II. SURVEILLER LES SOLDES STRUCTURELS PLUTÔT QUE LES SOLDES NOMINAUX

A. LA POLARISATION SUR LES DÉFICITS NOMINAUX EST DANGEREUSE

Le pacte de stabilité et de croissance comporte des règles qui ne mentionnent que les déficits nominaux. Cette approche n'est pas satisfaisante pour, au moins, deux raisons. Négligeant les ressorts des soldes publics, elle peut déboucher sur de graves erreurs de diagnostic susceptibles de saper la logique du pacte et, dans certaines circonstances, elle risque d'affecter les politiques budgétaires des Etats d'un biais procyclique.

L'analyse des soldes publics conduit à relativiser la signification des soldes nominaux et appelle l'attention sur la distinction entre les composantes conjoncturelle et structurelle du solde public.

La partie conjoncturelle d'un solde est celle qui résulte de l'évolution de l'environnement économique, tandis que sa partie structurelle , obtenue par différence, est censée refléter des choix de politique des finances publiques. Elle constitue, en outre, l'élément permanent du solde, puisque le solde conjoncturel a, normalement, vocation à être nul sur la durée d'un cycle économique.

La polarisation sur les soldes nominaux présente deux dangers.

1. Un risque permanent d'erreur de diagnostic

Le premier réside dans les erreurs de diagnostic qu'elle peut engendrer. En cas de très fort écart par rapport à la croissance potentielle d'un pays, s'instaure un régime de croissance, normalement non-durable, qui peut considérablement améliorer (si l'écart est positif) ou dégrader (si la situation inverse prévaut) le solde public nominal. Toutes choses égales par ailleurs, ces variations relèvent exclusivement de modifications de la composante conjoncturelle des soldes et non pas d'une variation du solde structurel. Or, s'il est admis que, sur la durée d'un cycle, les écarts entre la croissance effective et la croissance potentielle sont nuls en moyenne, il faut aussi que la composante conjoncturelle du solde le soit.

En ne considérant que le solde nominal, le diagnostic sur les finances publiques accepte de subir une sorte d' illusion conjoncturelle , qui conduit à le fausser.

Cet état de fait à des conséquences particulièrement indésirables dans le contexte du pacte de stabilité et de croissance, s'il est bien vrai que sa logique est d'éviter que les Etats connaissent des « déficits excessifs ».

L'exemple récent de la France montre qu'un cheminement du solde total vers l'équilibre peut dissimuler la persistance d'un haut niveau de déficit structurel, susceptible d'engendrer, en cas de retournement de conjoncture, un dépassement des limites du pacte.

Ainsi, si sur la période 1997-2000, le déficit nominal de la France s'est rapproché de l'équilibre, passant de - 3 points de PIB à - 1,3 point, l'ajustement structurel a été insuffisant pour créer des marges entre le déficit structurel et le plafond de 3 points de PIB imposé au déficit par le pacte.

BESOINS DE FINANCEMENT
HORS RÉDUCTION DE LEUR COMPOSANTE CONJONCTURELLE

(en points de PIB)

1997

1998

1999

2000

A - Besoin de financement observé

- 3

- 2,7

- 1,6

- 1,3

B - Besoin de financement à composante conjoncturelle inchangée

- 3

- 3

- 2,1

- 2,1

2. Une référence potentiellement procyclique

Le second danger d'une polarisation sur le niveau nominal du solde public réside, quant à lui, dans les effets potentiellement procycliques d'une telle référence.

L'application d'une norme de cheminement vers l'équilibre du solde public nominal peut conduire à des mesures budgétaires procycliques dans deux situations contraires :

Dans la phase basse du cycle, où la croissance est inférieure à la croissance potentielle, elle conduit au minimum à compenser le creusement de la composante conjoncturelle du solde par une variation de sens inverse de sa composante structurelle. Dans une telle configuration, le jeu des stabilisateurs automatiques est bloqué et l'impulsion budgétaire est, ou bien nulle, si le solde reste inchangé, ou bien restrictive, si le cheminement vers l'équilibre « voire l'excédent » est maintenu.

Dans la phase haute du cycle, au contraire, lorsque la croissance excède la croissance potentielle, l'application de la norme de cheminement vers l'équilibre est satisfaite par l'amélioration de la composante conjoncturelle du solde. On en conclut que la norme n'est pas suffisante pour contraindre les Etats à conduire une politique d'assainissement structurel qui, seule, serait alors contracyclique. Plus encore, l'amélioration de la composante conjoncturelle du solde permettant de respecter la norme, la politique budgétaire peut être neutre, ou bien procyclique si, comme la France a pu le démontrer à la fin des années 90, une partie de la « cagnotte » étant redistribuée, une dégradation de la situation structurelle des comptes publics intervient.

Il est par conséquent justifié de recommander de porter l'attention, non plus sur le solde nominal, mais sur le solde structurel. Une telle référence doit conduire à accentuer les exigences d'assainissement dans les phases où l'économie connaît un dynamisme supérieur à son potentiel et, à l'inverse, à les desserrer dans les situations contraires.

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