CHAPITRE II -

L'HYPERTROPHIE MAINTENUE DE LA RÉGION ILE-DE-FRANCE SOULIGNE LES LIMITES DES POLITIQUES D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

En 1946, J.F. Gravier décrivait le territoire en rendant populaire l'expression « Paris et le désert français ».

« De tous les discours sur l'aménagement du territoire, celui qui dénonce la démesure de la concentration parisienne, et les disparités territoriales de tous ordres qu'elle entraîne avec elle, a sans doute été le plus constant »2 ( * ).

Un demi-siècle plus tard, il convient de se demander si cette description est toujours d'actualité, si la hiérarchie urbaine demeure marquée par la suprématie parisienne, si la dichotomie Paris - Province persiste.

I. PARIS, MÉTROPOLE DUREMENT CONCURRENCÉE SUR L'ÉCHIQUIER MONDIAL

Avec 9.6 millions d'habitants, l'agglomération parisienne fait partie des grandes métropoles mondiales , même si, à la différence de ses rivales (New-York, Tokyo, Londres, Shangaï, Bombay...), elle se situe dans une région peu densément peuplée.

A l'échelle de la planète, si son poids démographique est en recul relatif face à la croissance des villes des pays en voie de développement, Paris appartient et est reliée par des flux denses et divers au réseau des grandes places décisionnelles.

Avec sa bourse, elle attire les capitaux étrangers et participe de la chaîne continue des transactions d'échelle mondiale . De nombreuses multinationales choisissent l'implantation parisienne pour mieux couvrir ou pénétrer le marché européen. Elle dispose d'ailleurs de 16 millions de m 2 de bureaux, plutôt moins chers que dans les autres grandes métropoles mondiales.

Cependant, la place financière parisienne, qui occupe le 4 e rang mondial, souffre de l'insuffisance des services juridiques proposés aux entreprises qui préfèrent souvent installer leurs quartiers généraux en Grande-Bretagne, en Belgique, aux Pays-Bas ou en Allemagne.

Ainsi Paris, d'après certaines études, serait devancée par Londres dont le rôle est plus marquant en terme de stature internationale.

La formation d'une métropole mondiale de ce gabarit renvoie à des causes historiques plus profondes que le système politico-institutionnel ; Paris et Londres ont en commun le statut de capitale royale, avec une ancienneté de l'ordre du millénaire, de centre commercial historique international, de capitale de grand Empire colonial.

Les fonctions politiques internationales seront limitées dans l'avenir par le renforcement de l'Union européenne, qui se fait plutôt au profit de Bruxelles, et par le retour en force de capitales au passé prestigieux en Europe Centrale, comme Vienne, Prague, Budapest et surtout Berlin, promue en juin 1991 capitale de l'Allemagne unifiée, ou Francfort, choisie comme place bancaire de premier rang.

Les fonctions culturelles sont celles qui résistent le mieux à la concurrence internationale . Pour beaucoup d'étrangers, Paris est surtout une ville mythique, un haut lieu culturel et touristique. Ainsi, la plupart des circuits touristiques étrangers passent par la capitale qui offre un patrimoine culturel et monumental considérable (plus de 125 musées, dont le plus grand du monde, 2 opéras, 150 théâtres et salles de concert) et qui apparaît comme le centre mondial de la gastronomie et de la haute couture. Plus largement, l'Ile-de-France est la première agglomération européenne pour les salons (8 sites principaux). Elle accueille près de 400 congrès internationaux par an, devant Londres, 2 e ville mondiale en ce domaine, qui en accueille 185 (selon l'Union des associations internationales).

On a coutume en France de se féliciter du statut international de la capitale, alors que, dans un contexte de métropolisation et d'élévation de nombreuses agglomérations des pays en voie de développement aux tous premiers rangs de la hiérarchie, celle-ci est en recul sur l'échiquier mondial.

Parallèlement, les Français dénoncent la concentration excessive à Paris, qui tient au sein du territoire national un poids écrasant comme peu de capitales dans le monde, concentration qui a été incapable d'enrayer ou d'empêcher le recul évoqué ci-dessus.

* 2 Reclus, Th. Saint-Julien (Dir), Atlas de France, Territoire et aménagement, Vol. 14, La Documentation française, 2001, 143 p.

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