B. TAUX DE CHANGE

Les marchés des changes ont été marqués par la vigueur de l'euro. Celui-ci s'est apprécié pour atteindre la parité dans le courant du mois de juin 2002. Après s'être légèrement déprécié durant la seconde quinzaine de juillet, l'euro s'est stabilisé en août dans une fourchette comprise entre 0,97 et 0,99 dollar. Début septembre, le dollar s'est déprécié vis-à-vis des principales monnaies en raison des perspectives économiques. Cependant, cette tendance ne s'est pas confirmée et l'euro s'est maintenu dans la même fourchette qu'en août. En moyenne sur le mois de septembre, l'euro s'est quand même échangé près de 9% au-dessus de sa moyenne de 2001.

La baisse du dollar vis-à-vis de l'euro s'explique par l'affaiblissement des investissements directs et des achats d'actions américaines par les non-résidents. Dès que les interventions des banques centrales, notamment en Asie, ne suffisent plus, les Etats-Unis ont recours à l'endettement à court terme pour financer leur déficit courant et le dollar se déprécie. Alors que les pays de la zone euro, ainsi que le Japon, ont largement contribué à financer le déficit de la balance courante des Etats-Unis par le passé, l'évolution de la balance courante et des flux de capitaux en 2001 et sur la première moitié de 2002 montrent un retournement de tendance dans la zone euro. La balance courante est redevenue excédentaire et, de négatifs, les flux nets d'investissements de portefeuille sont devenus positifs. Ce mouvement est amplifié par le peu de sorties nettes au titre d'opérations de fusions-acquisitions des entreprises européennes. Par ailleurs, même si la zone euro est toujours contrainte par un manque de réformes structurelles et par un policy mix peu harmonieux, les Etats-Unis peuvent être durablement moins attractifs en raison de la persistance du déficit courant.

Cette dépréciation du dollar permet d'importer de l'inflation aux Etats-Unis, ce qui limite le risque de déflation. Cette baisse procure aussi un gain de compétitivité aux industries traditionnelles (acier, automobile) ainsi que des gains substantiels aux pays émergents ancrés au dollar. Mais au niveau actuel, la dépréciation du dollar n'a que peu d'incidence sur le déficit courant. Sa dégradation, parallèlement à la hausse du déficit public, pose certes le problème de sa soutenabilité.

Cependant, il convient de relativiser la dépréciation du dollar vis-à-vis de l'euro, même si l'évolution des sources de financement du déficit de la balance courante montre de prime abord que la menace sur le dollar se fait plus pressante. En effet, la satisfaction tirée de l'appréciation rapide de l'euro durant les premières semaines de l'été 2002 a vite laissé place à la désillusion. La parité, atteinte brièvement, n'a pas résisté aux perspectives dégradées de la croissance européenne. Paradoxalement (les perspectives de croissance aux Etats-Unis n'étant guère meilleures), le dollar a mieux tiré son épingle du jeu. Il continue d'être soutenu par les achats de titres américains et par le fait que sa dépréciation n'arrange pas la plupart des pays asiatiques. Le dollar continue ainsi de s'accumuler dans les réserves officielles de ces pays. Un autre argument est de remarquer que le dollar reste la monnaie de référence internationale. La zone euro est loin de se substituer au rôle de leadership des Etats-Unis et les niveaux actuels, proches de la parité, ne font pas encore de l'euro une monnaie forte. Une forte dépréciation du dollar pour réduire le déficit courant (bien que la solution la plus simple à une réduction de ce déficit) induirait de l'instabilité financière sur les marchés internationaux. Le déficit courant américain est alors dans cette logique un rouage indispensable au fonctionnement du système financier international. Les Etats-Unis jouent le rôle d'intermédiaire entre les excès d'épargne et les besoins de financement des pays émergents 27 ( * ) . De plus, l'importance des obligations publiques dans le financement de long terme du déficit de la balance courante minimise les risques de retournement des investisseurs. Finalement, le débat sur l'attractivité des capitaux pour les Etats-Unis a d'autres composantes telles que la transparence des comptes des entreprises, la rentabilité intrinsèque du capital, la croissance de long terme et la taxation des revenus du capital. L'euro pourrait ainsi poursuivre son mouvement d'appréciation jusqu'à 1,05 euro pour 1 dollar fin 2003.

L'euro s'est légèrement apprécié par rapport à la livre sterling au deuxième trimestre 2002. Au mois de juillet, l'euro a d'abord enregistré un mouvement de repli suivi d'une dépréciation de la livre sterling durant la première quinzaine du mois d'août suite à la publication du ralentissement de la production industrielle et manufacturière au Royaume-Uni. Depuis, la livre sterling est restée relativement stable vis-à-vis de l'euro. Depuis le début de l'année, l'euro s'est ainsi négocié 1 % au-dessus de sa moyenne de 2001. A l'horizon 2003, la parité livre sterling/euro ne devrait pas s'éloigner de son niveau actuel.

Le yen s'est apprécié progressivement vis-à-vis du dollar pour passer d'un niveau proche de 135 yens pour un dollar au début de l'année à un niveau de 120 dollars au début du mois de septembre. Cette appréciation n'est pas bienvenue pour le Japon, dont le récent rebond était essentiellement porté par le dynamisme du commerce extérieur. Le Yen resterait à ce niveau jusque fin 2003.

1 : Hypothèses de taux de change et de taux d'intérêt et matières premières

2001

2002

2003-2007

(1) Taux d'intérêt courts 1

- Etats-Unis

3,7

1,9

2,2

- Japon

0,1

0,1

0,1

- Zone Euro

4,3

3,4

3,4

- Royaume-Uni

5,0

4,0

4,2

(2) Taux d'intérêt longs 1

- Etats-Unis

5,0

4,6

4,6

- Japon

1,3

1,3

1,5

- Zone Euro

5,0

4,9

4,9

- Royaume-Uni

4,9

4,9

5,0

(3) Taux de change 1

- 1 $=...Yen

121

125

120

- 1 Livre= ...euro

1,61

1,59

1,58

- 1 euro = ...$

0,90

0,94

1,03

Prix du pétrole, Brent en $ 1

24,4

25,2

28,0

Cours des matières premières industrielles 2

-9,0

-2,8

6,0

1 Moyenne sur la période

2 Variation par rapport à la période précédente, en %.

Sources : Taux de change et pétrole : relevé des cotations quotidiennes. Taux courts à 3 mois : papier commercial aux Etats-Unis, certificats de dépôts au Japon, EURIBOR pour la zone euro, interbancaire au Royaume-Uni. Taux longs : T-Bond aux Etats-Unis, Benchmark à 10 ans au Japon, cours moyen des obligations d'Etat à 10 ans au Royaume-Uni. Matières premières industrielles : indice HWWA (Hambourg), Prévisions OFCE

* 27 Un doute survient quant à la viabilité de ce rôle en période d'aversion au risque, comme c'est le cas aujourd'hui. L'impression est que les Etats-Unis, loin de recycler les excès d'épargne, les détournent à leur profit. Les flux de capitaux vers les pays émergents abondent en période de croissance mais manquent cruellement en période de crise.

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