ANNEXE III -

CONTRIBUTIONS DES CHAMBRES DE MÉTIERS

La présente contribution reprend l'essentiel des informations et des propositions des chambres de métiers, dont la Mission sénatoriale aura entendu un certain nombre de représentants au cours de ses déplacements dans les différents massifs. C'est cette origine « terrain » qui fait la valeur et authentifie cette contribution, dont les chambres de métiers se tiennent prêtes à débattre pour les préciser et les approfondir. S'il est vrai en effet que des mesures spécifiques à l'artisanat de montagne sont souhaitées, leur mise au point suppose un vrai dialogue avec l'ensemble des parties concernées.

1. Existe-t-il des données permettant d'élaborer un bilan statistique de l'artisanat en zone de montagne avec, par exemple, l'évolution du nombre d'entreprises depuis 5 ans, une décomposition par filières, et une mesure de l'effet sur le tissu économique et démographique local des créations ou des disparitions d'entreprises ?

Quel diagnostic général se dégage : déclin, renouveau, atouts à valoriser ?

Réponse :

À notre connaissance, il n'existe pas de bilan statistique de l'artisanat en zone de montagne, c'est-à-dire couvrant la totalité des massifs et l'intégralité de ceux-ci. Aucun système global d'observation n'a été mis en place, notamment par l'INSEE, malgré des tentatives remontant aux années 1980-1985, sur l'initiative de l'APCM. Des statistiques antérieures, datant de la période 1975-1976, n'étaient pas plus exhaustives, puisque les données relatives à l'artisanat de plusieurs départements n'y étaient pas intégrées.

Il n'existe pas non plus de séries statistiques continues sur l'artisanat par massif.

Cette constatation doit être nuancée pour tenir compte de situations départementales particulières. En effet, dans les départements dont la totalité du territoire est classé en zone de montagne, les chambres de métiers disposent ou pourraient disposer, à travers le répertoire des métiers qu'elles tiennent, de sources permettant une connaissance précise des évolutions de l'artisanat sur de longues périodes. Pour les chambres de métiers dont seule une partie du territoire est en zone de montagne, l'exploitation du répertoire est également possible sous réserve d'un tri préalable. Mais cette exploitation suppose et des moyens, et l'existence d'un enjeu qui les justifie, et le croisement avec les données statistiques détenues par l'INSEE (voir ci-dessous, réponse à la 1 ère question in fine). Il faut bien entendu qu'un cadre d'études commun à l'ensemble des chambres de métiers ait été défini au préalable.

Si l'absence d'un bilan statistique de l'artisanat empêche de délivrer un diagnostic général appuyé sur des chiffres, un certain nombre de constats sont cependant permis :

La zone de montagne n'est pas homogène, ni d'un massif à l'autre, ni au sein d'un même massif et les conditions du développement économique sont extrêmement diverses.

La moyenne montagne est souvent encore en déclin, alors que la haute montagne connaît, grâce aux deux saisons touristiques, été et d'hiver, un essor indéniable.

Le massif pyrénéen, avec ses vallées nord-sud, « qui ne communiquent pas entre elles » montre « un patchwork de situations cantonales diversifié, allant du grand tourisme confirmé, aux sites industriels en difficulté en passant par des zones agricoles en crise. Cette diversité rend une interprétation générale délicate ».

Témoignages de chambres de métiers :

- Chambre de métiers de Haute-Savoie :

Ce que l'on peut indiquer c'est, à l'heure actuelle :

- une stabilité dans la production avec un « ticket d'entrée » de plus en plus élevé dans la création d'entreprises dans le secteur très stratégique du décolletage,

- un pourcentage d'entreprises du secteur alimentaire anormalement bas par rapport aux potentialités démographiques et touristiques de Haute-Savoie. Il s'agit d'un secteur à valoriser. La chambre de métiers de Haute-Savoie a signé une convention avec la Région pour un appui technique des métiers de bouche puisque l'on constate un certain déclin de certains métiers comme les bouchers sur des zones rurales et de montagne peu touristiques,

- un secteur du Bâtiment, très actif en zone de plaine mais également en zone de montagne, en rénovation et en neuf, un secteur des services en progression constante en raison d'un fort dynamisme démographique,

- la chambre de métiers de Haute-Savoie est conduite, au regard de la situation dégradée des métiers artisanaux de l'alimentaire, à préconiser des mesures spécifiques en matière d'équipement commercial.

- Chambre de métiers d'Isère Grenoble :

« La mesure de l'effet sur le tissu économique et démographique local des créations ou des disparitions d'entreprises ne peut être réalisée que par des études qualitatives par territoire difficiles à réaliser en raison du manque de financements disponibles.

Dans le cadre d'un contrat de développement Rhône Alpes l'Oisans a fait l'objet d'une étude de ce type réalisée en commun par la chambre de métiers, la CCI et l'agence d'urbanisme de la région grenobloise. »

- Chambre régionale de métiers Languedoc-Roussillon :

« L'Artisanat est resté pauvre en statistiques économiques démontrant à la fois la poursuite d'un déclin des zones dévitalisées, mais également une « reconquête » non seulement d'habitants saisonniers, mais permanents. Certes les artisans de service sont souvent âgés, mais de nouvelles entreprises, dont le marché n'est souvent pas local - et qui ont besoin de moyens rapides de transmission - sont également en cours d'installation.

- Chambres de métiers de l'Ain, du Doubs et du Jura :

Ces trois chambres ont travaillé à l'élaboration d'un état des lieux de l'artisanat du massif du Jura en novembre 2000, qui en présente l'évolution sur trois ans.

Parmi les conclusions :

§ Un secteur des entreprises de production bien représenté (30,1%) contre 18,6% en France, exerçant principalement dans les métiers de la mécanique, de la plasturgie et du bois,

§ Un vieillissement des chefs d'entreprises du Massif plus particulièrement dans la production (âge moyen approchant 47 ans)

§ Des menaces sur le maintien des entreprises dans le secteur de l'alimentation. Si des financements ont été obtenus dans les années 1990/1995, en particulier pour réaliser des études statistiques et des actions de communication en faveur des entreprises des secteurs clés pour l'économie locale (lunetterie, plasturgie, tournerie, tabletterie dans l'Ain), il n'en demeure pas moins vrai que ces entreprises restent très fragilisées lors des hausses de coût de revient (en 2001, le passage aux 35 heures) et de changements de stratégie de leurs donneurs d'ordres (délocalisation). La diminution des actifs des entreprises de production mettant à son tour en péril le maintien d'autres activités artisanales dans les domaines des services et de l'alimentation.

La chambre de métiers de l'Ain souligne également la grande difficulté à trouver des repreneurs dans la partie « Montagne du département ».

Ce constat souligne que l'artisanat en montagne ne se réduit pas au secteur des services, mais est créateur de richesses et d'emplois dans le secteur de la production, dans le Jura comme en Haute-Savoie. De même, dans une branche particulière de la production, l'artisanat d'art, il contribue au développement du tourisme en ajoutant à l'attractivité d'un territoire. Ce sera particulièrement vrai dans les Alpes du Sud.

Proposition : création d'un observatoire économique :

La chambre de métiers de Haute-Savoie conduit actuellement une expérience remarquable

Un observatoire Économique est en cours de réalisation, il intègrera à terme OLIA, un logiciel de cartographie en lien avec Business Object et des outils d'analyse décisionnelle et d'enquête (MODALISA). OLIA, Outil de Localisation et d'Implantation de l'Artisanat est un logiciel développé par le réseau des chambres de métiers.

L'observation économique a un coût et suppose une implication de l'INSEE.

2. Les observations de terrain montrent qu'à l'évidence, le commerce et l'artisanat de montagne subissent des surcoûts économiques, fiscaux et sociaux : surcoûts de chauffage, de transport, impossibilité en zone dépeuplée de louer du matériel et donc surcoût en termes d'outillage ou d'équipement, etc. Peut-on chiffrer ces handicaps et quels dispositifs permettent aujourd'hui de les compenser  ?

Réponse :

- Chambre de métiers de l'Isère - Grenoble :

o « Le chiffrage de ces handicaps peut se faire par une évaluation du nombre d'heures perdues par grande famille d'activité multipliées par un prix horaire.

o Ce travail devrait être réalisé par saison (surtout pour l'hiver).

o D'autre part les surcoûts pour des postes tels que l'achat ou la location de matériels peuvent aussi être évalués par saison et par grande famille professionnelle.

N'oubliez pas la difficulté de trouver du personnel saisonnier dans les zones à forte fréquentation touristique. » (voir ci-dessous III.2 logements sociaux).

- Chambre de métiers des Hautes-Alpes :

« Les surcoûts sont évidents, mais difficiles à quantifier. Ne pourrait-on pas demander à la Fédération des centres de gestion une étude comparative sur des entreprises installées en montagne ? »

- Chambre de métiers des Alpes de Haute Provence :

« Il est clair que l'activité en montagne génère des surcoûts que n'ont pas les entreprises en milieu urbain. Les déplacements sont importants ; selon les lieux, l'activité est impossible à certains moments de l'année. Cette remarque pourrait être approfondie par un travail de comparaison entre les comptes de résultats et les bilans d'entreprises situées en zone urbaine et en zone de montagne.

- Chambre de métiers de Haute-Savoie :

« Impossible en l'état actuel de chiffrer ces handicaps réels. Un constat cependant : le coût de la vie en Haute-Savoie mais plus particulièrement dans les zones de montagne à forte attractivité touristiques »

- Chambre de métiers de Haute-Loire :

« Nous ne disposons pas d'éléments chiffrés sur les handicaps (surcoût de transport, équipement, etc....). Toutefois, il serait opportun de mettre en place des dispositifs spécifiques d'exonération fiscale »(pour compenser ces surcoûts).

- Chambre régionale de métiers du Languedoc-Roussillon :

La notion de surcoût d'exploitation est illustrée par de nombreux exemples dus à l'éloignement, à la dispersion de population, aux conditions climatiques....

3. Vue synthétique des aides financières et des mesures de simplification au bénéfice des artisans de montagne. Quelles mesures ont été prises par l'État et les collectivités locales depuis 1985 en faveur des commerçants et des artisans installés en zone de montagne ?

Réponse :

- Chambre de métiers de Haute-Loire :

« Les aides financières et les mesures de simplification mises en oeuvre ne semblent pas particulièrement performantes et ne sont jamais citées ou reconnues comme des mesures entrant dans une stratégie de maintien d'activité en zone de montagne ».

- Chambre régionale de métiers du Languedoc-Roussillon :

Les dispositifs spécifiques n'existent pas : il n'y a jamais eu de « loi Montagne Artisanat », peut être par manque de propositions concertées, mais les volets « montagne » des Contrats de Plan ont permis d'abonder les enveloppes des mesures collectives au profit des artisans d'arrière pays (mesures souvent étendues, de façon plus large, aux zones rurales en difficulté). Aides financières et mesures de simplification n'existent pas en tant que telles, mais les entreprises bénéficient d'aides directes à l'installation (CIFA), au développement (Plan de développement...) ou à l'action collective »

- Chambre de métiers des Alpes de Haute Provence :

Les aides qui existent ne sont pas spécifiques. Il s'agit du FODAM (Fonds d'aide à la modernisation, financement Europe et Département, maintien du service de proximité dans les communes de moins de 2000 habitants) et de la sous-mesure 3.2.4 du programme Européen Objectif 2.

4. Sur la nécessité de maintenir des services de proximité, qualifiés « d'intérêt général » par la loi Montagne, dans les zones menacées de dépeuplement. Peut-on chiffrer les besoins, quelles sont les mesures prises dans ce domaine ainsi que les réflexions en cours sur la base d'observations étrangères ou d'expériences réussies ?

Réponse :

S'il est possible, le chiffrage des besoins reste à faire sur la base d'analyses statistiques fines, délimitant les zones menacées de dépeuplement.

Plusieurs départements ont institué des dispositifs d'appui au maintien ou à la réimplantation de services d'intérêt général (services de première nécessité, -alimentation, mécanique automobile, dépannage, soins à la personne..), sous certaines conditions : taille de la commune, absence de l'initiative privée, absence de concurrence directe dans la commune ou la zone considérée, consultation des professionnels effectuant des tournées etc..

Cet interventionnisme repose sur le constat que l'existence (ou la réapparition) d'un marché solvable ne suffit pas à elle seule à entraîner automatiquement la réinstallation de services disparus et le retour d'artisans et commerçants pour les assurer. Le département des Hautes-Alpes, notamment, a mis en place un dispositif efficace, le FODAM (fonds départemental d'aide à la modernisation), dont la mise en oeuvre se fait en concertation avec les chambres de métiers et les organisations professionnelles intéressées.

Cette aide avait été également mise en place par le Conseil général des Alpes de Haute- Provence, pour favoriser l'installation de commerce multi-services en milieu rural dans les communes de moins de 500 habitants où l'initiative privée faisait défaut. Il s'agissait d'une aide à l'investissement et d'une aide au fonctionnement. Cette aide a permis l'implantation d'épiceries sur de toutes petites communes.

Proposition de la chambre de métiers des Alpes de Haute Provence : un FODAM spécial zone de montagne ou encore une fiscalité différente pour les artisans de ces zones (ex : tauX de TVA réduits).

Voir note transmise par la chambre de métiers des Hautes-Alpes.

5. Quel est votre bilan du dispositif applicable à la pluriactivité et aux groupements d'employeurs ? Quelles sont les perspectives ?

Réponses :

I. La présence de la pluriactivité va s'étendre sur tout le territoire :

La vitalité de cette forme d'emploi a été mise en évidence à travers de nombreuses études locales et nationales, ces dernières années :

- présence de la pluriactivité sur tout le territoire ;

- faiblesse relative de la pluriactivité agricole comparée aux autres secteurs. Près des 2/3 des pluriactifs n'ont aucun revenu agricole ;

- plus de 86% des pluriactifs associent salariat et non salariat ;

En montagne, dans le département de la Savoie, par exemple, le pourcentage de pluriactifs est plus fort que dans l'ensemble de la France :

- 40 % des agriculteurs

- 27 % des commerçants et artisans

- 49 % des professions libérales s'y déclarant pluriactifs.

Deux facteurs principaux sont venus accompagner cette montée en puissance de la pluriactivité :

- L'attitude des individus face au travail a considérablement évolué ces dernières années.

- L'attitude de la FNSEA et de l'APCA qui n'appellent plus à bloquer toutes les mesures favorables à la pluriactivité.

L'APCA écrit en mai 2000  : « la pluriactivité doit coexister en totale harmonie avec les acteurs du monde rural. L'ensemble des professions rurales doit être soumis à un principe commun : mêmes droits, mêmes devoirs » (Pour une simplification de la pluriactivité en agriculture - Chambre d'agriculture - n° 888- Mai 2000)

II - L'imbroglio actuel des régimes sociaux :

A) Il est nécessaire d'organiser une information simple des pluriactifs pour leur permettre de se situer dans leur environnement administratif très complexe.

L'expérience de « permanences conjointes des différentes caisses » organisées localement dans les zones de forte pluriactivité devrait être multipliée et très largement améliorée.

Les expériences de guichet unique sont peu nombreuses, et semblent n'avoir été tentées qu'en Savoie et dans les Hautes-Alpes, et encore dans ce département, très récemment.

- Chambre de métiers de Savoie : «  La Savoie a mis en place un guichet unique, et ce, dès 1985. Les organismes de protection sociale des trois principaux régimes uniquement y sont représentés sans moyens financiers spécifiques . Ces permanences mensuelles conjointes sont essentiellement fréquentées par les assurés qui préparent la liquidation de leurs droits à la retraite.

Le guichet unique est très peu utilisé par les pluriactifs en activité , car mal connu et peu adapté aux réalités professionnelles (horaires, périodicité et localisation inadéquats, absence de confidentialité des propos tenus).

Contrairement aux voeux exprimés par les intéressés lors des travaux inter-consulaires sur la pluriactivité, réalisés en Savoie de 1987 à 1991, les administrations ( DDTE, services fiscaux) n'y sont pas présentes. L'accessibilité égale pour tous les citoyens aux administrations sur l'ensemble du territoire préconisée par la loi Montagne n'est toujours pas d'actualité ».

B) Certes, un progrès notable : La Caisse Unique de protection sociale pour les pluriactifs non-salariés :

La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 a fait faire un énorme progrès à l'assuré qui exerce deux activités professionnelles non salariés (l'une relevant du régime agricole, l'autre du régime non-agricole).

Cet assuré est affilié au régime de l'activité principale , pour une durée de 3 ans renouvelable. Son activité principale est déterminée en fonction de ses revenus et du temps passé dans chaque activité.

C) Mais, peu de choses sont faites pour un assuré qui exerce une activité salariée se conjuguant avec une activité non-salariée, (alors que 86 % des pluriactifs associent salariat et non salariat).

1 - Détermination de l'activité principale :

Le seuil des 1 200 heures nécessaire, outre la condition cumulative de revenus salariés au moins égaux à ceux tirés de l'activité non salariée, souvent dénoncé par les assurés, est encore plus exorbitant aujourd'hui en regard du récent abaissement de l'horaire légal de travail.C'était pour une semaine de 40 heures, l'équivalent de 7 mois de travail à plein temps. Il y aurait lieu de ramener les heures nécessaires à un chiffre plus raisonnable : l'équivalent de 5 mois à plein temps serait plus adapté.

2 - Évolution de la réglementation au niveau des cotisations sociales des pluriactifs :

Concernant l'échec de la mise en place de caisses pivot, au profit des pluriactifs qui exercent une activité salariée en parallèle avec une activité non-salariée, deux conclusions s'imposent :

- la résistance des caisses de protection sociale qui éprouvent bien des difficultés à communiquer entre elles.

- la réforme envisagée ne réglait pas les problèmes posés par la détermination de l'activité principale.

Il faut en conséquence, et quel que soit le poids des « corporatismes » des caisses de protection sociale, avancer sur une harmonisation des prestations, quel que soit le régime de protection sociale, salarié ou non salarié.

3 - Conditions d'accès et d'exercice de l'activité :

a) Les artisans souhaitent obtenir les mêmes taux bancaires que les agriculteurs et le respect, par les agriculteurs, des mêmes normes techniques et d'hygiène qui leur sont imposées.

b) Professions du bois : il est souhaitable de mettre de l'ordre dans l'immatriculation des professions forestières et du bois. Ainsi, souligne en particulier la chambre de métiers de Haute-Vienne, les scieurs sont immatriculés au répertoire de métiers, les débardeurs à la Mutualité sociale agricole (MSA), de même que les bûcherons, les exploitants forestiers au registre du commerce.

En zone de montagne, il semble que le bilan du dispositif soit mitigé pour les entreprises artisanales du moins, alors qu'il avait fait naître des espoirs forts. Cela tient à ce que les entreprises qui adhèrent effectivement aux groupements sont bien moins nombreuses que celles qui ont manifesté en amont un intérêt pour ce type de structure. Cela tient à la rareté de la main- d'oeuvre qualifiée, au faible nombre d'entreprises utilisatrices, au total et par type d'activité, à la diversité des métiers susceptibles d'être exercés. La formule du groupement d'employeurs n'a pas obtenu le succès escompté, du moins dans les zones de montagne.

Chambre de métiers des Alpes de Haute Provence : « les groupements d'employeurs existent sur ces zones. Ils pourraient avec une information différente solutionner quelques problèmes de main d'oeuvre dans les entreprises artisanales ».

5. Quelles sont les mesures prises et les réflexions conduites en matière d'amélioration du statut des femmes ou de conjoint collaborateur et d'application des 35 heures ?

Les chambres de métiers de montagne n'ont fait part d'avancées spécifiques sur ces sujets. On relèvera cependant que les 35 heures, en zone de montagne à vocation touristique en particulier, sont irréalistes ou constitueraient un handicap important en pleine saison. Le témoignage cité plus haut des chambres de métiers du massif du Jura soulignait les surcoûts provoqués par les 35 heures dans les entreprises de production, dont le marché est tributaire de cours mondiaux.

III - Pistes et propositions présentées par les chambres de métiers

Outre un certain nombre de propositions exposées ci-dessus, il convient de présenter une série de remarques et de pistes qui mériteraient d'être explorées pour déboucher sur des mesures à prendre dans l'intérêt des territoires de montagne.

1. Pression foncière : les chambres de métiers soulignent l'impact d'une forte fréquentation touristique et notamment d'une forte demande de résidences secondaires sur les valeurs foncières. « Sans constitution de réserve de terrains, les entreprises auront beaucoup de difficultés à se créer et à se développer »

2. Logements sociaux : les chambres de métiers soulignent la rareté ou l'insuffisance des logements sociaux, qui fait obstacle à l'embauche de salariés et d'apprentis. Ce phénomène n'est pas propre à la haute montagne et aux stations de sport d'hiver, mais touche aussi la moyenne montagne. La chambre de métiers de Vaucluse par exemple le signale.

3. Zone économique de montagne : considérant que la montagne n'est pas un territoire homogène, pas plus que le rural ou la ville, des chambres de métiers avancent l'idée de zone économique de montagne , qui constituerait le champ d'application de mesures spécifiques favorisant le maintien, la création-reprise et le développement des entreprises. Un certain nombre de paramètres permettrait de la définir.

La nature et la portée des dispositifs juridiques, fiscaux, sociaux, financiers devrait l'objet d'une approche attentive, à mi-chemin entre les régimes de droit commun et les dispositifs envisagés pour les zones les plus dégradées, appelées à être constituées en zones franches rurales de montagne.

4. Zone franche rurale montagne : des chambres de métiers du Massif central (Lozère, Cantal...) proposent d'instituer des zones franches rurales, à l'instar des zones franches urbaines

a) Des paramètres permettraient de la définir :

Réunir au moins deux des trois critères ci-après :

- cumul des soldes naturels et migratoires négatifs,

- et/ou diminution de la population d'au moins 5% entre les derniers recensements,

- et/ou densité inférieure à 30 habitants au km²

- et potentiel fiscal inférieur à 200 euros/habitant.

b) La zone franche rurale montagne comporterait un « arsenal » juridique, financier, fiscal, social dérogatoire permettant le maintien de la population et renforçant l'attractivité de la zone (Chambre de métiers de la Lozère)

- Mesures d'ordre juridique :

o Régime spécifique de la transmission du patrimoine professionnel.

o Reconnaissance de la notion de moyenne montagne.

o Refonte des critères d'éligibilité à la P.A.T, dont le périmètre d'application a des incidences sur les entreprises artisanales.

- Mesures fiscales : le dispositif, d'une durée de 5 ans comporterait

o L'exonération d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises existantes, transmises ou créées dans ces zones,

o L'exonération de plein droit de taxe professionnelle pour les entreprises transmises ou créées dans ces zones,

o L'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour l'immobilier professionnel,

o Un crédit d'impôt pour investissements

o La réduction de la TVA sur les activités de main d'oeuvre.

o La généralisation de l'amortissement dégressif

o La détaxation des carburants professionnels

o Une mesure spécifique en matière d'impôt sur le revenu pour tout nouvel arrivant.

- Mesures sociales :

o Allégement des charges sociales afin d'en affecter l'équivalent à une augmentation des salaires

o L'exonération des cotisations patronales du 1 er au 50 ème salarié sur la fraction de rémunération inférieure ou égale à 1,5 SMIC pour les entreprises artisanales, industrielles et commerciales, y compris les professions libérales, de 50 salariés au plus.

o Baisse globale des prélèvements grâce à une collecte en guichet unique à compétence globale

o Reconnaissance du rôle de formateur des tuteurs en entreprises

o Assouplissement des 35 heures.

- Mesures financières :

o Dotation jeune entreprise artisanale pour faciliter la création et la reprise

o Bonification d'intérêts, notamment pour investissement de contrainte, mise aux normes etc....

o Mise en place au plan départemental ou de pays de plates-formes d'initiative artisanale accordant des avances remboursables sans intérêts.

5. Contrats territoriaux artisanaux de service (Chambre de métiers du Cantal)

L'artisanat en milieu rural doit assurer les services de proximité nécessaires à la population. Dans les situations où le marché n'assurerait pas à lui seul la juste rémunération de l'artisan, il conviendrait d'inscrire le champ de ses prestations dans un contrat territorial artisanal de service.

a) Objectif du contrat territorial artisanal de service :

- assurer la présence d'un artisan dans chaque commune,

- garantir un service de proximité

- créer un maillage territorial d'entreprises.

b) Contenu du contrat :

- assurer à l'artisan ou à son conjoint un travail rémunéré non artisanal, complémentaire à son activité artisanale, lui procurant un complément de revenu. Exemple d'activités : ramassage scolaire, portage des repas à domicile, entretien du patrimoine, environnement, accompagnateur-guide pêche en montagne, garderie d'enfants.

- La mise en place d'un tel contrat, organisation d'une forme de pluriactivité, favoriserait la transmission d'entreprises difficilement viables avec la seule activité exercée par le cédant et d'attirer des candidats à la création-reprise d'entreprise.

6. Moyens d'action des chambres de métiers de montagne : une dotation « animation économique » renforcée pour financer les surcoûts.

Les chambres de métiers conduites à assumer leur mission d'appui à la création-reprise d'entreprise, d'accompagnement du créateur-repreneur, à participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des projets de développement économique, sont tenues de rapprocher leurs services de l'artisan. Les déplacements, générant des surcoûts matériels et salariaux, la tenue de permanences décentralisées, la création d'antennes font peser sur les chambres de métiers de montagne des surcoûts importants, qui devraient trouver des compensations dans des financements exorbitants des règles habituelles.

Chambre de métiers du Jura : « le coût journalier de l'agent, dans le cadre de la dotation « animation économique de la DECAS titre I doit être relevé pour les départements situés en zone de montagne ».

*

* *

En conclusion, c'est en raison de l'interdépendance qui unit les différents acteurs de la vie économique, en montagne plus encore que partout ailleurs, que les que les chambres de métiers proposent des mesures spécifiques ou dérogatoires pour les artisans de la montagne ou pour certaines zones particulièrement défavorisées, menacées de dépeuplement, des massifs.

De telles mesures méritent d'être analysées en partenariat avec l'ensemble des acteurs. Elles n'ont leur justification que dans les écarts qui caractérisent ces zones par rapport au territoire national ; elles ont vocation à être temporaires, à faire l'objet d'évaluations d'impact. Pour autant, lorsqu'un développement endogène apparaît impossible, la solidarité nationale doit jouer.

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