43. Audition de Mmes Josette Brosselin, directeur régional de Dexia Crédit Local, Françoise Bérard, responsable du marché intercommunalité et Béatrice Bernaud-Pau, directeur des relations institutionnelles (17 juillet 2002)

M. Jean-Paul Amoudry - Nous accueillons Madame Josette Brosselin, Directrice régionale de Dexia Crédit Local, Madame Françoise Bérard, responsable du marché intercommunalité et Madame Béatrice Bernaud-Pau, Directrice des relations institutionnelles.

Au nom de la mission présidée par Monsieur Blanc, que nous devons excuser de ne pas être présent aujourd'hui parmi nous, je voudrais vous saluer et vous remercier de vous être rendues au Sénat.

Si vous me le permettez, je souhaiterais rappeler en préambule les grandes lignes de la mission « montagne ».

2002 est l'année internationale des montagnes. A l'initiative d'un certain nombre de sénateurs, le Sénat a décidé d'ouvrir cette mission afin de réaliser un inventaire de l'application non seulement de la loi « montagne » de 1985, mais également de tous les dispositifs juridiques qui sont venus gérer, régir et administrer la montagne ces 17 dernières années.

Je fais référence ici à tous les textes nationaux, qu'il s'agisse des lois d'orientation, d'aménagement du territoire, des lois forestières et agricoles, des lois d'urbanisme ou encore des textes européens qui sont nombreux aujourd'hui.

Nous avons donc entrepris un inventaire complexe dans la mesure où aucun domaine de la vie et de la nature n'échappe en définitive à nos investigations.

J'ajoute que l'aspect financier est au coeur de nos préoccupations puisqu'en nous intéressant à la montagne, nous nous intéressons nécessairement aux collectivités, qu'il s'agisse des départements, des régions ou bien des communes et des intercommunalités.

Nous avons déjà visité un certain nombre de sites montagnards et nous repartons cet après-midi dans le Jura et dans les Vosges afin de terminer ce périple national.

Compte tenu du temps qui nous est imparti, nous n'irons pas dans les îles, pas même en Corse alors que cela était pourtant prévu.

Toutefois, nous aurons des auditions des représentants de ces territoires insulaires.

L'objectif que nous nous sommes fixé est de rendre nos travaux au début du mois d'octobre 2002. D'où une concentration importante de notre programme de travail.

Nous arrivons aujourd'hui pratiquement à la fin de nos auditions relatives à la mission d'information sur la montagne.

Sans plus tarder, nous passons au questionnaire qui vous a été adressé et sur lequel figure un certain nombre de questions.

Mme Béatrice Bernaud-Pau - Je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui au Sénat. Je commencerai mon intervention par une présentation de Dexia.

Je suis la Directrice des relations institutionnelles de Dexia Crédit Local qui est l'entité en charge du financement public local en France et dans le monde.

En ce qui concerne votre première question, je vais vous apporter un certain nombre d'éclairages sur le groupe Dexia dans son ensemble et la position de Dexia Crédit Local au sein de ce Groupe.

Dexia est un groupe européen qui est coté à la fois à Bruxelles, Paris et Luxembourg. Il fait partie du premier tiers de l'Euronext 100. Sa capitalisation boursière est de 20,2 milliards d'euros.

Le Comité exécutif est présidé par Monsieur Pierre Richard qui est également administrateur délégué de Dexia.

En ce qui concerne la composition du capital de Dexia, les actionnaires institutionnels et autres représentent 41,25 % du capital ; les actionnaires individuels représentent 13,9 % du capital ; la Caisse des Dépôts et Consignations représente 7 % du capital ; Arcofim, qui est un groupe financier belge avec lequel nous nous sommes associés au mois d'avril 2002, représente 15,34 % du capital ; la holding communale des communes belges représente encore 15,4 % du capital ; le groupe d'assurance belge SMAP représente 5,17 % du capital ; et enfin, les collaborateurs du Groupe représentent à ce jour 2,3 % du capital avec un système de mise en place d'actionnariat salarié assez régulier.

J'ajoute que la composition du capital de Dexia est en évolution constante. Actuellement, en ce qui concerne le domaine du financement du secteur public local, Dexia est le leader mondial du financement de l'équipement collectif avec 17 % de part de marché en Europe (tous financements confondus) et 25 % aux Etats-Unis (où nous avons racheté la deuxième société de réhaussement de crédit).

Les activités du Groupe sont de trois sortes :

- la gestion d'actifs pilotée par « Dexia Bil », banque établie au Luxembourg ;

- les services de financement de type bancaire pilotés par « Dexia Banque » ;

- et le service de financement de proximité piloté par « Dexia Crédit Local ».

Le groupe Dexia est né de la fusion du Crédit Local de France avec une banque belge, le Crédit Communal de Belgique. Le Crédit Local de France est né en 1987. Il s'agissait d'une SA qui travaillait sur un service de la Caisse des Dépôts et Consignations pour le financement du secteur public local.

En 1991 a lieu la première introduction en bourse sur 27 % de son capital.

En 1993, le Crédit Local de France est privatisé, l'Etat ayant cédé la majorité de ses actions.

En 1996, le Crédit Local de France s'allie au Crédit Communal de Belgique.

En 1999 a lieu l'unification des deux holdings de tête.

En 2000, la totalité des activités du Groupe relatives au financement du secteur public local a été regroupée dans Dexia Crédit Local. Cela explique que vous allez retrouver la même appellation pour toutes les activités que nous pouvons exercer dans le monde sur le financement du secteur public local.

La partie française de Dexia Crédit Local est la plus importante, mais il existe également d'autres sociétés qui sont davantage spécialisées. On note notamment :

- une activité de montage financier intitulée « Dexia Finances » ;

- une activité d'assurance de risque employeur de collectivités locales intitulée « Dexia Sofcap » ;

- une activité d'indemnités de fin de carrière, d'épargne retraite et salariale ;

- une activité de location de véhicules ;

- une activité de financement de biens mobiliers pour le secteur public local intitulée « Dexia Lease France » ;

- une activité de crédit-bail mobilier et immobilier intitulée « Dexia Flobail » ;

- et une activité de garantie de loyer de bâtiments industriels intitulée « Assureco ».

Il s'agit ici des entités créées par Dexia Crédit Local afin d'accompagner le financement ou les actions des collectivités locales dans d'autres domaines qui n'étaient pas du financement strict du secteur public.

Par ailleurs, nous avons monté une filiale spécialisée dans le financement de la trésorerie des collectivités locales. Cette filiale a pour nom « Dexia CLF Banque » et possède des participations dans le Crédit du Nord.

Pour ce qui est des activités du financement de l'équipement collectif et du réhaussement de crédit, nous avons, en production de crédit long terme dans le monde, 30,5 milliards d'euros.

Pour ce qui est de la partie strictement française, le financement des équipements collectifs s'élève globalement à 21,9 milliards d'euros avec un encours de crédit à moyen et long terme de 125,6 milliards de francs. Cela concerne uniquement les prêts.

Dexia Crédit Local compte 2 947 collaborateurs dont 2 000 pour la France.

La partie française est majoritaire dans notre activité. Je dirai même que c'est elle qui apporte aux autres l'expérience de son métier. Nous capitalisons en quelque sorte sur ce savoir-faire pour le transmettre aux autres sociétés et filiales du Groupe.

Cela nous conduit à avoir au niveau français un réseau extrêmement important. Je précise qu'il ne s'agit pas d'un réseau de guichets d'agences puisque nous n'avons pas d'activité bancaire au sens traditionnel du terme. Il s'agit en fait d'un réseau régional qui se décline en responsabilités départementales voire locales.

L'histoire de Dexia nous a amenés à élaborer un certain savoir-faire, ce qui nous conduit à disposer d'une documentation dédiée et à produire des activités de service et de conseil.

En outre, nous montons un certain nombre de colloques et nous animons des partenariats dont celui conclu avec l'ANEM (qui concerne les collectivités locales de montagne). C'est d'ailleurs sur cette base que nous sommes interrogés sachant qu'en France, Dexia Crédit Local représente 40 % de l'appel au financement du secteur public local pour ce qui est des collectivités. On peut donc considérer que 40 % des besoins de financement des collectivités locales sont couverts par notre institution.

Pour répondre à l'ensemble des questions qui concernent plus précisément la montagne, nous avons souhaité vous présenter deux personnes qui sont d'une part, Madame Brosselin, Directrice régionale de Dexia Crédit Local pour la Savoie et la Haute-Savoie et d'autre part, Madame Bérard, responsable du marché intercommunalité.

J'ajoute que je dispose d'informations et de documents que vous pourrez joindre au compte rendu de la présente réunion.

Mme Josette Brosselin - Grâce à la présentation de Madame Bernaud-Pau, vous avez pu comprendre le rôle joué par Dexia Crédit Local au niveau des collectivités locales.

En ce qui me concerne, je suis Directrice régionale de Dexia Crédit Local pour les départements de la Savoie et de la Haute-Savoie. L'agence est située à Annecy. Je rappelle que notre rôle de partenariat avec les collectivités a commencé en 1989. L'agence d'Annecy est la première à avoir été délocalisée. J'ajoute que je suis moi-même issue des collectivités locales puisque j'y ai travaillé pendant 15 années.

L'agence d'Annecy dispose d'environ 50 % - 60 % d'encours sur les collectivités locales, ce qui est supérieur à la moyenne nationale (40 %).

Notre encours de dette est actuellement de 1,5 milliard d'euros avec 700 clients.

Nous sommes un banquier de référence pour les collectivités de montagne.

Je signale que des petites communes comme Tignes et Val d'Isère sont classées dans les communes de moins de 2 000 habitants alors qu'il s'agit de collectivités dont les budgets sont comparables à ceux des villes de 20 000 à 40 000 habitants.

Nous avons eu un rôle de partenariat et je me plais à dire que nous sommes « le banquier des bons et des mauvais jours ». En effet, nous ne sommes pas de simples distributeurs d'argent.

Nous avons beaucoup accompagné les collectivités locales dans les montages financiers et dans l'analyse de risques. Nous les avons également aidées à se professionnaliser en termes de financement dans les analyses financières prospectives.

Nous avons aussi beaucoup contribué à l'élaboration de leurs montages juridiques.

Enfin, nous avons joué un rôle de chef de file vis-à-vis des organismes bancaires et de « facilitateur » auprès des services de l'Etat. En effet, l'aspect financier est devenu très important. Notre positionnement très proche de tous ces institutionnels a eu pour conséquence de rechercher des solutions pérennes pour les collectivités lorsque des heurts avaient lieu, soit avec le Trésor, soit avec les services de l'Etat.

Pour terminer, je dirai que dans la mesure où la Caisse des Dépôts détient 7 % du capital de Dexia, nous avons de fait une connotation d'intérêt public. Cet aspect est très important pour ce qui concerne le montage financier en zone de montagne.

S'agissant de votre deuxième question relative au bilan de ces dix dernières années, je dirai que les années 1989-1990-1991 ont été marquées par une crise importante. En effet, la neige n'était pas au rendez-vous. Cette crise du « manque de neige » a révélé un certain nombre de problèmes structurels liés à ces collectivités, supports de stations.

Au cours de la période 1980-1990, les investissements sont très capitalistiques : un euro investi à l'époque ne rapporte que 15 centimes d'euros de recettes. Il n'y avait jamais d'autofinancement dans ce type de montage. On investissait, on équipait les domaines skiables, on réalisait des offices du tourisme et autres, sans véritablement analyser sérieusement la portée de ces équipements et leurs effets induits sur les budgets des collectivités locales. Il n'y avait pas de provisions pour risques, ni pour le manque de neige, ni pour des contentieux éventuels. Il est vrai que la comptabilité de l'époque n'incitait guère à ce type de provisions et d'analyse. La comptabilité M 14, malgré ses imperfections, a tout de même apporté des règles prudentielles.

A ce titre, je souhaiterais évoquer le cas de la commune de Saint Gervais qui avait un contentieux avec la ville de Megève pour des problèmes de domaine skiable. La commune de Saint Gervais a été condamnée il y a trois ans à verser 75 millions de francs à la ville de Megève. Aucune provision n'avait été constituée par la commune de Saint Gervais. De plus, l'analyse qui avait été faite de ce contentieux portait davantage sur 30 millions de francs. Nous étions donc bien loin des 75 millions de francs !

Aujourd'hui, la comptabilité nous permet d'avoir une meilleure analyse. Auparavant, le recours à un financement en crédit-bail notamment ne figurait pas dans les bilans des collectivités tout comme la gestion de trésorerie (ouverture de ligne de crédit).

Il n'existait pas non plus d'analyse globale au niveau des financements et des organismes satellites, d'où la difficulté à appréhender les risques liés la collectivité locale.

Cette crise du « manque de neige » a donc révélé un certain nombre de dysfonctionnements et certaines collectivités se sont retrouvées en cessation de paiement avec un endettement important et une marge de manoeuvre réduite, des relations conflictuelles avec les exploitants, des concessionnaires qui se retournent vers la collectivité, la SEM qui ne paie pas sa redevance, etc.

Tout cela a provoqué en définitive une hausse de la fiscalité et un retour sur les banquiers dans la mesure où l'endettement était tout de même important. A l'époque, Dexia était peu présent au niveau des collectivités supports de stations. Cela était dû au fait que les financements étaient encore largement administrés.

Ceci étant, fidèles à notre mission de partenariat et d'accompagnement, nous avons organisé des plans de redressement (plan de prospectives budgétaires, plan d'allongement de la dette, etc.). J'ajoute que nous avons également incité les services de l'Etat (Trésor, Préfecture) à collaborer pour établir des plans prospectifs financiers durables.

Les Jeux Olympiques d'Albertville ont aussi révélé un certain nombre de dysfonctionnements qui n'étaient d'ailleurs pas forcément liés à l'événement sportif en lui-même. Le cas le plus médiatique a été celui de Bride-les-Bains.

A partir de ce constat, nous avons essayé de mettre en place une analyse du risque « montagne ». Pour ce faire, nous avons élaboré une fiche avec un certain nombre de critères voire de « clignotants ». Nous avions en effet l'impression que les collectivités n'avaient pas cette notion d'analyse globale de leur activité « montagne » en été comme en hiver.

Nous avons alors identifié le mode d'exploitation (régie directe, SEM, société privée). Il faut savoir qu'en fonction du mode d'exploitation, les risques sont plus ou moins importants.

Nous avons également analysé l'endettement des collectivités par rapport au chiffre d'affaires ainsi que la consolidation de leurs budgets.

En outre, nous avons analysé les bilans des SEM et des régies ainsi que la structure fiscale des collectivités.

Enfin, nous avons observé le devenir de la station, son altitude, ses équipements (son parc de remontées mécaniques est-il bien étudié et rationnel ?).

En définitive, nous avons mis en place tout un ensemble de « clignotants » pour l'étude de ces collectivités.

M. Pierre Hérisson - Je souhaiterais poser deux questions. La première s'adresse à Madame Brosselin. Compte tenu de votre présentation, voyez-vous un intérêt à ce que nous engagions des obligations à caractère administratif plus précises ? Compte tenu du particularisme du budget des communes de montagne, en particulier pour celles qui ne sont pas soumises aux obligations de dotations aux amortissements, voyez-vous un intérêt à ce que nous rendions obligatoires des pièces annexes du budget qui constitueraient une analyse des activités à caractère industriel et commercial avec l'obligation d'un rapport annuel qui permettrait d'éviter des périodes trop longues de dérive qui passeraient inaperçues soit parce que la collectivité ne fait pas appel à l'emprunt, soit parce que la Chambre Régionale des Comptes n'est pas présente de manière constante et permanente ?

En zone de montagne plus qu'ailleurs, il faut savoir qu'il y a systématiquement des activités à caractère industriel et commercial portées par des collectivités qui n'ont pas les obligations des communes de plus de 3 500 habitants.

Pour ma part, je souhaiterais que l'on renforce les obligations de fourniture de renseignement et d'analyse qui constitueraient ainsi des pièces annexes du dossier.

Ma deuxième question s'adresse à Madame Bernaud-Pau. Je souhaiterais savoir si au sein de votre établissement vous partagez l'idée selon laquelle le Crédit Communal de Belgique et le Crédit Local de France pourraient devenir prochainement plus que des partenaires pour faire partie en définitive du groupe La Poste.

Mme Josette Brosselin - S'agissant de votre première question, vous souhaitez en fait imposer aux collectivités de moins de 3 500 habitants l'obligation de fournir des pièces annexes.

La M 14 rend effectivement obligatoire la production de ces pièces annexes.

Il faut savoir que la plupart des collectivités de stations de montagne produisent déjà ces pièces annexes.

Toutes les collectivités qui ont comme exploitation une SEM ou un partenaire privé sont dans l'obligation de produire en annexe de leurs budgets l'analyse de la SEM ou du partenaire privé.

Se pose également le problème des régies directes que l'on retrouve d'ailleurs davantage au niveau du Massif Central qu'en Savoie ou en Haute-Savoie.

S'agissant des régies, les services de l'Etat effectuent bien un contrôle a posteriori , mais il n'existe en réalité aucune « solution miracle ». Si une régie ne fonctionne pas et que l'on mutualise le risque au niveau d'une collectivité via des subventions, cela revient en définitive à se poser la question du maintien de l'activité économique. Tout cela relève davantage d'un problème de politique et d'aménagement du territoire à mon sens.

Mme Béatrice Bernaud-Pau - S'agissant de votre seconde question, j'ai noté votre intervention comme une porte ouverte. Je n'ai rien préparé à ce sujet dans la mesure où le thème de votre question déborde très largement du cadre de la mission « montagne ».

Je pense que l'on ne peut être qu'intéressé par ce type de réflexion, mais j'avoue qu'il ne m'appartient pas de me prononcer au nom de Dexia.

M. Jean-Paul Amoudry - Je vous propose de revenir à présent sur les principaux points du questionnaire :

les dossiers UTN ;

le problème de la mise aux normes des remontées mécaniques ;

l'immobilier de loisir ;

la problématique régie-délégation de service public et le problème de l'achèvement des concessions.

Mme Josette Brosselin - Les dossiers UTN ont souvent été élaborés sans avis financier. Ceci étant, depuis 1989 chaque fois qu'une collectivité a monté un dossier UTN, l'agence DEXIA d'Annecy a été associée afin d'étudier la faisabilité de l'opération.

Les dossiers UTN sont des montages difficiles à mettre en oeuvre et très coûteux. Ils nécessitent de nombreuses études qui font appel à une multitude de bureaux d'études.

En outre, il faut savoir que le coût moyen d'un dossier UTN s'élève à 100 000 euros.

S'agissant de l'aspect financier, nous avons accompagné les collectivités en amont dans l'élaboration du bilan financier du projet UTN.

Auparavant, dès que le projet était réalisé, la collectivité avait toujours à supporter des dépenses supplémentaires. La fiscalité était donc assez mal appréciée et tous les équipements induits n'étaient pas correctement analysés.

A ce titre, la commune de Samoens (74) constitue un bon exemple. Cette commune était dans une situation extrêmement difficile avec un dossier UTN important puisqu'il s'agissait d'un gros porteur devant relier la commune au domaine de Flaine dont l'exploitant est la Compagnie des Alpes. Si l'équipement est pris en charge par l'exploitant, il n'empêche que la collectivité doit prendre en charge l'aménagement et l'emplacement de ce gros porteur. Dans la mesure où la commune de Samoens était dans une situation délicate, nous avons réalisé toute une étude ainsi qu'un plan prospectif budgétaire. Nous avons également joué un rôle de « facilitateur » auprès du sous-Préfet et des services du Trésor, afin d'établir un budget prospectif équilibré..

Pour ma part, je souhaiterais que les nouveaux dossiers UTN soient animés par un Comité de suivi qui réunirait les différents partenaires de l'Etat, du Trésor, des banques, etc. Cela permettrait aux collectivités d'avoir des montages équilibrés, avec des analyses de risques en amont.

M. Jean-Paul Amoudry - Quid des vérifications V1, V2, V3 et du renouvellement ?

Mme Josette Brosselin - Nous avons constaté que l'ensemble des domaines skiables était suréquipé en remontées mécaniques.

On a construit beaucoup de téléskis et de télésièges, de gros porteurs. L'aspect sécurité est devenu très important dans les stations et on a plutôt tendance aujourd'hui à remplacer deux téléskis par un télésiège.

Il existe également un aspect de rentabilité très important dans la mesure où les exploitants peuvent dorénavant identifier de manière très précise l'utilisation du domaine skiable.

En définitive, on observe une rentabilité meilleure et une sécurité accrue.

Les vérifications V1, V2, V3 sont le fait de la DDE qui dispose d'un plan annuel de vérification pour chacun des domaines skiables. Je précise qu'il s'agit ici de vérifications obligatoires. Les collectivités ont tellement eu le souci de la sécurité que ces vérifications ont été parfaitement réalisées.

Je constate aujourd'hui que les vérifications sont surtout de type V3 (= grosses vérifications).

A titre d'exemple, la commune de Chatel avait récemment une vérification de type V3 à réaliser, mais elle a décidé de ne pas procéder à cette vérification et de construire un nouveau télésiège à un endroit différent.

En définitive, toutes les vérifications ont été correctement réalisées en raison d'un souci de sécurité. Par ailleurs, les grosses vérifications (type V3) procèdent d'une nouvelle approche d'utilisation du domaine skiable.

M. Jean-Paul Amoudry - Il va de soi que vous intervenez pour le financement de ces opérations.

Mme Josette Brosselin - Nous vérifions la marge de manoeuvre fiscale, donc la capacité financière de la collectivité. Aura-t-elle les moyens de rembourser les sommes induites ?

Nous essayons également de mettre en place une gestion financière plus fine. Pour ce faire, nous examinons le stock de dette de la collectivité. Les collectivités supports de montagne ont en effet beaucoup investi dans les années 1980-1990 et le déstockage de dette est donc très important. Cela leur permet notamment de réaliser de nouveaux investissements.

Par ailleurs, on a aussi demandé aux collectivités de gérer au plus près leur trésorerie et de trouver des échéances de prêts adéquates.

Enfin, nous les avons incitées à trouver le juste équilibre entre l'amortissement technique et l'amortissement financier.

M. Jean-Paul Amoudry - Qu'en est-il de l'arrivée à terme des contrats de concession dans le cadre des délégations de service public ? Etes-vous par ailleurs financier de sociétés privées concessionnaires de service public ?

Mme Josette Brosselin - Les concessions de service public ne constituent pas notre domaine de financement, même si les collectivités nous parlent beaucoup de l'aspect juridique et financier.

La délégation de service public a permis aux collectivités de mieux appréhender leur exploitation, mais nous nous heurtons au fait que les collectivités supports de stations de montagne ont des difficultés à élaborer leur cahier des charges et à analyser les offres. Je pense d'ailleurs qu'un organisme départemental devrait aider ces différentes collectivités à élaborer leur cahier des charges et à analyser les différentes offres.

Les petits domaines skiables passent de plus en plus par de grands opérateurs qui disposent d'un certain savoir-faire sur la gestion globale d'une station de montagne. Les petites collectivités auront par conséquent du mal à survivre.

Je considère ici que la relation de pouvoir est déséquilibrée. En effet, tout d'abord, les collectivités sont publiques alors que les opérateurs sont privés. Par ailleurs, les exploitants ont un pouvoir très important sur les collectivités et disposent de moyens humains et juridiques que les collectivités n'ont pas. Il convient par conséquent d'aider les collectivités.

S'agissant des fins de concession, le problème se situe en fait à l'intérieur même des collectivités. Le cas de la Clusaz est explicite à ce sujet. En effet, il s'agit d'un domaine skiable dont une partie appartient à des acteurs privés. Ceux-ci ne comprendront jamais que leur part passe en DSP (Délégation de Service Public) et que leurs remontées mécaniques soient confiées à un opérateur privé. Ces incompréhensions ne manquent pas de poser d'énormes problèmes au sein même des collectivités supports de stations.

Enfin, j'ajoute que Dexia finance des sociétés privées concessionnaires de service public.

M. Jean-Paul Amoudry - Ressentez-vous une baisse de l'investissement des délégataires de service public ? A la veille de l'achèvement de la concession, remarquez-vous une baisse de la qualité du travail du concessionnaire ?

Mme Josette Brosselin - Au niveau des départements de la Savoie et de la Haute-Savoie, je n'ai pas cette impression. Les conséquences de la fin de la concession ne me semblent pas aussi importantes.

M. Jean-Paul Amoudry - En raison du manque de temps, vous aurez la bonté de nous transmettre une note écrite au sujet de l'immobilier de loisir.

Mme Josette Brosselin - C'est entendu.

M. Jean-Paul Amoudry - Quelles sont les relations entre Dexia et la Compagnie des Alpes qui est très présente sur le massif alpin ?

Mme Josette Brosselin - Dexia n'a rien à voir avec la Compagnie des Alpes. La Compagnie des Alpes est une filiale de la Caisse des Dépôts.

Dexia est seulement un financeur de la Compagnie des Alpes au même titre que d'autres exploitants.

M. Jean-Paul Amoudry - Avez-vous le sentiment que les collectivités redoutent la volonté « hégémonique » de la Compagnie des Alpes ?

Mme Josette Brosselin - Certaines collectivités craignent effectivement le caractère « hégémonique » de la Compagnie des Alpes. De façon plus générale, je dirai que les collectivités craignent tous les gros opérateurs. En même temps, il faut savoir que certaines collectivités n'ont plus les moyens humains, juridiques et financiers de gérer leur domaine skiable. De fait, un gestionnaire de taille importante peut être le « bienvenu ».

M. Jean-Paul Amoudry - Votre rôle de « facilitateur » s'applique-t-il dans la relation entre les collectivités et la Chambre Régionale des Comptes ?

Mme Josette Brosselin - En ce qui concerne les deux Savoie, nous avons eu à jouer ce rôle après les Jeux Olympiques d'Albertville pour les villes de Bride-les-Bains et des Saisies par exemple.

La Chambre Régionale des Comptes nous avait consultés à l'époque car les dossiers étaient difficiles. Aujourd'hui, on ne note plus de dossier complexe relatif à la montagne.

En 1992, nous avions des montants d'impayés très importants. Nos collègues de la Caisse d'Epargne et du Crédit Agricole étaient dans le même cas. Nous avons alors réalisé un travail très constructif avec la Chambre Régionale des Comptes.

Aujourd'hui, cette relation n'existe plus parce qu'il n'y a plus de problème.

M. Jean-Paul Amoudry - Je crois que nous allons arrêter ici nos échanges car le temps imparti est écoulé, mais je retiens qu'il n'y a plus de problème et que la situation financière de toutes nos collectivités est plutôt saine ou assainie.

Mme Josette Brosselin - La situation des collectivités est bien meilleure qu'il y a dix ans car ces dernières ont appris à gérer leur budget. Dexia les a d'ailleurs beaucoup aidées dans ce sens.

J'ajoute que le domaine est en bon état et que le déstockage de dette permet aux collectivités de relancer leurs investissements, notamment publics.

En définitive, je souhaite que les collectivités aient une approche à plus long terme et qu'elles mettent en place des projets de développement durable.

M. Jean-Paul Amoudry - Je vous remercie. Vous serez aimable de nous communiquer une note écrite sur l'immobilier de loisir.

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