C. UN IMPACT RELATIVEMENT LIMITÉ DES POLITIQUES D'AMÉNAGEMENT RURAL

L'impact réel des politiques d'aménagement rural est délicat à apprécier en raison de la diversité des intervenants et de l'éclatement des politiques d'aménagement qui a suivi la réforme régionale en France : par exemple, la politique des Chartes intercommunales a beaucoup varié d'une région à l'autre et le bilan de leurs mises en oeuvre n'a pas été dressé. Il est plus difficile encore à établir pour les lois « Voynet » et « Gayssot » dont l'impact commence seulement à se faire sentir.

En ce qui concerne la politique européenne, « les politiques relevant de l'objectif 5b ont joué un rôle souvent non négligeable, quoique variable (...) et que la politique régionale européenne va marquer fortement de son empreinte la décennie quatre-vingt-dix » 21 ( * ) .

L'impression prévaut cependant que l'espace rural s'est beaucoup plus transformé sous l'effet des mécanismes technico-économiques, politiques, sociaux et culturels généraux que sous l'impact des politiques spécifiques d'aménagement de l'espace rural : les politiques d'aménagement, quoique significatives, semblent n'être intervenues qu'à la marge dans ces transformations.

Comme le soulignent F. Damette et J. Scheibling 22 ( * ) , les processus en cours, dépassant le cadre national, sont bien ceux d'une « emprise grandissante de la ville sur l'espace rural qui change de nature » en fonction des logiques économiques.

La désertification, longtemps perçue comme une fatalité, tend à s'atténuer. Une société rurale, qui n'est plus une société paysanne, se recompose par adjonction de populations urbaines et de modes de vie citadins, modelant l'espace à son image. « Qu'importe si les néo-ruraux sont d'anciens citadins ou des urbains déguisés. Cette population, amalgamée à l'ancienne population rurale, fait de l'espace rural son lieu de résidence et son lieu d'activité en assumant les héritages » 2 ( * )5 [...].

« Autrefois, l'espace rural correspondait à un espace sociétal parce qu'il était à la fois la base de l'économie locale et de celle du pays, le support d'une société paysanne. Aujourd'hui, [...], « on assiste à la disparition progressive de l'opposition millénaire entre la ville et la campagne » 2 ( * )5 .

Depuis un quart de siècle, les campagnes françaises ont été affectées par une triple mutation sans précédent, à savoir :

une ouverture sur le reste du monde, avec des interactions croissantes avec les villes, aboutissant progressivement à l'émergence de synergies. Progressivement la dichotomie villes - campagnes cède le pas à un système unique dans lequel se développent des synergies, des interpénétrations fonctionnelles et comportementales ;

un redressement démographique faisant que globalement les campagnes ne se dépeuplent plus depuis 1975, en dépit d'une inversion de la dynamique qui, à l'inverse de naguère, est aujourd'hui activée grâce à des soldes migratoires positifs compensant largement les déficits naturels ;

enfin, l'analyse du développement économique dévoile une poussée significative de l'emploi tertiaire, et surtout une résorption de l'activité agricole.

Reste que ces tendances générales méritent d'être nuancées par la prise en compte de la pluralité des espaces ruraux qui ne présentent pas tous des trajectoires d'évolution comparables.

Au-delà des fonctions résidentielles et touristiques que souvent on lui prête, les espaces ruraux peuvent prétendre accueillir, grâce à leurs qualités intrinsèques, une pluralité d'activités susceptibles de jouer un rôle de catalyseur du développement économique, donc de générer un fonctionnement socio-économique moins dépendant des polarités urbaines.

Ainsi pourraient se déployer les activités tertiaires (médicales par exemple) liées à la croissance de la population. Le tissu industriel pourrait se développer par le biais des unités existantes (districts industriels, industries agro-alimentaires) ainsi que par la création de nouvelles entreprises attirées par un coût de main-d'oeuvre inférieur à celui de la ville, une ambiance sociale moins crispée et des aménités environnementales qui disparaissent dans l'espace urbain ...

* 21 P. Daucé, in P. Perrier-Cornet (Dir.), « A qui appartient l'espace rural ? », Editions de l'Aube, 2002

* 22 F. Damette, J. Scheibling, La France, permanences et mutations, Paris, Hachette Supérieur, 1995.

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