33. Audition de M. Gilbert Blanc-Tailleur, président de l'association des maires des stations françaises de sports d'hiver et d'été (AMSFSHE) (26 juin 2002)

M. Gilbert Blanc-Tailleur - Vous m'avez demandé si, depuis ces cinq dernières années, le tourisme est en phase de croissance ou de stabilisation.

Plusieurs facteurs conditionnent le développement du tourisme en montagne, été comme hiver : la situation économique nationale et européenne, le moral des Français, les aléas climatiques, la réputation d'enneigement des sites, leur niveau d'équipement, les dates des vacances scolaires européennes ainsi que le niveau des prix des séjours comparés à des propositions touristiques concurrentielles de plus en plus alléchantes, variées et nombreuses.

Désormais, la comparabilité des prix exprimés en euros et les sites Internet de réservation de dernière minute modifient en profondeur les conditions de la concurrence, ainsi que les possibilités de choix des touristes. La performance économique des stations passe par la recherche de la qualité tant en ce qui concerne les installations de remontées mécaniques que les services.

Une tendance lourde se dégage depuis quelques années : les investissements en neige de culture sont désormais au coeur des priorités des exploitants de remontées mécaniques : ces installations permettent d'assurer le début et la fin des saisons et d'assurer le retour dans les stations, skis au pied.

Désormais, même les grandes stations qui montent haut en altitude, investissent massivement dans de telles installations, alors que la neige artificielle a longtemps été une préoccupation importante uniquement pour les stations de basse ou moyenne altitude. A ce sujet, d'ailleurs, j'attire votre attention sur la nécessité de ne pas alourdir la réglementation relative à la gestion de l'eau, car le risque serait grand de ne plus pouvoir réaliser de tels équipements, désormais indispensables.

Aujourd'hui, même si la montagne reste la première destination de vacances d'hiver, la fréquentation des stations, depuis dix ans, ne dépasse pas les 8,9 % des Français qui se rendent à la montagne en hiver, sur les 36,9 % qui partent en vacances à cette période. A noter que la fréquentation des franciliens est tombée très significativement depuis dix ans. La fréquentation des étrangers stagne aussi, voire régresse un peu : 1,9 million d'étrangers ont fréquenté nos stations de sport d'hiver lors de la saison 2000/2001.

A cet égard, l'harmonisation des dates de vacances européennes semble fondamentale. Le fait que les vacances ne soient pas harmonisées nous porte en effet préjudice. L'affluence des Belges vers le 20 janvier jusqu'au 5 ou 6 février ne s'est pas produit cette année car les vacances en Belgique sont intervenues en même temps que les vacances parisiennes.

En revanche, on constate une progression de la clientèle des Pays d'Europe centrale et orientale qui constitue peut-être une perspective. La fréquentation des stations est plutôt stable avec une légère croissance. Depuis une période récente, nous constatons un phénomène nouveau : il peut désormais se produire une déconnexion entre l'évolution du chiffre d'affaires des remontées mécaniques et celui de l'hébergement, cette déconnexion s'effectuant au profit de l'hébergement.

Ceci incite les collectivités locales qui aident les stations à réfléchir sur les causes de ce phénomène, qui, s'il devait se poursuivre, serait une source de danger pour l'économie des stations, dans la mesure ou la valeur ajoutée dégagée par l'exploitation des remontées mécaniques est la principale source de richesse collective des stations.

Le point de vue généralement constaté chez tous ceux qui ont analysé ce phénomène est que, si les vacanciers viennent à la montagne pendant l'hiver, ce n'est plus nécessairement pour consommer exclusivement du ski, mais pour connaître une pause dans leur vie habituelle, pour apprécier l'air pur, la beauté des paysages, et enfin pour vivre en harmonie familiale.

Autre question : quels sont les perspectives et les gisements à exploiter ? Les perspectives de développement économique des stations dépendent de l'importance de leur fréquentation et des efforts entrepris afin de séduire la clientèle ainsi que de la nature, de la qualité et de la quantité des équipements de remontées mécaniques, de la neige de culture et par conséquent des investissements qui sont consentis par les opérateurs et/ou par les communes supports.

En ce qui concerne le premier point, les acteurs locaux et leurs représentations nationales doivent imaginer des formules nouvelles pour répondre aux attentes de la clientèle française et étrangère en pleine mutation. En effet, les études, notamment celle de COFREMCA parue en 2000, montrent que cette clientèle est de plus en plus exigeante sur la qualité et le coût des services marchands, et de plus en plus sensible au "non marchand".

Cette clientèle, de surcroît, est attachée aux valeurs de fond symbolisées par les trois "R" : retrouvailles, ressourcement, rupture, auxquelles il convient d'apporter une réponse. Les stations ont compris la nécessité de se lancer dans des programmes de réhabilitation de l'immobilier de loisir, d'aménagement de sentiers pour piétons praticables en hiver et d'espaces réservés à la pratique des nouvelles glisses. Il est important aussi de veiller à la sécurisation et la normalisation des domaines skiables, à la construction de piscines, de patinoires, de centres thermo-ludiques et autres balnéothérapies, de faciliter l'accès à la pratique de la glisse et au séjour en station des personnes handicapées, de créer des infrastructures d'accueil pour les enfants et aussi des lieux de rencontre ludiques pour les familles.

Ceci ne constitue que quelques exemples d'actions à mettre rapidement en place, sous peine de voir la clientèle chercher ailleurs ce qu'elle ne trouverait plus dans les stations françaises.

Pour ce qui concerne la pratique de la glisse, de nouvelles inventions doivent constamment voir le jour. Il s'agit de les adapter aux pratiques des jeunes urbains, mais aussi d'autres clientèles potentielles comme les débutants par exemple qui veulent pouvoir accéder rapidement et facilement aux plaisirs de la glisse. Elles doivent aussi rendre la glisse plus facile aux "jeunes seniors" qui pratiquent encore le ski, mais moins qu'avant et qui recherchent la diversité de leurs activités en montagne.

La famille, au sens large du terme, ne doit pas être en reste. Des infrastructures d'accueil spécifiques doivent être mises en place pour elles : pistes de ski protégées et "réservées" pour pouvoir pratiquer tranquillement le ski en famille, des infrastructures d'accueil pour les plus petits, des écoles de ski performantes pour les plus grands (enseignement des nouvelles glisses, encadrement toute la journée, y compris pour les repas...) pendant que les parents skient de leur côté.

Il faut aussi permettre aux grands-parents, souvent accompagnant, d'accéder à la neige car ils constituent une niche de clientèle non-négligeable (bancs déneigés pour surveiller les petits sur les pistes de luge...).

La perspective de développement des stations de montagne passe aussi par une relance des départs en classe de neige (les enfants, séduits par leur séjour en classe de neige et prescripteurs de la destination vacances de la famille, constituent notre clientèle de demain). Cependant, de nombreux freins interviennent dans ce domaine : coût du séjour, responsabilité des accompagnateurs, réticence des parents, vétusté de certains centres d'hébergement. Il faut toutefois se rappeler que des établissements, comme Pierre et Vacances, ne sont fréquentés que pendant certaines semaines (avant Noël, janvier, après Pâques...) et ne remplissent qu'à 30 % de leur capacité.

Ne faudrait-il pas lancer un grand programme de découverte de la neige, en partenariat avec les stations, l'éducation nationale...afin de relancer massivement les classes de neige ? 50 % des classes de neige ont disparu ces dernières années selon une étude menée par la région Rhône-Alpes. Les aménagements et investissements méritent une promotion accrue afin de faire face à la concurrence. La campagne nationale Professionnels Associés de la montagne et son homologue Ski France International pour l'étranger, les outils de communication mis en place par l'AMSFSHE, Ski France, les performances du Club les P'tits Montagnards/Ski France, créé pour mieux répondre aux attentes des familles en vacances à la montagne ont vraisemblablement besoin d'amplifier leur action.

Sur cette question, je suis en mesure de vous annoncer aujourd'hui que ces différents partenaires de la montagne, parmi lesquels se trouvent le Syndicat national des téléphériques de France et le Syndicat national des moniteurs de ski, sont sur le point de constituer une plate-forme commune de moyens, destinée à harmoniser encore davantage les actions de promotion tout en rationalisant les moyens que chacun y affecte.

En ce qui concerne le second point, il me semble tout à fait intéressant que les opérateurs de remontées mécaniques ne réduisent pas leurs investissements, tant pour les engins de remontées mécaniques que pour les installations de neige de culture. Sans revenir sur les arguments et constatations développées ci-dessus, je voudrais simplement souligner que le service public du ski est un service public très capitalistique qui doit, en tant que service public industriel et commercial, trouver son équilibre par ses propres ressources.

Ces caractéristiques, sur lesquelles reposent tous les programmes de développement futurs sont très importantes. Du point de vue de la législation et de la réglementation aujourd'hui applicable par rapport à cette problématique d'investissement, je souligne que les maires des stations que je représente aujourd'hui sont très sensibles à ce qu'il n'y ait pas d'alourdissement des procédures. La procédure Unités Touristiques Nouvelles leur paraît suffisante. Celle-ci pourrait être revue selon deux axes.

Elle pourrait être allégée pour les équipements ou urbanisation de faible ampleur, ou de renouvellement sans extension : le coût de fabrication des dossiers UTN est élevé (il faut déposer 42 exemplaires du dossier), et pour les petites stations, il peut être un vrai problème. Le délai d'instruction est aussi souvent jugé trop long. D'autre part, la procédure pourrait inclure davantage d'élus locaux représentant les stations ou les massifs, et de ce fait, dépendre moins de l'administration.

Dans le même registre, il est de mon point de vue, sans doute utile de réfléchir sur le contenu et sur la forme des conventions liant la commune à l'exploitant de son domaine skiable. L'objectif est de supprimer autant que possible, les flous juridiques, et de permettre aux communes, dont beaucoup sont petites et ne disposent que de peu de moyens, de pouvoir assurer correctement le suivi de ces conventions et d'éviter qu'elles ne se fassent imposer des formules d'investissement qu'elles ne souhaitent pas.

S'agissant des acteurs de l'aménagement touristique : qui sont les porteurs de projets ? Les collectivités locales doivent-elles préférer la concession à la régie directe pour l'exploitation des remontées mécaniques ? selon le degré de développement et d'équipement du domaine skiable, ainsi que de son mode de gestion, l'initiative des projets peut venir, soit de la collectivité locale support, soit de l'exploitant (s'il est différent de la collectivité), soit des deux à la fois.

D'une manière générale, la collectivité locale n'est jamais absente du processus de maturation de projets relatifs au domaine skiable. En effet, si le mode de gestion est une régie directe, la commune maîtrise l'ensemble du processus. En cas de délégation de service public, l'initiative provient généralement du délégataire, puisque le bon fonctionnement du domaine skiable est une des obligations contractuelles qu'il doit assumer. Cependant, le délégant intervient toujours, au moins par le biais des autorisations administratives qui doivent être accordées (UTN, permis de construire).

Je remarque également qu'il existe très souvent une phase de concertation, l'intérêt du délégataire et celui du déléguant, qui récupère les installations à la fin du contrat, étant intimement liés. Une seconde tentative de réponse porte sur une analyse plus financière et repose sur l'adage populaire "qui paie commande". Suivant cette logique, l'entité qui détient la responsabilité de l'exploitation et des investissements corrélatifs détient aussi la responsabilité d'initier des projets de développement ou d'amélioration. Cependant, dans la mesure où nous sommes dans un cadre de service public, la personne responsable de ce service doit toujours avoir la possibilité minimale d'exprimer son point de vue, voire de prendre la décision finale à partir de laquelle le projet verra effectivement le jour. `

Les collectivités locales doivent-elles préférer la concession à la régie directe pour l'exploitation des remontées mécaniques ? La concession, ou plus généralement la délégation de service public, est un choix souverain revenant aux communes, et à elles seules, en fonction des dispositions de la loi Montagne.

Ce processus de gestion ancien permet de confier à un tiers choisi intuitu personae , en fonction de ses compétences et de ses capacités financières, la construction et le financement d'équipement public et leur exploitation, ou bien seulement l'exploitation de ceux-ci. L'autre mode de gestion possible réside dans la gestion directe, par le biais d'une régie directe, ou d'une régie dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière.

La délégation de service public (DSP) peut être considérée comme un processus de recherche de financement de projet. En effet, la collectivité qui souhaite équiper une partie de son territoire en domaine skiable (remontées mécaniques, engins de damage, caisses, monétique...) doit faire face à un montant considérable d'investissements. Le service public du ski est en effet une activité de loisir à très forte connotation capitalistique. De plus, les investissements minimaux sont d'emblée très forts : un étalement est utopique, sauf marginalement.

Peu de collectivités locales sont en mesure d'assurer à elles seules de tels financements, même si elles bénéficient de l'appui des établissements financiers. Les communes apportant leur aide aux stations sont souvent de petites collectivités dont la surface financière est généralement faible, du moins au démarrage de la station.

Outre l'aspect purement financier, intervient aussi la question du savoir-faire, de la maîtrise technique des engins nécessaires. Cet aspect motive le recours à une délégation de service public, plutôt qu'à une gestion directe. La délégation de service public apparaît donc comme un moyen d'obtenir rapidement les équipements publics souhaités, en ne sollicitant pas les finances publiques, en s'assurant le concours de professionnels, tout en ayant la certitude de faire revenir dans le patrimoine communal les équipements en question, lorsque le contrat de délégation de service public arrivera à sa fin.

En outre, pendant la durée du contrat, les risques financiers et commerciaux restent à la charge du délégataire, qui se rémunère en contrepartie directement auprès des usagers du service public, qui peuvent être assimilés à des clients. Ceci n'est évidemment possible que parce que le service public du ski est assimilé à un transport public de voyageurs et qu'un tel service public qualifié d'industriel et commercial, doit en tant que tel, s'équilibrer par sa propre exploitation, sans recours au contribuable.

Dans un tel contexte, il est difficilement concevable que le délégataire puisse exprimer ses propres choix en matière d'investissement et de modalités d'exploitation. C'est pourquoi, entre la phase de l'envoi du cahier des charges et la signature du contrat final, a lieu une période de négociation qui permet aux deux parties de mettre en concordance leurs intérêts respectifs.

Cette phase est fondamentale car elle permet d'affiner l'équilibre économique de la délégation de service public, de préciser les modalités de concertation pendant la vie du contrat et de prévoir in fine les modalités financières de sortie du contrat. Dans cet esprit, même si l'initiative d'un projet peut revenir à un délégataire, cette initiative est nécessairement partagée avec l'autorité organisatrice. L'essence même de la délégation de service public semble être le mode de gestion idéal d'un service public comme celui des remontées mécaniques : externalisation du financement, définition partagée du programme d'investissements, recours au savoir-faire de professionnels, externalisation des risques financiers et commerciaux.

Cependant, la réalité du terrain n'est pas aussi idyllique. En matière de remontées mécaniques, les tiers ayant la capacité à devenir délégataires d'une commune pour ses remontées mécaniques ne sont pas légion. A côté de la puissante Compagnie des Alpes, ne subsistent que quelques industriels opérant sur ce marché : STVI, Transmontagne, Rémy Loisirs, pour l'essentiel. A cet égard, la loi Sapin a joué un grand rôle dans la création de cette situation d'oligopole. Et je pense qu'étudier très précisément cette question est indispensable. S'agissant de la Compagnie des Alpes, par exemple, sans remettre en cause la compétence des personnes qui y travaillent, le fait que cette structure soit financée par des fonds publics (Caisse des dépôts) pose problème. La situation de quasi-monopole qui s'instaure est en effet inquiétante.

La compagnie des Alpes est entrée à plus de 50 % du capital d'une commune par exemple. Elle investit non seulement dans les infrastructures de remontées mécaniques, mais aussi dans l'hébergement. Il faut mener une réflexion sur le plan national: ne s'agit-il pas là d'une nationalisation rampante ?

Est-il normal qu'à l'aide de fonds publics se produise une situation de quasi-monopole ? A Méribel, Méribel Alpina a mis en place un carré neige (assurance à la journée qui est vendu avec le forfait) qui concurrence directement le carré neige mis en place par la fédération. Le carré neige classique prévoit que 30 % de la somme revient au club de ski local et 70 % à la fédération. Or, avec le carré neige spécifique compagnie des Alpes-Alpina, 50 % de la somme est distribué au club local et rien à la fédération. De tels agissements entraînent la disparition du tissu associatif local. Cette situation a fait l'objet d'un courrier de notre association au président de la Caisse des dépôts.

Nous attendons un arbitrage à ce sujet. Aujourd'hui du fait de cette situation de quasi-monopole, les communes peuvent se trouver en situation de faiblesse et se voir imposer des choix d'investissement qui ne correspondent pas entièrement à leurs projets. Ces opérateurs, même les plus petits d'entre eux sont très souvent mieux armés que les communes, non seulement sur le plan financier, mais aussi sur les plans technique, administratif, procédurier et juridique.

En admettant même que le contrat qui lie la commune à son délégataire soit parfait, nous pouvons constater que le suivi du contrat et le contrôle du respect par le délégataire de ses obligations n'est pas souvent correctement réalisé par les communes, faute de moyens suffisants et notamment de moyens humains. En outre, ces contrats étant de longue durée, alors que les échéances électorales sont courtes, plusieurs équipes municipales peuvent se succéder empêchant le bon suivi d'un contrat en cours de validité. D'autant que chaque changement de municipalité tend à faire disparaître de la mémoire communale une partie des connaissances et des pratiques accumulées par l'équipe précédente.

Nous pensons que le suivi d'un contrat de délégation de service public constitue une véritable responsabilité dont l'exercice nécessite des connaissances précises et une expertise certaine sur le plan technique, juridique, administratif et financier. Or, l'expérience du terrrain montre que ces conditions ne sont que rarement remplies. L'intervention des services de l'Etat n'est pas à la hauteur des enjeux. En effet, mis à part les services techniques qui assurent le contrôle des engins de remontées mécaniques, les services de l'Etat appelés à intervenir, soit comme conseillers, soit comme contrôleurs, ne sont pas reconnus comme étant particulièrement compétents en la matière sauf sur les questions de procédure.

Tout en ne négligeant pas la procédure, élément formel de la légalité externe des actes, il faut souligner qu'une délégation de service public réussie est une délégation de service public viable sur les plans économique et financier. Or, sur ce point précisément, les administrations de l'Etat ne sont pas toujours à la hauteur des attentes des maires.

Cette difficulté apparaît notamment lorsqu'il s'agit de définir la durée des contrats. Cette question est très directement liée à celle de l'étalement des investissements sur la durée de contrat : on imagine difficilement un délégataire investir dans les dernières années du contrat s'il ne dispose pas d'une période suffisamment longue pour amortir financièrement ses investissements.

En guide de conclusion, je dirais que la délégation de service public est le mode opératoire qui a permis à de très nombreuses stations de se développer. Vous pouvez constater sur le terrain que les domaines skiables exploités en régie directe sont généralement petits, comportant des équipements insuffisants et obsolètes, sans perspective d'atteindre un équilibre économique viable et sans moyens financiers permettant d'investir.

Dernière question : quels sont les besoins et les solutions en matière d'aide à la réhabilitation de l'immobilier de loisir en montagne ? Panorama et appréciation des aides apportées au tourisme de montagne. Compte tenu du délai court qui m'a été imparti pour préparer cette audition, je ne vais pas dresser maintenant un panorama complet des aides existantes par rapport au tourisme de montagne. Je me réserve cependant la possibilité de vous communiquer ultérieurement des données complémentaires. Je me contenterai de quelques développements par rapport à l'importante question de la rénovation de l'immobilier de loisir. Cette question a beaucoup préoccupé les maires des stations. Vous n'ignorez pas que le dispositif législatif dont nous disposons aujourd'hui est le fruit d'une initiative des élus locaux, fortement soutenue par le Parlement.

Nous pouvons considérer que ce dispositif est satisfaisant. En revanche, dans la mesure où il a été conçu comme un cadre souple adaptable à des réalités différentes sur le terrain, les communes ont besoin d'une aide méthodologique au démarrage et d'un soutien financier permettant de lancer l'opération de réhabilitation avec de bonnes chances de succès. L'AMSFSHE, l'ANEM et les associations des stations classées ont pris au début de cette année l'initiative de réaliser un guide national méthodologique de réhabilitation de l'immobilier de loisir. Ce guide est sur le point de paraître.

Outre ce guide, ces associations d'élus ont décidé de mettre en place un service d'appui pour les collectivités locales qui en éprouveraient le besoin. Cette cellule devrait être opérationnelle avant la fin de l'année. Du point de vue méthodologique, nous avons fait ce que nous avons estimé nécessaire. Par contre, sur le plan financier, peu de choses ont été réalisées. Les expérimentations initiées par la Direction du tourisme, l'Association française de l'ingénierie touristique (AFIT) et la Caisse des dépôts et consignations ne se sont pas révélées très efficaces sur le terrain.

Ainsi, il serait souhaitable que l'Etat établisse une vraie politique d'aide financière au démarrage des opérations de réhabilitation. Il me semble qu'une telle action est du ressort des pouvoirs publics, compte tenu de son intérêt général.

Enfin très rapidement, j'aimerais évoquer d'autres problèmes auxquels les communes sont confrontées. S'agissant de la dotation globale de fonctionnement, ne pourrait-on pas mettre en place une rétribution particulière aux communes de montagne dont l'effort de protection du patrimoine et grand ? Une autre préoccupation réside dans le financement des budgets annexes qui concerne toutes les stations. Il faudrait réfléchir à cette question.

Pour ce qui concerne la pluri-activité, il faudrait reposer le problème de la caisse pivot. Ce problème doit être résolu afin de fixer des emplois en montagne et développer des activités.

Dernier point : la gestion foncière. Nous nous heurtons aux droits de préemption de la SAFER. Ne devrait-on pas décentraliser la gestion des terres et octroyer un pouvoir d'intervention aux élus quand de jeunes agriculteurs sont désireux de s'installer ? Nous rencontrons les difficultés les plus importantes dans les zones d'appellation.

Enfin, je souhaitais exprimer combien les relations qu'entretiennent les collectivités avec les responsables des parcs sont détestables. Simplement parce que les responsables des parcs sont des fonctionnaires. Aujourd'hui il n'existe plus aucune concertation, aucun dialogue, mais, plus grave, ces entités ne manifestent aucune volonté à associer les acteurs locaux aux décisions. De plus, leur adage semble être: ce qui est bon pour les autres ne l'est pas pour nous. En effet, les règles sanitaires s'agissant des refuges ne sont pas respectées.

Continuer ainsi est impossible. Leur seul souci semble être de supprimer toute activité en montagne et de faire en sorte que les montagnes deviennent des sanctuaires.

M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur - J'aimerais vous poser quelques questions. Quelles solutions pouvons-nous trouver à la situation de quasi-monopole de certaines entreprises en montagne que vous avez évoquée en l'illustrant par l'exemple de la Compagnie des Alpes ? Faut-il imaginer des amendements à la loi Sapin ?

Deuxième question : s'agissant de la réhabilitation de l'immobilier de loisir, vous avez dit que le dispositif ORIL (opération de réhabilitation de l'immobilier de loisirs), loi Demessine était convenable. Pourtant, tous les départements n'ont pas conduit une politique de réhabilitation. Comment l'expliquer ? le problème vient-il des préfets? de la collectivité départementale ? La cherté des prix en montagne est-elle une fatalité ?

Alors que la montagne était la deuxième destination, elle est passée au quatrième rang après la ville et la campagne. Cette situation est très inquiétante pour nos montagnes et assez souvent sont évoqués le problème du prix et de la concurrence du soleil. Que peut-on faire ?

Enfin, nous avons été interrogés par des exploitants de remontées mécaniques sur la concurrence au niveau européen, notamment italienne, suisse et autrichienne. Certains responsables affirment se trouver dans une situation de concurrence déloyale car, dans les pays voisins, les infrastructures de remontées sont aidées au niveau des emprunts, du rendement et de la neige de culture. Quel est votre sentiment ?

M. Gilbert Blanc-Tailleur - Sur la concurrence au niveau des remontées mécaniques, les Dolomites, par exemple, ont mis en place en 5 ou 7 ans, un réseau d'enneigement artificiel impressionnant. Aujourd'hui, une saison dans les Dolomites dure du 15 décembre au 5-6 avril, quelles que soient les conditions climatiques. Ce dispositif bénéficie du financement de la région à hauteur de 50 %.

En France, la situation est inverse. Les maires doivent déposer rapidement les dossiers d'enneigement artificiel car, dans deux ans, recourir à la neige de culture ne sera plus autorisé en raison de la levée de boucliers de la part de l'administration et des associations de protection de la nature. L'administration, sous divers prétextes, gèle les programmes de retenue d'eau. Un dossier de La Plagne qui traînait depuis deux ans vient de passer en force.

Une saison sans neige est catastrophique non seulement pour les stations mais pour toute la vallée. A mon sens, il faut permettre la réalisation de ces équipements qui doit se faire dans les normes en respectant l'environnement. S'agissant des prix, il semble y avoir un problème de communication. Un studio Pierre et vacances de 37 m2 à la montagne coûte 183 euros la semaine, 223 euros en décembre et janvier. Néanmoins, l'idée qu'un séjour à la montagne coûte cher subsiste dans les esprits.

Or, une semaine à la montagne n'est pas plus onéreuse qu'un séjour à la mer. Même à Chamonix, vous avez tous les prix. Le phénomène de la concentration capitalistique en montagne me semble beaucoup plus ardu à résoudre. Je n'ai pas de réponse à apporter.

M. Jean-Paul Amoudry - Pourriez-vous nous communiquer l'évolution de la progression de la Compagnie des Alpes sur les sites de montagne au cours des cinq dernières années ?

M. Gilbert Blanc-Tailleur - Elle est impressionnante au cours des trois dernières années. Un exemple : les magasins de sport. La Compagnie des Alpes a racheté sur Tignes et Val d'Isère un réseau de sept/huit magasins. Le risque est de mettre de côté un tissu économique qui était pourtant intéressant, dynamique localement.

M. Jean-Paul Amoudry - Pensez-vous que la loi ayant institué l'ouverture de la délégation de service public à la concurrence soit la seule cause ?

M. Gilbert Blanc-Tailleur - Oui, car elle a ouvert une brèche.

M. Jean-Paul Amoudry - Existe-t-il d'autres causes (conditions de vie en montagne par exemple, problèmes liés à l'application de la législation sur le temps de travail, à la fiscalité) qui font qu'un exploitant de remontées mécaniques ou un propriétaire responsable de magasins de sport ou de restaurants d'altitude préfère vendre son bien au groupe en question plutôt que de le transmettre à ses enfants ?

Ou la cause repose-t-elle d'abord dans la mise en concurrence des délégations de service public ?

M. Gilbert Blanc-Tailleur - La cause repose d'abord sur la mise en concurrence des délégations de service public. Le danger est de créer des situations de monopole où les gens ne seront plus que des employés comme aux Arcs. Il ne faut surtout pas accepter cette situation de monopole. Des initiatives privées doivent pouvoir se développer surtout dans des milieux comme ceux de la montagne. Car si les perspectives, pour les jeunes se limitent à être embauchés dans des remontées mécaniques, ils vont déserter la montagne

M. Jean-Paul Amoudry - Et tout ceci s'effectue en plein paradoxe, avec de l'argent public et sous couvert d'une délégation de service public. Il faut méditer cela. Merci président.

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