N° 57

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 novembre 2002

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) par la mission d'information (2) sur l' avenir de l'élevage : enjeu territorial, enjeu économique ,

Par M. Gérard BAILLY,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Émorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Jean-Marc Pastor, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Bernard Piras, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, Jean Louis Masson, Serge Mathieu, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

(2) Cette mission d'information est composée de : M. Jean-Paul Émorine, président ; M. Gérard Bailly, rapporteur ; MM. Paul Raoult, Bernard Barraux, vice-présidents ; MM.  Hilaire Flandre, François Fortassin, Louis Grillot, Mme Odette Herviaux, MM. Patrick Lassourd, Gérard Le Cam, André Lejeune, Jean-François Le Grand, Daniel Reiner, André Trillard.

Agriculture.

RÉSUMÉ DU RAPPORT

? Le constat résultant des travaux de notre mission est que l'élevage constitue un enjeu territorial déterminant pour la cohésion spatiale de la France. La fragilisation structurelle de la filière de l'élevage, si elle est inégale dans les diverses régions françaises, est susceptible d'amener à des bouleversements économiques, environnementaux et sociaux dont l'ampleur demeure, jusqu'ici, encore insoupçonnée.

Outre des charges et des surcoûts croissants, liés notamment aux nouvelles exigences environnementales et de bien-être animal, les éleveurs supportent aujourd'hui les conséquences des crises récentes qui ont provoqué une érosion de leurs revenus et, à leurs yeux, une perte de confiance de la société. Privés de perspectives d'avenir, de nombreux exploitants sont enclins à abandonner l'élevage, alors que les jeunes se détournent de ce métier.

Dans les zones rurales fragiles, cette évolution menace la pérennité d'acteurs économiques fortement dépendants de la présence d'éleveurs , tels les abattoirs, les vétérinaires ou les PME travaillant dans la transformation des produits, mais également celle des services de proximité , tels que les écoles, les postes ou les petits commerces.

Au-delà, c'est donc l'existence de nombreuses communes rurales qui est en jeu. D'autre part, la régression de l'élevage risque d'accélérer la déqualification des paysages, avec des conséquences, telles que l'extension des friches, de la forêt et la fermeture des vallées, préoccupantes pour l'avenir du territoire.

Par ailleurs, les éleveurs, comme les autres agriculteurs, doivent de plus en plus s'accommoder de nouveaux usages des territoires ruraux , qui s'avèrent parfois gênants pour leur activité. Par exemple, la réintroduction des grands prédateurs comme les loups et les ours est préoccupante pour l'élevage en zone de montagne.

Il convient, à cet égard, d'insister sur les contraintes particulières qui se posent à l'élevage en montagne, pour assurer, par exemple, la collecte de lait ou le ramassage des animaux.

Face à cette situation, la mission d'information a défini des propositions, qui s'articulent autour de huit grands axes :

1) Le 1er grand axe concerne les problèmes d'installation et de maîtrise du foncier

Dans cette optique, nous vous proposons de faciliter la pratique du fermage , d'utiliser le levier fiscal pour encourager l'installation, par exemple en étalant la durée de défiscalisation de la DJA et de donner aux SAFER les moyens de mener une politique de stockage favorable à l'installation des jeunes agriculteurs.

Toujours pour encourager l'installation, il vous est proposé d'instaurer un prêt de carrière, à échéance longue et à taux d'intérêt bonifié . Il apparaît également souhaitable de favoriser, dans les zones menacées de déprise, la construction de bâtiments-relais par les collectivités territoriales . Enfin, il est indispensable de revaloriser l'image de la filière « élevage » dans l'enseignement agricole , pour remédier à la crise de vocation qu'elle rencontre.

2) Le deuxième grand axe de propositions vise à améliorer l'environnement économique et juridique des exploitations d'élevage.

Il s'agit, en particulier :

- de soutenir davantage la construction et la modernisation des bâtiments d'élevage , afin d'améliorer les conditions de travail des éleveurs et le bien-être des animaux ;

- d'adapter le PMPOA , par exemple, en n'imposant pas la mise aux normes aux éleveurs dont la pérennité de l'exploitation n'est pas assurée, ou encore en prévoyant l'attribution de soutiens renforcés aux projets collectifs de traitement des lisiers ;

- de revaloriser les aides à la mécanisation dans les zones de montagne où certains matériels agricoles ont une vocation environnementale et d'entretien du paysage ;

- d'alléger les contraintes découlant de la législation sur l'urbanisme et sur l'environnement , qui sont souvent des obstacles à la modernisation ou à l'agrandissement des exploitations en place, en particulier les chalets d'alpage ;

- enfin, de favoriser le développement des groupements d'employeurs et des services de remplacement , afin de permettre aux éleveurs d'embaucher ponctuellement des salariés agricoles pour les remplacer temporairement sur l'exploitation et prévoir des allégements de charge pour que les exploitations en difficulté puissent y avoir recours.

3) Le troisième axe rassemble des mesures spécifiques destinées à maintenir et à développer l'élevage herbager

- S'agissant de l'élevage bovin, la mission d'information suggère, tout d'abord, d'instaurer une prime destinée spécifiquement à soutenir l'élevage lié à l'herbe , qui apparaît indispensable dans les zones menacées de déprise.

Cette aide, qui pourrait être développée en faisant monter en puissance la prime herbagère agri-environnementale (PHAE), dont le ministre de l'agriculture vient d'annoncer la création pour 2003, devrait prendre en compte le nombre d'unités de travail par exploitation. A notre sens, cette aide devrait être reconnue au plan européen et financée, à ce titre, par le budget communautaire. Elle permettrait une reconnaissance du rôle joué par l'élevage herbager dans l'entretien de l'espace rural et l'occupation du territoire , et contribuerait à promouvoir une alimentation des bovins plus largement tournée vers l'herbe.

Les autres propositions en matière de bovins sont le maintien des mécanismes de gestion de marché, notamment l'intervention publique , dans l'organisation commune de marché, ainsi que des mesures visant à maîtriser l'augmentation du potentiel de production , comme la limitation du poids des carcasses. Le maintien des quotas laitiers est également préconisé.

- La production ovine , quant à elle, doit notamment poursuivre sa différenciation qualitative par rapport à la viande ovine importée, et s'adapter aux contraintes du marché, par exemple s'agissant de la régularité de l'approvisionnement.

Il conviendrait également de réfléchir à la possibilité de soutenir le développement de la production chevaline qui peut, elle aussi, apporter des réponses à l'utilisation de l'espace, à condition toutefois de trouver de réelles filières de commercialisation.

4) Dans un quatrième axe de propositions, la mission d'information plaide en faveur d'un revenu décent pour les éleveurs.

Dans ce but, nous proposons d'en revenir à des prix rémunérateurs , plutôt que de chercher à s'aligner sur de prétendus prix mondiaux qui sont largement fictifs. Afin de réduire les charges qui grèvent les exploitations, nous souhaitons également qu'une réflexion soit engagée sur l'opportunité d'alléger la taxe sur le foncier non bâti pesant sur les agriculteurs présents dans les zones en déprise, dans le cadre d'une réforme de la fiscalité locale.

5) Le rapport propose également -et cela constitue le cinquième axe- d'assouplir les rigidités administratives qui pèsent sur les éleveurs.

Nous suggérons, d'abord, de réduire le nombre de déclarations exigées des éleveurs . A cet effet, l'administration utiliserait les informations dont elle dispose déjà (grâce au fichier des EDE) et pourrait ainsi attribuer directement les aides aux éleveurs. Nous proposons de faire des DDAF les interlocuteurs uniques des éleveurs, en leur confiant non seulement l'instruction des dossiers, mais également le paiement des aides.

Nous demandons également l'accélération de la mise en place du registre parcellaire graphique , qui devrait considérablement simplifier les déclarations de surfaces.

Enfin, nous souhaitons que le chantier de simplification du contrat territorial d'exploitation (CTE), lancé par le Ministre de l'agriculture, aboutisse dans les meilleurs délais.

6) Le sixième axe de propositions concerne l'amélioration des conditions de transformation et commercialisation.

Dans ce domaine, il est proposé de renforcer l'organisation économique de la filière viande , de rendre plus objectives les relations avec les abattoirs, en particulier grâce à la mise en place de machines à classer , et de favoriser le développement des circuits courts .

D'autre part, un renforcement de l'application de la loi NRE s'impose, afin d'éliminer la pratique des marges arrières qui est inadmissible. A cet égard, le renforcement des moyens de la commission d'examen des pratiques commerciales et la mise en place d'un observatoire des marges nous semblent également opportunes.

Enfin, il convient de compléter le code des marchés publics afin d'autoriser les gestionnaires publics de restauration collective à retenir la race des animaux et la proximité des fournisseurs comme critères de sélection dans les appels d'offre.

7) Les propositions suivantes concernent les réponses à apporter aux attentes des consommateurs.

Il est souhaitable d'encourager l'utilisation des signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine, qui assurent de plus en plus une fonction de « réassurance » auprès des consommateurs, et qui offrent aux éleveurs une possibilité de différencier leurs produits. Il importe toutefois de favoriser leur développement dans le cadre de filières, afin de permettre aux éleveurs de percevoir la valeur ajoutée qui s'y attache.

La qualité de la viande renvoyant également à des critères objectifs de texture et tendreté, dont la satisfaction dépend des conditions de traitement de l'animal, puis de la viande, tout au long de la filière, il conviendrait de sensibiliser davantage l'ensemble des acteurs à ce problème.

En outre, force est de constater le retard du secteur de la viande bovine en matière de présentation des produits , notamment en comparaison avec ce qui a été fait dans d'autres secteurs tels que celui de la volaille. Il convient donc d'encourager l'innovation, pour proposer aux consommateurs de la viande bovine sous des formes nouvelles, répondant à leur exigence de praticité.

Enfin, il est nécessaire de compléter l'information donnée aux consommateurs de viande par le biais de l'étiquetage . S'agissant plus particulièrement de la viande bovine, nous proposons, d'une part, de rétablir l'obligation de faire figurer la race, le type et la catégorie des bovins sur l'étiquette, dans la vente au détail, d'autre part, d'imposer à la restauration hors domicile (RHD) d'indiquer à ses clients l'origine de la viande qui leur est servie.

8) Enfin, le dernier axe de propositions met l'accent sur la politique de communication.

Face à la diminution tendancielle de la consommation de viande rouge, un renforcement de la communication est indispensable. Pour accroître l'efficacité des campagnes menées, nous proposons de concentrer les crédits et les efforts sur des actions d'envergure.

Nous suggérons également que les messages se détachent du thème de la sécurité sanitaire, hérité de la crise, et privilégient plutôt la communication sur le métier d'éleveur , qui est de plus en plus méconnu par la société urbaine, ainsi que le plaisir gustatif qui s'attache à la consommation de viande.

Enfin, à côté des grandes campagnes, la mission d'information reste convaincue de l'intérêt d'une communication pédagogique et informative , destinée par exemple, à faciliter la lecture des étiquettes.

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