34. Audition de MM. Marc Maillet, membre du conseil d'administration de France Nature Environnement et membre du Conseil national de la montagne, Eric Feraille, représentant du réseau Montagne de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA) et Gilles Privat, secrétaire général de Mountain Wilderness (26 juin 2002)

M. Marc Maillet - Je remercie la commission de son invitation. La société française souhaite effectuer un effort pour protéger ses montagnes. Les associations ont un rôle important à jouer dans cette mobilisation. Nous sommes de trois types d'associations.

France Nature Environnement (FNE) est une fédération nationale importante qui compte quarante salariés et travaille en réseau et en mission. Une mission montagne existe même si son poids dans le travail de mobilisation fédéral n'est pas le plus fort.

La Fédération regroupe 80 fédérations au niveau régional dont certaines sont spécialisées par thème, ce qui représente 10.000 bénévoles membres de conseil d'administration lesquels détiennent des responsabilités et une certaine influence. Le nombre d'adhérents s'élève à 600.000 personnes. Nous publions un rapport d'activité accessible à tous sur le site Internet. Je représente FNE ce jour car je siège au sein du Comité de massif des Pyrénées ainsi qu'au Conseil national de la montagne. Je laisse le soin à mes collègues de se présenter. Nous avons prévu de nous répartir les tâches s'agissant des questions que vous nous avez adressées mais notre constat et nos conclusions sont les mêmes.

M. Eric Feraille - Je suis vice-président de la FRAPNA Haute-savoie et j'interviens ici en tant que responsable du réseau montagne de la FRAPNA région, c'est-à-dire la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, qui est également une fédération d'associations de protection de l'environnement régionales comportant des sections départementales dans la région. Notre fédération est également adhérente à FNE. Nos objectifs sont semblables. La FRAPNA représente l'ensemble des associations dans les commissions régionales ou départementales et mène également des missions d'éducation à l'environnement, d'expertise et, plus contestée, de veille environnementale.

M. Gilles Privat - Mountain Wilderness est une ONG internationale, fondée en 1987, représentée dans différents pays de l'arc alpin et également en Espagne, au Royaume-Uni, au Pakistan ainsi que dans d'autres pays. Mountain Wilderness étant à l'origine une association d'alpinistes, cela explique que notre terrain d'intervention est plutôt la haute montagne, mais, plus généralement, nous cherchons à défendre l'idée de la montagne comme terrain de liberté, comme terrain de développement d'activités libres, non commerciales. Notre champ d'action peut donc s'étendre à la moyenne montagne.

M. Marc Maillet - Nous nous opposons à la banalisation de la montagne. Nous défendons également la notion de développement durable qui apparaît aujourd'hui dans les discours de façon systématique.

Mais ces déclarations doivent être recentrées par rapport à l'origine du concept. Un développement durable qui ne prendrait pas en compte les préoccupations de protection serait un non-sens.

Le développement durable doit devenir le fil conducteur de la politique de la montagne. Il implique une économie respectueuse des ressources naturelles tant sous leur aspect quantitatif que qualitatif et la préservation de la diversité biologique. Cette politique devrait être relayée au niveau local par l'institution de comités de pilotage de massifs présentant une unité géographique, économique et culturelle.

S'agissant des espaces naturels, la biodiversité recule sous l'effet conjugué de la déprise agricole, des aménagements touristiques, de l'artificialisation des milieux, de l'urbanisation et de la pollution. Afin d'enrayer ce recul de la diversité biologique, support essentiel de la qualité des paysages indispensables à l'activité touristique, il est urgent d'adopter une politique cohérente de protection et de gestion des espaces naturels fondée sur l'identification des espaces naturels remarquables au sein de chaque massif et l'utilisation des outils de protection existants avec une mention particulière pour le réseau Natura 2000.

Ce dernier constitue un outil de protection moderne utilisable à grande échelle et impliquant la participation de tous les acteurs locaux. La préservation des continuums et des corridors biologiques est impérative pour le maintien à long terme de la diversité biologique. Concernant l'agriculture, celle-ci a façonné les paysages de montagne et se révèle indispensable à la préservation de la diversité biologique et de l'identité culturelle montagnarde.

Afin de relever le défi de la pérennisation de l'agriculture montagnarde traditionnelle, il convient d'assurer sa compétitivité par une production labellisée à forte valeur ajoutée, la mise en place de circuits de distribution courts, des aides à la mise aux normes des installations, la préservation des terres agricoles face à l'urbanisation, la revalorisation des aides apportées par les Contrats Territoriaux d'Exploitation (CTE), l'adoption d'une législation permettant le maintien et le retour du pastoralisme.

Le rôle clé de l'agriculture dans l'entretien des espaces naturels et des paysages doit être explicitement reconnu. Cette tâche doit être rendue possible par des mesures d'aides spécifiques à l'embauche dans le cadre des CTE ou des contrats Natura 2000.

En matière de tourisme et loisirs, l'impact des équipements lourds destinés à favoriser la pratique du ski alpin est considérable et a profondément altéré la perception de la montagne. La montagne est perçue non plus comme un espace vivant et habité mais comme un gigantesque stade dédié aux loisirs. La stagnation de la demande, le réchauffement climatique et l'impact environnemental et paysager majeur de ces équipements doit conduire à une réorientation radicale de la politique de développement touristique vers l'abandon de l'extension des domaines skiables, l'amélioration de l'existant, et la diversification de l'offre en l'orientant vers le contact avec l'habitant et le tourisme dit vert.

Le développement touristique de masse a créé de graves disparités entre les communes disposant d'un domaine skiable rentable et celles dont l'environnement reste préservé. Les revenus de l'activité touristique doivent être répartis par le biais d'un système de coopération intercommunale à l'échelle des massifs géographiquement et culturellement cohérents. La valeur biologique des forêts spontanées de montagne devrait être explicitement reconnue et sa gestion extensive favorisée.

La prévention de la pollution du milieu aquatique devrait être prioritaire et faire l'objet de mesures spécifiques. En raison du relief, de l'isolement, du travail séculaire des agriculteurs et de la grande variété de microclimats, la richesse des milieux naturels montagnards est exceptionnelle. Il s'agit d'un patrimoine d'une valeur inestimable et d'une grande fragilité.

Nous avons le devoir de le conserver dans le meilleur état possible. Si la valeur du patrimoine bâti en tant que témoin de l'identité culturelle est reconnue, la valeur patrimoniale et culturelle des espaces naturels est à l'heure actuelle largement sous-évaluée et doit être clairement affirmée par la politique de la montagne. En effet, la diversité biologique est plus grande sur 3.000 mètres de dénivelé en montagne que sur 3.000 kilomètres de plaine.

L'évolution des milieux naturels montagnards au cours de ces dernières années n'est pas réjouissante. Malgré la création de quelques sanctuaires protégés, la biodiversité recule de manière alarmante sous l'effet conjugué de plusieurs facteurs : la déprise agricole qui entraîne la fermeture des paysages par boisement spontané ou artificiel, mais aussi la transformation des pâturages d'altitude abandonnés en landes à faible diversité biologique. Les activités touristiques de masse entraînent la destruction directe des milieux et particulièrement la création ou l'extension de domaines skiables et les réalisations connexes d'immobilier de loisir.

Elles ont également pour effet :

l'urbanisation des vallées et piémonts ;

la transformation des boisements spontanés proches de l'état naturel en plantations d'essences exotiques ou de conifères à fort rendement ;

l'assèchement des zones humides ;

la canalisation des cours d'eau,

la création de barrages hydroélectriques et de captages pour les besoins en eau des stations ainsi que des canons à neige ,

la pollution de l'eau et de l'air.

Quels sont les outils de protection ? Les Parcs nationaux et les réserves naturelles sous la tutelle de l'Etat instituent une protection réglementaire forte et sont associés à des mesures de gestion des espaces naturels protégés. Ils ont, de plus, une vocation scientifique qui ne saurait être contestée. Outils efficaces de préservation du patrimoine naturel, ils ont permis la conservation de nombre d'espaces remarquables qui auraient sans doute disparu en l'absence de mesures de protection forte.

Mais ces mesures de protection ont souvent été instituées de manière autoritaire par l'Etat sur des territoires convoités pour l'aménagement touristique de masse (domaines skiables) afin de tenter de respecter le principe d'équilibre entre espaces naturels et espaces aménagés.

Leur acceptation est parfois problématique en raison du manque de dialogue et de concertation dans leur phase de mise en place. D'autre part, du fait des fortes contraintes qu'ils engendrent, ils ne peuvent constituer des outils pertinents pour la préservation à grande échelle des espaces montagnards.

Les Réserves nationales de chasse et de faune sauvage gérées par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCSF), ont été créées initialement dans un but de préservation du patrimoine cynégétique.

Elles contribuent à protéger efficacement les espaces naturels et la faune dans son ensemble et sont gérées par l'ONCSF ou l'ONF.

Les arrêtés préfectoraux de Protection de biotope pris par le Préfet de département après avis des communes concernées et de la Commission départementale des sites instituent une protection réglementaire forte des milieux naturels, mais n'entravent ni la chasse, ni la pêche, ni les activités agricoles et forestières traditionnelles.

Ils ont l'avantage de généralement donner lieu à une concertation locale et sont assez souvent bien acceptés. Leur inconvénient majeur réside dans l'absence de mesure de gestion des espaces naturels ainsi protégés. Ils sont généralement réservés à des espaces relativement restreints à très forte valeur biologique et ne sauraient constituer un outil de protection des milieux naturels généralisable.

Les sites classés au titre de la loi de 1930 instituent une protection paysagère rigoureuse, mais sont dépourvus de tout outil de gestion des milieux naturels remarquables. Les sites inscrits n'offrent, en revanche aucune garantie de protection.

Les Parcs naturels régionaux créés sur la base de l'adhésion des élus locaux à une charte élaborée après concertation approfondie entre les différents acteurs de l'espace rural sont susceptibles d'être un outil efficace de préservation du patrimoine naturel et culturel (exemple le Queyras). Ils renferment souvent un ou des espaces protégés par une mesure réglementaire de type Réserve naturelle comme le Haut-Jura ou par un arrêté préfectoral de Protection de Biotope. Ils ont pour inconvénient de ne pas proposer de plan de gestion d'ensemble des espaces naturels du parc, ni de sanction en cas de non-respect de la charte par un ou plusieurs de ses signataires.

D'autre part, cet outil ne limite pas les aménagements touristiques lourds à fort impact paysager et naturaliste (Volcans d'Auvergne). De ce fait, ils sont parfois inopérants pour éviter la disparition des milieux naturels.

Le réseau Natura 2000, très contesté par nombre d'élus relayés par certains représentants du monde agricole, de la chasse et des forêts privées, est un nouvel outil axé sur la gestion concertée des milieux naturels préservant leur biodiversité. La mise en place de ce réseau a souffert de sa connotation européenne. De plus, d'importantes maladresses de présentation et la trop tardive publication de son cadre réglementaire ont empêché la mise en oeuvre rapide.

Natura 2000 n'en constitue pas moins un outil moderne de préservation et de gestion des milieux naturels remarquables, basé sur un financement par contractualisation après une phase de large concertation des acteurs de terrain et d'élaboration d'objectifs de gestion. Cet outil a le grand avantage d'inclure une démarche scientifique, d'être géré au plan local par un comité de pilotage, d'impliquer tous les acteurs locaux et de proposer un accompagnement financier. De plus, il peut se superposer aux autres mesures de protection.

Ce réseau étant en cours de mise en place, son efficacité reste à évaluer. On notera les très importantes disparités de propositions de sites Natura 2000 entre massifs montagneux et entre départements au sein d'un même massif remettant en question la notion de réseau.

Les Réserves naturelles régionales représentent un nouvel outil de protection qui vient d'être institué par la loi sur la démocratie de proximité pour lequel nous ne disposons pas encore d'exemple. Elles ont l'avantage d'impliquer l'adhésion des élus et des propriétaires, mais ont l'inconvénient d'une réversibilité aisée en cas de forte pression d'aménagement.

On notera également l'existence du dispositif "Forêt de protection" interdisant tout changement d'utilisation du sol et tout défrichement, dont le but est de prévenir les catastrophes naturelles liées à l'érosion ainsi que les Réserves biologiques forestières, créées et gérées par l'ONF.

Les autres outils de protection expérimentés, comme les Directives paysagères ou l'Espace Mont Blanc, n'ont donné lieu à aucune action concrète de préservation et/ou de gestion des milieux naturels et semblent définitivement enlisés. Cet échec montre la nécessité d'une structure de coordination détenant un rôle moteur et in fine un pouvoir décisionnel afin que les projets puissent aboutir, cette dernière pouvant être l'Etat, la Région ou le Département.

Il nous paraît essentiel de souligner que la création d'espaces naturels protégés bénéficiant d'un statut de protection n'a fait que limiter les atteintes et, dans certains cas, a servi d'alibi à des actions anarchiques en dehors de ces espaces. D'autre part, une mesure de protection prise sur un territoire se révèle efficace uniquement si elle s'accompagne de la présence locale d'un gestionnaire qui maintient le dialogue et la concertation avec les élus et les habitants.

La pérennité de l'extraordinaire valeur biologique et paysagère des espaces naturels montagnards demande avant tout l'élaboration d'une démarche cohérente de préservation et l'abandon de la politique du coup par coup au gré des luttes d'influence. En effet, les outils de protection et de gestion existants utilisés à bon escient sont efficaces pour la préservation des zones naturelles à forte valeur patrimoniale. En revanche, la préservation des zones naturelles dites banales et des continuums de milieux naturels et des corridors biologiques nécessite d'être intégrée dans les documents d'urbanisme ou d'aménagement du territoire.

Cette cohérence ne peut être favorisée que par l'élaboration de plans des espaces naturels à l'échelle régionale tout d'abord en s'inspirant d'une démarche de type DTA qui pourrait être élaborée par les Comités de Massifs, puis à l'échelle du massif présentant une unité géographique, historique, économique et culturelle, (comme Bornes-Bargy-Aravis pour la Haute-Savoie), par la création de comités de pilotage de massifs.

Devraient être identifiées les zones naturelles à forte valeur patrimoniale sur la base des inventaires existants (ZNIEFF (Zone Naturelle d'Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique), Natura 2000...), les continuums des grands milieux naturels (forêts, zones humides...), les corridors de déplacement de la faune. A cet égard, la démarche du Conseil général de l'Isère est exemplaire.

Après leur élaboration qui peut être mise en oeuvre rapidement, ces documents devraient être accessibles à tous et largement diffusés après des collectivités locales afin qu'elles puissent non seulement bénéficier des données locales, mais qu'elles puissent également se situer dans le contexte départemental et régional.

Sur la base de ces documents objectifs, les outils de préservation adaptés des zones à forte valeur patrimoniale devraient être définis (Réserve naturelle, Réserve naturelle régionale, Arrêté préfectoral de protection de Biotope, Natura 2000).

Les mesures d'accompagnement permettant une gestion et un développement cohérents des zones périphériques répondant aux objectifs de développement durable devraient être élaborés après concertation approfondie et participation des différents acteurs à l'échelle du comité de pilotage du massif. Les documents d'urbanisme (SCOT (Schémas de cohérence territoriale), PLU (Plans locaux d'urbanisme), Carte communale) devraient intégrer l'ensemble de ces données afin d'assurer la cohérence des mesures de protection de la nature avec le développement de l'habitat et des activités économiques et touristiques.

Un tel processus démocratique local pourrait mettre un terme à l'opposition quasi institutionnelle des élus et des protecteurs de l'environnement essentiellement liée au profond déficit d'écoute, de dialogue et de capacité de négociation.

Concernant l'agriculture, cette activité est au coeur de l'identité culturelle des populations montagnardes qui ont développé des modes d'exploitation originale ayant favorisé une forte diversité biologique et donné sa typicité aux paysages. Après une forte tendance à la déprise agricole, l'activité agricole, et notamment l'exploitation des alpages, semble se stabiliser pour les zones de production fromagère AOC. Dans les autres secteurs, la déprise agricole se poursuit et se voit probablement ralentie par les aides directes accordées à l'agriculture de montagne. L'activité agricole a modelé les paysages montagnards et l'agriculture traditionnelle extensive est indispensable à la pérennité de nombre de milieux dits "naturels", et des espèces animales et végétales inféodées à ces milieux. Les pelouses sèches et les alpages en sont les exemples les plus frappants. Un des défis majeurs de la politique de la montagne des prochaines décennies sera de mettre en oeuvre les moyens nécessaire à la pérennité de l'agriculture de montagne sans pour autant détériorer les milieux naturels. Cette agriculture est menacée par son manque de compétitivité vis-à-vis des territoires de plaine, la charge financière des impératifs de mise aux normes des bâtiments agricoles et des ateliers de production, l'urbanisation généralisée des vallées (résidences secondaires et lits touristiques banalisés) et des zones de piémont (développement de grandes agglomérations) entraînant la disparition des terrains plats favorables aux mécanisations et par conséquent de la production de fourrage. La pérennité de l'agriculture de montagne passe par une production labellisée de haute qualité à forte valeur ajoutée.

A cet égard, le renforcement des AOC fromages et le développement d'AOC viande (ovine, bovine, porcine) sont une impérative nécessité. Il est nécessaire également de mettre en place des circuits de distribution courts afin d'assurer un revenu maximum au producteur et limiter la plus-value liée à la multiplicité des intermédiaires. Les producteurs doivent veiller à la diversification de leurs productions (porcs, volailles, oeufs, fruits et légumes). Des aides massives mais temporaires pourraient être accordées aux agriculteurs leur permettant de mettre aux normes les bâtiments d'exploitation et les ateliers de production (fromage, viande, charcuterie...) et à l'organisation des circuits de distribution. Il faudrait identifier et préserver les surfaces agricoles des vallées et des zones de piémont indispensables à l'activité agricole traditionnelle et veiller à leur protection rigoureuse vis-à-vis de l'urbanisation ou de la création de zones récréatives. L'initiative de favoriser la desserte des pâturages d'altitude en favorisant le transport par câble limitant la pénétration par les engins motorisés serait intéressante. Enfin, il faudrait revaloriser les Contrats territoriaux d'exploitation et les Mesures agricoles environnementales en remplacement des "primes montagne". L'ensemble de ces mesures devrait aider très significativement l'agriculture de montagne à relever le défi de la compétitivité du marché et à s'affranchir progressivement des aides à la production, l'assistanat étant très mal vécu. En plus de sa vocation de production de produits bruts ou transformés, la société demande à l'agriculteur de montagne d'assurer l'entretien des paysages et des milieux dits "naturels". Cette tâche a été implicitement assumée par les agriculteurs de montagne au travers de méthodes d'exploitation traditionnelles et s'exprime actuellement de manière plus ou moins explicite par l'intermédiaire de mesures agri-environnementales dans le cadre des Contrats territoriaux d'exploitation et des contrats Natura 2000.

Considérant l'évolution récente de l'agriculture et plus particulièrement la diminution importante de la main d'oeuvre consécutive aux impératifs de rentabilité et de mécanisation, il nous paraît difficile, voire impossible qu'en l'état actuel des choses, les exploitants agricoles qui sont souvent seuls, puissent assumer le surcroît de travail que demande la mise en oeuvre des pratiques contraignantes nécessaires à la gestion des milieux naturels. Sans main d'oeuvre supplémentaire, le succès de telles mesures semble compromis. Les contrats Natura 2000 et les CTE devraient inclure l'embauche de salariés destinés à assumer la charge de travail supplémentaire. Pour ce qui concerne l'activité pastorale, nos associations sont favorables au retour des bergers et à une relance de filières jusqu'ici laissées à l'abandon. Elles soutiennent pour l'essentiel les propositions du groupe de travail interministériel sur le pastoralisme, dont le rapport a été remis au Ministre de l'agriculture afin de :

effectuer les adaptations législatives et réglementaires en appui aux associations foncières et aux groupements pastoraux ;

soutenir la formation initiale et continue des bergers et des vachers ;

améliorer la recherche et la formation dans les problématiques des zones pastorales ;

favoriser l'accès au CTE pour les structures collectives gestionnaires d'estives ;

rechercher des lieux de concertation ad hoc entre les différents utilisateurs des espaces pastoraux ;

réformer ou adapter les dotations communales et la taxe sur les espaces naturels sensibles au bénéfice des communes favorisant les surfaces en herbe et gérant des espaces naturels remarquables.

Tout cela implique que soit confiée rapidement à un parlementaire une mission visant à quantifier et proposer un axe fort en faveur du pastoralisme. Le rôle de l'agriculture de montagne dans la préservation de la qualité des paysages et des espaces naturels doit être explicitement reconnu. Cette reconnaissance doit s'accompagner d'une rémunération sous la forme de fortes aides à l'embauche dans un cadre contractuel. En effet, l'activité touristique des zones de montagne repose largement sur la qualité des paysages et des milieux naturels, il nous paraît équitable que les gestionnaires de ces espaces puissent bénéficier d'une contrepartie financière des services rendus à la collectivité. Il faut souligner qu'une telle mesure serait également très bénéfique en termes d'emplois et de préservation du tissu social.

S'agissant du tourisme et des loisirs, ces activités sont devenues au cours des dernières décennies un élément majeur de l'économie montagnarde. Leur impact est considérable sur l'évolution des paysages, des milieux naturels, de l'identité culturelle et des structures sociales des zones de montagne. Parallèlement à l'activité touristique, s'est développée une activité de loisirs des habitants des grandes métropoles proches des massifs montagneux.

Le touriste et le citadin partagent les mêmes types d'activités avec des conséquences similaires sur l'évolution de l'espace montagnard. Ces phénomènes de masse transforment l'espace montagnard en un gigantesque centre de loisirs, conduisent à l'artificialisation et à la banalisation des paysages et menacent l'identité culturelle et les activités économiques traditionnelles des communautés montagnardes. La montagne n'est plus perçue comme un milieu vivant et habité mais comme un grand stade minéral, simple support des activités ludiques plus ou moins agressives pour le milieu naturel totalement méconnu. Concernant le ski alpin, la priorité a été donnée aux équipements lourds destinés à favoriser la pratique quasi-exclusive de ce type d'activité dans les massifs où l'enneigement le permettait. Le développement considérable de la pratique du ski alpin a engendré l'extension et la diffusion des noyaux urbains préexistants, la création ex-nihilo de stations en altitude, l'équipement en remontées mécaniques et pistes de ski de surfaces considérables, la création ou l'agrandissement des infrastructures routières, la génération d'eaux usées et de déchets ménagers en grande quantité, le gaspillage de l'eau et de l'énergie (remontées mécaniques, canon à neige). Les massifs les plus concernés sont, bien entendu, les Alpes, surtout la moitié nord, les Pyrénées, mais aussi les points les plus élevés du massif central (Mont Dore et Monts du Cantal).

Ailleurs, le développement du ski alpin est resté modeste et n'a pas d'impact majeur sur l'environnement et l'agriculture. Le nombre de skieurs a augmenté jusqu'au début des années 1990 et stagne actuellement malgré l'augmentation de la proportion de la clientèle étrangère. Un phénomène que les professionnels du tourisme appellent pudiquement "la maturité"'. Le développement du ski alpin a eu un impact extrêmement négatif sur l'environnement. Cette activité a nécessité en effet la consommation irraisonnée par l'urbanisation des prairies de fauche indispensables à l'agriculture pour assurer la nourriture du bétail pendant les longs hivers. Dans certaines vallées, on pallie ce déficit par l'importation de fourrage (entraînant ainsi des coûts de transport). Ce phénomène est très marqué dans les stations dites de village. Elle a eu pour conséquence la déprise de nombre d'alpages. On estime que pour un hectare de terrains agricoles qui disparaît en vallée, quatre hectares d'alpages ne sont plus pâturés. Le développement du ski alpin a provoqué la destruction directe des milieux naturels par les constructions, les terrassements, le rabotage des pistes, l'érosion, le ski hors piste, la création de retenues collinaires afin de maintenir la neige artificielle.

De plus, certaines espèces animales exigeantes quant à la qualité du milieu comme le Tétras lyre se sont raréfiées dans des proportions alarmantes. Le milieu aquatique est pollué de façon massive du fait des eaux usées lors de la période de vulnérabilité maximale d'étiage hivernal et de reproduction des salmonidés. Une source de pollution supplémentaire non-négligeable est constituée par les restaurants d'altitude. Une quantité très importante de déchets ménagers devant être acheminée vers les décharges ou les incinérateurs est produite. Enfin le ski alpin a entraîné l'altération profonde de la qualité des paysages, particulièrement l'été qui démasque la mauvaise intégration des constructions, des remontées mécaniques, des pistes de ski.

Après une pause des constructions liée aux hivers sans neige des années 1990 et à la crise de l'immobilier consécutive, nous observons une recrudescence alarmante des projets d'extension de domaines skiables. La tendance actuelle est à la réalisation d'immenses domaines skiables interconnectés et à la conquête des derniers espaces vierges d'équipement en marge des domaines skiables. Cette évolution est très sensible dans les Alpes du nord.

Cette coûteuse fuite en avant est surtout motivée par la concurrence féroce que se livrent les grandes stations, souvent sous contrôle de grands groupes financiers, dans la perspective de profits à court terme et pour conserver leur part de marché d'une clientèle en stagnation. Elle se trouve accélérée dans certaines vallées, vallée de la Maurienne par exemple, par la mise en place de Zones de Revitalisation rurales (ZRR) qui dopent le marché de l'immobilier locatif touristique grâce à des aides fiscales très importantes. L'aménagement des zones refuges séparant les grands domaines skiables a des répercussions extrêmement néfastes notamment sur la faune, par perturbation directe de ses ultimes refuges en période de vulnérabilité, par son cantonnement dans des espaces de plus en plus restreints favorisant la dégradation des milieux forestiers et la propagation des maladies infectieuses et parasitaires, et par sa destruction directe par les dispositifs de sécurisation des domaines skiables (avalanches). L'impact touche également la flore et les milieux naturels par destruction directe ou indirecte, en interrompant la continuité des milieux naturels, en cloisonnant les espaces dits "noyaux", et en dirigeant le flux touristique estival vers les espaces encore vierges. Enfin les conséquences sur les paysages ne sont pas négligeables : les constructions artificialisent et banalisent des zones de plus en plus importantes, ce qui altère la perception même de l'espace montagnard.

Jusqu'à la décentralisation de la procédure d'autorisation des Unités touristiques nouvelles (UTN), le principe d'un équilibre entre les zones aménagées et les zones protégées a permis la protection pérenne de surfaces significatives par la création de Parcs nationaux, de Réserves naturelles et d'Arrêtés préfectoraux de protection de biotope en contrepartie des atteintes au milieu naturel consécutives aux aménagements. La procédure décentralisée a vu disparaître cette notion d'équilibre au seul profit des aménagements, conduisant au grignotage continu des espaces naturels par l'extension des domaines skiables.

De plus, nombre de décisions ou d'orientations de protection de l'Etat prises avant la décentralisation sont restées lettre morte, car n'étant pas encore mises en oeuvre au moment de la décentralisation, elles ont été efficacement combattues localement par les différents groupes d'influence convoitant ces espaces encore vierges. La procédure décentralisée, reposant sur un arrêté du Préfet de région pris après avis des différents services de l'Etat et surtout d'une Commission UTN, a montré son incapacité à préserver les milieux naturels face aux enjeux économiques à court terme. Les seuls motifs d'avis défavorable sont d'ordre économique, mais l'impact environnemental d'un projet, fût-il majeur, ne constitue pas un élément d'abandon du projet. La commission UTN s'est transformée en commission de validation où plus de 90 % des dossiers sont acceptés. La composition de cette commission doit être examinée : les aménageurs ou des membres directement impliqués dans l'administration de station sont sur-représentés alors que les associations de protection ou d'usagers ne disposent que d'un seul siège. Les mesures dites de "compensations environnementales" sont généralement minimes et impropres à réduire un impact non compensable et restent souvent inappliquées. Il faut également noter un très faible taux de réalisation des UTN approuvées dans les Pyrénées.

L'enjeu spéculatif demeure sur les droits à construire, ce qui limite tout autre perspective, notamment agricole.

Le déficit d'enneigement conduit nombre de stations de moyenne altitude à investir dans la production de neige dite de "culture". Cette évolution conduit non seulement à une artificialisation encore plus profonde de l'espace dédié au ski alpin, mais a pour effet le gaspillage de la ressource en eau, car bien souvent ce sont les ressources d'eau potable qui alimentent les canons à neige. En résulte également l'assèchement des petits cours d'eau et la destruction du milieu aquatique accentué par l'étiage hivernal, la destruction de zones humides, à forte valeur patrimoniale, pour la constitution de retenues collinaires, l'apparition d'additifs chimiques ou bactériens remontant la température de congélation de l'eau est un facteur d'inquiétude car personne ne connaît les conséquences de la dispersion de ces additifs en grande quantité dans le milieu naturel. Le ski alpin reste une activité de première importance au niveau national et réalise un chiffre d'affaires considérable. Néanmoins, si cette activité a pu à court terme donner une bouffée d'oxygène à certaines communes de montagne, la situation, aujourd'hui, s'avère contrastée. D'un côté les grands domaines skiables et leurs structures d'hébergement connexes se portent bien. Toutefois, ces grandes infrastructures rentables échappent de plus en plus aux communautés montagnardes et passent sous contrôle de grands groupes financiers en quête de rentabilité immédiate. Les petites stations de basse et moyenne altitude connaissent souvent de grandes difficultés financières car elles ne peuvent amortir les lourds investissements consentis du fait de la pénurie de neige. Une aide publique est souvent nécessaire pour éviter le dépôt de bilan.

Etant donné que la France est le pays du monde qui possède le plus fort pourcentage de zones de montagne aménagées en domaine skiable, que l'offre est supérieure à la demande, que le réchauffement climatique caractérisé par des automnes tardifs, des printemps précoces, le recul des glaciers et la remontée de l'altitude moyenne de l'enneigement hivernal de 1 000 à 1 500 mètres en l'espace de 40 ans est devenu une réalité, que, dans une échéance de 10 à 20 ans, le réchauffement climatique va entraîner une remontée de l'enneigement hivernal aux environs de 1 800-2 000 mètres, que l'impact sur l'environnement du ski alpin est grand, que tout nouvel aménagement en zone vierge aura un impact majeur et non compensable sur l'environnement, enfin que l'extension des domaines skiables est incompatible avec la notion de développement durable, nous demandons comme le Club alpin français et le Club arc alpin, que la politique de la montagne s'oriente résolument vers la préservation des espaces vierges d'équipement et proscrive l'extension des domaines skiables existants.

La commission UTN a montré son inaptitude à l'évaluation des impacts environnementaux des projets d'aménagement. Son rôle devrait se limiter à l'analyse des aspects socio-économiques du projet, l'analyse de la compatibilité du projet d'aménagement avec les impératifs de préservation des milieux naturels. Les objectifs du développement durable devraient revenir à la Commission départementale des sites perspectives et paysages en formation de protection de la nature et, le cas échéant, aux futurs comités de pilotage des massifs. La réalisation d'un projet devrait être subordonnée à l'obtention d'un avis favorable de l'ensemble des commissions. En cas d'avis favorable, un comité de suivi devrait être désigné afin de vérifier la conformité des réalisations par rapport à l'autorisation délivrée. La politique commerciale des stations françaises basée sur le seul critère quantitatif des kilomètres de pistes et du nombre de remontées mécaniques offertes à la clientèle doit être remise en question. Le maintien de la compétitivité de la France dans le domaine du ski alpin passe par une amélioration de la qualité de l'offre et non de sa quantité qui est déjà excédentaire.

A cet égard, un effort considérable devrait être consenti pour le remplacement des téléskis par des télésièges, l'adaptation du débit des remontées mécaniques à la fréquentation, l'intégration paysagère des remontées mécaniques et des pistes, et l'amélioration de la qualité de l'hébergement et des services en station. Dans le cas particulier des stations de basse et moyenne altitude en difficulté financière, la politique de la montagne devrait favoriser la reconversion basée sur la diversification des activités et aider au démantèlement progressif des remontées mécaniques obsolètes à mesure de la croissance de l'offre diversifiée. La reconversion de certains domaines équipés pour le ski alpin en domaines de ski nordique moins préjudiciable à l'environnement pourrait être effectuée. La politique actuelle de fuite en avant fondée sur la conquête de nouveaux espaces vierges et l'enneigement artificiel doit être abandonnée. L'enneigement artificiel devrait être très limité, et soumis à une étude d'impact et une procédure d'autorisation tenant compte de la ressource en eau, de la sensibilité des milieux sur les sites susceptibles d'être aménagés. L'adjonction d'additifs devrait être proscrite en application du principe de précaution jusqu'à ce que leur innocuité pour l'environnement soit établie de manière scientifiquement irréfutable.

Les via Ferrata, phénomène d'apparition récente, se multiplient sur tous les massifs montagneux. Bénéficiant d'un flou réglementaire, l'implantation des Via Ferrata s'effectue au gré de leurs promoteurs en fonction des seuls arguments touristiques et techniques. A l'heure actuelle, les enjeux environnementaux, parfois très importants en ce qui concerne l'avifaune protégée, ne sont absolument pas pris en compte. Les projets de Via Ferrata devraient être soumis à enquête publique mettant en oeuvre une étude d'impact et une procédure d'autorisation de type UTN prenant en compte de manière forte les enjeux environnementaux. En effet, les falaises sont d'une richesse faunistique et floristique très inégale en fonction de leur exposition et il est rare qu'il n'existe pas de site potentiel pour développer une Via Ferrata dont l'impact environnemental soit faible, voire minime. Enfin, vu l'ampleur des travaux nécessaires, la construction de Via Ferrata devrait être subordonnée à l'obtention d'un permis de construire.

L'impact paysager du ski nordique est limité car sa pratique ne nécessite généralement pas de remontées mécaniques et peu ou pas de terrassements. Les problèmes environnementaux posés par cette pratique concernent essentiellement : le dérangement de la faune en période d'hivernage, ce qui peut être évité en détournant les traversées des zones d'hivernage sur les pistes, les dommages causés à certains milieux particulièrement sensibles comme les tourbières par les engins de damage et les skieurs, impact négatif qui peut être aisément évité par un tracé des pistes adéquat.

La principale nuisance est constituée par le trafic automobile et le stationnement anarchique à proximité du domaine skiable comme aux Glières. Mais cet impact pourrait être réduit par l'instauration d'un système de navette gratuite au départ des stations et d'un stationnement payant en altitude. Les activités de pleine nature motivent les séjours en montagne et le principe du libre accès à la nature doit être affirmé. Leur impact sur l'environnement dépend de la densité de fréquentation et du degré d'information des pratiquants. Le rôle d'information des offices de tourisme et des accompagnateurs est, à cet égard, capital. Ces derniers informent le public sur les nuisances produites par la fréquentation anarchique sur la faune, sur les milieux naturels sensibles (zones humides), sur les activités agro-pastorales et indiquent les propositions d'itinéraires balisés et/ou pédagogiques permettant une maîtrise des flux. Dans ce domaine, les collectivités locales et les professionnels du tourisme pourraient travailler en collaboration étroite avec le milieu associatif. La raquette à neige pose par endroits de graves problèmes de dérangement de la faune en période de vulnérabilité hivernale. Un effort d'information sur les conséquences des perturbations hivernales de la faune (mortalité par épuisement) et la proposition d'itinéraires balisés reprenant les sentiers utilisés pour la randonnée estivale pourraient concourir efficacement à limiter l'impact de cette pratique en plein essor.

Nous voudrions proposer quelques pistes pour permettre au tourisme de participer au développement durable : d'une part il faudrait instituer un système de répartition des revenus générés par la pratique du ski alpin qui sont très inégalement répartis. Plutôt que de chercher à développer la pratique du ski alpin dans les communes dont l'environnement est encore préservé (Sixt Fer à cheval en Haute-Savoie), il nous paraît plus opportun de jeter les bases d'une coopération intercommunale par l'intermédiaire de larges Communautés de communes et d'instaurer ainsi une répartition des revenus issus de l'activité touristique hivernale. En effet, une part non négligeable de l'activité touristique des stations dont le cadre paysager est très dégradé repose sur l'attractivité des espaces naturels encore vierges d'équipement des communes voisines, sans que celles-ci n'en retirent les dividendes. De plus, il faudrait favoriser la diversification de l'offre. L'avenir de nombreuses petites stations de sport d'hiver orientées sur la seule pratique du ski alpin comme La Giettaz, en Savoie, est sombre en raison des aléas climatiques et du réchauffement planétaire. Il nous paraît essentiel de favoriser la diversification de l'offre par une reconversion d'une partie du domaine skiable en domaine nordique. Il faudrait, par ailleurs, développer l'hébergement chez l'habitant (gîtes ruraux, chambres d'hôtes, accueil à la ferme) de manière à rompre l'isolement des populations montagnardes et de favoriser le contact entre le monde rural et monde urbain, qui est de plus en plus ténu, enfin, proposer des formations d'encadrement des activités de loisirs afin de garantir la pérennité de la pluri-activité qui, à l'heure actuelle repose essentiellement sur le monitorat de ski et les emplois liés aux remontées mécaniques, l'hôtellerie et la restauration employant surtout des travailleurs saisonniers.

Les forêts recouvrent de nos jours des surfaces très importantes dans les zones de montagne. Il est important de souligner que les espaces forestiers sont d'un intérêt biologique très différent selon le mode de gestion en vigueur. Les anciennes forêts semi-naturelles exploitées extensivement et constituées d'essences indigènes qui se développent spontanément en altitude, renferment une très forte valeur biologique.

La valeur biologique des plantations de conifères exotiques ou d'épicéas en rangs serrés exploités en coupe à blanc est en revanche très faible. Bien que loin d'être en danger sur le plan quantitatif, la forêt de montagne est menacée sur le plan qualitatif. La tendance ces dernières décennies a été marquée par une forte croissance des plantations de résineux au détriment des peuplements naturels. Cette évolution a été particulièrement marquée dans le Massif Central et dans les Vosges. La préservation des peuplements forestiers proches de l'état naturel devrait être fortement encouragée par des aides spécifiques inspirées des contrats Natura 2000 et par une labelisation du bois issu de ces forêts exploitées de manière extensive (jardinage). Ces aides seraient une reconnaissance explicite du rôle protecteur de la forêt par rapport à l'érosion et aux risques naturels (avalanches, glissements de terrain). L'exploitation du bois est difficile en zone de montagne et génératrice d'importants dégâts liés à la réalisation de pistes d'exploitation, du passage des engins de débardage de plus en plus lourds. Localement, ces travaux forestiers entraînent une érosion préoccupante et les pistes ouvrent de nouveaux espaces à la pratique des loisirs motorisés qui sont une source de nuisance forte pour la faune et les autres usagers de ces espaces. La fragilité de ces terrains devrait être prise en compte lors des travaux d'exploitation forestière et les techniques de débardage par les chevaux ou par câble devraient être encouragées par des aides spécifiques et par la création d'un label. Lorsque la création d'une piste d'exploitation s'impose, elle devrait être refermée et reboisée dès la fin des travaux afin de limiter l'érosion et la pénétration des engins à moteurs (quads, 4x4, motoneiges).

La spécificité et la richesse biologique particulière de la zone de conflit entre la forêt et les espaces ouverts (1 600-2 000 m) devrait être explicitement reconnue et un effort de gestion particulier de cette zone devrait être entrepris. Cette zone est à la fois menacée par la fermeture des espaces due à la progression des boisements et par les aménagements en domaine skiable. Toute nouvelle installation dans cette zone largement équipée devrait être proscrite et la restauration de ces milieux dits en mosaïque (bosquets, landes, prairies) devrait être favorisée (exemple Tétras Lyre dans le Val d'Arly en Savoie). Enfin les zones de montagne bénéficiant de larges peuplements forestiers devraient être encouragées pour utiliser le bois local comme matériau de construction et comme source d'énergie renouvelable avec des retombés bénéfiques en termes d'emploi.

Les zones de montagne renferment de fortes réserves d'eau en raison de fortes précipitations et d'une couverture neigeuse des zones d'altitude. Cette ressource en eau qui paraît abondante se révèle néanmoins fragile et mérite une politique de préservation spécifique. L'étude du Conseil supérieur de la pêche montre que les zones de montagne ne sont pas épargnées par la dégradation de la qualité du milieu aquatique. Les causes principales de la détérioration de la qualité des cours d'eau sont : la pollution d'origine agricole ou domestique diffuse en tête de bassins versants, la pollution domestique d'origine urbaine et industrielle dans les vallées, la canalisation des cours d'eau, les séquelles des extractions de granulats, les ouvrages hydroélectriques. La politique de la montagne devrait particulièrement prendre en compte la pollution diffuse en tête de bassin versant qui compromet la capacité d'auto-épuration des cours d'eau, celle-ci étant déjà saturée "à la source". Des mesures spécifiques d'aide à la réalisation de systèmes d'assainissement autonomes performants adaptés à l'habitat dispersé en hameaux et aux exploitations agricoles devraient être prises : filtres plantés de roseaux en dessous de 1000 mètres d'altitude et lits filtrants ailleurs.

La pollution d'origine agricole pourrait être réduite par des plans d'épandage en vallée, la création de fumières et en favorisant la fertilisation par le fumier au lieu du lisier. La pollution domestique d'origine urbaine mérite d'être spécifiquement prise en compte par la politique de la montagne en raison de son caractère saisonnier étroitement lié à l'activité touristique des stations. Force est de constater que peu de stations touristiques rejettent une eau de qualité adéquate au milieu naturel. Et 15 % des stations françaises de ski ne sont pas raccordées à une station d'épuration. Il nous paraît essentiel que toute nouvelle extension d'urbanisation soit strictement dépendante de la mise en conformité préalable des installations d'assainissement des eaux usées , tant sur la plan de la qualité des eaux restituées au milieu naturel, que sur le plan de la capacité des installations en termes d'équivalent habitants.

S'agissant du transport de marchandises, nous ne traiterons pas le transport international qui ne relève pas de la politique de la montagne, mais de la politique économique européenne. La position des associations de protection de l'environnement est claire dans ce domaine : priorité au rail et aux filières locales. La création de nouvelles voies de communication doit être limitée au maximum et strictement subordonnée aux besoins des exploitants agricoles, forestiers ou à l'amélioration de la desserte de communes isolées. Toute ouverture de voies nouvelles ou l'élargissement de voies anciennes devrait être soumise à l'approbation d'un comité de pilotage du massif, ou en son absence à la Commission départementale des sites perspectives et paysages, afin d'éviter tout abus et d'en limiter les impacts environnementaux.

Dans le cas particulier des pistes d'exploitation forestières, celles-ci devraient être obligatoirement refermées et reboisées afin de limiter l'érosion et la pénétration des véhicules motorisés. Dans le cas particulier de la desserte des pâturages d'altitude, la priorité devrait aller au transport par câble. S'agissant des loisirs, toute création de voies destinées aux seuls loisirs doit être proscrite tout particulièrement la réalisation de routes panoramiques ou de circuits touristiques pour engins motorisés. Une vigilance particulière est de mise concernant la réalisation de pseudo-dessertes de pâturages d'altitude destinées à accéder à des chalets d'alpage transformés en résidences secondaires. De fait la prolifération des engins motorisés tout terrain utilisés à des fins de loisir est génératrice de conflits d'usage avec les exploitants agricoles et les autres usagers de la montagne. La politique de la montagne devrait clairement inscrire l'interdiction d'utilisation des chemins d'exploitation et des itinéraires pédestres aux véhicules à moteur (exception faite pour les exploitants agricoles et forestiers). Il convient de souligner la responsabilité des élus en cas d'accident. La politique de la montagne devrait réaffirmer l'illégalité de l'utilisation des engins de progression sur neige à des fins de loisirs, y compris la desserte de résidences secondaires. Cette pratique illicite est source de graves nuisances sur la faune en période de vulnérabilité hivernale, de risques d'accidents graves et de nuisances sonores et olfactives pour les autres usagers de la montagne. Le cas particulier des déposes en hélicoptère à partir des pays voisins mérite d'être examiné. Les déposes ont lieu sur des sommets frontaliers et la reprise des clients s'effectue sur le territoire français. Ce sont à la fois la dépose et la reprise par hélicoptères qui doivent être proscrites. A cet égard, un effort d'harmonisation européen devrait être effectué.

En conclusion, la politique de la montagne devrait avoir pour ligne directrice le développement durable impliquant la préservation et la gestion des espaces naturels remarquables avec des outils appropriés et la prise en compte de la "nature ordinaire" dans la politique d'aménagement afin de préserver et/ou de restaurer la continuité des milieux naturels et le fonctionnement des corridors écologiques. Il faudrait aussi veiller à pérenniser l'agriculture traditionnelle de montagne en reconnaissant explicitement son rôle clé dans la préservation des espaces naturels et des paysages remarquables sur lesquels se fonde l'activité touristique. Il faudrait aussi favoriser l'activité des filières agropastorales afin de permettre le retour des bergers, orienter le développement du ski alpin sur des aspects qualitatifs et mettre un terme à la politique d'extension des domaines skiables génératrice d'atteintes graves aux paysages, aux milieux naturels, à la faune, à la flore et à l'identité culturelle. Le développement touristique devrait être axé sur une offre diversifiée, équilibrée, facteur de cohésion sociale et respectant le patrimoine naturel et culturel des espaces montagnards. Il faudrait aussi favoriser la qualité et l'exploitation extensive des boisements de montagne, reconquérir la qualité de l'eau, réduire les nuisances du transport de transit international et de la circulation des engins de loisirs motorisés.

Nous soulignons que l'unité pertinente pour atteindre les objectifs de préservation du patrimoine naturel est celle du massif présentant une unité culturelle, historique, géographique et économique, y compris dans ses aspects transfrontaliers. La création de "comités de pilotage" de ces massifs au sein desquels tous les acteurs de la vie locale, dont les associations de protection de l'environnement seraient représentés de manière équilibrée pourrait être la pierre angulaire de la politique de développement durable de l'espace montagnard. En son sein pourraient être intégrés à l'échelon local les impératifs de préservation des milieux naturels, les besoins de l'activité agricole, les méthodes de gestion et d'exploitation des espaces boisés, la préservation ou la reconquête de la qualité de l'eau et le développement touristique respectueux de l'environnement et de l'identité culturelle.

M. Eric Feraille - C'est à mon sens un premier exemple du développement durable appliqué et de la démocratie locale appliquée. Je peine à comprendre pourquoi ce projet a suscité autant de contestation. Cette situation est dommageable pour la montagne car cet outil semble particulièrement bien adapté à la protection du patrimoine montagnard. Certains blocages liés à Natura 2000 semblent s'estomper, notamment avec le monde agricole et les chasseurs, en tout cas dans les Alpes du nord. Des problèmes subsistent avec des élus qui ont peur de s'engager dans ce processus par crainte de l'Europe. Les pays du Sud de l'Europe n'ont pas eu cette crainte. L'Espagne a proposé 15 % de son territoire national, le Portugal plus de 10 %, l'Italie est largement au-dessus de nous, la Grèce est à 25 %. En revanche la France, pays d'Europe qui détient le plus riche patrimoine naturel d'Europe a proposé 5 %. Une étude du département économie de l'université de Klagenfurt en Autriche qui a étudié le bénéfice de Natura 2000 sur le plan purement économique montre que cette disposition se révèle bénéfique pour le tourisme ainsi que pour l'agriculture, la chasse et la pêche. Cet outil de développement n'est pas négligeable. Sa mise en oeuvre en France est disparate, je vous laisse, si vous le désirez, consulter la carte figurant sur le site du ministère de l'environnement

M. Marc Maillet - Il faut indiquer que les listes remontées à l'Europe, comme s'y est engagé le gouvernement, n'étaient pas suffisantes s'agissant d'un certain nombre de sites remarquables et d'espèces protégées. Un complément de sites a donc été effectué en janvier notamment pour les zones à ours. En revanche pour les Alpes, 7 à 11 types de sites manquent. Or, ces compléments ne sont pas annoncés. Il serait souhaitable que ces sites soient complétés et que par ailleurs le département des Pyrénées-Atlantiques ne soit pas l'enfant terrible du rejet total de l'application de Natura 2000. Ce ne sera plus le cas si les zones à risque sont transmises.

M. Jean-Paul Amoudry - Avez-vous en votre possession des informations précises s'agissant du réchauffement climatique ?

M. Eric Feraille - Oui, une étude du journal "Nature" démontre le raccourcissement des saisons au cours du XXe siècle, les printemps précoces et les hivers tardifs

M. Jean-Paul Amoudry - Je suis d'accord avec vous pour dire que les lieux de débats n'existent pas et que, de ce point de vue-là, le comité de massif n'a pas rempli sa mission. J'y vois une conséquence dans une activité judiciaire assez forte puisque, en l'absence de dialogue, une action devant les tribunaux constitue le seul recours. Pourriez-vous nous transmettre des informations sur les actions en justice menées par vos mouvements ? Ces actions apparaissent parfois un peu systématiques à l'encontre des projets immobiliers ou de projets devant les collectivités

M. Marc Maillet - Le nombre de recours est très faible mais très médiatisé. Car le nombre d'UTN est devenu faible aussi.

M. Jean-Paul Amoudry - Les UTN ne sont pas les seuls concernées.

M. Marc Maillet - Oui, il y a les plans d'occupation des sols aussi. Mais ce droit d'action en justice est celui du citoyen. Il s'agit d'un contrôle de légalité et il n'existe aucune autre possibilité de contestation. Nous n'avons pas de volonté systématique de traduire quiconque en justice. Mais je l'avoue, je crains que la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain introduise des recours supplémentaires lors du passage des POS aux cartes communales. Car le déclassement se fait en défaveur de la protection de l'esthétique du village par un mitage plus accentué.

M. Jean-Paul Amoudry - Je ne souhaite pas remettre en cause ces recours prévus par la loi, notamment celle de 1992 qui a trait aux enquêtes publiques. On constate néanmoins une judiciarisation qui traduit un manque de dialogue. J'aimerais donc savoir sur quels éléments réside le contentieux résultant de la loi montagne ?

M. Marc Maillet - De notre côté, la lassitude est grande, je vous l'assure, à entamer des recours qui aboutissent cinq ans après et s'avèrent finalement inutiles car la construction est achevée ou le projet a été abandonné. La vallée du Galbe, dans les Pyrénées-Orientales par exemple, au sein de laquelle certains souhaitaient construire une piste et des remontées mécaniques, a été sauvée grâce à un recours. S'agissant des POS, il n'existe aucune structure de discussion alors qu'auparavant des groupes de travail étaient mis en place. Seules les associations agréées peuvent demander à être entendues. Effectivement, subsiste la procédure mise en place par les enquêtes publiques, mais il est question de la réformer à cause de l'absence du public justement. Comment pallier cette absence du public ? Des associations ont proposé des alternatives qui remettent en cause le système. Je propose de s'orienter vers des offices d'animation du débat public au niveau des départements où l'on puisse disposer des documents. Car, en effet, obtenir les documents nécessite d'entamer une procédure qui s'apparente souvent à un parcours du combattant, et génère peut-être de l'agressivité. De plus, les enquêtes publiques confirment souvent les décisions prises par le conseil municipal. Je pense que des efforts doivent être effectués dans deux directions : l'effort de transparence et l'implication des associations au processus de décision.

M. Eric Feraille - Le contentieux représente une part faible de l'activité associative, en Haute-savoie, en tout cas. Dans notre région, les motoneiges causent beaucoup de problèmes et nous nous portons partie civile car l'Etat est défaillant en ce domaine. Nombre de contentieux pourraient être évités si une discussion sur les projets avait lieu en amont. Or, souvent, les projets sont construits de toutes pièces et présentés au dernier moment sans possibilité de négocier. Le conflit juridique est toujours un symbole d'échec pour nous, car il signifie que nous ne parvenons pas à dialoguer. Si des abus ont pu se produire dans le passé, le recours devant les juridictions ne fait pas partie de la philosophie de notre association.

M. Jean-Paul Amoudry - Les loupés de départ expliquent souvent les conflits. Natura 2000 est un bon exemple, mais les prédateurs aussi. Par exemple, il aurait fallu avouer la réintroduction des ours et ne pas dire qu'ils étaient revenus depuis la Slovénie.

M. Gérard Bailly - Le manque de concertation est évident. La question de fond de votre intervention me semble être : quel aménagement souhaitons-nous ? Apparemment, vous désirez un territoire de montagne propice au repos, une zone de loisirs. Je crois que les gens de la montagne ne conçoivent pas les choses ainsi. Leur souhait est que la montagne vive. Ils veulent que des activités se développent comme l'agriculture permettant qu'un docteur, une pharmacie puissent rester. Mais combien reste-t-il d'agriculteurs aujourd'hui ? Combien de mois dans l'année sont concernés par le tourisme ? Il faut que reste une vie dans ces montagnes. Or, quand les maires veulent mettre en oeuvre des projets, ils se heurtent à d'immenses difficultés pour les implanter. Les contraintes sont très fortes. Il faut que la montagne puisse entretenir des services libres. Les paysans ne veulent plus vivre dans un village où les volets sont fermés presque toute l'année. Les femmes de paysans ne veulent plus rester. Nous avons évoqué aussi le thème des prédateurs, mais imaginez bien qu'un paysan qui possède des moutons ou des poules par exemple, ne travaille pas pour nourrir les prédateurs. S'agissant de Natura 2000 : vous dites les gens ne comprennent pas. Mais, en 24 heures, deux personnes sont venues me voir. L'une d'entre elles se retrouve au tribunal car elle a creusé un fossé de 120 mètres de profondeur dans sa propriété classée Natura 2000 sans qu'elle le sache car elle habite la commune d'à côté.

Comment voulez-vous que cette personne puisse être favorable à Natura 2000. Autre exemple, notre Conseil général est en train de refaire une route, mais nous ne pouvons pas travailler pendant la nidification, pendant la période de reproduction des cerfs, pendant les saisons touristiques. Les contraintes font que les travaux ne peuvent pas être réalisés. Nous parvenons à des extrêmes. Sans discussion, nous allons parvenir à une rupture. Dans le cadre de Natura 2000, nous avons obtenu une prime à l'herbe de 46 euros par hectare, mais pour en bénéficier il faut signer un CTE, les agriculteurs se heurtent toujours à une multitude de conditions. Demain, il n'y aura plus d'agriculteurs mais les espaces, eux seront libres.

M. Marc Maillet - Nous partageons ces préoccupations de vie en montagne. D'ailleurs, ce samedi, nous organisons une réunion sur le problème du train dans les Pyrénées dans le cadre de l'année internationale de la montagne. Car les services publics disparaissent aussi.

Mais les situations ne sont pas homogènes en montagne. Des cantons souffrent de leur faiblesse démographique, tandis que d'autres ont stabilisé leur population. Lors de ces réunions sont présents les habitants, les élus, l'administration. Protéger la faune ne constitue pas notre seule préoccupation. Il faut que l'homme puisse vivre dans des conditions favorables. Je ne crois pas que vous deviez systématiser les écologiques comme des « emmerdeurs » qui freineraient la vie en montagne. Ils souhaitent l'améliorer et donner envie à de nouveaux habitants d'y résider.

M. Gérard Bailly - S'il y a du travail et le travail implique modernisation, voiries, PME.

M. Marc Maillet - La modernisation ne signifie pas forcément voiries, il peut s'agir d'écoles.

M. Jean Boyer - Mon collègue a parlé avec son coeur en tant qu'agriculteur et montagnard. Dans mon département, la Haute-Loire, 18 cantons sont en Zone de revitalisation rurale (ZRR). L'inquiétude des responsables agricoles n'est pas le manque de terre, mais le fait qu'ils puissent avoir des voisins. Les agriculteurs, qui sont dans ces zones de montagne et acceptent de rester entre 800 et 1.000 mètres d'altitude, ont l'impression que la montagne est colonisée, car on lui amène des prescriptions et aucune possibilité d'améliorer certaines choses. Par exemple, obtenir une AOC en montagne est impensable. Pour la viande, la première qui en bénéficiera sera certainement située sur le mezin à cause d'une plante particulière qui s'appelle la sistre, puisque l'AOC est liée au territoire. Les choses ne sont pas si évidentes dans ces territoires et les agriculteurs sont découragés, la morosité est forte. Le dialogue est nécessaire pour que chacun se comprenne. Les agriculteurs aussi désirent sauvegarder la montagne puisqu'ils y résident. Les CTE comme Natura 2000 ont été interprétés comme des vecteurs de contraintes supplémentaires. Mieux faire comprendre quels sont les intérêts des dispositifs me semble indispensable.

M. Eric Feraille - Empêcher les gens d'habiter en montagne n'est pas notre objectif. Nous comprenons le désarroi de ces gens. Il faut le prendre en compte, développer des activités économiques qui leur permettent de survivre. Mais construire des usines en montagne est illusoire à cause de l'absence de voiries. Ces questions ne vont pas être résolues du jour au lendemain. Notre rôle est de proposer les outils de protection de l'environnement qui sont compatibles avec l'activité économique. Mais je n'ai rien contre l'activité industrielle ou artisanale.

M. Jean Boyer - La montagne, en effet, n'est pas adaptée à des activités économiques et industrielles, mais il faut que ses produits soient valorisés à leur juste de valeur.

M. Eric Feraille - Nous sommes évidemment d'accord. Et votre rôle de politique est de favoriser cela.

M. Gérard Bailly - Je le répète, il faut qu'il y ait d'autres forces vives en montagne car les agriculteurs s'en vont. Il faut préserver des activités en montagne, mais j'ai l'impression que nous ne savons pas répondre à cette question. Nous n'avons pas suffisamment aidé les PME qui cherchent à s'installer dans des villages de 200 habitants.

M. Jean-Paul Amoudry - Je crois qu'il nous faut conclure cette discussion. J'espère que ce débat nous permettra de formuler des idées qui feront avancer la démocratie locale.

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