plein exercice, se sont intéressées à la montagne, comme le montre leur implication dans les contrats de plan Etat-Régions. Ainsi le IX ème plan (1984-1988) portait l'effort sur l'adaptation des équipements régionaux et de l'offre touristique dans les stations. Cinq régions ont intégré cette préoccupation, articulée autour du concept de contrat de « Station-Vallée ». Le X ème plan (1989-1993) auquel l'Etat a consacré 85 MF et les régions 35 MF au titre du contrat de plan s'est intéressé aux opérations significatives structurantes « susceptibles d'améliorer l'organisation et la professionnalisation des acteurs, d'adapter l'offre touristique aux besoins des clientèles, notamment européennes et d'aboutir à une meilleure rentabilisation de l'aménagement touristique du territoire ». Concrètement, pour la montagne, cela concernait l'aménagement d'espaces touristiques et la modernisation de l'offre. Ainsi ont été signés une quarantaine de contrats de stations moyennes et 17 contrats dits « zones nordiques ». Le XI ème plan (1994-1999) contenait des mesures plus diversifiées et spécifiques à chaque massif. La totalité de ceux-ci, à l'exclusion du Massif Central, a bénéficié des dotations contractualisée. Rhône-Alpes a formalisé 22 contrats de station, Provence-Alpes-Côte d'Azur a retenu la formule des contrats d'objectifs sur 16 stations. Le XII ème plan (2000-2006) contient une mesure nouvelle, celle des conventions interrégionales de massifs, intéressant la totalité du territoire classé en zone de montagne et prévoyant la participation de toutes les régions concernées. Sont prévus 2,187 milliards de francs sur les 7 ans dont 1,213 milliard de la part de l'Etat. Ces contrats visent à la connaissance des marchés et de la clientèle, le développement d'actions de communication, l'appui aux filières et à leur création enfin la requalification immobilière. Les régions ont en outre poursuivi leur effort dans le prolongement des mesures qui figuraient dans le contrat de plan précédent. Ainsi Provence-Alpes-Côte d'Azur, avec les « contrats Montagne », Rhône-Alpes, les contrats de stations au profit de la moyenne montagne.

B. LE CADRE RÉGLEMENTAIRE

Les dispositions de la « Loi Montagne » devaient, pour assurer leur pleine efficacité, reposer sur la mise en oeuvre d'une part de la réglementation, antérieure à sa promulgation et de celle qui a dû être élaborée ensuite pour répondre à ses exigences. L'effet conjugué de cette action normative sur le terrain est appréciable, comme on le verra dans les trois domaines suivants.

a) Les documents de planification urbaine

La « Loi Montagne » confirme l'intérêt majeur du plan d'occupation des sols, préalable à la réalisation des équipements et aménagements destinés à la pratique du ski alpin : instauration de servitudes destinées à assurer le passage des pistes de ski, le survol des terrains par les remontées mécaniques, le passage des pistes de montée, etc. Les schémas directeurs allègent les projets d'unités touristiques nouvelles de la procédure spéciale d'instruction. « L'instance d'évaluation » est assez critique sur l'usage fait par les collectivités de cet instrument d'aménagement. Il convient de relativiser cette appréciation. Sans doute n'était-il pas réaliste d'imaginer que la montagne allait se couvrir de documents d'urbanisme. En 1999, on comptait 39 schémas directeurs approuvés dont 8 l'ont été après 1985, 7 étaient en cours d'élaboration, 4 sont révisés, 17 sont en cours de révision. Paradoxalement, ils concernent davantage le Massif Central (17) que les Alpes (Alpes du Nord 5, Alpes du Sud 7). En revanche, les collectivités des Alpes du Nord (Savoie d'abord, Haute-Savoie ensuite) se sont dotées de plans d'occupation des sols en plus grand nombre que les Alpes du Sud, bien devant les Pyrénées, le Jura , les Vosges et le Massif Central. Il semblerait que ce mouvement se confirme en ce qui concerne les schémas de cohérence territoriale. En revanche, il faut regretter que les prescriptions particulières de massif, prévues par l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme auquel renvoient les articles L. 147-5 de ce même code et 72 de la « Loi Montagne » n'aient pas vu le jour, même si 4 schémas de cohérences ont été approuvés, qu'un cinquième soit en cours d'approbation et que des dossiers UTN de ( micro) massif aient été constitués.

b) La protection de l'environnement

Ce n'est pas une préoccupation récente, y compris et sans doute d'abord pour la montagne. Le premier « parc national », celui du Pelvoux, a été créé par un décret de 1913. Il a été suivi de la création de quatre autres entre 1963 et 1983. Dès 1970, sont institués les parcs naturels régionaux. La loi sur la protection de la nature de 1976 consolide et développe le réseau des réserves naturelles et la directive sur l'aménagement et la protection de la montagne de 1977 conforte la préservation patrimoniale. La procédure UTN en est un élément.

La « Loi Montagne » participe de cette continuité dans les préoccupations des Pouvoirs Publics. Elle souligne, en son article 1, l'importance des enjeux environnementaux, rappelant la vocation des parcs nationaux et régionaux à contribuer à leur prise en compte (articles 93 et 94). On estime qu'en 1996, plus de 89 % de la surface couverte par une protection forte (parcs naturels, réserves intégrales et réserves naturelles) sur le territoire français se situe en zone de montagne. 20 % des communes de montagne sont concernées par un parc national ou régional, une réserve naturelle volontaire, un arrêté de protection de biotope ou une forêt de protection. 30 % de la superficie montagnarde est aujourd'hui protégée contre 12 % en moyenne nationale.

On peut ainsi considérer que tout ce qui pouvait justifier ou mériter une protection a fait l'objet d'une mesure, parmi celles que l'arsenal législatif ou réglementaire français contient.

Il faut noter que la mise en oeuvre de la procédure UTN, le plus souvent en compensation des autorisations accordées, a permis l'intervention de 91 mesures de protection, dont 21 réserves naturelles, 53 classements de sites,11 forêts de protection et 7 arrêtés de biotope. Il est vraisemblable que ce résultat, satisfaisant, sera consolidé par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999, pour l'aménagement et le développement durable du territoire, comme par la concrétisation de Natura 2000. Parmi les auditions auxquelles la Mission Commune d'Information s'est livrée, mérite d'être relevée, de ce point de vue, celle de la représentante du ministère en charge de l'environnement : « nous disposons de tous les outils possibles pour protéger les milieux naturels ruraux et forestiers ainsi que des moyens de gestion nécessaires ». La « Loi Montagne » y a puissamment contribué et la montagne y participe grandement.

c) La réglementation des remontées mécaniques

Indépendamment de la procédure UTN, la « Loi Montagne », dans son article 49, institue une procédure de double autorisation pour l'installation des remontées mécaniques, la première avant l'exécution des travaux, la seconde avant la mise en exploitation. Ces dispositions sont intégrées au code de l'urbanisme (article L. 445-1), ce qui se conçoit, dès lors que cette double autorisation est délivrée par l'autorité compétente pour la délivrance du permis de construire. On pourrait toutefois regretter que cette optique strictement urbanistique, indépendamment des considérations de sécurité, qui sous-tendent ce texte, n'ait pas laissé place, dans l'instruction, à des considérations financières, en raison du caractère fortement capitalistique de tels investissements.

La réglementation, qui aurait pu être jugée comme lourde et complexe semble acceptée et appliquée. L'Etat, d'ailleurs, a fait de son mieux pour que cette mission régalienne de sécurité soit à la fois incontestée et exécutée d'une manière performante. C'est la vocation essentielle du service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG) installé à Saint-Martin-d'Hères, aux portes de Grenoble, qui relève du ministère en charge des transports. Notons au passage que le législateur a mis à profit l'examen et le vote de cette loi pour soumettre les services de transports terrestres de personnes organisées par les collectivités territoriales ou leurs groupements au contrôle technique et de sécurité de l'Etat (article 50 de la « Loi Montagne ») ! Disposant de relais implantés dans chaque massif au sein de directions départementales de l'équipement, le STRMTG est chargé d'apporter au préfet du département où sera installée la remontée mécanique l'avis technique qu'il relayera auprès de l'autorité compétente pour délivrer soit l'autorisation de construire, soit celle d'exploiter l'équipement. Cet avis est important puisqu'il détermine la délivrance ou le refus de cette double autorisation.

La France occupe la première place dans le monde par l'importance de son parc (15 % de l'ensemble avec environ 4.000 engins). Cette activité a généré plus de 635 millions de passages durant la campagne 2000-2001. La réglementation française donne toute satisfaction, puisque, sur les dix dernières années, ont été enregistrés 6 accidents mortels liés à l'utilisation des remontées mécaniques. Elle fait même autorité, puisque la directive européenne 2000/9/ CE relative aux installations à câble transportant des personnes doit beaucoup au STRMTG. Ce dernier vient d'être retenu comme « organisme notifié » aux côtés de son homologue allemand, dans le cadre de cette directive.

A un moment où, on va le voir, l'évolution du marché du ski incitera les opérateurs à moderniser le parc des remontées mécaniques pour apporter à la clientèle plus de sécurité et de confort, cette constatation d'une réglementation intégrée et adaptée est rassurante. S'il est concevable que la procédure liée à la première autorisation puisse faire l'objet d'un allègement, car les constructeurs livrent du matériel conforme aux normes, -et la directive européenne viendra leur rappeler-, il faut insister sur le fait que la réglementation française doit être maintenue.

C. L'ÉVOLUTION DU MARCHÉ TOURISTIQUE

Au moment où l'on s'interroge sur l'opportunité d'apporter quelques retouches à la « Loi Montagne » et notamment à ses dispositions dans le domaine du tourisme, il paraît s'imposer de se livrer à un exercice de prospective sur ce que représente, en termes de marché, donc de clientèle, l'activité qu'induit l'exploitation de l'espace montagnard.

Ce marché a considérablement évolué. On est loin de cette forme de tourisme née du thermalisme et du climatisme de montagne vers 1850 ou même de la création des stations de sports d'hiver dites de la première génération, juste avant et surtout après la seconde guerre mondiale. Aux stations pieds dans la neige succèdent les stations ski aux pieds, puis les stations dites intégrées. L'offre de lits et d'équipements est alimentée par une demande quasi exponentielle, et l'on peut s'interroger sur le nombre et la capacité de nos sites à accueillir cette clientèle de masse. Croissante depuis des décennies, elle a représenté 195 millions de nuitées pour la campagne 1997-1998 et paraît se situer désormais à ce niveau. Ce chiffre, suivant les données rassemblées par le Service d'Etudes et d'Aménagement Touristique de la Montagne (SEATM) se décompose ainsi : 2/3 pour le tourisme d'été, dont 1/3 en station, 2/3 en secteur diffus, 1/3 soit 65 millions de nuitées en hiver essentiellement en stations, dont 2/3 dans les Alpes du Nord qui représentent 75 % du chiffre d'affaires des remontées mécaniques, dont 50 % sont à l'actif de 14 stations.

Le Commissariat au Plan a confié au groupe de prospective de la demande touristique à l'horizon 2010 la mission d'éclairer pouvoirs publics et professionnels sur les grandes tendances de celle-ci. On en retiendra :

- une contraction du marché des sports d'hiver, la demande étant à peu près stabilisée. Les sports de glisse seront concurrencés par des pratiques « plus douces ». L'évolution démographique de l'Europe conforte cette analyse, moins de 8,5 millions de moins de 64 ans, ceux qui pratiquent le ski, plus de 7,7 millions de plus de 65 ans davantage attirés par ces « pratiques douces ». Les données pour la France sont légèrement différentes. En 2010, les plus de 60 ans y seront aussi nombreux que les moins de 20 ans. En 2020, ils constitueront 27 % de la population, et les moins de 20 ans 22,7 % ;

- un retour à des valeurs essentielles du tourisme, à travers un mouvement lent, pour des formes de vacances plus familiales, moins longues, plus réparties dans l'année (surtout avec les conséquences, à peine décryptées aujourd'hui, de la réduction du temps de travail), sans doute moins sportives en termes de performances, mais tout aussi actives, ou du moins génératrices d'émotions et de sensations agréables (il s'agit de plus en plus d'être, et pas seulement de faire) ;

- une concurrence des marchés européens proches, qui conserveront probablement leur clientèle autochtone ;

- une recherche du confort immobilier familial, un urbanisme de stations moins citadines, une garantie de sécurité non seulement des remontées mécaniques mais aussi des pistes, une préférence pour les interconnexions des massifs skiables, la certitude de trouver à tout moment de la haute-saison une neige de qualité et, hors le moment du ski, des animations intelligentes, d'autant que le client ne peut encore exiger du soleil sur commande.

Déjà, l'étude SEMA-METRA de 1988 révélait que le marché français pour les vacances de sports d'hiver entrait dans sa phase de maturité. Désormais il s'y trouve. Le «Carnet de Route de la Montagne » guide méthodologique 2001 réalisé par le SEATM et l'AFIT, reprenant une étude de Cofrema-Sociovision de 1999, qui actualisait une première étude de 1992, confirme et précise ces tendances.

Le tourisme estival en montagne, qui s'adresse au secteur diffus, recherche une diversité d'activités. Sa demande, moins spécifique, exige moins d'investissements lourds et une variété d'équipements de loisirs. Le tourisme d'été en montagne demeure un tourisme traditionnel, lié aux vacances scolaires plus qu'aux données climatiques. Il n'est pas sûr que l'étalement des vacances, dont on ne parle plus guère, apporte des changements dans le comportement de la clientèle. Pour les opérateurs des grandes stations de sport d'hiver, la saison estivale ne constitue pas encore un appoint indispensable, mais elle tend à devenir une condition de survie de nombreux sites, surtout en moyenne montagne, quand leurs atouts hivernaux s'avèrent modestes face aux exigences croissantes des clients.

C'est bien le tourisme hivernal, et ses grandes tendances, qui dictera la stratégie des grandes stations françaises de sports d'hiver, mais on peut s'interroger sur ce positionnement singulier en Europe, la plupart des grandes stations étrangères ayant une activité significative en été.

Le contexte dans lequel la « Loi Montagne » avait été votée, et celui dans lequel elle a été appliquée, ont connu un certain nombre de mutations, d'abord en raison des propres effets de la loi, ce que cherchait le législateur, ensuite du fait que la montagne, espace géographique habité et espace d'activité, ne pouvait qu'être concernée par la mise en oeuvre de politiques globales ou sectorielles s'appliquant à l'ensemble du territoire. Notre société, enfin, a enregistré des modifications dans ses comportements, et sa consommation de loisirs présente des caractéristiques nouvelles. Même les changements à l'échelle de la décennie sont perceptibles. Ceci incite les pouvoirs publics à demeurer attentifs à ces signes, s'ils veulent que tout dispositif législatif demeure en phase avec son environnement. L'efficacité de la  « Loi Montagne » ne saurait échapper à cette règle. En outre, ce qui, en termes d'organisation administrative voire politique, se concevait difficilement et, par conséquent, ne pouvait être mis en oeuvre il y a un quart de siècle devient désormais possible et même souhaitable. Les institutions, elles aussi, évoluent.

Ce sont ces considérations qui sous-tendent les propositions présentées de réforme de la « Loi Montagne » dans le domaine de l'aménagement touristique.

D. LE DROIT À L'EXPÉRIMENTATION

Les orientations gouvernementales, d'inspiration décentralisatrice, ouvrent des perspectives au profit des collectivités territoriales candidates à l'exercice d'un droit à l'expérimentation. La politique de la montagne, et tout particulièrement celle relative à son aménagement touristique, se prêteraient aisément à cette démarche, à condition, bien entendu, que les exécutifs locaux le souhaitent.

Divers arguments militent en faveur de l'exercice de ce droit.

En premier lieu, la « Loi Montagne » a créé une dynamique à partir d'une démarche fortement centralisée. La directive montagne réservait les décisions concernant les UTN au niveau ministériel. La loi du 9 janvier 1985 déconcentre celles-ci dans les mains du préfet coordonnateur de massif, mais institue un droit à la consultation au profit du comité de massif, ce qui implique déjà les collectivités territoriales, dont des élus participent à l'exercice des attributions de ces organismes. Les conseils régionaux, par les contrats de plan, participent à l'effort financier en faveur des stations. La prochaine étape, qui laisserait une place plus grande à la décentralisation, s'inscrirait dans cette évolution.

Il s'agit, en second lieu, d'une politique sectorielle, géographiquement parlant. Ceci encadre la portée de l'expérimentation et atténue les effets qu'une administration centrale hésitante pourrait redouter d'une extension. Il convient d'ajouter que les mesures spécifiques déjà largement mises en oeuvre au profit de l'économie montagnarde n'ont pas provoqué de demandes reconventionnelles au profit d'autres parties du territoire. La contagion à partir des dispositions objet de l'expérimentation représente donc un risque mineur.

Les différents massifs répartis sur notre territoire sont à la fois intrinsèquement homogènes et suffisamment différenciés entre eux. On peut ainsi escompter que l'expérimentation, conduite simultanément dans plusieurs massifs, suivant des modalités qui seraient propres à chacun, et pour des champs de compétence à géométrie variable, donnerait à cette expérimentation une incontestable richesse.

Enfin, la « Loi Montagne », ce qui demeure encore exceptionnel dans notre système administratif, a fait l'objet d'une évaluation. La méthodologie que l'instance qui en a été chargée a dû élaborer, avec les tâtonnements inhérents à ce type de démarche, ne pourra que servir à celle qu'impliquera l'expérimentation. Quant aux conclusions auxquelles elle a abouti, elles constitueront une base pertinente pour fonder utilement la nouvelle procédure d'évaluation.

E. LE TRAITEMENT DIFFÉRENCIÉ DE LA HAUTE MONTAGNE ET DE LA MOYENNE MONTAGNE

La politique de la montagne a été fondée sur un zonage auquel était lié un système d'aide. La procédure UTN est venue se calquer sur ce zonage. On a vu combien le développement du tourisme hivernal a entraîné une disparité dans les capacités d'accueil et d'équipement en remontées mécaniques des stations. Si, d'après le classement de Jacky Herbin, cité par l'instance d'évaluation (rapport p. 336), la zone de montagne compte 4.122 communes, 826 n'ont aucune activité touristique, 1.184 ne connaissent qu'un tourisme d'été, 1.772 offrent un faible tourisme d'hiver, 340 communes sont caractérisées par un tourisme d'hiver développé et 22 communes supportent les grandes stations alpines.

Quant à la procédure UTN, elle a concerné pour les 2/3 les Alpes du Nord, 48 % des dossiers instruits intéressaient la zone de haute montagne, moins de 8 % de la superficie de l'ensemble de la montagne française. Enfin, la réalisation des projets autorisés accusait, en 1994, un taux de consommation faible (77 % pour les Alpes du Nord, 46 % pour le massif Central, 43 % pour le Jura, 35 % pour les Alpes du Sud et 30 % pour les Pyrénées).Si l'on doit tirer de cette constatation une conséquence, c'est que les massifs tels que le Massif Central, le Jura, les Vosges ne peuvent être traités comme les Alpes ou les Pyrénées.

Aussi, la proposition qui est faite est de suspendre l'application de la procédure des Unités Touristiques Nouvelles dans le massif Central, le Jura et les Vosges, dès lors que les projets qui devraient lui être soumis intéressent des communes disposant d'un plan d'occupation des sols approuvé ou désormais d'un plan local d'urbanisme. Lorsqu'un projet concernerait plusieurs communes, cette dispense reposerait sur l'adoption d'un schéma de cohérence territoriale.

Mais la procédure des Unités Touristiques Nouvelles comporte une disposition intéressante qu'il serait sans doute dommage d'abandonner même en moyenne montagne : l'évaluation économique du projet, y compris dans le cas où il ne prévoit pas de mobiliser des fonds publics. Ce volet de la procédure a certainement permis de limiter le développement de « friches touristiques », c'est à dire d'hébergements ou d'équipements prématurément abandonnés faute de rentabilité de leur exploitation. Le paysage étant un capital précieux et fragile de la moyenne montagne, tout ce qui peut éviter de l'endommager inutilement doit être préservé, d'autant que de nombreuses aides, nationales ou européennes, poussent à des investissements sans garantie suffisante de la pérennité du fonctionnement.

Pour assurer cette évaluation économique du projet, deux mesures peuvent être suggérées. La première porte sur les compléments d'information des dossiers de permis de construire d'équipements touristiques qui seraient dispensés d'autorisation de création d'une Unité Touristique Nouvelle, de façon à ne pas abandonner l'approche financière que comportait une telle autorisation. Ainsi l'autorité délivrant le permis de construire pourrait s'entourer de l'avis d'un expert en l'occurrence le trésorier payeur général, ou faire référence, le cas échéant, à la convention telle qu'elle est prévue à l'article 42 de la « Loi Montagne » qui, elle, intègre les considérations économiques. La seconde, qui suppose une intervention législative conduirait à l'instauration d'une caution couvrant les frais de démolition en cas d'arrêt prolongé de l'exploitation pour éviter des friches touristiques. Ce dispositif se rapprocherait de celui du code minier pour la remise en état des carrières et des gravières en fin d'exploitation.

F. LA PROCÉDURE DES UTN SERAIT MAINTENUE DANS LA HAUTE MONTAGNE DES ALPES, DES PYRÉNÉES ET DE LA CORSE

La moyenne montagne de ces massifs serait traitée comme celle des massifs dispensés de cette procédure, à moins que les projets intéressent, par leur implantation ou leurs perspectives de développement, à la fois la haute et la moyenne montagne, auquel cas ils relèveraient de la procédure UTN.

Reste à définir ce qu'est la haute montagne des Alpes, des Pyrénées et de la Corse. Cette approche devrait être réaliste, et non technocratique. Elle pourrait faire l'objet d'une délimitation par le truchement des prescriptions particulières, ce qui permettrait de disposer de critères adaptés à chaque massif. L'altitude, la notion de compensation des handicaps naturels (ayant conduit à fixer à 1.300 m la limite entre haute et moyenne montagne en agriculture), les difficultés d'accès et de liaisons pour des domaines skiables en réseau pourraient entrer en ligne de compte dans cette approche. Une procédure de délimitation à laquelle serait associé le Conseil régional serait conforme à l'esprit de décentralisation qui devrait désormais inspirer cet élément de la politique de la montagne que représente son aménagement touristique.

G. UNE AVANCÉE DE LA DÉCENTRALISATION : LE TRANSFERT DE COMPÉTENCE DU PRÉFET DE MASSIF À UN EXÉCUTIF LOCAL EN MATIÈRE D'UTN

La « Loi Montagne », par la création des comités de massifs, était parvenue à en faire un lieu d'échange et un interlocuteur auprès des conseils régionaux. Ces derniers ont pu, ainsi, bénéficier d'une approche particulière et peut-être privilégiée des problèmes que posent ces espaces, aisément identifiables au sein du territoire régional. Depuis au moins trois contrats de plan, les massifs figurent comme interlocuteurs pour la définition et la mise en oeuvre de programmes Des lignes de crédit ont été individualisés. On peut penser que les assemblée régionales ont acquis une sensibilité aux problèmes de leurs massifs montagnards. Il existe une prise de conscience régionale de la spécificité de ceux-ci.

Ces divers éléments, qui révèlent une transformation des mentalités des élus régionaux, incitent à suggérer, comme cela avait été ressenti lors des discussions sur les lois de décentralisation, que des compétences passent des mains du représentant de l'Etat dans celles du Président du Conseil régional, la déconcentration au profit du préfet ayant constitué une sorte de transition. La procédure des unités touristiques nouvelles se prête bien à ce transfert, dès lors que textes et pratique balisent désormais la matière, et que les grands projets paraissent se raréfier. L'expérimentation trouverait là un excellent terrain d'intervention.

Dans l'hypothèse où un projet intéresserait deux régions, il devrait être sanctionné par un arrêté conjoint des deux présidents (Alpes et Pyrénées).

Les services de l'Etat seraient, en tant que de besoin, mis à disposition de l'exécutif régional, pratique que la décentralisation a largement encouragée.

Resterait, bien entendu, au représentant de l'Etat le contrôle de légalité de droit commun.

Le département des Pyrénées-Atlantiques pourrait faire l'objet d'un statut particulier, dans la mesure où la région Aquitaine ne comporte pas d'autre espace de montagne, où ses stations de montagne ne sont ni reliées, ni connectables à celles des Hautes-Pyrénées, et où le Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques est fortement impliqué dans l'équipement et le fonctionnement des stations. Ainsi, le président du Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques deviendrait l'autorité chargé de décider la suite à donner aux demandes d'autorisations de création d'unités touristiques nouvelles sur le territoire de ce département.

L'Andorre développe une offre touristique tellement concurrentielle contre les Pyrénées françaises qu'il serait sans doute opportun d'inciter l'Ariège (et donc la Région Midi-Pyrénées) et les Pyrénées-Orientales (et donc la Région Languedoc-Roussillon) à coordonner ceux de leurs projets touristiques en montagne qui entrent dans le champ de la concurrence de l'Andorre. Or la structure de coordination existe : la Confédération Pyrénéenne du Tourisme, regroupant notamment les 3 Régions (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon). On peut penser que la nouvelle responsabilité confiée aux Régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, si elles l'acceptent, les conduirait naturellement à recourir à cet outil et à rechercher cet objectif.

On peut enfin souligner que le transfert de compétence du préfet de la région Corse au président de la Collectivité Territoriale ne ferait que consacrer un état de fait, l'Etat n'ayant pas mis en place en Corse les structures prévues par la « Loi Montagne ».

H. UNE CONDITION À CE TRANSFERT : L'ADOPTION PAR LA RÉGION DE PRESCRIPTIONS PARTICULIÈRES DE MASSIF

La « Loi Montagne » avait permis l'élaboration et l'adoption de ce document, d'autant qu'avec sa promulgation, avaient été supprimés les Plans Pluriannuels de Développement Touristique. « L'instance d'évaluation » avait regretté ce vide méthodologique, qui explique que la procédure UTN soit restée une procédure d'urbanisme et de protection plus que d'aménagement. La décentralisation du processus de décision, en impliquant davantage les élus, légitimerait ce préalable dont les pouvoirs publics et, sans doute, les opérateurs tireront le meilleur profit, en termes de clarté des choix et de sécurité des procédures. En effet, cet outil de planification puiserait sa force juridique dans le recours à l'article L. 145-7 /I / 3 du code de l'urbanisme (article 68 de la « Loi Montagne ») qui prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat viendrait sanctionner ces prescriptions. On peut penser que les conditions de leur élaboration, la publicité qui les entourerait et la garantie d'un accompagnement technique par les services de l'Etat, avant l'aval par le Conseil d'Etat, préviendraient tout contentieux intempestif.

En conclusion, au vu d'un bilan somme toute positif, la politique de la montagne supporterait aisément désormais les aménagements proposés. Ils ne remettraient pas en cause un acquis dont les gouvernements successifs ne peuvent qu'être satisfaits dans la protection des équilibres, l'économie des espaces et la constitution d'un domaine skiable remarquable. Bien au contraire, par un recours original et novateur à la dynamique de la décentralisation, cette politique trouverait un nouveau souffle, en même temps que seraient gommées les quelques faiblesses ou imperfections qu'un quart de siècle d'application ont pu faire apparaître ou accentuer, dans l'émergence d'une appréhension globale et prospective du développement de la montagne.

II. LES REMONTÉES MÉCANIQUES, APPAREILS DE TRANSPORTS PUBLICS DE VOYAGEURS : INTÉRÊT ET PORTÉE DE CETTE QUALIFICATION

A. LES REMONTÉES MÉCANIQUES FONT L'OBJET, EN DROIT FRANÇAIS, D'UN STATUT PARTICULIER, NÉ D'UN ENSEMBLE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE PROGRESSIF ET DIVERSIFIÉ.

Peuvent, notamment, être cités les textes suivants :

- la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 dite « loi d'orientation des transports intérieurs » ou « LOTI » ;

- la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite «  Loi Montagne » ;

- la loi n° 2002-3 du 3 janvier 2002, relative à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport, aux enquêtes techniques après événements de mer, accident ou incident de transport terrestre ou aérien et au stockage souterrain de gaz naturel, d'hydrocarbures et de produits chimiques, dite « loi SIST » ;

- les dispositions du code de l'urbanisme et spécialement les articles L. 145-3 et R. 145-10, L. 445-1 à 445-4 et R. 445-1 à R. 445-16.

B. EN LES ÉLABORANT, LES POUVOIRS PUBLICS ENTENDAIENT POURSUIVRE TROIS OBJECTIFS :

- l'organisation et la sécurité des transports ainsi assurés par ces engins. Les remontées mécaniques sont toutes reconnues comme des appareils de transports publics, quels que soient leurs usages effectifs : véritable « remontée » dédiée au ski et autres activités de glisse, ou transports urbains par câble pouvant être sans rapport avec le ski. L'article 43 de la « Loi Montagne » reprend une disposition qui figurait déjà dans la loi relative aux transports publics de voyageurs d'intérêt local du 19 janvier 1979 ;

- l'intégration de ces équipements dans l'aménagement touristique de la montagne, qui englobe, comme l'indique l'article 42 de la « Loi Montagne » « l'aménagement foncier et immobilier, la réalisation et la gestion des équipements collectifs, la gestion des services publics, l'animation et la promotion » ;

- la préservation des terrains nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières et la protection de l'environnement, la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation d'aménagement durable étant venue modifier la « Loi Montagne ».

C. DEUX PROCÉDURES ONT ÉTÉ PRÉVUES POUR ATTEINDRE CES OBJECTIFS, QUI S'APPLIQUENT SPÉCIFIQUEMENT AUX REMONTÉES MÉCANIQUES :

- celle des Unités Touristiques Nouvelles (UTN), issue de la « directive Montagne de 1977 » reprise dans la  « Loi Montagne » de 1985, dont les dispositions ont été intégrées dans le code de l'urbanisme. Elle vise les équipements « en site vierge de tout équipement, aménagement ou construction » et « l'extension ou le renforcement significatif des remontées mécaniques » (article L. 445-1 à L. 445-9 du code de l'urbanisme) ;

- celle des articles L. 445-1 à 445-4 et R. 445-1 et 445-2 du code de l'urbanisme qui impose, qu'il y ait ou non autorisation de création d'une UTN, une double autorisation préalable à la réalisation des remontées mécaniques, la première avant les travaux de construction, la seconde avant la mise en exploitation.

D. L'UNE ET L'AUTRE PERMETTENT À L'AUTORITÉ QUI INSTRUIT LES DEMANDES DE CONSTRUCTION DE VÉRIFIER SI LES CARACTÉRISTIQUES PRINCIPALES DU PROJET RESPECTENT :

- plus généralement « la mobilisation simultanée et équilibrée des ressources disponibles en vue d'une valorisation des aptitudes aux productions agricoles, forestières, artisanales, industrielles et énergétiques, la diversification des activités économiques et le développement des capacités d'accueil et de loisirs nécessaires à la promotion du tourisme, du thermalisme et du climatisme .., la protection des équilibres biologiques et écologiques, la préservation des sites et des paysages, la réhabilitation du bâti existant et la promotion du patrimoine culturel »...(article 1 de la « Loi Montagne »). Les infrastructures liées aux remontées mécaniques et surtout les pistes qu'elles desservent sont effectivement consommatrices d'espaces. La procédure UTN doit répondre à cette préoccupation.

- les servitudes publiques, la prise en compte des règles d'urbanisme et en particulier celle des risques naturels spécifiques, prévue dans la « Loi Montagne » en son article 78. Telle est la finalité de l'autorisation préalable à la construction des remontées mécaniques ;

- enfin, plus précisément, les règles techniques de sécurité propres aux remontées mécaniques. Par les autorisations de mise en exploitation, l'administration relevant du ministère en charge des transports, qui doit obligatoirement donner un avis -qui lie le maire-, s'attache à contrôler que les engins ont été correctement montés et vérifiés, conformément aux spécifications techniques du projet autorisé, à la réglementation technique et de sécurité en vigueur, en plus du respect de règles d'urbanisme et des servitudes publiques. L'intervention de l'administration d'Etat, à ce point précis de la procédure, est fondée sur l'application aux remontées mécaniques de la réglementation née de la LOTI, même si cette dernière distingue les remontées mécaniques assurant un transport régulier de personnes qui ne soit pas uniquement touristique ou sportif (funiculaires de Montmartre, de Fourvière ou téléphérique de Grenoble) et les autres. Ces dernières, certes, ne sont concernées que par les dispositions des articles 1, 5 et 6, du paragraphe III de l'article 7, des articles 9, 14, 16 et 17 de la LOTI.

E. QUEL EST L'INTÉRÊT DE CE CLASSEMENT DES REMONTÉES MÉCANIQUES « TOURISTIQUES ET SPORTIVES » PARMI LES MODES DE TRANSPORTS PUBLICS, QUI JUSTIFIE CETTE PROCÉDURE EXCEPTIONNELLE DONT ON A VU LA RELATIVE COMPLEXITÉ ? PEUT-ON S'AFFRANCHIR, ET JUSQU'À QUEL POINT, DE LA RÉGLEMENTATION QU'INDUIT CETTE CLASSIFICATION ?

Trois considérations viennent éclairer la réponse à apporter.

1. Le législateur ne peut éluder l'aspect sécurité des transports, qu'il considère traditionnellement comme relevant du domaine régalien. On ne saurait contester la compétence de l'Etat en la matière, ni sa capacité à réglementer, ni l'importance qu'il attache à cette obligation. Ceci n'interdit pas que ce champ de la sécurité puisse être partagé. En l'occurrence, il l'est, puisque, d'une part, les communes, et, dans certaines situations antérieures à la « Loi Montagne », les départements se sont vu confier le service des remontées mécaniques. Ces collectivités les exploitent en régie ou par un système de conventionnement (articles 46 et 47 de la « Loi Montagne »). D'autre part, si, en application du code de l'urbanisme, le maire, autorité décentralisée, est compétent pour accorder les deux autorisations, dès lors qu'il l'est pour la délivrance du permis de construire, il ne peut le faire que sur avis conforme du préfet. Le représentant de l'Etat dans le département demeure le seul compétent pour arrêter le règlement de police, le règlement d'exploitation particulier et le plan de sauvetage (circulaire n° 88-63 du 25 juillet 1988). En outre, si cet avis peut être tacite pour la première autorisation, il doit être exprès pour la seconde. Ainsi, les pouvoirs publics ont-ils voulu verrouiller un dispositif dont on ne puisse contester ni la légitimité ni l'efficacité.

2. L'Etat s'est d'ailleurs donné les moyens de cette politique en organisant deux services spécialisés, le premier, interministériel, le Service d'Etudes et d'Aménagement Touristique de la Montagne (SEATM), est plus spécialement orienté vers les problèmes économiques et sociaux de l'équipement de la montagne à des fins de loisirs, le second, le Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés (STRMTG), est le seul habilité à donner son avis au préfet sur la sécurité des installations. Le premier est localisé à Challes-les-Eaux, près de Chambéry, le second à Saint-Martin-d'Hères, près de Grenoble. L'un et l'autre disposent d'antennes par massif, ce qui leur permet d'assurer une déconcentration suffisante dans l'instruction des dossiers. C'est au STRMTG que l'on doit un règlement national des remontées mécaniques arrêté en 1989. Le seul autre règlement qui soit aussi complet est celui adopté en Suisse, mais il présente le handicap d'être plus ancien. Le règlement français fait autorité dans l'Union Européenne et même au-delà. Faut-il préciser que le parc des remontées mécaniques français place notre pays au premier rang mondial (15 % du parc, par le nombre d'engins). Il a enregistré 635 millions de passages durant la campagne 2000-2001. Par rapport à un trafic de cette importance, ont été constatés 6 accidents mortels en dix ans, alors que, durant cette même période, 420 décès liés à la pratique du ski proprement dite sont à déplorer.

3. Il ne faut donc pas s'étonner que le «modèle français » soit devenu une référence européenne, que la récente qualification du STRMG ne pourra que conforter. La présidence autrichienne de l'Union a mis à profit sa présence à la tête de la Commission pour faire adopter la directive 2000/9/CE du 20 mars 2000 relative aux installations à câble transportant les personnes (elle n'utilise pas la formule du transport public). La France a largement contribué à sa rédaction. Cette directive applicable au 3 mai 2002 sera obligatoire le 3 mai 2004. Ceci ne devrait pas soulever de difficultés significatives dans notre pays, qui a déjà largement intégré l'ensemble des dispositions qu'elle contient. En outre, le STRMTG sera dans quelques semaines l'un des deux « organismes notifiés » au titre de l'article 16 de cette directive, aux côtés du cabinet allemand TÜV. Cette prééminence française n'est sans doute pas étrangère à l'installation de bureaux d'études à Modane par le constructeur Doppelmayr et à Montmélian par le constructeur Leitner.

Cette immixtion, prévisible, de l'Union Européenne dans la sphère ses réglementations nationales ne concerne que les constituants des remontées mécaniques, cabines, câbles, pinces etc. Il ne s'agit pas d'une directive d'installation, domaine qui demeure de la compétence nationale. Mais l'existence de deux réglementations connexes, par une sorte de dynamique, rencontrée dans d'autres secteurs, amènera, à terme, à constater la prévalence des textes communautaires.

De ces considérations, il convient de tirer quatre conclusions :

1. La remise en cause de la réglementation française, au nom d'une recherche de la simplification administrative, ne s'impose pas. Elle ne présente même pas de légitimité. Elle a qualifié toutes les remontées mécaniques comme transports publics de personnes alors que la directive européenne n'utilise pas le terme transport public -même si une harmonisation européenne du concept de remontée mécanique devait conduire à ne plus considérer comme transports de personnes certaines remontées mécaniques, comme les téléskis (et rien ne permet actuellement de prédire une telle évolution), tout militerait pour une réglementation sui generis, qui ne pourrait que s'inspirer fortement de celle qui existe et qui a fait ses preuves.

2. Les critères conduisant à exonérer certains aménagements de remontées mécaniques dans des domaines skiables déjà équipés pourraient être revus, du fait de la prise en compte, mieux établie désormais par les collectivités locales, de stratégies d'aménagement fondées sur l'unité du domaine skiable et la mise en réseau des remontées et des pistes. De ce point de vue, le relèvement des seuils financiers des investissements, que les opérateurs ont accueilli avec satisfaction, n'est sans doute pas un élément déterminant dans l'allègement souhaité des procédures. Ce qui importerait, semble-t-il, ce qui, à coup sûr, serait plus pertinent, serait plutôt la mesure de la capacité d'un domaine skiable à accueillir l'accroissement des skieurs que déverseront des remontées mécaniques plus performantes. La référence à cette notion d'acceptabilité du nombre des skieurs par l'ensemble des pistes connectées comme les réseaux des engins rendrait encore moins pertinent le recours à la valeur de l'investissement l'un des deux critères aujourd'hui retenu.

3. Il ne serait pas déraisonnable de concevoir un allègement des procédures, à tout le moins un assouplissement dans la confection des dossiers destinés à la demande d'autorisation de construction. La soumission pure et simple de celle-ci à la formalité du permis de construire, sur lequel porte le contrôle de légalité constituerait une réforme à la fois significative et suffisamment encadrée. S'ajouterait à cette disposition le bénéfice de celles de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme qui prévoit qu'un certain nombre d'ouvrages n'entrent pas dans le champ d'application du permis de construire.

4. Les éléments suivants conforteraient cette orientation :

- la saturation relative du marché, en raison de la densité actuelle du parc de remontées mécaniques. Les investissements tendent à l'accroissement des capacités et des débits et à l'amélioration du confort des skieurs, plus qu'à l'augmentation du nombre d'engins, comme l'indique le tableau ci-après ;

- la concentration des organismes constructeurs comme des cabinets d'études spécialisées, les uns et les autres ayant intégré remarquablement la législation et la réglementation nationales ;

- la spécificité de l'aménagement des domaines skiables par rapport à d'autres aménagements comme les lignes électriques, n'est pas telle qu'elle justifie une procédure particulière, analogue au permis de construire, mais différent de lui, notamment quant à la nature des travaux exonérés du permis de construire (supports, terrassements, petits bâtiments). Cette particularité exige une compétence particulière des agents, en collectivités territoriales ou dans les services déconcentrés de l'Etat, en plus de celle indispensable au permis de construire stricto sensu, et elle peut être source de confusion, et donc de surcoûts administratifs ;

- si l'on estime indispensable d'inciter les maîtres d'ouvrage à se prémunir contre un permis de construire délivré pour un projet qui s'avèrerait inacceptable au niveau de l'autorisation d'exploitation, il suffit de prescrire que l'instruction de la demande de permis de construire doit comporter la consultation du service de contrôle des remontées mécaniques, comme c'est le cas de nombreux établissements industriels ou agricoles : la règle générale consistant à associer à l'instruction du permis de construire le service qui sera chargé de contrôler la future installation paraît rendre inutile une procédure particulière, surtout dans un contexte de décentralisation croissante.

Enfin, il convient de soulever peut être d'une manière accessoire que l'assimilation favorisée par la « Loi Montagne » (et notamment son usage du terme « remontées mécaniques ») de toutes les remontées mécaniques à des équipements touristiques, si elle ne soulève pas de difficultés d'application aujourd'hui pourrait demain révéler son caractère artificiel et générer des conflits de compétence entre différentes autorités organisatrices.

La lisibilité de cette distinction est faible pour un non-initié, et le STRMTG a des difficultés à trier, dans les statistiques officielles, ce qui concerne les remontées dédiées au ski ou à des loisirs assimilés, et les autres. On comprend mal pourquoi un système de transport en commun en zone de montagne est, a priori, un équipement touristique s'il utilise un câble (téléporté ou funiculaire) et un transport urbain s'il comporte des roues (autobus ou tramways), alors qu'en dehors de la zone de montagne tout transport de personne à câble est considéré a priori comme transport urbain, s'il ne s'agit pas d'un manège de parc d'attractions.

Deux exemples permettent de mieux comprendre le caractère artificiel de cette distinction, qui semble vouloir confiner la technologie des transports à câble dans l'équipement des domaines skiables :

- des stations, telle La Plagne, ont développé un véritable réseau de transports urbains à câble reliant les différents pôles d'urbanisation. Des projets sont en cours dans d'autres, et une telle stratégie, si elle facilite naturellement les liaisons entre les hébergements touristiques et les domaines skiables, favorisent aussi une diversification des activités économiques et l'installation d'emplois non saisonniers, notamment tertiaires, dans des ensembles urbains d'une taille supérieure à bien des villes-préfectures, mais jusque là dépourvues de services publics de transports fonctionnant toute l'année et pas seulement pendant l'ouverture des pistes de ski ;

- un ascenseur reliant une vallée à un domaine skiable n'a souvent pas de « ski propre », c'est-à-dire qu'aucune piste régulièrement entretenue ne relie la gare supérieure et la gare inférieure. Un tel équipement a vocation à être intégré dans le réseau de transports urbains ou intercommunaux comme les autobus qui ont les mêmes fonctions.

Les caractéristiques communes de tels équipements semblent être d'une part l'utilisation dans les deux sens (à la montée comme à la descente) et d'autre part une alternative à un transport traditionnel par bus : ils ont vocation à relever des autorités organisatrices des transports urbains ou interurbains, et non de l'autorité organisatrice du développement touristique.

Inversement, les remontées mécaniques à finalité essentiellement touristique ou de loisirs doivent rester dans le champ de compétence de l'autorité organisatrice du tourisme, même si elles sont situées dans le périmètre de transports urbains d'une agglomération ou dans une station déjà desservie par le réseau de transports en commun de l'agglomération, alors que ces circonstances pourraient conduire l'autorité organisatrice des transports urbains à réclamer la maîtrise de tout équipement qualifié de transport public de personnes au détriment de l'autorité organisatrice du tourisme.

Un tel reclassement des transports publics de personnes en espace de montagne, non pas par la technologie (câbles ou roues), mais par la finalité, ne concernerait qu'un petit nombre de remontées mécaniques mais de grandes dimensions unitaires. Il n'aurait aucun effet sur les procédures de contrôle relevant du STRMTG ni donc sur les exigences de sécurité. Il favoriserait d'une part la synergie entre les différents modes de transports en commun et d'autre part le maintien du système de pilotage du produit touristique global. Il ouvrirait de nouvelles possibilités de financement de transports à câbles comme transports urbains (subventions, taxe sur les salaires permise par un périmètre de transports urbains) sans pour autant empêcher la contribution de l'exploitant du domaine skiable au financement d'un transport urbain par l'intermédiaire de la convention de l'article 42, de même que des exploitants de domaines skiables sont chargés de l'exploitation de transports urbains par bus ou autobus ou contribuent à des aménagements d'une route nationale à plusieurs dizaines de kilomètres de la commune organisatrice du tourisme. En dernier lieu, ce reclassement exonérerait sans ambiguïté de la procédure UTN tous les équipements qualifiés de transports urbains.

Enfin, et pour être complet, il faut signaler la volonté de l'Union Européenne de s'intéresser au financement des remontées mécaniques. On a vu que la Commission avait intitulé sa directive 2000/9/CE du 20 mars 2000 « directive relative aux installation à câble transportant les personnes ». Au delà de la sémantique, ceci signifie que les remontées mécaniques touristiques ne sont pas des moyens de transports publics de voyageurs. Elles ne devraient donc pas être subventionnées. Elle vient de le rappeler au gouvernement italien (invitation à présenter des observations 2001/C27/08).

III. LES CONVENTIONS D'AMÉNAGEMENT TOURISTIQUE : APPLICATION DES LOIS « MONTAGNE » ET « SAPIN »

L'article 42 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, dite « Loi Montagne » confie l'organisation 125 ( * ) des opérations touristiques à la commune territorialement compétente, ou un groupement de communes ou un syndicat mixte regroupant des collectivités locales auquel cette commune aurait explicitement délégué cette compétence 126 ( * ) .

Il distingue deux formules : la régie et la passation d'un contrat avec un ou des opérateurs.

Cette disposition est assez originale, pour ne pas dire unique dans l'ensemble des droits européens. On peut, en effet, s'interroger sur ce rôle ainsi donné aux collectivités territoriales, aux privilèges accordés à leurs régies, lorsque l'on considère les contraintes imposées aux autres opérateurs, c'est à dire au secteur privé ou, autre exception française, aux sociétés d'économie mixte.

Le texte prévoit, pour concrétiser la relation entre la collectivité territoriale et l'opérateur une convention. La mise en application de cette disposition bénéficiait d'un délai qu le législateur avait fixé à quatre années (article 47). La loi n° 88-102 du 30 décembre 1988, dans son article 64 l'a prolongé de 10 ans. Ainsi, au 11 janvier 1999, toutes les conventions auraient dû être signées. Pratiquement, elles l'ont été. Mais, en 1998, soit deux ans avant l'échéance, 245 exploitants sur 584 recensés n'avaient pas de convention avec les autorités organisatrices, ce qui révèle que le respect de la loi devait poser aux partenaires quelques problèmes.

Si donc à ce jour, toutes les conventions ou presque sont intervenues, déjà se pose, pour certains opérateurs la question de la fin de ces contrats, donc celle des modalités de sortie, lorsqu'ils ont été signés au lendemain de la promulgation de la loi et qu'ils valaient concession pour dix-huit ans. En effet, l'application conjointe de la « Loi Montagne » et de celle n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite loi « Sapin », du nom du ministre de l'économie et des finances qui l'a défendue, oblige les collectivités territoriales à organiser l'appel à concurrence pour désigner le nouveau cocontractant -ou pour trouver une succession à la régie-. Cette perspective entraîne chez les opérateurs à la fois incertitude et insécurité, en dépit de la formule, au demeurant vague, qu'utilise le législateur :

« les contrats prévoient, à peine de nullité...

2° les conditions de résiliation, de déchéance et de dévolution, le cas échéant, des biens en fin de contrat ainsi que les conditions d'indemnisation du cocontractant ».

Ce n'est pas la moindre faiblesse de la « Loi Montagne », si l'on conçoit par ailleurs que la notion de délégation de service public dont elle s'inspirait par anticipation est très légitimée en droit français.

Divers problèmes sont nés, moins à cause des modalités de sotie de la convention observées à ce jour, que du sort réservé à des avenants d'extension ou de prorogation de contrats auxquels le contrôle de légalité réserve un sort différent, d'un département à un autre, à l'intérieur même du délai maximum de trente ans que le législateur a institué.

Au fur et à mesure que les contrats s'exécutent, que l'échéance de sortie s'approche, ou qu'elle s'impose dans la perspective stratégique des opérateurs, ou encore qu'apparaît la nécessité d'un avenant, cette interrogation prend de l'acuité. L'évolution des formes de tourisme, la nécessité de l'entretien et de la réfection des installations et des engins, la recherche de plus de sécurité et de confort tant dans le matériel offert aux usagers que dans la configuration et le damage des pistes, le développement des stations, l'interconnexion croissante de celles-ci constituent autant d'éléments qui viennent compliquer les paramètres de la réflexion à laquelle opérateurs et collectivités territoriales doivent se livrer, bien avant la fin des conventions. A ce jour, la loi offre une solution qui, au moins dans sa mise en oeuvre est discutée. On ne peut reprocher aux partenaires de songer à des formules assurant au moins des garanties à chacun d'eux : maintien de l'effort d'investissement, attendu de la part des collectivités, certitude d'une issue financière « juste », si l'on se réfère au principe de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen instituant l'expropriation, pour les opérateurs.

Avant d'examiner les voies possibles pour répondre aux critiques et aux aspirations des partenaires, sans doute est-il opportun de faire le point sur l'environnement juridique et économique du problème posé.

*

* *

A. L'ENVIRONNEMENT JURIDIQUE

La « Loi Montagne » institue comme autorité organisatrice de tout aménagement touristique la commune territorialement compétente ou un groupement de communes ou un syndicat mixte regroupant des collectivités locales auquel cette commune aurait explicitement délégué cette compétence. Cette disposition marque la volonté du législateur de lier l'élément de développement économique que constitue le tourisme à la collectivité de base de notre système institutionnel, même si elle reconnaît que cette compétence peut être exercée par un groupement de communes ou un syndicat mixte. Les remontées mécaniques font une exception, puisque, si elles étaient exploitées avant la promulgation de la loi par le département, ce dernier peut continuer à en assurer l'organisation. Il peut aussi, à sa demande, s'associer aux communes ou à leurs groupements pour organiser ce service, leur confier cette compétence ou la recevoir de leur part (article 46).

Autre disposition, tout aussi imprégnée de la prééminence du rôle des collectivités territoriales dans l'aménagement touristique, ce sont les facilités que les rédacteurs du texte paraissent accorder aux régies dans l'exercice de cette attribution. Ainsi est-il stipulé que « sauf recours à la formule de la régie », cette mise en oeuvre peut être confiée à un opérateur privé, qui peut d'ailleurs être une société d'économie mixte ou un établissement public industriel et commercial, encore que celui-ci pourrait exploiter le service en régie comme le stipule expressément la loi (article 47 alinéa 1°).

L'aménagement touristique, tel que la « Loi Montagne » le définit, regroupe un ensemble d'activités que le texte énumère : « études, aménagement foncier et immobilier, réalisation et gestion des équipements collectifs, construction et exploitation de réseaux de remontées mécaniques, gestion des services publics, animation, promotion » (article 42) . Cette liste est limitative, mais sa rédaction est assez vaste pour englober la quasi-totalité des opérations liées à cet aménagement, dès lors qu'il est en relation avec la politique touristique de la ou des collectivités sur le territoire desquelles les installations ou travaux envisagés seront exécutés.

La vocation globale ainsi reconnue aux collectivités territoriales a une contrepartie, dont la mise en oeuvre peut dissimuler une certaine complexité et comporte un risque de lourdeur et de contentieux, en dépit du fait que le législateur a cherché, à travers les mécanismes qu'il a prévus, à protéger ces dernières, et, à tout le moins, à veiller à leur bonne information. C'est ainsi qu'en ce qui concerne « l'aménagement foncier, la réalisation et la gestion d'équipements collectifs, la gestion des services publics » - cette liste est à rapprocher de la précédente - le cocontractant doit fournir chaque année un compte rendu financier comportant le bilan prévisionnel des activités et le plan de trésorerie faisant apparaître l'échéancier des recettes et des dépenses.

A cette obligation, dont on conçoit l'intérêt, s'en ajoute une autre : l'intervention préalable d'un protocole d'accord dès que la mise en oeuvre de l'opération suppose la conclusion de plusieurs contrats. Ceci interviendra lorsqu'il y a plus d'un opérateur. Ces contrats devront être individualisés par objet.

On devine combien la gestion de l'ensemble peut être délicate et complexe, dès la négociation du protocole et de celle des contrats particuliers, puis au moment de la négociation d'avenant, et, surtout, lorsqu'un contrat arrive à son terme.

Les remontées mécaniques ont une place à part dans ce dispositif. Si elles sont citées parmi les objets constitutifs de l'opération d'aménagement touristique (article 42), elles sont également régies par les articles 43 et suivants, qui présentent une certaine redondance par rapport à l'article 42. On y confirme le rôle exclusif de la commune, ou celui des groupements ou celui du département. Les formes de gestion sont celles déjà énumérées à l'article 42 alinéa 1. On y évoque les obligations respectives des parties et les participations financières des opérateurs. Deux alinéas de l'article 47 viennent éclairer les dispositions de l'article 42 concernant le traitement de l'opérateur en cas de résiliation, de déchéance et de dévolution des biens en fin de contrat. Il y est mentionné, en effet, que la collectivité, dans le cas de suppression du service en exploitation doit verser à l'exploitant une indemnité de compensation du préjudice éventuellement subi de ce fait, indemnité préalable en ce qui concerne les biens matériels.

Une autre disposition mérite un commentaire particulier. Elle figure à l'article 48 qui renvoie à la loi du 15 juillet 1845 et aux dispositions relatives à la police, à la sécurité et à l'exploitation des chemins de fer, et surtout à l'article 44 qui rend applicables aux remontées mécaniques dites « touristiques » par opposition à celles situées dans un périmètre urbain des dispositions de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs dite « loi LOTI ». Ceci justifie le contrôle technique et de sécurité de l'Etat. Et, comme il s'agit d'un transport public de personnes, le service des remontées mécaniques est un service public auquel s'applique la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin », dont la portée, en ce qui concerne les remontées mécaniques, se concrétisera par la mise en concurrence pour les nouvelles conventions, comme à l'expiration de celles en cours. Les remontées mécaniques sont concédées dans le cadre d'une délégation de service public.

On peut défendre que cette application ne concernerait pas les autres opérations d'aménagement prévues à l'article 2 puisque celui-ci distingue « les études, l'aménagement foncier et immobilier, la réalisation et la gestion des équipements collectifs, la construction et l'exploitation du réseau des remontées mécaniques (traitées aux articles 43 et suivants), la gestion des services publics, l'animation et la promotion ». Peut-on en conclure qu'à l'exception des remontées mécaniques et de la gestion des services publics, les autres opérations d'aménagement touristique ne sont pas des services publics et par conséquent, qu'elles n'entrent pas dans la catégorie des services régis par la procédure de la délégation de service public ?

Le conventionnement prévu à l'article 42 est le point-clé du dispositif précisant les relations entre la collectivité et l'opérateur. On y trouvera ce qui est attendu du cocontractant, la règle étant qu'il y a un contrat par opérateur. Le document fixe les conditions de résiliation, de déchéance et de dévolution ainsi que les conditions d'indemnisation du cocontractant. Il fait la loi entre les parties. C'est dire son importance, d'autant qu'il sera l'élément déclenchant du contrôle de légalité, lorsqu'il sera transmis à la préfecture ou à la sous-préfecture, avec la délibération l'approuvant. La « Loi Montagne » avait prévu qu'un décret devait définir en tant que de besoin les conditions d'application de cet article 42. Il n'est pas intervenu, alors que l'on peut penser que le besoin d'un contrat-type a dû se faire sentir souvent au cours des négociations entre partenaires. On pourrait faire la même remarque pour le protocole d'accord préalable à la conclusion de plusieurs contrats en cas de pluralité d'opérateurs.

Il apparaît que, contrairement à ce que l'on pouvait attendre, la passation des conventions n'a pas soulevé de difficultés et qu'aucun contentieux significatif n'est né de cette phase de la procédure. Il convient de noter, toutefois, que, si une bonne partie des collectivités territoriales a usé des délais prévus à l'article 47 modifié de la « Loi Montagne », c'est moins, semble-t-il, à cause des lenteurs des négociations qu'en raison du confort que présentait ce délai de quatre puis dix ans ainsi proposé à des partenaires peu désireux de remettre en cause un modus vivendi donnant satisfaction, même si ce délai ne pouvait être utilisé qu'à l'initiative de la collectivité territoriale.

En revanche, le contenu de ces conventions a soulevé un certain nombre de problèmes liés à la durée de la concession, notamment dans le cadre d'avenants. Cette durée doit être, selon la loi, modulée en fonction de la nature et de l'importance des investissements consentis par l'aménageur ou l'exploitant. La « Loi Montagne » institue deux durées maximales de 18 ans, ce qui paraît être le droit commun, et de 30 ans, ce qui devrait être exceptionnel. Seules, en effet, la durée de l'amortissement technique ou l'exécution d'équipements échelonnés dans le temps peuvent justifier un délai supérieur à 18 ans et ce délai ne peut être supérieur à 30 ans.

La loi « Sapin », certes contraignante, notamment pour les formalités de désignation du délégataire de service public, à l'expiration de la convention en cours, si celle-ci était la prorogation du contrat antérieur à la promulgation de la « Loi Montagne », l'est moins en ce qui concerne la prorogation des délais. Ses principales dispositions sont reprises à l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales. Il en résulte que si un contrat ne saurait être conclu pour une durée indéterminée, une délégation de service public peut être prolongée lorsque le délégataire est contraint, pour la bonne exécution du service public ou l'extension de son champ géographique et à la demande du délégant, de réaliser des investissements matériels non prévus au contrat initial, de nature à modifier l'économie générale de la délégation et qui ne pourraient être amortis pendant la durée de la convention restant à courir que par une augmentation de prix manifestement excessive. Cette prolongation n'est pas assortie de délais.

On peut toutefois concevoir qu'elle ait une fin, comme la convention de départ, encore que le Conseil Constitutionnel dans la décision n° 92316 du 20 janvier 1993, rendue précisément sur la « loi Sapin » a affirmé que, si le législateur a précisé que la durée de la concession ne devait pas excéder la durée normale d'amortissement du bien, il a laissé ainsi sous le contrôle du juge une marge d'appréciation suffisante aux collectivités concernées pour la négociation des contrats dans chaque cas d'espèce, eu égard à la multiplicité des modes de calcul d'amortissement ainsi qu'à la diversité et à la complexité des installations susceptibles d'être concernées. Dans le même esprit et dans la même décision, il a déclaré non conforme à la Constitution le fait que le législateur, en imposant par surcroît, en toutes circonstances, que ces prolongations ne puissent augmenter de plus d'un tiers la durée initialement prévue sans égard à la diversité et à la complexité des situations susceptibles d'être ainsi affectées, « a imposé sans justification appropriée une contrainte excessive qui est de nature à porter atteinte à la libre administration des collectivités locales ».

Dans les faits, les opérateurs concessionnaires sont ainsi sous l'effet de la « Loi Montagne » qui fixe des délais maximum et de la loi « Sapin » qui oblige en fin de concession à procéder à un nouvel appel à concurrence.

En outre, si la « Loi Montagne » n'écarte pas de prorogations de concession, celles-ci ne sauraient conduire à un conventionnement pour une durée supérieure à trente ans.

En revanche, le code général des collectivités territoriales, à partir de la loi « Sapin », autorise la prorogation d'une concession dans deux cas et ne fixe pas de délai. L'un d'eux, on l'a vu, concerne : la réalisation d'investissements matériels non prévus au contrat initial pour la bonne exécution du service public ou l'extension de son champ géographique. Mais si cet investissement est de nature à modifier l'économie générale de la délégation et qu'il ne peut être amorti pendant la durée de la convention restant à courir que par une augmentation de prix manifestement excessive, la collectivité concédante doit alors procéder à la passation d'un nouveau contrat.

Ainsi l'opérateur subit les effets contraignants des deux dispositions législatives.

Il n'en demeure pas moins que le contrôle de légalité qui constitue une étape importante dans le processus de conventionnement a encore accentué la complexité du maquis juridique dans lequel la rédaction des conventions s'aventure pour aboutir à des documents acceptables par le représentant de l'Etat. En effet, des disparités sont apparues d'un département à l'autre, d'un arrondissement à l'autre, cette dernière circonscription étant généralement le niveau reconnu pour le contrôle des actes des collectivités locales, les communes et leurs groupements. Même si aucun contentieux n'a été développé, parce que le contrôle de légalité a été exercé à titre préventif et que les actes litigieux ont été soit retirés, soit amendés, l'impression d'insécurité juridique plane sur les relations collectivités territoriales - représentant de l'Etat, moins sans doute sur les clauses initiales des conventions que sur leurs avenants.

B. L'ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE

L'aménagement touristique de la montagne repose sur la réalisation et la gestion d'un certain nombre d'équipements, parmi lesquels les remontées mécaniques tiennent une place majeure. On y associe très souvent les pistes, dont la préparation, l'entretien et la surveillance constituent une charge non négligeable. Enfin et depuis quelques années, les installations liées à la production de neige de culture connaissent une forte croissance. C'est essentiellement sur l'ensemble de ces dépenses liées à la pratique du ski, et surtout du ski alpin, que vont porter les commentaires qui suivent.

Ces commentaires ont pour but de déterminer, entre autres considérations, combien le contexte législatif et réglementaire né de la « Loi Montagne » et de la « loi Sapin » peut peser sur le niveau et la qualité des équipements proposés à la clientèle hivernale : ils ne concernent donc, parmi les conventions passées en application de la « Loi Montagne », que celles comportant une délégation de service public. Cette restriction ne signifie pas que les autres conventions ne soulèvent pas de difficulté de mise en oeuvre, mais simplement que ces difficultés ne tiennent pas à la coexistence des lois « Montagne » et « Sapin ».

La pratique du ski et, d'une manière générale, l'équipement de la montagne à des fins sportives engendre un besoin d'investissements qui fait que ce secteur d'activité est fortement capitalistique. L'instance d'évaluation, installée en avril 1995 à l'initiative du commissariat au plan, estime dans son rapport (Documentation française 4 ème trimestre 1999), en reprenant les chiffres cités par le Service d'études pour l'aménagement touristique de la montagne (SEATM) qu'il faut de l'ordre d'un million de francs (152.000 euros) d'investissements par emploi créé. Une autre étude conjointe du SEATM, du syndicat national des téléphériques de France (SNTF) et du Service technique des remontées mécaniques et transports guidés (STRMTG), actualisée en juillet 2000, indique que la valeur à neuf du parc français actuel peut être estimé à 27 milliards de francs (plus de 4 milliards d'euros) pour 3.000 téléskis, 700 télésièges et 300 autres téléportés. L'évolution du parc, en vue de l'amélioration du confort des skieurs et de l'augmentation du débit des engins, marquée par une forte diminution des téléskis, l'accroissement du nombre des télésièges à pinces fixes ou débrayables devrait conduire rapidement à une valeur globale de 33 milliards de francs (plus de 5 milliards d'euros).

De fait, le parc des remontées mécaniques se transforme mais, en même temps, il vieillit. Les changements de matériels ou leur adaptation ne compensent pas ce phénomène. L'étude conjointe déjà citée SEATM-SNTF-STRMTG révèle que l'âge moyen constaté était en 2000 de 25 ans pour les téléskis et de 15 ans pour les téléportés, et il semble bien que ces valeurs continuent de croître d'une demi-année tous les ans. Ces chiffres sont à rapprocher des durées des conventions prévues par la « Loi Montagne », soit 18 et 30 ans. S'ajoute à cela le fait que le développement du parc est intervenu dans les années 60-70. Les coûts de maintenance grandissent au fur et à mesure du vieillissement, la périodicité des grandes visites se resserre. Toujours d'après l'étude déjà citée, une grande visite pour un simple télésiège à attaches fixes représentait en 2000 un coût moyen compris entre 700 000 et 800 000 francs (107.000 et 122.000 euros).

En même temps que les opérateurs ont à faire face à cette obsolescence du matériel, la clientèle impose une course à l'équipement à laquelle il faut répondre, si l'on veut à la fois l'attirer et la fidéliser. La modernisation du parc paraît être une réponse pertinente : télésièges à attache débrayables plus que télésièges à attaches fixes (19 et 14 en 2001), télésièges 8 places ou 6 places plus qu'à 4 places (respectivement 3, 14 et 4 en 2001). Sur les 35 téléskis démontés en 2001, 3 ont été remplacés par des télésièges débrayables 6 places. Or, les nouveaux engins sont plus coûteux : 21 millions de francs pour un télésiège débrayable, 11,5 millions de francs pour un télésiège à attaches fixes.

A l'évolution du parc s'ajoute l'obligation pour les stations d'offrir à la clientèle hivernale une neige à la fois au rendez-vous et de qualité. D'où le développement spectaculaire et significatif des installations de neige de culture depuis 20 ans. Les investissements étaient estimés à 222 millions de francs en 2000, ils se sont élevés à 240 millions en 2001. Les réserves collinaires représentaient cette année-là 17 millions de francs. Les deux tableaux ci-après, également tirés du bilan des investissements dans le domaine skiable français en 2001 confirment les tendances indiquées.

A cela s'ajoute le coût de fabrication puis de préparation de la neige de culture estimé pour la campagne 2000-2001 à 5,56 Francs par mètre carré de neige prête à skier.

Ainsi, l'on peut estimer à 400 millions le coût annuel consacré à l'amélioration et à la présence de la neige en saison hivernale. Enfin, l'adaptation permanente des pistes (configuration, pente, obstacles latéraux) aux attentes de la clientèle nécessite des investissements croissants, notamment en ce qui concerne l'équilibre entre pistes faciles et difficiles, et la réduction des conséquences des chutes ou maladresses.

Ce qui peut apparaître comme une fuite en avant est, en réalité, une réponse nationale à une concurrence vive entre les destinations européennes de sports d'hiver. La France, première par le nombre de stations, de remontées mécaniques, le nombre de lits et de nuitées, et le chiffre d'affaires, voit sa clientèle nationale tentée par d'autres destinations proches (Suisse, Andorre, Italie, Autriche) et sa clientèle internationale sensible aux produits offerts par ces pays. Les opérateurs nationaux qu'inquiète cette concurrence, nourrie par la qualité des prestations offertes et aidée par les conditions d'intervention moins contraignantes que connaissent leurs homologues européens dans le domaine du tourisme hivernal et du tourisme de montagne tout court ne peuvent qu'aspirer au moins à un nivellement des législations et des réglementations. Il est, à cet égard assez difficile de connaître les régimes d'aides consenties et le dispositif juridique encadrant le statut des opérateurs. L'Union Européenne, certes, s'intéresse à ce problème. Il n'est pas sûr qu'à ce jour elle soit parvenue à cerner l'ensemble des instruments qu'utilisent ces états membres pour appliquer leur politique d'aménagement touristique.

D'où l'intérêt, pour nos opérateurs, que soient revues les règles de passation des conventions et surtout de leur renouvellement, que soient revues les règles d'intervention des avenants et que soient garanties les conditions de fin de concession. Si le texte de la « Loi Montagne » se montre clair et équitable, son application - puisqu'il n'a pas été possible encore de vérifier si elle était acceptable par eux, continue d'inquiéter. Au-delà du calcul du montant de l'indemnité, qu'un contentieux long et complexe dans bon nombre de cas viendra contrarier, ils peuvent s'interroger sur la capacité des collectivités territoriales à régler ces indemnités, le moment venu, et à honorer leurs engagements.

En s'intéressant aux opérateurs, on ne doit pas oublier également que les collectivités territoriales sont non seulement organisatrices mais aussi partenaires dans l'aménagement touristique de la montagne. Elles peuvent également redouter une mise en concurrence en fin de concession, qui pourrait les amener à changer de partenaires contre leur gré, après des années de collaboration, et, pour un grand nombre de stations, des années de succès dans leur politique d'aménagement touristique de la montagne et de développement économique. Les stations de sports d'hiver ne sont pas réductibles à leurs domaines skiables, et les collectivités territoriales sont de plus en plus sollicitées dans un grand nombre de domaines : espaces publics, hébergements touristiques, animation culturelle, transports urbains.

Le positionnement de l'offre touristique d'une station dans la concurrence très vive, notamment internationale, résulte de la combinaison d'éléments (domaine skiable, hébergements, services et commerces) ne dépendant pas tous de la collectivité, et la qualité de chaque élément (comme l'accueil) est rarement normalisable comme peut l'être celle de l'eau distribuée par un réseau public ou la régularité de la tension d'un réseau électrique. La satisfaction globale du client passe donc par une grande efficacité d'un système de « gouvernance » où tous les acteurs ont contact avec la clientèle, dans lequel la commune doit s'impliquer fortement, et qui nécessite de lui conserver les plus grandes marges de manoeuvre notamment dans la délégation de la gestion des remontées mécaniques ou des domaines skiables : elle doit pouvoir tout aussi bien se séparer d'un exploitant qui n'adhèrerait pas à un projet global de station que poursuivre son partenariat avec un exploitant qui se révèlerait un puissant moteur d'un tel projet.

Le contexte législatif dans lequel le conventionnement en matière d'aménagement touristique, et essentiellement d'ailleurs celui portant sur les remontées mécaniques, est appliqué, s'avère indiscutablement pénalisant. La situation française est à de nombreux égards plus contraignante que celle de la Suisse, celle d'Andorre, nos voisins immédiats et premiers concurrents, et même des autres pays de l'Union Européenne, en dépit d'une tendance à l'harmonisation des procédures des marchés publics.

C. MODIFICATION DE LA LOI OU INTERPRÉTATION DE LA LOI

Objectivement, ces deux lois peuvent être considérées comme des lois majeures, auxquelles le législateur hésitera à apporter des modifications sauf nécessités graves ou des amendements mineurs. Cela est indiscutable pour la loi « Sapin » dont l'intitulé, déjà, révèle l'extrême sensibilité du domaine qu'elle régit. Certes, née avec et liée à l'actualité, elle servira longtemps de référence. En outre, son intégration dans le code général des collectivités territoriales lui donne une assise plus forte encore. La « Loi Montagne » ne participe pas à cette valeur moralisatrice. C'est une loi d'aménagement, qui consacre toute la place de la montagne dans le patrimoine de notre pays, elle est placée d'ailleurs sous le signe de la « solidarité de la Nation ». Les dispositions sur le conventionnement ne sont évidemment pas l'élément central du document législatif.

Mais, c'est une loi qui a prévu des domaines particuliers qu'elle entend réglementer spécialement. C'est une « lex specialis ». Ainsi, pourrait-on considérer que la loi « Sapin », dans le domaine du conventionnement, même si elle s'y applique, ne peut venir la contrarier dans ce qu'elle a d'original : les durées des conventions, suivant le principe que « ce qui est spécial déroge à ce qui est général ».

Une modification de l'article 42 est donc souhaitable, au moins pour le mettre en harmonie avec la loi « Sapin », en écartant la disposition relative à la durée des contrats, ou au moins celle de la durée maximale des trente ans qui verrouille toute possibilité de prorogation par avenant. Car, aujourd'hui, tout opérateur n'est pas incité à envisager un investissement dans les quinze ou dix dernières années de vie de sa convention. L'abrogation de ces durées aurait un autre mérite, celui de faciliter l'harmonisation sur un même domaine skiable, des dates de début et surtout de fin des conventions passées par les collectivités organisatrices et les opérateurs.

On peut aussi s'interroger sur la portée à la fois politique et juridique de la décision du Conseil Constitutionnel de 20 janvier 1993 appréciant les dispositions de la loi « Sapin » en regard des libertés locales. Cette considération ne dépasse-t-elle pas la hiérarchie que l'on peut concevoir entre les lois générales et les lois spéciales ?

Une autre solution mériterait d'être explorée. Son processus de mise en oeuvre est plus aisé à concevoir et à concrétiser. C'est l'avis du Conseil d'Etat. On objectera que ce n'est pas le premier sur ce sujet puisque la Haute Juridiction avait déjà considéré le 2 septembre 1986 « qu'en cas de prorogation du contrat avec ou sans modification, la durée maximale de dix huit ans, ou le cas échéant de trente ans, s'applique à nouveau à compter de cette prorogation ». Cet avis ne semble pas avoir été respecté en l'espèce.

Si, depuis, a été votée la loi « Sapin », celle-ci n'aurait pu que conforter la position du Conseil d'Etat, ou au moins ne pas en altérer la portée puisque, pour les délégations de services publics, elle proportionne la durée des concessions à celle de l'amortissement des investissements.

Il convient d'ajouter que dans un avis d'Assemblée du 9 janvier 1995, le Conseil d'Etat a précisé que la procédure de publicité et de mise en concurrence prévue par la loi « Sapin » a vocation à s'appliquer à l'ensemble des services publics qui font l'objet d'une délégation par la voie du contrat. Les remontées mécaniques sont un service public (arrêt commune d'Huez, 23 janvier 1959).

L'hésitation ou plutôt l'interrogation ministérielles n'ont pas échappé ni aux élus ni aux opérateurs. Des courriers ministériels, des réponses aux questions de parlementaires confirment ce sentiment. Il conviendrait d'y mettre un terme.

Aussi, semble-t-il, l'idée d'une consultation du Conseil d'Etat fait à nouveau son chemin. C'est ainsi qu'il faut analyser une correspondance du directeur du cabinet du ministre de l'équipement, des transports et du logement au président d'une association de maires du temps de l'ancien gouvernement.

Le changement de gouvernement, semble-t-il, ne paraîtrait pas avoir entraîner de modifications dans les bonnes dispositions de l'administration centrale. Il est donc opportun de veiller à ce qu'elle demeure.

Au-delà de ces considérations juridiques dont l'importance est capitale, et qui impose une clarification du dispositif juridique car la situation présente entraînera un contentieux lourd, même s'il est diffus, d'autres observations méritent d'être faites.

D. AUTRES DISPOSITIONS

Il est indispensable en premier lieu que l'ensemble des partenaires ait une connaissance précise et actualisée de l'état des conventionnements, des difficultés rencontrées dans leur élaboration, leur sanction au niveau du contrôle de légalité, leur contentieux éventuel et les aléas de leur application. La constitution d'un observatoire dont la composition serait calquée sur celle des groupes de travail qui réfléchissent notamment dans le cadre de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales. Les préfets auraient l'obligation de transmettre à cet observatoire les conventions reçues et de l'informer des suites données, y compris contentieuses. Au fur et à mesure que se présenteront des dossiers de fin de contrat, avec leurs implications financières, l'attention de cet observatoire devra se porter sur les capacités budgétaires des collectivités à en supporter le cas échéant les conséquences.

La variété des conventions ? dans leur forme comme dans leur contenu, n'est pas toujours un signe de rigueur. Elle peut cacher parfois une incapacité compréhensible des collectivités territoriales disposent de faibles moyens en personnel. D'où la nécessité, souvent exprimée d'ailleurs par le SEATM, de rédiger une sorte de vade-mecum rationalisant les formules. Cette sorte de guide pratique aurait une valeur pédagogique essentielle qui pourrait éclairer à la fois élus et opérateurs dès la phase des premières négociations.

Enfin il est à prévoir, si l'on se réfère aux premières difficultés nées de fins de conventions, y compris en cas de déchéance ou de résiliation que des contentieux naîtront de l'interprétation et de l'application des clauses prévues aux contrats. Même si la rédaction de ceux-ci présente a priori toutes les qualités de clarté. La création d'une instance de médiation au niveau régional s'avèrerait utile pour tenter de suggérer des solutions amiables. Elle éviterait ainsi des procès coûteux engendrant des délais et souvent traumatisants pour les partenaires. Cette instance pourrait intervenir dans une procédure exploratoire quelques années avant la fin de la concession pour déterminer les éléments de référence qui seraient retenus lorsque le contrat arrive à son terme. L'échelon choisi aurait le mérite d'inciter le Conseil régional à ne pas se désolidariser des conséquences de la succession d'évènements que la fin des concessions, intervenant vraisemblablement au même moment, peut transformer en éléments majeurs de nature à remettre en cause l'économie de nombreuses collectivités ou à leur assurer un nouvel essor.

* 125 Le texte de la loi utilise le mot « contrôle », mais, dès les premiers alinéas de l'article 42, il apparaît que la compétence de la commune (ou de l'EPIC) est bien celle d'une autorité organisatrice.

* 126 Ces dispositions soulèvent quelques difficultés d'application, par exemple quand le domaine skiable piloté par une commune empiète si peu que ce soit sur le territoire d'une autre commune, plusieurs services de l'Etat estimant que la compétence d'autorité organisatrice du tourisme de la seconde commune ne peut pas être déléguée à la première.

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