III. RENFORCER LA POLITIQUE DE PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS

Les risques naturels sont beaucoup plus fréquents en zone montagnarde que sur la moyenne du territoire national. Près des trois quarts des communes de montagne sont soumis à un au moins des risques inondations, séismes, mouvements de terrain, avalanches ou feux de forêts, contre une commune sur deux à l'échelle nationale. Dans les Alpes, un quart des communes en cumule au moins quatre.

Ainsi, le bilan des avalanches établi pour 2001 -année considérée comme relativement clémente- s'établit comme suit :

Départements

Nombre

de couloirs suivis

Nombre d'avalanches observées

74

668

52

73

1 114

223

38

653

89

05

854

269

04

150

83

06

229

99

66

35

0

09

78

40

31

86

5

65

193

2

64

78

28

Total

4 138

890

Source : Rapport RTM 2001

Le nombre de morts, qui s'établit à 28, est légèrement en dessous de la moyenne des 30 dernières années, alors que la fréquentation de la montagne est en augmentation.

A signaler d'autre part qu'aucune victime n'est à déplorer dans les zones où le public s'estime sécurisé (habitations, routes, pistes de ski ...).

Pour les autres risques, 253 événements ont été recensés : 167 pour les Alpes du Nord, 80 pour les Alpes du Sud et 6 pour les Pyrénées. Il s'agit principalement de glissements de terrain (103), mais aussi de crues torrentielles (65) et d'instabilités rocheuses.

D'où l'importance stratégique de mener une politique de protection efficace mais également de prévenir les conséquences de ces phénomènes naturels.

A. POUR UNE RÉNOVATION DE LA POLITIQUE DE RESTAURATION DES TERRAINS EN MONTAGNE (RTM)

1. L'importance historique du service RTM

a) Définition d'une politique RTM dans la seconde moitié du XIXe siècle
(1) Apparition d'une « idéologie » de la restauration et du boisement

Jusqu'à la fin du XVIII e siècle a perduré l'idéologie du défrichement. Le bois, produit industriel, devait répondre à la consommation croissante des manufactures et de la marine. L'intérêt et la nécessité du reboisement n'apparaissent que progressivement.

Ce mouvement est accompagné par l'émergence d'une doctrine technique faisant appel au génie biologique puis civil pour défendre l'idée d'une « forêt de protection ».

Plus prosaïquement, la première loi votée en 1860 le fut sous la pression de catastrophes naturelles, en l'occurrence des crues survenues sur la plupart des grandes rivières entre 1845 et 1860 et ces phénomènes d'inondation ont occasionné un grand nombre de victimes et de dégâts.

(2) Mise en place progressive et laborieuse du cadre législatif

Abrogée en 1874, la loi adoptée en 1860 était avant tout une loi de boisement systématique, imposée par l'Etat centralisé, fondé sur l'expropriation et qui a rencontré les plus vives oppositions des populations locales. L'objectif affiché portait sur plus de 1,3 millions d'hectares. Outre le coût très élevé de ce dispositif pour les finances publiques, il est apparu que le boisement devait s'accompagner d'autres mesures pour régler des cas d'érosion extrêmes.

Adoptée en 1864, la loi pour le « ré-engazonnement » des montagnes mettait l'accent sur la reconstitution d'un couvert végétal ce qui autorisait les activités de pastoralisme, enjeu essentiel pour l'activité locale.

La loi de 1882 sur la restauration des terrains de montagne fonde alors le dispositif actuel en instituant les « périmètres RTM », zones expropriables par l'Etat. Sur les zones réellement expropriées dites « séries RTM » ont été mis en place des boisements mais également des ouvrages de protection.

b) La mise en oeuvre de la politique RTM
(1) « L'âge d'or » (1882 -1914)

Pendant cette période, sont réalisés la plus grande partie des travaux et des ouvrages, souvent de très grande importance, mobilisant des moyens financiers et humains considérables. 1.100 torrents ont été traités, une centaine de couloirs d'avalanches et plus de 100 glissements de terrain. Les 177 périmètres RTM définis ont permis de prendre en compte 300.000 hectares. Vingt six départements sont alors couverts par un service RTM.

(2) L'âge de la gestion (1914-1940)

Comme dans tous les pays alpins, les difficultés économiques et les effets démographiques dus à la première guerre mondiale entraînent un fort ralentissement dans la politique d'acquisition et de travaux « neufs ». En France, la seconde guerre mondiale va accélérer cette évolution. Entre 1940 et 1980, et malgré des besoins d'entretien de plus en plus importants, on constate une réduction tendancielle des crédits, aggravée par un renchérissement du coût de la main d'oeuvre.

2. Vers une rénovation en profondeur du service RTM

a) La réforme du service RTM en 1980

Cette évolution importante dans la définition du service et de ses missions s'inscrit dans le contexte dramatique des accidents de Val d'Isère et de Passy en 1970 qui a mis l'accent sur le risque d'avalanche et sur les moyens de protection des personnes et des biens à mettre en place. Le développement du tourisme en montagne imposait cette évolution. La création du service RTM se traduit alors par un recentrage territorial fort et par la diversification de ses missions.

(1) Réduction de l'implantation territoriale

La couverture territoriale du service RTM se limite désormais à onze départements de haute montagne, où s'exerce « une érosion active et à haut risque ».

Ils se répartissent ainsi :

Alpes du Nord : Haute-Savoie, Savoie, Isère ;

Alpes du Sud : Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence et Alpes-Maritimes ;

Pyrénées : Pyrénées-Orientales, Ariège, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées et Pyrénées-Atlantiques.

Dans les départements où l'érosion est moins active, « la gestion normale des peuplements constitués » est confiée à l'Office national des forêts au titre des forêts domaniales.

Lorsque la mission commune d'information s'est interrogée sur l'utilité de disposer de services RTM dans les autres départements, notamment pour pouvoir disposer de leur capacité d'expertise et d'intervention, la réponse apportée a été malheureusement d'ordre budgétaire ! Comme le soulignait M. Yves Cassayre 13 ( * ) : « Ceci ne semble pas être à l'ordre du jour : actuellement, le financement du service RTM est tenu à bout de bras par le ministère de l'Agriculture. Chaque année, les discussions sont âpres pour que le financement ne soit pas revu à la baisse ».

La multiplication des phénomènes climatiques brutaux, aux conséquences dramatiques tant en vies humaines qu'en ce qui concerne l'activité économique, conduit néanmoins à s'interroger sur l'éventuelle nécessité de doter de nouveaux départements d'un service RTM.

(2) La forte diversification des missions du service RTM

Aux tâches traditionnelles de gestion patrimoniale des terrains domaniaux RTM sur lesquels on recense 20.000 ouvrages, se sont ajoutées des missions tendant à assurer la sécurité « directe » des personnes et des biens. Selon les départements, et en fonction de l'implication plus ou moins grande des collectivités territoriales, ces nouvelles missions occupent une part croissante des services RTM.

Ces nouvelles activités portent sur :

- la cartographie réglementaire des risques naturels. Dans les années 1970, cette cartographie a été initiée en zone de montagne à travers la cartographie des avalanches, confiée au CEMAGREF (Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et forêts), les cartes des zones d'exposition au risque du mouvement de sol et du sous-sol (cartes ZERMOS), les plans des zones exposées aux avalanches (PZEA) et les plans des zones exposées aux risques naturels (PZERN). La loi du 22 juillet 1987 modifiée par la loi du 2 février1995 met en place les plans de prévention des risques naturels et fusionne ces différentes cartographies au sein du PER (plan d'exposition aux risques naturels prévisibles) qui devient le PPR (plan de prévention des risques naturels) ;

- la prise en compte des risques naturels dans l'aménagement et l'urbanisme. A la demande des services déconcentrés de l'Etat en charge de l'urbanisme et de l'aménagement ainsi que des communes, les services RTM sont de plus en plus sollicités à l'occasion de l'instruction des autorisations d'urbanisme.

Les tableaux ci-dessous recensent ces différentes interventions :

PLANS LOCAUX D'URBANISME À L'ÉTUDE EN 2001

Nbre de « porté à connaissance »

Nbre de PLU « vérifiés »

Nbre de participations à des réunions communales

Haute-Savoie

20

38

13

Savoie

71

17

30

Isère

31

24

29

Hautes-Alpes

17

17

39

Alpes-de-Haute-Provence

2

5

1

Alpes-Maritimes

20

3

3

Pyrénées-Orientales

1

11

16

Ariège

14

0

0

Haute-Garonne

0

0

0

Hautes-Pyrénées

15

6

0

Pyrénées-Atlantiques

0

0

0

TOTAL

191

121

131

Source : Rapport RTM 2001

ENQUÊTES ALÉAS-ENJEUX-RISQUES EN 2001

Nombre de communes à l'étude en 2001

dont mis à l'étude en 2001

achevées

en 2001

Haute-Savoie

1

0

0

Savoie

9

0

0

Isère

39

8

30

Hautes-Alpes

0

1

2

Alpes-de-Haute-Provence

0

0

0

Alpes-Maritimes

1

1

0

Pyrénées-Orientales

0

0

0

Ariège

0

0

0

Haute-Garonne

0

0

0

Hautes-Pyrénées

0

0

0

Pyrénées-Atlantiques

0

0

0

TOTAL

50

10

32

Source : Rapport RTM 2001

DOSSIERS PONCTUELS 2001

U.T.N.

P.I.D.A.

Avalanches

Permis de construire ou certificats d'urbanisme

dont remontées mécaniques

Haute-Savoie

8

3

587

29

Savoie

16

0

350

20

Isère

0

2

433

9

Hautes-Alpes

3

4

516

3

Alpes-de-Haute-Provence

1

0

499

2

Alpes-Maritimes

0

0

48

2

Pyrénées-Orientales

0

5

383

4

Ariège

1

2

350

2

Haute-Garonne

0

0

25

0

Hautes-Pyrénées

1

4

222

21

Pyrénées-Atlantiques

1

0

12

3

TOTAL

31

20

3 425

95

Source : Rapport RTM 2001

Comme cela a été souligné devant la mission commune d'information, la plupart des services ont atteint le seuil de saturation :

- La sécurité publique . Les services RTM interviennent de plus en plus fréquemment, à la demande du Préfet ou de maires confrontés à une situation de danger potentiel ou établi. Les questions à résoudre sont directement liées à la sécurité des personnes. En outre, les services RTM peuvent être amenés à élaborer les dossiers techniques d'aide à la reconnaissance de catastrophe naturelle.

- Participation aux travaux de protection réalisés par les communes . En complément des travaux effectués par l'Etat, la plupart des communes souhaitent, en complément ou en substitution, organiser la protection rapprochée de certains immeubles ou infrastructures. Une partie de ces travaux sont subventionnés par l'Etat -sur des crédits RTM-, les régions et les départements dans le cadre des contrats de plan Etat-Région ou des nouvelles conventions de massifs (Alpes et Pyrénées).

En 2001, le montant des travaux réalisés par les communes s'élevait à 90,71 millions de francs, répartis comme suit :

- Etat : 18,56 %

- Région : 15,31 %

- Département : 7,38 %

- Europe : 1,67 %

- Commune : 54,89 %

- Autres : 2,18 %

Au total, les travaux réalisés par les services RTM s'élèvent à 154,28 millions de francs en 2001 répartis comme suit :

REGIONS

Gestion patrimoniale

Travaux des Communes

TOTAL GÉNÉRAL


ADMINISTATIVES

Entretien + Travaux neufs

Travaux neufs

M.F.

%

RHÔNE-ALPES

27,451

49,846

77,297

50,10

PROVENCE-ALPES-CÔTE D'AZUR

28,910

11,970

40,880

26,50

LANGUEDOC-ROUSSILLON

5,262

2,885

8,147

5,28

MIDI-PYRÉNÉES

17,799

7,538

25,337

16,42

AQUITAINE

0,000

2,623

2,623

1,70

TOTAL

79,422

74,862

154,284

100


Source
: Rapport RTM 2001

Les travaux d'investissement et d'entretien ont été consacrés pour 70 % à la correction torrentielle, 12 % au risque avalanche et 11 % aux chutes de pierres.

b) Une clarification nécessaire des moyens budgétaires et des compétences
(1) Des moyens budgétaires à renforcer

S'agissant des moyens budgétaires alloués à la gestion des terrains en montagne, force est de constater -pour le regretter- leur faible progression.

- Entre 1991 et 2000, en ce qui concerne les crédits d'entretien, la dotation travaux a été simplement reconduite ou en forte diminution en 1995, 1997 ou 1999. Une remise à niveau semble néanmoins s'amorcer comme le montre le tableau ci-dessous.

EVOLUTION DE LA LIGNE BUDGETAIRE 35.92 - 90.92

Travaux d'entretien RTM et coût du service depuis 10 ans

(en euros)

CREDITS OUVERTS

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

8.761.301

9.213.758

9.174.558

8.200.122

9.368.664

8.360.021

10.229.307

10.364.718

13.219.044

15.680.554

A déduire prix du service payé dans l'année en cause

4.808.968

5.433.022

4.974.587

5.821.918

6.140.784

6.225.734

6.387.592

7.314.213

7.174.440

7.219.633

Dotation Travaux

3.952.332

3.780.736

4.199.970

2.378.205

3.227.880

2.134.286

3.841.715

3.050.505

6.044.604

8.460.920

Travaux

------------------------  %

Crédits ouverts

45,11

41,03

45,78

29,00

34,45

25,53

37,56

29,43

45,73

53,96

- La diminution des crédits d'investissement est encore plus marquée sur la même période, la tendance s'inversant cependant à partir de 1998.

CREDITS D'INVESTISSEMENT

(CHAPITRE 51.92 - ART. 90.92)

Evolution des enveloppes annuelles

(en euros - hors réaffectations)

ANNEE

EUROS COURANTS

EUROS 2001

1982

2.355.337

4.117.130

1983

3.111.866

4.963.426

1984

3.249.070

4.824.869

1985

3.384.368

4.748.269

1986

3.296.474

4.506.280

1987

3.244.115

4.298.452

1988

3.384.368

4.365.835

1989

3.704.511

4.612.116

1990

4.283.817

5.162.000

1991

5.183.267

6.048.872

1992

3.236.035

3.689.080

1993

2.240.238

2.502.346

1994

2.530.654

2.781.188

1995

2.286.735

2.469.674

1996

1.753.164

1.856.600

1997

2.134.286

2.232.463

1998

2.805.062

2.914.459

1999

2.949.257

3.049.531

2000

3.384.521

3.442.057

2001

3.468.977

3.468.977

Source : Rapport RTM 2001

CRÉDITS D'INVESTISSEMENT

(CHAPITRE 51.92 - ART. 90.92)

Autorisations de programme créées en 2001

(en euros)

REGION

Crédits du

budget 2001

Rhône-Alpes

1.051.898

Provence-Alpes-Côte d'Azur

1.349.936

Languedoc-Roussillon

228.674

Midi-Pyrénées

838.470

TOTAL

3.468.977

Source : Rapport RTM 2001

Compte tenu de l'importance des travaux engagés par les services RTM pour assurer l'entretien des ouvrages, renouveler les plus anciens ou réaliser des investissements pour assurer le maintien et la protection des terrains en montagne, la mission commune d'information attache la plus grande importance à ce que les crédits budgétaires alloués soient préservés voire augmentés.

Proposition n° 10. : S'engager sur une hausse raisonnable des crédits d'entretien et d'investissements RTM

(2) Une nécessaire clarification des compétences et des participations financières au sein de l'Etat

La diversification des missions confiées aux services RTM ne s'est pas accompagnée d'une clarification s'agissant des donneurs d'ordre. L'implication du ministère de l'agriculture et de la pêche sur le budget duquel sont inscrits les moyens du service RTM est clairement identifiée. Mais il n'en est pas de même des autres ministères en charge de l'équipement, de l'environnement ou encore du ministère de l'Intérieur.

Lors de son audition, M. Yves Cassayre a été amené à déclarer : « Ainsi, je regrette fondamentalement que, depuis trente ans qu'existe le ministère de l'Environnement -et alors même qu'il a logiquement été doté d'un nombre croissant de compétences, notamment en matière de risques naturels-, ce ministère n'ait pas pris en charge, au moins partiellement, les services RTM qui travaillent sur ce créneau ».

Cette question est fondamentale pour assurer une meilleure lisibilité de l'action de l'Etat sur le terrain, et elle devrait permettre de conforter le financement des services RTM.

Proposition n° 11. : Préciser les participations financières des différents services de l'Etat aux missions remplies pour leur compte par les services RTM

Plus généralement, on peut considérer que la politique de restauration des terrains de montagne doit se rénover en profondeur pour répondre aux nouvelles attentes de la société et ceci suppose une évaluation fine de celles-ci mais également des mécanismes de fonctionnement du service RTM.

* 13 Audition précitée

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