Rapport d'information n° 322 (2002-2003) de M. Jean CLOUET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 3 juin 2003

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N° 322

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 juin 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la communication de la Cour des comptes relative aux actions de développement et de reconversion industriels menées par le secrétariat à l'industrie (en application de l'article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances),

Par M. Jean CLOUET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Industrie.

LES CREDITS DE RESTRUCTURATION ET DE RECONVERSION INDUSTRIELLES EN QUESTION


par

M. Jean Clouet

Sénateur

AVANT-PROPOS

En application de l'article  58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, qui dispose que « la mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution comporte notamment : ... 2° La réalisation de toute enquête demandée par les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle. Les conclusions de ces enquêtes sont obligatoirement communiquées dans un délai de huit mois après la formulation de la demande à la commission dont elle émane, qui statue sur leur publication », la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes au titre de l'année 2002 la réalisation de quatre enquêtes dont une relative aux actions de développement, de restructuration et de reconversion industriels du secrétariat d'Etat à l'industrie depuis 1995 . La commission des finances a reçu en décembre 2002 communication de cette enquête, qui a donné lieu à référé auprès du ministère délégué à l'industrie le 20 janvier 2003.

Cette communication sur la gestion passée de certains crédits du secrétariat d'Etat à l'industrie, d'une sévérité indéniable, prend un relief tout particulier dans le contexte de la mise en place de la « cellule de veille interministérielle en charge des plans sociaux », et après la survenance de plusieurs plans sociaux particulièrement douloureux. Aussi la commission des finances a-t-elle organisé le 6 mai 2003 l'audition de Mme Nicole Fontaine , ministre déléguée à l'industrie, en présence de M. François Logerot , Premier Président, de M. Bertrand Fragonard , Président de la deuxième chambre et de M. Jean-Loup Arnaud , Conseiller-maître, représentant la Cour des comptes.

Au cours de cette audition, les magistrats de la Cour des comptes ont souligné la complexité des circuits administratifs, due à la multiplicité des services et organismes compétents, et ses conséquences en termes de définition d'une politique industrielle cohérente. Ils ont regretté un manque de clarté dans la définition des aides aux entreprises , ce manque donnant lieu à un « saupoudrage » au détriment d'une vue d'ensemble. Ils ont relevé des irrégularités et des défaillances dans la mise en oeuvre des mesures de reconversion et de restructuration, en particulier l'absence, dans certains cas, de respect des obligations communautaires en matière d'aides d'Etat . Ils ont enfin, tout en reconnaissant les conditions difficiles dans lesquelles intervenaient les pouvoirs publics, posé la question de l'efficacité des aides accordées, constatant notamment des effets d'aubaine significatifs .

Si Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie a souligné que la communication de la Cour des comptes portait sur la gestion passée du secrétariat d'Etat à l'industrie , elle a souhaité renforcer l'efficacité et la clarté de son action. Elle a, en conséquence, présenté des pistes de réforme dans la gestion des crédits et dans l'organisation administrative de son ministère, parmi lesquelles la fusion de deux directions majeures (DIGITIP 1 ( * ) et DARPMI 2 ( * ) ), et de nombreuses mesures de décentralisation , conformément à la politique engagée par le gouvernement. Elle s'est engagée à une présentation plus lisible et plus sincère des actions de restructurations industrielles dès le projet de loi de finances initiale pour 2004.

A l'issue de cette audition, dont le procès-verbal intégral est reproduit ci-après, la commission des finances a décidé de publier la communication de la Cour des comptes sous la forme du présent rapport d'information. Il lui apparaît, en effet, que les dysfonctionnements révélés par le travail de la Cour des comptes, dont certains sont sans doute issus de la survivance d'une culture d'économie administrée au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, constituent un cas d'école intéressant pour la future réforme de l'Etat .

Ces mêmes dysfonctionnement soulignent a contrario la juste vision de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, dont l'application rapide constitue une ardente obligation , tant l'exigence d'évaluation, la responsabilisation des gestionnaires de crédits publics, la définition d'objectifs clairs et l'élaboration d'indicateurs de performances ont cruellement manqué par le passé. La réflexion à laquelle le présent rapport d'information invite ne devra enfin pas négliger les questions de principe. Quelle est en effet l'utilité de ces aides publiques, souvent attribuées sur des bases discriminatoires, au regard des règles de la concurrence ? Dans les cas exceptionnels où ces aides publiques, discrétionnaires, à des entreprises privées doivent être maintenues, ne doivent-elles pas prendre la forme d'avances remboursables lors du retour à meilleure fortune ?

INTRODUCTION : UNE COMMUNICATION EN PHASE
AVEC LES TRAVAUX DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
DE LA COMMISSION DES FINANCES
ET QUI LUI APPORTE DE NOMBREUX ÉCLAIRAGES
FORT UTILES

Dans son rapport sur l'évolution des crédits de l'industrie, prévue par le projet de loi de finances pour 2003 3 ( * ) , votre rapporteur a largement évoqué les actions de développement, de restructurations et de reconversion du ministère délégué à l'industrie, ainsi que les aides à l'innovation et à la recherche qui leur sont liées.

Le rapport de la commission des finances sur les crédits de l'industrie pour 2003

Son analyse des dépenses budgétaires correspondantes l'a conduit à exprimer des critiques ou des interrogations quant à :

- la complexité du système d'aides, inhérente à une certaine dispersion des responsabilités à la fois aux niveaux des administrations centrales et des services déconcentrés, entre ministères et au sein même du secrétariat d'Etat (devenu ministère délégué) à l'industrie ;

- le manque de lisibilité des actions budgétaires concernées qui en résulte ;

- l' efficacité douteuse de ces différentes interventions et leur insuffisante évaluation.

Sur les deux premiers points (complexité et faible lisibilité) votre rapporteur déclarait ainsi :

- en page 40 : « L'ensemble des aides... semble, a priori assez touffu et difficile à appréhender », « les différents acteurs concernés paraissent, en effet, particulièrement nombreux » ;

- en page 51 : « le ministère de l'industrie peine à trouver sa place dans un système foisonnant », « sa logique principale d'action est une logique de services, plus que de missions ou d'objectifs, la DARPMI et la DIGITIP s'efforçant, tout de même, d'éviter que leurs interventions respectives se chevauchent de façon excessive » ;

- en conclusion (page 71) : « Il est à espérer que la loi organique d'août 2001 présente l'effort budgétaire en faveur de l'industrie de façon plus lisible » ; « la complexité est acceptable quand elle témoigne de la multitude des partenaires associés à un effort commun cohérent, pas quand elle dissimule une mauvaise coordination de tous les acteurs concernés ou des chevauchements de compétences entre services ».

Concernant le déficit d'évaluation de ces actions et la question, que l'on peut légitimement se poser, de leur efficacité, votre rapporteur :

- partageait (page 16) le jugement porté par la Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2001, sur le caractère « sommaire » des indicateurs d'activité des services de l'industrie, « qui témoigne d'un passage encore inachevé d'une culture de moyens à une culture de résultats » ;

- estimait « quelque peu déficient » (page 42) » l'évaluation de l'ensemble du dispositif d'aide aux entreprises (y compris le soutien à l'innovation), s'agissant notamment de leur effet sur l'emploi (influence plus ou moins déterminante sur les décisions d'embauche, durabilité des postes de travail créés, etc.) ;

- soulignait, en matière de restructuration, les limites des aides budgétaires par rapport à d'autres modes d'interventions (page 67) et l'efficacité de certaines initiatives prises sur le terrain par des acteurs particulièrement déterminés, en marge des cadres institutionnels conventionnels (exemples du choletais et des chantiers navals du Havre).

Ces analyses de votre rapporteur, qui portaient aussi sur les aides à l'innovation sont validées par la communication de la Cour des comptes en ce qui concerne la complexité des circuits administratifs, l'éclatement des responsabilités entre différents services, la perte de lisibilité budgétaire qui en résulte, la nécessité pour les pouvoirs publics de piloter dans la durée les suites d'accidents industriels (reclassement des salariés, réindustrialisation).

Les révélations, précieuses, de la présente communication révèlent, par ailleurs, le bien-fondé des interrogations de votre commission des finances sur l'efficacité des aides considérées : il est regrettable d'apprendre ainsi par la Cour des comptes que plus de 50 % des sommes correspondantes sont engagées dans des « causes perdues », les considérations « d'ordre public », l'emportant sur celle « d'ordre économique ». Enfin, la Cour des comptes, dans cette communication, apporte aux propres investigations de votre commission des finances de nombreux et enrichissants éclairages complémentaires sur les démembrements de l'administration résultant du recours à des « organismes-relais », certaines imputations budgétaires erronées (confusion entre investissement et fonctionnement, crédits d'intervention et dépenses de personnel), les déficiences du CIRI (Comité interministériel de restructurations industrielles) ou l'absence de respect des obligations communautaires dans la gestion des aides aux restructurations, etc.

TRAVAUX DE LA COMMISSION :

AUDITION CONJOINTE DE MME LA MINISTRE DÉLÉGUÉE À L'INDUSTRIE ET DE LA COUR DES COMPTES

COMMISSION DES FINANCES,

DU CONTROLE BUDGETAIRE

ET DES COMPTES ECONOMIQUES

DE LA NATION

__________

Séance du

mardi 6 mai 2003

__________

Présidence de M. Jean Arthuis,

Président

__________

Ordre du Jour

- Audition de Mme Nicole Fontaine , ministre déléguée à l'industrie et de MM. François Logerot, Premier Président de la Cour des comptes, Bertrand Fragonard, président de la deuxième chambre, et Jean-Loup Arnaud, conseiller-maître sur la communication de la Cour des comptes relative aux actions de développement et de reconversion industriels menées par le secrétariat à l'industrie.

__________

La séance est ouverte à 16 heures 40 .

M. le président - Mes chers collègues, l'audition à laquelle nous allons procéder aujourd'hui est la troisième résultant de l'application de l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001, qui prévoit la réalisation par la Cour des comptes, "de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée Nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elles contrôlent".

A ce titre, la Cour des comptes a transmis à notre commission une "communication" relative aux actions de développement, de restructuration et de reconversion industrielle du secrétariat à l'industrie demandée par le Président Lambert en mars 2002.

Cette communication a fait l'objet d'un référé le 20 janvier 2003 auprès du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il m'a semblé qu'une audition de Mme la ministre déléguée à l'industrie, en présence de MM. François Logerot, Premier président, Bertrand Fragonard, président de la deuxième chambre et Jean-Loup Arnaud, conseiller-maître, représentant la Cour des comptes, intervenait à un moment particulièrement important pour le sujet que nous abordons aujourd'hui, dans le contexte de la mise en place de la "cellule de veille interministérielle en charge des plans sociaux" de M. Jean-Claude Viet, "Monsieur catastrophes", et après la survenance de plusieurs plans sociaux particulièrement douloureux comme celui de Metaleurop, à Noyelles-Godault dans le Nord.

Je ne vous cacherai pas que ce rapport est, me semble-t-il, particulièrement sévère pour le passé.

Il me paraît dès lors nécessaire qu'il éclaire l'action du gouvernement pour l'avenir.

Je ne doute pas que l'exigence de sincérité budgétaire, qui nous préoccupe tant et qui n'a visiblement pas été au coeur de la gestion des crédits de reconversion industrielle au cours des dernières années, trouve un écho dans le prochain projet loi de finances.

Je me félicite que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie souhaite réformer son organisation administrative dans un sens qui ne pourra qu'être favorable à une plus grande efficience des actions de restructuration financées.

Je souhaite enfin que la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, qui instaure une exigence d'évaluation et obligera les gestionnaires des crédits publics à proposer au Parlement des objectifs clairs et des indicateurs de performances susceptibles de juger de la pertinence de la dépense publique, fournisse les outils pour que le ministère délégué à l'industrie accroisse significativement l'efficience des actions de reconversion et de restructuration industrielle.

Pour ouvrir cette audition, la parole est à la Cour des comptes et à M. le Premier président.

M. François Logerot - Je vous remercie, Monsieur le Président.

Madame la Ministre, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je ferai une brève introduction, laissant mes collègues de la deuxième chambre commenter brièvement le contenu même de la communication demandée à la Cour par le précédent président de votre commission au mois de mars 2002.

Je voudrais dans un premier temps resituer ce contrôle dans l'ensemble des travaux que la Cour des comptes consacre au département ministériel de l'industrie, pour montrer que l'aspect que l'on a traité dans cette communication s'insère dans un ensemble de contrôle, soit obligatoires, soit facultatifs, en ce sens que la Cour décide librement, dans le cadre son programme et de ses moyens, des sujets qu'elle entend traiter.

Parmi les contrôles obligatoires, il y a la revue annuelle de l'exécution du budget de l'industrie. Comme vous l'avez noté, cet examen annuel de l'exécution du budget prend maintenant un relief particulier dans la perspective de la mise en application progressive de la loi organique du 1 er août 2001.

Nous examinerons notamment dans ce département ministériel, comme dans les autres, les conditions d'élaboration de la nouvelle structure budgétaire et des travaux qui doivent être conduits en parallèle sur les objectifs et indicateurs reliés aux actions publiques.

Les contrôles obligatoires concernent aussi les organismes placés sous la tutelle du ministre chargé de l'industrie et, à cet égard, nous avons eu à notre programme un certain nombre d'organismes comme les écoles des mines, le laboratoire national d'essai, le BRGM, l'ANVAR et d'autres encore.

Lorsque l'organisme en question a, de droit ou de fait, le statut d'une entreprise publique, un rapport particulier est établi ; bien entendu, la commission des finances du Sénat en est destinataire.

Il en est de même si ces contrôles donnent lieu à l'envoi d'un référé au ministre. En effet, depuis deux ans, la totalité des référés sont envoyés aux deux commissions des finances du Parlement.

Des contrôles sont également inscrits à notre programme en fonction de l'intérêt que le sujet nous paraît présenter ou pour répondre à une demande de communication d'une des commissions des finances.

Parmi les contrôles en cours ou en voie d'achèvement, je citerai un contrôle sur les activités de la DIGITIP ainsi qu'un contrôle sur les directions régionales de l'industrie de la recherche et de l'environnement, qui s'est achevé par l'envoi d'un référé en février, dont vous allez recevoir copie incessamment, le délai de trois mois étant maintenant écoulé.

De même, je pourrais citer un travail en cours sur les actions relatives aux normes et à la qualité, actions qui relèvent également de la même direction générale.

Enfin, je mentionnerai les contrôles des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers. Désormais, en application de la faculté que le code des juridictions financières donne à la Cour, ces contrôles seront délégués aux chambres régionales des comptes.

Il nous est en effet apparu que les liens avec les actions des collectivités territoriales étaient forts et que la proximité d'un contrôle par les chambres régionales était préférable.

Voilà un ensemble de travaux en cours ou achevés sur les administrations de l'industrie et les organismes qui s'y rattachent.

En second lieu, la procédure qui a conduit à cette communication a consisté à examiner la gestion de trois chapitres budgétaires du ministre de l'industrie, qui ont donné lieu à deux rapports distincts. Ces deux rapports ont été joints pour ne faire qu'une seule communication à la commission des finances du Sénat.

Celle-ci vous a été adressée à la fin du mois de décembre dernier et a donné lieu à un référé au ministre. Il s'agit d'un résumé synthétique de la communication, mais l'annexe au référé est le texte strict de la communication qu'a reçue le Sénat.

Les observations de la Cour se rattachent à quatre idées principales.

D'une part, ces aides aux entreprises reposent sur une organisation administrative complexe qui, du point de vue de la Cour, doit être simplifiée et clarifiée, ce à quoi a commencé à répondre l'initiative récente annoncée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et dont Mme Fontaine nous indiquera vraisemblablement le détail.

Nous avons remarqué que l'articulation entre les administrations et les organismes intéressés était particulièrement complexe, qu'il agisse d'une organisation au niveau central ou de l'organisation faisant appel à des services déconcentrés, voire à des collectivités décentralisées.

La seconde constatation porte sur un certain manque de clarté dans la définition et l'utilisation des moyens budgétaires alloués à ces aides aux entreprises. Nous pensons qu'il importe d'y porter remède, notamment dans la perspective de l'application des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, qui implique une grande clarté dans les objectifs des actions publiques.

Nous avons noté un certain saupoudrage, une certaine multiplicité d'objectifs, ainsi qu'une insuffisance de concertation entre les co-financeurs et une insuffisance de cohérence dans les choix et le suivi des aides.

La troisième constatation d'ordre général repose sur le fait que nous avons relevé dans la mise en oeuvre des mesures elles-même un certain nombre d'irrégularités ou de défaillances, une des plus importantes -nous a-t-il semblé- étant le non-respect des obligations communautaires en matière de déclaration des aides d'Etat.

Enfin, la communication et le référé posaient la question de l'efficacité de ces aides, au moins dans certains cas, à partir d'exemples qui suggéraient un réexamen d'ensemble, tant en ce qui concerne le mise en oeuvre de ces aides à travers une organisation administrative et financière appropriée qu'en ce qui concerne leur nature même et leur finalité.

M. Arnaud, président de section, présentera de façon plus détaillée les conclusions de la Cour.

M. Jean-Loup Arnaud - Comme l'a indiqué le Premier président, les contrôles dont il a été rendu compte dans la présente communication ne portent que sur les crédits de certains chapitres du budget de l'industrie et non sur la totalité.

Au total, les crédits pris en compte ont représenté en moyenne 167 millions d'euros, dont 108 pour le chapitre  64-92 et 51 pour le chapitre 64-96.

Force est de constater que la plupart des interventions de politique industrielle ou d'accompagnement des restructurations ne passent pas par le budget de l'industrie mais par les crédits des affaires sociales ou par les dotations aux entreprises publiques, dans la mesure où elles relèvent de la politique industrielle.

La Cour a souligné la difficulté d'avoir une vue d'ensemble de ce dispositif, en raison notamment de la nature de ces aides disparates et éparpillées, et surtout du déficit de clarté dans la définition et l'utilisation des moyens budgétaires.

La Cour a notamment relevé que le manque de lisibilité tient à de nombreuses imputations budgétaires contestables -dissimulation de mise à disposition de personnels, notamment dans les conventions passées avec l'APRODI, imputations sur les crédits d'investissement de la prise en charge de plans sociaux et notamment de mesures dérogatoires relatives aux retraites ou de surcoûts d'exploitation dans le cas de Brittany Ferries, voire du déficit courant apparaissant dans les états de trésorerie industriels pour le groupe FINATEC, en s'éloignant de l'objectif affiché d'aide de restructuration.

Dans le dossier Chausson, l'aide sur crédits de politique industrielle, qui représentait un peu plus de 10 millions d'euros, a été intégralement destinée au financement de mesures sociales, tandis que des actions de réindustrialisation ont été prévues parallèlement et confiées à la SODIE.

Pour Brittany Ferries, l'aide de restructuration accordée ne constitue qu'une faible part de l'ensemble des aides publiques.

La Cour a constaté également des irrégularités et des défaillances tenant d'une part au non-respect des obligations communautaires -rétention d'informations dans plusieurs cas, conditions de fond non respectées- et d'autre part à des insuffisances dans les procédures de suivi.

A cet égard, on relèvera que le respect des obligations, pourtant limitées, imposées aux bénéficiaires, n'a pas toujours été vérifié et qu'il n'existe pas de suivi centralisé de la production de l'ensemble des multiples créances de l'Etat.

Ainsi, alors que certains engagements de la société Regitex, conditionnant l'octroi des aides publiques, n'ont pas été tenus, les aides ont été intégralement versées.

L'administrateur de la société Myrys ayant relevé un trop-perçu de subventions par rapport aux dépenses couvertes, a sollicité l'émission d'un titre de perception le 6 octobre 1999. Celui-ci n'a été établi que près de deux ans après !

Les comptes rendus et bilans produits sont souvent très sommaires, parfois insuffisants pour établir le certificat attestant la bonne exécution des travaux et le montant des dépenses ou pour identifier les subventions par destinataire.

Les diligences ont été parfois effectuées tardivement dans les nombreux cas de redressement judiciaire, comme pour les Nouvelles filatures lainières de Roubaix.

Ces manquements peuvent sans doute s'expliquer, pour la majeure partie d'entre eux, au moment de l'attribution des aides, par des besoins financiers immédiats des entreprises concernées.

Sans méconnaître la difficulté d'actions souvent menées sous forte pression, la Cour a émis des réserves et parfois des doutes sur l'efficacité de certaines d'entre elles.

Les rapports d'évaluation sur les aides déconcentrées directes aux entreprises font apparaître l'existence « d'effets d'aubaine » et n'apportent pas la preuve de la capacité à susciter des « sauts qualitatifs » dans le développement des PME.

Pour les actions collectives, la Cour a relevé des tendances à la pérennisation des opérations, à la forfaitisation des subventions, à la prise en charge généreuse des coûts de fonctionnement des opérateurs, au cumul des financements publics, sans que la preuve du fait que les résultats escomptés aient été atteints ait été apportée.

Selon l'étude, certes ancienne, sur les FRAC, qui remonte à 1991, deux-tiers des PMI bénéficiaires auraient sans doute lancé l'opération sans cette aide, mais le plus souvent, selon les déclarations des chefs d'entreprise, en en réduisant l'ampleur ou en la retardant.

Une étude plus récente de 2001 donne une vision moins négative : plus de la moitié des entreprises déclarent qu'elles n'auraient pas réalisé la prestation en l'absence de subventions.

Le taux d'incitativité est évalué à 35 % pour les aides du FDPMI. Il serait, toujours selon les chefs d'entreprise, plus élevé pour la procédure ARC et surtout pour la procédure ATOUT.

Le prêt SODIE accordé dans le cadre du dossier Chausson n'aurait été déterminant que pour un tiers des bénéficiaires et le rapport d'évaluation de la mission d'industrialisation note la grande difficulté à distinguer les effets des dispositifs cumulés.

S'agissant des aides de restructuration aux entreprises ou aux repreneurs, la Cour a constaté des critères d'intervention non-économiques, qui s'expliquent sans doute par l'urgence et la pression politique.

Le plus souvent, l'intervention de l'Etat paraît avoir été menée sans grande visibilité de la situation économique des entreprises aidées.

Par ailleurs, si l'on tente d'appréhender le résultat des interventions à travers le taux de survie des entreprises, la cessation des activités peu après le versement de la subvention, dans nombre de cas -environ 40 %- conduit à s'interroger sur le bilan coût/résultats.

Il en a été ainsi pour Myrys, la Lainière de Roubaix, Bata-Hellocourt et FINATEC-Core Placements, qui ont cessé ou très fortement réduit l'activité sur leurs sites industriels.

Dans d'autres cas, comme celui de Brittany Ferries, l'Etat s'est avéré incapable d'asseoir une opinion ferme sur la nécessité de l'aide publique, de bâtir en conséquence un plan d'aide et de le respecter dans la durée.

Si l'intervention de l'Etat dans la gestion des plans sociaux a pu produire des résultats favorables en termes de reclassement des salariés et de réindustrialisation, il n'en demeure pas moins que c'est souvent au prix de mesures dérogatoires, ce qui pose un problème d'égalité, concentrés sur un petit nombre de bénéficiaires et pour un coût élevé, ce qui pose la question de l'efficience de ces aides.

A cet égard, le cas des mesures d'âge très favorables accordées aux anciens salariés de l'entreprise Chausson est révélateur de cette tendance. Si les résultats ont été honorables en termes de reclassement, ceci s'est fait au prix d'une aide publique par salarié particulièrement élevée.

Enfin, le saupoudrage de subventions à des organismes divers ne peut être rattaché à une politique industrielle, constat qui renvoie à la nécessité de mieux préciser et hiérarchiser les objectifs et de les assortir d'indicateurs de performance dans la perspective de l'application des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2002.

M. le président - Madame la Ministre, Vous avez la parole.

Mme la ministre - Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur général, Mesdames et Messieurs les sénateurs, c'est très volontiers que j'ai répondu à l'initiative de la Commission des Finances du Sénat pour réagir sur le rapport que la Cour des comptes a consacré à certains des crédits du ministère de l'industrie dans le cadre des exercices budgétaires de 1995 à 2000, et je remercie le Président et les membres de cette Commission de votre initiative.

C'est en effet la première fois qu'un membre du Gouvernement est auditionné dans ce cadre. Je me félicite de contribuer ainsi à ce que nos concitoyens soient plus complètement informés et que le débat public gagne en transparence et en clarté.

Je me réjouis de la présence de M. le Premier Président de la Cour des comptes aujourd'hui et de l'excellent résumé qu'il vient de faire du rapport que la Cour des comptes a consacré à l'utilisation des crédits du ministère chargé de l'industrie.

Je voudrais en premier lieu souligner que les crédits qui viennent d'être évoqués répondent à des objectifs différents.

En premier lieu y figurent les crédits destinés à favoriser le développement industriel. En termes techniques, ces crédits sont inscrits au chapitre 44-80 -articles 20 et 40- et 64-92 du budget de mon ministère.

Ils sont exclusivement affectés aux petites et moyennes entreprises et s'inscrivent dans une logique de soutien au développement de notre tissu industriel régional.

Font par ailleurs l'objet de ce rapport les crédits destinés à faciliter les mutations industrielles -chapitre 64-96. Ces crédits sont de nature différente dans la mesure où ils ont pour but de contribuer d'une part à l'anticipation, et d'autre part à l'accompagnement des restructurations industrielles.

Ces crédits sont mis en oeuvre dans des bassins d'emplois fragilisés et leur destinataire final est non pas l'entreprise, mais le salarié qu'il faut aider à retrouver un emploi industriel pérenne par des actions de formation, de reclassement et ou de reconversion.

Ces deux types de crédits ne représentent qu'une partie des crédits dont dispose mon département ministériel.

A cet égard, je voudrais souligner un fait largement méconnu. Contrairement à ce qui a pu se passer dans les années 1970 et 1980, le budget du ministère de l'industrie ne comporte plus de crédits qui serviraient à financer des politiques sectorielles de soutien artificiel à l'activité industrielle.

Les "plans sectoriels" appartiennent au passé. Bien évidemment, une politique industrielle moderne se bâtit différemment. Il ne faudrait pas que les parlementaires, et à travers eux l'opinion publique, s'imaginent que le budget du ministère de l'industrie recèlerait des crédits d'intervention correspondant à ces politiques du passé.

L'essentiel des autres crédits dont dispose mon ministère sont des crédits destinés à contribuer au financement de programmes de recherche et de développement industriel ou à la diffusion de technologies innovantes dans le tissu industriel français ou enfin des crédits qui ont pour vocation de prendre en charge les conséquences sociales et environnementales d'activités passées. C'est par exemple ce que l'on appelle "l'après-mines".

Si j'en reviens maintenant au rapport de la Cour des comptes, celle-ci procède à une analyse très détaillée et donne une série d'exemples, qui sont d'ailleurs de taille et d'importance extrêmement variables, illustrant des dysfonctionnements ou des décisions qui lui paraissent contestables.

Par nature même, ces exemples portent sur une gestion antérieure à ma prise de fonctions. Je n'ai donc pas de commentaire pertinent à formuler.

Par contre, la Cour soulève cinq questions de portée générale auxquelles je souhaite apporter les éléments de réponse suivants.

En premier lieu, en ce qui concerne le rôle respectif du ministère des affaires sociales et de celui de l'industrie en matière de mutations industrielles, je voudrais souligner deux points.

Tout d'abord, l'intervention du ministère de l'industrie permet de renforcer le dispositif d'accompagnement social.

En effet, les dispositions légales d'accompagnement social dans les entreprises de plus de 1000 personnes ne s'appliquent plus en cas de redressement judiciaire, en particulier, l'obligation pour l'employeur de mettre en place un congé de reclassement pour accompagner la recherche d'emploi des salariés.

Les dispositions prévues au ministère des affaires sociales, en particulier dans le cadre du FNE pour prendre en charge 50 % du coût des mesures de "congés de conversion" s'appliquent à condition que le complément soit pris en charge par l'entreprise.

Dans le cas d'une entreprise grande ou moyenne en règlement judiciaire, il arrive que l'administrateur judiciaire ne puisse pas prélever le complément du FNE sur les ressources de l'entreprise.

Il peut alors devenir indispensable, ne serait-ce que pour des raisons d'ordre public, de mettre en place cet accompagnement social.

Aussi les moyens dérogatoires pour compléter les possibilités du FNE figurent-ils aujourd'hui au chapitre 64-96 du ministère de l'industrie.

Ils ne servent que 2 ou 3 fois par an à résoudre et à gérer les crises sociales les plus graves.

Il est probable que si ces moyens exceptionnels figuraient dans le budget du ministère des affaires sociales, ils seraient sollicités de façon systématique par les partenaires sociaux, les élus locaux et les administrateurs judiciaires et que l'emploi de ces moyens ne serait plus limité à la gestion des crises majeures.

Leur localisation au ministère de l'industrie donne à la gestion de ces crises le filtrage d'une instruction interministérielle pilotée conjointement par le ministère des affaires sociales et le ministère de l'industrie.

L'intervention du MINEFI peut également devenir essentielle, toujours en cas de crise majeure, dans le domaine de la revitalisation du tissu économique local sur le bassin d'emploi concerné.

Les grandes entreprises ont le devoir légal d'assurer cette revitalisation au titre de l'article 118 de la loi du 17 janvier 2002.

Mais, quand ces entreprises sont en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, elles n'en ont plus les moyens.

Le rôle de l'Etat n'est pas alors de se substituer totalement à l'entreprise mais de chercher, avec les collectivités sociales concernées, la réaction adaptée : les possibilités d'intervention du MINEFI -sociétés de conversion et/ou appel d'offres en délégation de service public permettent de déclencher ce type de mesures en veillant à ce qu'elles soient le plus souvent possible menées en partenariat avec les collectivités territoriales concernées.

Je pense ainsi qu'il serait socialement et politiquement dangereux de supprimer les possibilités de déclenchement de ces actions.

En définitive, il apparaît qu'il serait politiquement déraisonnable de priver le Gouvernement de moyens, au demeurant relativement modeste -de l'ordre de 50 M€ par an- pour faire face aux restructurations industrielles les plus délicates.

L'existence de ces crédits au sein du ministère de l'industrie représente un double avantage. Elle permet de mettre en place des dispositions dérogatoires en minimisant le risque de création de précédent et donne l'assurance que les crédits utilisés le seront dans une perspective de réindustrialisation, et non pas dans une optique strictement sociale.

En second lieu, la Cour insiste sur la nécessité de simplifier l'organisation administrative actuelle. Je partage pleinement ce point de vue et, dans mon domaine de compétences, j'ai mis en marche un certain nombre de réformes.

Sur les quatre directions d'administration centrale que compte mon département ministériel, deux -la DIGITIP et la DARPMI- seront fusionnées à l'été pour constituer une structure plus homogène, disposant d'un noyau central resserré et d'un réseau régional redimensionné, avec comme objectif d'être au service des entreprises et de favoriser leur compétitivité.

Parallèlement le service des études et statistiques industrielles, actuellement dépendant de la DIGITIP, sera rapproché de l'INSEE de manière à favoriser une meilleure complémentarité.

En outre, l'ensemble des aides individuelles aux entreprises, actuellement gérées par les DRIRE, seront transférées dans le cadre de la décentralisation aux régions pour gagner en efficacité -cohérence avec les dispositifs mis en oeuvre par les collectivités locales- et en proximité. Ceci représente un transfert de l'ordre de 100 M€ par an.

Les DRIRE exercent à l'heure actuelle une mission de contrôle des véhicules industriels pour le compte du ministère des transports.

Il est envisagé d'externaliser cette mission au bénéfice de prestataires privés. L'Etat n'a pas en effet vocation à exercer directement ce type d'activité, mais doit concentrer ses moyens sur ses responsabilités réglementaires tout en s'assurant de la qualité et de la conformité des contrôles exercés.

Le ministère délégué à l'industrie apportera ainsi sa contribution au plan lancé par le Président de la République en faveur de la sécurité routière.

Ce passage à un "contrôle de deuxième niveau" constitue une réforme majeure pour les DRIRE -un quart des effectifs concernés, cession de 160 centres techniques répartis sur tout le territoire national.

Elle doit donc être menée avec détermination et précaution, notamment en terme d'accompagnement social.

Avec ces différentes mesures, mon ministère prend une part particulièrement active -plus que proportionnelle à son poids relatif- dans la réforme générale de Bercy intitulée "Bercy en mouvement".

En troisième lieu, la Cour s'inquiète du recours à des organismes privés extérieurs à l'administration pour la mise en oeuvre des politiques d'aides à l'industrie.

Je voudrais souligner le caractère exceptionnel de ce type de recours. Ce mode d'intervention reste naturellement limité à la mise en oeuvre de certaines procédures d'aide dont la gestion en partenariat se révèle plus performante pour le service public que l'intervention en régie traditionnelle, notamment lorsqu'il s'agit de l'attribution d'un nombre élevé d'aides d'un montant limité.

Conformément à la réglementation applicable, le recours à des organismes relais n'a été autorisé que moyennant la définition des rôles respectifs de l'Etat et de l'organisme d'appui, dans un cadre conventionnel transparent et sécurisé du point de vue budgétaire et comptable.

Le recours à un organisme relais n'a pas vocation à se pérenniser au-delà de la période qui rend ce mode d'intervention incontournable en terme d'efficacité de l'action publique.

Ainsi, le recours aux sociétés de conversion n'est plus systématiquement privilégié, comme le faisait mon prédécesseur. J'ai souhaité mettre en place, lorsque cela a été possible, un nouveau dispositif mieux adapté, comprenant un appel au financement bancaire, une garantie publique et le recours à un prestataire de conseil ayant un mandat limité dans le temps et utilisant le mode de gestion des délégations de service public.

Dans le même esprit, l'accompagnement du programme ATOUT d'aide à la diffusion des techniques dans les PMI, assuré jusqu'à présent par l'APRODI, est inclus dans les réflexions actuellement engagées sur la décentralisation de certains dispositifs d'intervention de l'Etat.

En effet, les aides individuelles directes aux entreprises, y compris le programme ATOUT, ont vocation à être transférées aux régions en 2004.

En quatrième lieu, je ne partage pas l'analyse de la Cour selon laquelle la situation sociale et économique de la région Lorraine se situerait dans la moyenne nationale et ne justifierait plus le maintien du dispositif spécifique que constitue le fonds d'industrialisation de la Lorraine.

Le long processus de mutation industrielle et économique de la Lorraine, engagé depuis le début des années 1980, n'est pas encore arrivé à son terme.

Le déclin des grandes industries traditionnelles de cette région se poursuit, avec notamment l'arrêt de l'extraction charbonnière en 2004, la fermeture annoncée de sites sidérurgiques et la mutation de l'industrie textile, sans mentionner les difficultés de certaines activités de reconversion, comme l'électronique avec Daewwo.

J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises ces derniers mois de me rendre personnellement en Lorraine et j'ai pu mesurer les difficultés auxquelles les hommes et les femmes de cette région sont confrontés. Ils doivent pouvoir compter sur la solidarité nationale et nous ne pouvons les abandonner à leur sort.

J'ai pu constater que les efforts importants consentis par les pouvoirs publics pour accompagner cette mutation ont permis la réalisation de réels progrès, qu'il s'agisse de la diversification industrielle ou plus largement de la qualité de l'offre territoriale.

Toutefois, le terrain économique lorrain reste encore fragile, notamment en raison de la faiblesse du tissu des PME-PMI.

Cette situation justifie le maintien du FIL qui reste un des outils les mieux adaptés au soutien des opérations de redéploiement économique dans la région.

Conformément au souci d'efficacité et de proximité, il est d'ailleurs envisagé de décentraliser cette procédure et d'en confier la responsabilité à la région Lorraine.

En cinquième lieu, je considère que le constat de la Cour sur la consommation jugée insuffisante du chapitre 64-96, c'est-à-dire des crédits consacrés aux mutations industrielles, doit être nuancé.

Ces crédits ont une très forte élasticité à la conjoncture. La faible consommation des crédits durant la période sous revue est directement liée à l'amélioration progressive de la situation économique entre les années 1997 et 2000.

A l'inverse, la dégradation progressive du climat industriel en 2001 et 2002 a déjà conduit à une mobilisation plus massive de ces crédits, évolution qui devrait s'accentuer en 2003 afin de faire face à des besoins d'intervention accrus.

Je peux d'ailleurs vous indiquer qu'au rythme actuel de consommation de ces crédits en 2003, les montants initialement prévus ne seront pas suffisants.

J'ai d'ailleurs d'ores et déjà engagé une réflexion sur les possibilités de redéploiement au sein du budget du ministère de l'industrie.

Je voudrais d'ailleurs souligner à cet égard que ces crédits ne représentent que 2 % du montant total du budget de mon ministère. C'est dire à quel point les marges de manoeuvre sont faibles lorsqu'il nous faut faire face à une conjoncture plus difficile que prévue, du fait notamment des incertitudes internationales en début d'année.

En conclusion, vous me permettrez, Monsieur le Président, d'élargir mon propos en sortant du cadre strict du rapport de la Cour des comptes que nous sommes en train de discuter.

Quand j'ai pris mes fonctions, il y a maintenant presque un an, j'ai été confrontée à un budget préparé par nos prédécesseurs et qui recelait de très importantes rigidités.

Pour le budget 2004 que j'aurai l'occasion de vous présenter à l'automne, je cherche à mieux faire correspondre les moyens disponibles avec nos priorités d'actions. C'est pourquoi je fais procéder à un audit approfondi du budget de mon ministère en faisant appel à un expert indépendant. Je tiens à remercier M. le Premier Président de la Cour des comptes d'avoir accepté que ces tâches soient confiées à l'un de ses proches collaborateurs, M. Gérard Moulin, conseiller-maître à la Cour des comptes.

Les conclusions de ce travail seront remises dans les prochaines semaines. Elles seront mises en oeuvre de manière à dégager les moyens nécessaires pour la réalisation des actions prioritaires.

Avec l'ambition de renforcer notre compétitivité et l'attractivité de notre territoire, mes principales priorités peuvent être ainsi résumées : anticiper et accompagner les mutations industrielles ; encourager le développement technologique des PMI ; promouvoir l'innovation et la propriété industrielle ; favoriser le lancement de grands projets de recherche industrielle en aménageant les dispositifs actuellement en vigueur avec l'objectif qu'un euro de dépense publique génère deux euros de dépense privée ; contribuer à la formation des cadres, ingénieurs et techniciens dont l'industrie aura besoin dans le futur.

Cette approche par grandes actions prioritaires avec fixation d'objectifs et évaluation des résultats obtenus sera facilitée par la mise en oeuvre progressive de la loi organique relative aux lois de finances.

Celle-ci permet de définir au niveau ministériel des missions qui se décomposent en programmes avec un responsable administratif clairement identifié et chargé de mener à bien une série d'actions, tous crédits confondus -effectifs, fonctionnement et intervention.

La définition exacte de ces missions, de ces programmes et de ces actions n'est pas encore définitivement arrêtée. J'y travaille activement avec mon collègue, M. Alain Lambert. Je puis vous assurer que les priorités que je viens de vous résumer y figureront d'une manière ou d'une autre.

Je vous remercie de votre attention et suis naturellement prête à répondre à vos questions.

M. le président - Merci.

La Cour souhaite-t-elle s'exprimer à nouveau ?

M. Bertrand Fragonard - Je ferai quelques commentaires, si vous le permettez.

Comme l'a indiqué Mme la ministre, nous avons, dans cette communication, traité de crédits de nature différente. Certains constituent un soutien au développement des PME-PMI ; d'autres sont plus concentrés sur des opérations "spot" de restructuration industrielle.

Il est vrai que le parti de la Cour de globaliser ces deux types de crédit peut quelquefois donner une perspective discutable. On voit bien que, sur les dossiers de restructuration industrielle, les pouvoirs publics travaillent sous de très fortes contraintes -politiques, calendrier.

Il appartient à la Cour de dire si, nonobstant cette pression, telle ou telle procédure a été plus ou moins bien menée. On s'aperçoit très souvent qu'il n'y a pas beaucoup de semaines pour que les pouvoirs publics mènent une réflexion très approfondie sur certains dossiers. Il faut donc tempérer ce qui peut apparaître sévère dans notre appréciation par cet élément de vie courante des administrations, qu'il ne faut pas négliger.

Quant aux aides de soutien au développement, la Cour a estimé, en s'appuyant sur des travaux, dont certains internes, que les effets d'aubaine étaient significatifs. Des options de décentralisation permettrait une gestion plus fiable.

Nous avons le sentiment qu'on a multiplié beaucoup d'instruments tendant à promouvoir telle ou telle fonction interne des entreprises : recrutement, diffusion de technologies...

D'où notre sentiment que les résultats de ces dispositif diffus étaient inégaux, quelquefois en progrès, quelquefois avec des taux de satisfaction impropres.

Le problème n'est pas de nier les effets d'aubaine mais de savoir jusqu'où les tolérer. Nous avons eu le sentiment que, faute d'un suivi assez rigoureux ou d'une évaluation totalement pertinente, cet effort n'était pas suffisant.

Troisième commentaire : on voit bien qu'il y a un problème avec Bruxelles, Madame la Ministre l'a reconnu. Tant mieux si l'on peut à la fois traiter les affaires délicates, parfois confidentielles, et mieux s'inscrire dans le droit communautaire !

S'agissant de la Lorraine, notre rédaction finale nous a amenés à une réaction plus nuancée que cela n'a été dit. Au moment de notre première rédaction, il y a quelques mois, les indicateurs économiques lorrains pouvaient laisser perplexes. Les éléments qui nous ont été apportés au fur et à mesure de la contradiction nous ont amenés à nuancer le texte. Il est vrai que la conjoncture actuelle rend peut-être notre appréciation un peu décalée dans le temps.

Enfin, tout ce que Mme la ministre a indiqué sur la simplification et le regroupement des structures administratives et la perspective de déconcentration et de décentralisation nous semble plutôt aller dans le sens de notre perception.

M. le président - Merci.

La parole est au rapporteur spécial des crédits de l'industrie, Monsieur Jean Clouet.

M. le rapporteur spécial - Monsieur le Président, Madame la ministre, Mesdames et Messieurs, je dois dire que ce rapport intervient à un moment un peu particulier, puisqu'il examine avec attention les activités d'un ministre qui n'est plus ministre !

Nous avons donc la réponse du nouveau ministre sur une politique dont elle nous a affirmé qu'elle ne la suivrait pas ou dont elle changerait en tout cas une grande part. On en est de ce fait plus réduit aux commentaires qu'aux blâmes ou à la louange !

J'ai surtout noté, Madame la Ministre, votre souci de faire apparaître quelque chose qui ressemblera à un budget car, depuis quelques années, il n'y a pas de budget du ministère de l'industrie mais ce qu'on appelle des agrégats de crédits, qui font une sorte de macédoine assez particulière et confuse. Ceci nécessite certainement une réforme des pratiques.

Par ailleurs, la densité du rapport de la Cour et la précision de vos réponses conduisent plutôt à des considérations générales qu'à des considérations particulières.

Sur un plan général, on est tout de même surpris de la profusion d'actions que les acteurs publics et parapublics exercent dans le domaine de l'économie. Pour un peu, on se trouverait en présence d'une économie administrée, ce qui est assez en contradiction avec la construction européenne -ce n'est pas vous qui me direz le contraire, Madame la Ministre !

On peut se demander si, de toutes ces actions, on ne pourrait en laisser quelques-unes à l'initiative privée, d'autant que 40 % des entreprises aidées ont déposé leur bilan en dix ans. Je trouve cela extraordinaire : on serait dans le privé, on s'étonnerait d'un tel chiffre !

D'où vient-il ? Vient-il du fait que vous secourez des mourants -on n'ose pas dire que vous les tuez ! Ne faudrait-il pas trouver quelque chose de plus efficace que cet argent qui a été mis pour gérer des faillites ?

Par ailleurs, la Cour des comptes dit que les conventions de prestations dissimulent en fait des mises à dispositions de personnels. Ceci me confond quelque peu ! Nous lisons tous les jours que les abus de biens sociaux ont été provoqués par des entreprises qui finançaient du personnel en dehors d'elles-mêmes ! Si on en croit cette affirmation, il y a alors deux morales : la morale publique et la morale privée.

Je trouve également assez surprenant, compte tenu des exigences de la comptabilité publique, que l'on ne vérifie pas le service fait -si j'en crois le rapport.

On distribue la plupart du temps de petites sommes à des quantités d'entreprises ; tant mieux pour elles si elles ne font pas faillite ; tant pis dans le cas contraire !

Ceci me paraît un peu regrettable. Je me demande si l'on ne pourrait pas faire un peu mieux.

Voici mes remarques, Monsieur le Président.

M. le président - Merci.

Madame la Ministre, vous avez la parole.

Mme la ministre - Merci.

Tout d'abord, il est vrai que les agrégats de crédits donnent l'impression d'une très grande dispersion. Il s'agit en effet de regroupements de chapitres budgétaires, mais je crois que la loi organique relative aux lois de finances et la décentralisation vont profondément changer la forme du budget de l'industrie, raison pour laquelle nous nous sommes résolument engagés dans cette voie.

Une remarque au sujet du taux de survie des entreprises aidées. Il faut bien distinguer différentes familles d'interventions. S'agissant des crédits de type FIBM ou FIL, destinés à favoriser le développement d'activités nouvelles sur le bassin en reconversion, le taux de survie des activités aidées est supérieur à 75 % au bout de cinq ans. C'est un chiffre encourageant.

Je tiens aussi à faire observer que certaines des interventions de mon prédécesseur concernaient des entreprises qui avaient déjà déposé leur bilan, qu'il s'agisse de Chausson ou Moulinex. On était là dans une situation très particulière.

Le fait qu'on n'ait pas vérifié à plusieurs reprises que le service ait été réellement accompli m'a également frappée. Je mets cela sur le compte des irrégularités qui doivent absolument disparaître dès maintenant.

M. Bertrand Fragonard - S'agissant des mises à disposition, vous avez évoqué des choses qui, sur le plan déontologique, vous semblent stupéfiantes.

Ce que nous avons écrit se réfère à des mécanismes qui ne laissent aucun doute sur le fait qu'il y a bien eu un service fait. Il n'y a nulle part d'emplois fictifs dans ces opérations.

L'administration a mis largement en oeuvre un mécanisme qui se résorbe peu à peu, par lequel on complète son potentiel administratif en faisant appel à des entreprises publiques ou à des établissements publics. C'est contestable, mais cela n'a rien à voir avec un abus de bien social. Ce serait un détournement si le service n'avait pas été rendu.

L'opération que nous visions particulièrement est une opération assez lourde et connue impliquant EDF, montée en 1990 je crois, et qui est voie de résorption, ainsi que nous l'indiquons.

Cela renvoie à une des difficultés de nos rapports. Par nature, nous indiquons des irrégularités. La grande difficulté est d'arriver à une pondération. Quelle est la fréquence de ces défauts ? Sur certains points, on a le sentiment qu'on est quelquefois devant des erreurs ou des à-peu-près fréquents. Ce n'est pas non plus une règle générale.

S'agissant de mises à disposition, nous n'avons d'ailleurs donné aucune suite de nature contentieuse ou juridictionnelle à cette opération.

M. le président - N'y a-t-il pas une culture EDF de mises à disposition ?

Mme la ministre - C'est terminé.

M. Bertrand Fragonard - Ces mises à disposition étaient facturées à hauteur de 50 % des crédits. EDF est riche par rapport à des administrations qui le sont parfois moins.

M. le président - Ce sont quand même des pratiques que l'on souhaiterait voir disparaître ! Vous êtes garant du respect de la règle.

M. Bertrand Fragonard - Nous avons pris acte de la très forte réduction, au 1 er juillet 2002, du périmètre de cette mesure très particulière.

M. le président - Si on avait en face de nous des chefs d'entreprise, on aurait peut-être du mal à leur expliquer ces mécanismes par rapport aux règles de droit commun auxquelles ils sont soumis. Naturellement, c'est commode...

La parole est aux commissaires.

M. Yves Fréville - Dans les opérations comme celle relative à Brittany Ferries, évoquée par le rapport de la Cour, l'Etat doit-il être chef de file ? J'aimerais connaître la doctrine du Gouvernement en la matière.

En second lieu, sur un plan comptable, peut-on connaître l'ensemble des aides que perçoivent les entreprises de la part des différents chapitres budgétaires ?

Par ailleurs, on parle toujours des cas où cela se termine mal, mais il est aussi important de connaître les cas où il y a retour à une meilleure fortune. Ne doit-on pas faire en sorte que l'entreprise, dans certains cas, soit amenée à rendre une partie des aides qui lui ont permis de passer une période difficile ?

M. François Marc - Les questions soulevées par la Cour comportent une légitimité certaine et incontestable. Cela dit, Mme la ministre a précisé que des évolutions étaient déjà amorcées.

Je m'interroge cependant en ce qui concerne les propositions qu'elle évoquait au sujet de la réorganisation des aides. Je ne sais si cela améliorera la transparence ! Il y a peut-être là quelques précisions à apporter en la matière.

A l'inverse, je partage les convictions de Mme la ministre sur la justification des aides à la restructuration industrielle. Je relève que, dans l'analyse qui nous est soumise, cette situation n'est pas le fait du ministre précédent, mais provient d'un certain nombre d'interventions publiques sans lesquelles 60 % des entreprises concernées auraient peut-être cessé de vivre.

Il y a là un élément d'appréciation et de jugement sur lequel il pourrait être intéressant d'avoir un éclairage supplémentaire.

M. Eric Doligé - Madame la Ministre, j'ai le sentiment, à la lecture de quelques pages du document de la Cour, que l'Etat a l'habitude de faire des remarques assez dures vers le bas, par le biais de ses représentants au niveau des régions et des départements, mais fait quelquefois preuve de libéralité vers le haut !

S'agissant de Bruxelles, je comprends bien qu'il faille s'inscrire mieux dans le droit communautaire. Cela étant, lorsqu'on compare ce qui se passe dans certains pays de l'Union, il serait bon de vérifier que nous ne sommes pas, en France, plus sévères avec nous-mêmes qu'avec les autres !

M. le président - Pour ma part, j'ai trouvé les propos de la Cour remarquablement feutrés compte tenu du contenu du rapport, où l'on trouve des formes d'aides très disparates que le ministère a été amené à consentir.

Naturellement, on s'interroge sur la cohérence, la pertinence et la légitimité d'un certain nombre de décisions. Le ministre de l'économie et des finances étant également ministre de l'industrie et ayant aussi la concurrence et la consommation dans ses attributions, ceci pose de vraies questions, car on peut, par des fonds publics, maintenir un opérateur qui met en péril une filière en précipitant la disparition d'un certain nombre de concurrents qui n'ont pas les mêmes relais ni la même expertise des capacités d'aides du ministère de l'industrie !

On comprend bien que le ministère des affaires sociales et le ministre de l'industrie doivent agir avec beaucoup de discrétion, mais vient un moment où l'on ne sait plus très bien ce qu'on fait.

J'ai enregistré l'orientation. L'action économique relève plutôt d'une responsabilité régionale. Il faut s'en réjouir, mais je me permets d'insister sur le constat du rapport, et je voudrais être sûr que de telles pratiques vont cesser, comme l'aide à Supélec ou à une école d'ingénieurs à Bourges. Est-ce vraiment l'objet de ces crédits, Madame la Ministre ?

Vient un moment où une forte suspicion pèse sur l'utilisation des fonds par ce ministère !

Dans certains cas, on pourrait même se demander si l'Etat ne s'expose pas à être poursuivi en commandite compte tenu de l'aide qu'il apporte aux entreprises.

Après tout, les créanciers pourraient se retourner contre l'Etat ! A terme, ces lignes de crédits ont-elles encore une justification ? Ne vaudrait-il pas mieux demander à l'Etat d'alléger un certain nombre de charges qui pèsent sur toutes les entreprises pour éviter d'avoir à compenser les charges sociales et fiscales par l'octroi d'aides publiques dans des conditions dérogatoires discriminatoires dans certains cas.

Par ailleurs, la Cour a été assez critique sur le CIRI. A-t-il une véritable utilité ? A-t-il une valeur ajoutée ? Est-ce autre chose qu'une manière de préparer l'entreprise à faire son deuil de son destin ?

S'agissant de l'APRODI, j'ai compris que celle-ci disparaissait. J'en prends acte.

Je vous invite maintenant à répondre aux questions qui vous ont été posées.

Madame la Ministre, vous avez la parole.

Mme la ministre - Tout d'abord, s'agissant de Brittany Ferries, l'armement maritime est de la compétence de l'équipement et des transports. Le ministre de l'industrie n'est chargé que des sociétés de construction navale.

Je crois savoir qu'un arbitrage du Premier ministre de l'époque avait décidé que ce serait le ministère de l'industrie qui serait toutefois en charge du dossier.

M. Jean-Loup Arnaud - En effet, mais la Cour a relevé d'autres crédits. Son jugement sur Brittany Ferries est donc nuancé. Il n'y a pas que des aspects négatifs. On a constaté des hésitations, surtout au moment de la mise en place, ainsi qu'un cumul d'interventions publique dans lesquelles les actions de reconversion ne représentent qu'une assez faible partie.

Il est difficile de savoir de ce fait quel a été l'effet marginal de ces crédits, en plus des autres crédits qui représentent des sommes au moins quatre ou cinq fois plus élevées, mais la Cour ne conteste pas qu'il y a eu globalement des effets positifs.

Certes, il y a eu de longs échanges entre le Gouvernement et Bruxelles mais, s'agissant des crédits de reconversion, la Commission a fini par considérer qu'ils n'étaient pas contraires aux dispositions du droit européen.

M. le président - Ces aides ne pourraient-elles être consenties sauf retour à meilleure fortune ?

Mme la ministre - C'est tout à fait envisageable. Il est évident qu'il faut une très grande capacité de discernement s'agissant de la pertinence des aides.

Ainsi, j'ai mis fin à la subvention que recevait le festival de géographie de Saint-Dié, cette manifestation ne me paraissant pas correspondre à l'objet des crédits du ministère de l'industrie.

M. le président - Je fais mienne volontiers la suggestion de M. Fréville : nous sommes en début de procédure et nous avançons de façon pragmatique, mais peut-être serait-il bon que, lors d'une prochaine édition, les membres de la commission reçoivent le rapport de la Cour au moins la veille de l'audition.

Nous allons donc vers un budget lisible. Le Parlement a pour fonction de contrôler, mais il existe des budgets incontrôlables. Le Parlement est donc privé de ses prérogatives. La Cour doit avoir elle-même du mal à s'y retrouver !

Il me reste à remercier chaleureusement Mme Fontaine et la Cour des comptes de leur communication.

En application de l'article 58-2 de la loi organique sur les lois de finances, et conformément à la décision de principe prise en ce sens, la commission décide de publier cette communication sous forme d'un rapport d'information.

La commission est-elle d'accord ? Il en est ainsi décidé.

La séance est levée.

La séance est levée à 18 heures 05.

ANNEXE

COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES SUR LES ACTIONS DE DEVELOPPEMENT, DE RESTRUCTURATION ET DE RECONVERSION INDUSTRIELLE DU SECRETARIAT D'ETAT A L'INDUSTRIE

6 MAI 2003

(en application de l'article 58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances)

N.B. : cette étude a été conduite par la Cour des comptes à la demande de la commission des finances du Sénat. Conduite en toute indépendance, elle n'engage pas le Sénat, mais seulement la Cour des comptes qui l'a réalisée et en a délibéré.

INTRODUCTION

Les contrôles de la Cour dont il est rendu compte dans la présente communication ont porté respectivement d'une part sur les chapitres 44-80 « Subventions à différents organismes et aux actions concourant à l'amélioration de l'environnement et de la compétitivité des entreprises » et 64-92 « Actions de développement industriel régional en faveur des PMI », d'autre part sur le chapitre 64-96 « Reconversion et restructurations industrielles » du budget de l'Industrie (puis du MINEFI), et leurs différents articles dans la nomenclature actuelle. S'agissant du chapitre 44-80 (précédemment 44-81), ont seulement été examinées les lignes « accompagnement de la procédure ATOUT » et « autres actions concourant à l'amélioration de l'environnement et de la compétitivité des entreprises ». Après examen des rapports d'instruction par la deuxième chambre, des relevés de constatations provisoires ont été adressés aux différentes administrations concernées et à certaines entreprises citées, auxquels il a été répondu par écrit. Enfin, une audition des administrations a eu lieu le 25 octobre 2002.

Le fonds d'industrialisation des bassins miniers (FIBM), dont les moyens étaient jusqu'en 1998 imputés sur le chapitre 62-01 du budget de l'Industrie avant sa fusion avec le chapitre 64-96, avait été l'objet d'un contrôle antérieur, portant sur les exercices 1993-1998. Par ailleurs, la Cour a récemment contrôlé, en tant que réseau de services, les DRIRE (directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement). Ces contrôles ont donné lieu à des communications spécifiques de la Cour, dont certains constats sont repris dans la présente. Il y est fait état également de contrôles plus anciens sur les lignes de crédits concernées, dans la mesure où les contrôles plus récents ont souvent montré la persistance de situations critiquables.

Les principales observations de la Cour portent sur les moyens budgétaires et leur mise en oeuvre, qui les rend peu lisibles, la complexité du dispositif administratif de gestion des différentes interventions, les irrégularités et défaillances rencontrées dans cette gestion, l'impréparation de l'ensemble du dispositif en place aux obligations posées par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances et enfin les constats que l'on peut faire sur l'efficacité de ces politiques.

I. LES CREDITS ET LEUR GESTION

La nomenclature a connu plusieurs modifications depuis 1995 ; par exemple, pour cet exercice, il existait encore deux chapitres distincts consacrés respectivement aux « restructurations industrielles » et à la « reconversion », tandis que les crédits destinés à la procédure ATOUT n'étaient pas encore inscrits sur le chapitre 64-92, mais sur le chapitre 66-01.

La Cour a relevé au cours de la période examinée la relative instabilité de la nomenclature en même temps que la persistance d'anomalies dans celle-ci. Ainsi a-t-il subsisté jusqu'en 2001 inclus une ligne « conversion des chantiers navals » (à savoir, jusqu'en 1998, l'article 62-01-30 et le chapitre 64-95, manifestement redondants avec des intitulés quasiment similaires, respectivement « actions » et « fonds » de conversion des chantiers navals, puis l'article 64-96-50 à partir de 1999) qui n'a jamais été dotée en loi de finances durant la période sous revue et sur laquelle la dernière opération de dépenses remonte à 1996.

Le tableau ci-après retrace les moyens inscrits en loi de finances au titre des différentes interventions examinées au début et à la fin de la période sous revue (1995 et 2000), sans référence à une nomenclature instable ; afin de mettre en lumière l'évolution au cours des dernières années, les données du projet de loi de finances pour 2003 sont également présentées.

CREDITS DE PAIEMENT EN LOI DE FINANCES

En M€

Loi de finances 1995

Loi de finances 2000

Projet de LF 2003

2003/1995 (%)

Accompagnement d'ATOUT

-

2,97

3,19

« Autres actions concourant à l'amélioration de l'environnement et de la compétitivité des entreprises »

8,69

5,19

5,16

- 40,7

Développement industriel régional, dont :

118,3

107,17

98,33

- 16,9

- procédures diverses

82,32

74,4

72,93

- 11,4

- ATOUT

35,98

26,53

17,4

- 51,6

- UCIP

-

6,25

8

Restructuration-reconversion, dont :

71,68

39,03

35

- 51,2

- actions hors CIRI gérées en centrale

6,89

10,37

10

45,1

- CIRI

24,39

4,57

-

- 100

- FIBM

26,68

15,24

21

- 21,3

- FIL

13,72

8,84

3,95

- 71,2

TOTAL

198,68

154,37

141,68

- 28,7

On relève une tendance à la diminution de la masse des crédits concernés, qui ne représentent qu'une faible part des interventions industrielles publiques. D'après une statistique communautaire 4 ( * ) , la France aurait de 1995 à 1999 consacré en moyenne annuelle plus de 4 G€ d'aides au secteur manufacturier, soit trente fois les montants de crédits ici pris en compte. Cette analyse vaut en particulier pour les aides en restructuration ou reconversion ; si l'on prend pour exemple la loi de finances initiale pour 2000 5 ( * ) , on constate que 39 M€ de crédits étaient inscrits sur le chapitre 64-96 du budget du MINEFI, et 1 156 M€ sur les différents articles du chapitre 44-79 du budget des Affaires sociales consacrés à l'« accompagnement des restructurations » (préretraites FNE notamment), ou encore 211 € sur les crédits de la Défense au titre de l'adaptation des structures de la DCN et des restructurations de défense, sans compter les dotations aux entreprises publiques, qui s'inscrivent au moins en partie dans une optique de restructuration.

A. PRESENTATION DES DIFFERENTES LIGNES BUDGETAIRES

La gestion des crédits de politique industrielle est assez largement déconcentrée. Le chapitre 44-80, une fraction très minoritaire du chapitre 64-92 et les interventions de restructuration des articles 10 et 20 du chapitre 64-96 restent gérés en administration centrale.

L'« accompagnement » de la procédure ATOUT (voir infra) correspond au financement d'une convention de services entre l'Etat et l'Association pour la promotion et le développement de l'industrie (APRODI) : celle-ci fournit divers services en matière de collecte de statistiques, réalisation d'indicateurs de gestion, commande d'expertises d'entreprises, sensibilisation, notamment.

Les « autres actions concourant à l'amélioration de l'environnement et de la compétitivité des entreprises » recouvrent conformément à l'intitulé un catalogue d'interventions très diverses.

L'essentiel des actions de développement industriel régional sont déconcentrées et gérées par les DRIRE. Différents dispositifs ont été stabilisés depuis les années 1980 et sont régis par des circulaires :

• Les « actions collectives », en matière, « notamment », de connaissance du tissu industriel, de diagnostics d'entreprises, d'opérations « exemplaires » et de sensibilisation.

• Les aides directes aux entreprises, qui se décomposent en :

- « aide au conseil » assurée par les « fonds régionaux d'aide au conseil » (FRAC). Le FRAC a pour objectif principal d'inciter les PMI à recourir à des conseils extérieurs et pour objectif secondaire d'encourager le développement d'une offre de conseil marchand ;

- « aide au recrutement de personnels de haut niveau » (ARC). L'ARC vise à l'« évolution significative » de l'encadrement, à la création de nouvelles fonctions, à « l'accroissement significatif des compétences de l'entreprise ;

- « aide au transfert de technologie » assurée par les FRATT, avec pour vocation « d'encourager les PMI à recourir à l'assistance technique de laboratoires publics ou privés » ;

- aide directe à l'investissement matériel assurée par le FDPMI (« fonds de développement des PMI »). L'objectif déclaré est de « servir de catalyseur  à des projets de développement » des entreprises, d'où une attention particulière à porter à « l'approche stratégique » et un souci affiché d'amélioration du niveau technologique.

L'aide à la diffusion technologique (dispositif ATOUT) est imputée sur un article budgétaire ad hoc, à la différence des autres procédures  : elle a pour objet d'aider les PMI, à l'occasion d'un projet représentant pour elles un « saut technologique », à acquérir la maîtrise de technologies génériques.

Il est à noter que ces différentes procédures déconcentrées bénéficient de cofinancements sur fonds communautaires et des collectivités locales. Les régions, en particulier, soit cofinancent les procédures de l'Etat, soit ont développé leurs propres procédures parallèlement.

La procédure UCIP (« utilisation collective d'internet par les PMI ») a été créée en 1998. Elle repose sur un système d'appel à projets collectifs présentés par des PME.

Les crédits de restructuration et de reconversion industrielles gérés en administration centrale se partagent en deux dotations selon que le comité interministériel de restructurations industrielles, institué en 1982, est ou non l'organe de décision (officiel) dans leur mise en oeuvre.

Le fonds d'industrialisation des bassins miniers (FIBM) a été mis en place en 1984. Sa gestion a été confiée à l'établissement Charbonnages de France (CdF), auquel la dotation globale est versée annuellement (cependant, les décisions d'octroi de subventions restent prises par les préfets).

Le fonds d'industrialisation de la Lorraine (FIL) a été également mis en place en 1984. Cet instrument spécifique à cette région est directement géré par le préfet de région.

La définition très générale des champs d'intervention des deux fonds donnée par leurs textes institutifs leur permet des interventions très diversifiées dans leurs ressorts territoriaux respectifs.

B. LE MANQUE DE LISIBILITE, EN PARTICULIER DES AIDES DE RESTRUCTURATION

1. Le désordre des imputations

La Cour a relevé sur l'ensemble des lignes budgétaires examinées de très nombreuses imputations budgétaires contestables.

a) Le financement indirect de personnels en poste dans l'administration sur le titre IV

L'article 20 du chapitre 44-80 est consacré depuis 1996 6 ( * ) au financement, à hauteur de 3 M€/an environ, des prestations de service assurées par l'APRODI dans « l'accompagnement » de la procédure ATOUT. Les conventions passés avec l'APRODI dissimulent des cas de mise à disposition de personnels : la dizaine de chargés de mission de l'APRODI en région instruisent parfois 7 ( * ) des dossiers d'aide ATOUT en lieu et place des agents des DRIRE.

D'autre part, depuis 1990, EDF met à disposition des DRIRE entre soixante et quatre-vingts de ses ingénieurs en contrepartie d'un remboursement partiel de plus ou moins 3 M€/an (un peu moins de la moitié des frais salariaux) imputé sur l'article 44-80-40. Cette situation que la Cour a dénoncée à plusieurs occasions est critiquable pour plusieurs raisons : les entreprises publiques n'ont pas vocation à fournir à l'Etat des agents « à bon prix » pour assurer les missions qui sont les siennes, a fortiori de manière durable ; elle conduit à l'imputation sur le titre IV du financement du salaire d'agents en poste dans l'administration ; elle peut poser des problèmes déontologiques après l'ouverture à la concurrence du marché électrique et gazier, puisque les agents EDF en cause travaillent les plus souvent dans les services « développement industriel » des DRIRE, où ils acquièrent une connaissance intime 8 ( * ) des PMI d'une région ; enfin, sa compatibilité avec les dispositions réprimant le prêt illicite de main d'oeuvre demanderait à être vérifiée. La Cour a pris acte de l'annonce de la très forte réduction, en principe réalisée au 1er  juillet 2002, du périmètre de ce dispositif 9 ( * ) et de sa prochaine extinction.

b) La confusion entre aides d'investissement et de fonctionnement

Les chapitres du titre VI sont réservés aux subventions d'investissement en application de l'ordonnance organique relative aux lois de finances. On constate toutefois une certaine confusion entre dépenses d'investissement et de fonctionnement. C'est ainsi qu'ont été imputés (et le sont toujours) sur les chapitres 64-92 ou 64-96 :

• Des dispositifs qui ne se rattachent à la notion d'investissement qu'au sens « économique » et non comptable de celle-ci, comme la procédure ARC, qui consiste à prendre en charge une partie du salaire d'un cadre nouvellement recruté par une PMI, ou la procédure FRAC, qui subventionne le recours à un consultant : il s'agit d'« investissement » dans la mesure où ces opérations sont censées permettre le développement ultérieur de l'entreprise.

• Des financements qui présentent un caractère évident d'aides de fonctionnement :

- il en est ainsi des frais de fonctionnement des organismes relais et opérateurs d'actions collectives au profit des PMI, prélevés sur les dotations destinées à ces opérations sur le chapitre 64-92 ;

- il en est de même de la prise en charge de mesures de plans sociaux, telles que des préretraites dérogatoires, sur le chapitre 64-96. Ces mesures représentent plus du quart des dépenses enregistrées de 1996 à 2000 sur les crédits de restructuration-reconversion non déconcentrés (articles 10 et 20 du chapitre 64-96) ;

- enfin, les aides de restructuration aux entreprises ne sont souvent pas justifiées par des programmes d'investissement. L'aide de 10,67 M€ reçue par le groupe Brittany Ferries en 1997 visait ainsi principalement à compenser les pertes ou, ce qui revient au même, les surcoûts d'exploitation liés au taux de change F/£ défavorable du milieu des années 1990. Quant à l'attribution récurrente, en 1996-1997, de subventions aux sociétés du groupe FINATEC à concurrence du déficit courant apparaissant dans des états de trésorerie trimestriels, elle relevait de la perfusion « de survie » à très court terme ; le constat vaut également pour les 3,66 M€ accordés à l'entreprise MYRYS en redressement judiciaire fin 1997-début 1998.

c) La confusion entre subventions et avances remboursables

Les aides du dispositif ATOUT peuvent être accordées sous forme de subvention ou d'avance remboursable. Les crédits correspondants sont imputés sur l'article-20 du chapitre 64-92 sans aucune programmation préalable distinguant les dotations destinées respectivement aux subventions et aux avances. Cette situation n'est pas conforme à l'ordonnance de 1959, dont l'article 18 précise que « l'affectation à un compte spécial est de droit pour les opérations de prêts et d'avances 10 ( * ) ». Elle traduit également une forme d'indifférence aux intérêts patrimoniaux de l'Etat et à la perspective d'une comptabilité patrimoniale, qui distinguerait évidemment subventions à fonds perdus et avances créatrices d'une créance au profit de l'Etat.

Par ailleurs, les remboursements d'avances ATOUT ne sont pas rattachés au chapitre 64-92 ; en conséquence, le montant des dépenses « définitives » du chapitre 64-92 (subventions et avances versées - remboursements), non évalué ex ante (dans la loi de finances), n'est même pas connu ex post.

A fortiori, il n'y a pas d'évaluation du coût « économique » (équivalent subvention) des avances remboursables, représenté d'une part par les intérêts non perçus par l'Etat sur ces avances gratuites, d'autre part par le risque de non remboursement et mesurable par la différence des valeurs actualisées des versements et remboursements opérés.

Cet état de fait s'accompagne d'une implication limitée des services vis-à-vis du recouvrement, de l'évaluation et de la comptabilisation des remboursements d'avances ATOUT : les « constats d'échec » dispensant les entreprises du remboursement d'une avance ATOUT sont accordés dans le cadre d'une procédure plus légère que celle d'attribution d'une subvention (pas de pièces justificatives demandées aux entreprises) ; le suivi des remboursements d'avances (préparation d'échéanciers) a été confié à un tiers, l'APRODI...

d) Les aides à des organismes divers, hors du champ « industrie », ou à caractère social

Sur des chapitres budgétaires dont l'intitulé fait référence aux entreprises ou à la reconversion industrielle, on constate qu'ont été imputées une multiplicité d'aides à des organismes ou opérations divers qui devraient être financées sur d'autres lignes budgétaires prévues ad hoc : par exemple, le chapitre 64-96 a été mobilisé pour soutenir des chambres de commerce en difficulté, financer partiellement la construction d'une école d'ingénieurs à Bourges, couvrir un plan social de l'ANCE (Agence nationale pour la création d'entreprise), qui disposait pourtant d'une ligne budgétaire (article 44-80-10 du budget du MINEFI) ; le chapitre 44-80 a été utilisé au profit de SUPELEC (malgré l'existence là-aussi d'un article, le 43-01-20 de la nomenclature) et, souvent de manière récurrente, d'une multitude de manifestations et d'associations pas toujours « industrielles » (les « Compagnons du devoir », le centre Pierre Shaeffer, le festival de géographie de Saint-Dié, etc.).

Bien que Brittany Ferries soit une entreprise, il est anormal qu'elle ait été subventionnée sur un chapitre budgétaire du ministère de l'Industrie (et non des Transports), car le champ d'intervention de celui-ci a progressivement été élargi aux services à l'industrie 11 ( * ), mais pas aux services aux personnes (or, Brittany Ferries est essentiellement un transporteur de passagers).

De même, le financement sur le chapitre 64-96 de mesures de plans sociaux est d'autant plus discutable que le budget des Affaires sociales comporte un chapitre 44-79 dont plusieurs articles sont explicitement dédiés à ce type de mesures.

Enfin, on relève la réservation d'une petite fraction des crédits du FIL à « la modernisation de l'artisanat de production », intervention qui devrait être imputée sur les moyens de la direction de l'artisanat.

2. Des interventions de restructuration de manière générale financées simultanément sur plusieurs lignes budgétaires et « fonds » plus ou moins « publics »

Les crédits de restructuration et de reconversion du chapitre 64-96, quand ils sont utilisés, sont rarement les seuls fonds publics et même d'Etat à l'être, du moins sur les « gros » dossiers. D'autres lignes budgétaires ou des financements étatiques plus indirects sont généralement sollicités concurremment. La nomenclature budgétaire par nature des dépenses prévalant jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances a pu imposer cette dispersion entre plusieurs lignes, dans le cas où il y a parallèlement, par exemple, une subvention et un prêt participatif du FDES. Parfois, cependant, la répartition des financements entre lignes budgétaires semble répondre essentiellement à des considérations d'opportunité (ou de hasard ?) : par exemple, en 1996, le repreneur de l'entreprise « Lainière de Roubaix » a bénéficié à quelques jours d'intervalle d'une aide directe imputée sur l'article 64-96-20 (crédits de restructuration « CIRI ») et d'un financement de plan social lui même partagé entre l'article 10 (crédits « hors CIRI ») du même chapitre et les crédits Affaires sociales ; la nomenclature n'interdisait pas de prélever l'ensemble de ces fonds sur une seule ligne budgétaire... La sollicitation parallèle des crédits « Industrie » et « Affaires sociales » pour couvrir des plans sociaux est au demeurant une pratique généralisée.

Dans d'autres dossiers, le financement « Etat » venant en complément des crédits de restructuration prend un caractère indirect qui nuit à la lisibilité budgétaire : ainsi, dans le dossier Chausson, où l'aide sur crédits de politique industrielle (10,37 M€ en 1996) a été intégralement destinée au financement de mesures sociales, des actions de réindustrialisation 12 ( * ) ont été prévues parallèlement et confiées à la SODIE, société de reconversion d'Usinor, au titre de l'utilisation de dotations budgétaires antérieures à la privatisation du sidérurgiste et non consommées, dont une convention a prévu l'affectation à des programmes décidés par l'Etat. Il s'agit en quelque sorte de la mobilisation décalée dans le temps de crédits.

Il y a enfin les apports publics non étatiques, qui n'apparaissent souvent qu'incidemment dans les dossiers examinés, comme par exemple les aides des collectivités locales, qui ont pris dans la cas de l'aide à Brittany Ferries la forme d'une recapitalisation des sociétés d'économie mixte propriétaires des navires exploités par l'entreprise.

Au niveau régional, les DRIRE s'efforcent désormais de recenser sur une base de données interne les différentes aides publiques dont bénéficient les PMI de leur ressort. Mais au niveau national, aucune consolidation des financements publics apportés sur chacun des « gros » dossiers industriels n'est opérée. Cet effort de consolidation, par ailleurs tenté dans divers dossiers lors du présent contrôle, a parfois été effectué par la commission européenne. Celle-ci a ainsi chiffré à près de 130 M€ les aides publiques dont a bénéficié le groupe Brittany Ferries depuis 1986. Ce décompte rendu public (dans la décision rendue par la Commission sur les aides d'Etat à Brittany Ferries le 8 mai 2001 13 ( * ) ) est présenté en annexe de la présente communication, car il illustre bien la diversité des canaux d'aide publique, dont l'aide de restructuration de 10,67 M€ accordée en 1997 ne représente qu'une faible partie.

3. Des imputations budgétaires qui couvrent des montages de cofinancement implicites

Dernier élément d'opacité, les imputations budgétaires « officielles » cachent parfois des montages plus complexes que le droit budgétaire interdit d'officialiser. Par exemple, il ressort des documents administratifs examinés que les aides destinées en 1997 à Brittany Ferries et à la CCI de Boulogne (en difficulté suite au percement du tunnel sous la Manche) étaient supposées être gagées par un versement volontaire à l'Etat de la CCI de Calais à hauteur de 38,11 M€ au titre de la « solidarité interportuaire », versement qui ne pouvait être rattaché au chapitre 64-96.

C. LA FAIBLE CONSOMMATION DES MOYENS DE RECONVERSION ET DE RESTRUCTURATION

Malgré une forte diminution des ouvertures de crédits en loi de finances et des mesures d'annulations répétées et parfois très conséquentes, la consommation des moyens disponibles sur le chapitre 64-96 14 ( * ) est restée faible, oscillant (sur la période 1996-2001) entre 16 % et 59 % pour les autorisations de programme, 25 % et 50 % pour les crédits de paiement 15 ( * ) . Encore cette consommation mesurée à l'échelon central est-elle surestimée : les dotations déléguées au préfet de Lorraine au titre du FIL ou conventionnées avec CdF au titre du FIBM sont dès lors considérées comme intégralement consommées par la comptabilité « centrale », alors même que d'importants reliquats « locaux » peuvent exister ; ainsi, pour le FIL le taux d'engagement du « disponible » au niveau local, donc des AP précédemment déléguées, a-t-il varié entre 16 et 69 % entre 1996 et 2000. Cette faible consommation des moyens du chapitre 64-96 ajoute à la faible lisibilité des crédits déjà évoquée.

A. LA REPARTITION DES CREDITS DECONCENTRES : LES CONTRATS DE PLAN

La répartition entre les DRIRE des moyens destinés aux aides déconcentrées aux PMI est dictée principalement par les engagements pris par l'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-régions (CPER). En gestion, bien que cela n'ait pas de correspondance dans le droit budgétaire et comptable, les dotations correspondant aux montants inscrits aux CPER et les éventuelles dotations supplémentaires accordées par l'Etat, de même que les opérations imputées sur les unes et les autres, sont distinguées.

En tenant compte de ceux imputés sur ces dotations supplémentaires, les montants globaux de crédits d'Etat engagés (au sens financier) au niveau national de 1994 à 1999 sur les aides déconcentrées des DRIRE représentent 99 % des apports auxquels il s'était engagé dans la génération correspondante de CPER. Par région, le respect des CPER est inégal (le taux d'exécution le plus faible est de 73 %), mais il apparaît bien que ces contrats ont effectivement dicté la répartition des moyens.

Le rapprochement entre les engagements de l'Etat dans les CPER et la cible des aides gérées par les DRIRE, c'est-à-dire les PMI, évaluée à travers le décompte des établissements industriels de moins de 500 salariés, fait ressortir un niveau inégal d'engagement : dans la génération de CPER 2000-2006, le ratio montants contractualisés par l'Etat/ « cible » est inférieur environ de moitié à la moyenne nationale en Ile-de-France et Rhône-Alpes, double de celle-ci en Lorraine et dans le Nord-Pas-de-Calais, triple en Corse 16 ( * ) .

L'inscription des interventions déconcentrées dans les CPER provoque par ailleurs des effets d'à-coup lors du passage d'une génération de CPER à la suivante, du fait des délais de mise en place (ainsi en 2000, un peu plus de 5 500 dossiers d'aides DRIRE ont été décidés contre plus de 8 000 chacune des années précédentes 17 ( * ) ) ou, dans telle ou telle région, du fait des changements d'orientations qui entraînent des variations importantes des moyens consacrés aux actions industrielles.

II. UNE ORGANISATION ADMINISTRATIVE COMPLEXE

B. L'INTERVENTION D'UN GRAND NOMBRE D'ADMINISTRATIONS

Le tableau ci-joint propose une synthèse des circuits administratifs divers que suivent les dossiers selon leur imputation budgétaire. A bien des égards, la complexité de cette organisation entraîne des situations critiquables : dilution des responsabilités, pratiques non conformes aux textes...

1. L'instruction des dossiers

a) A l'échelon central

Le partage des compétences entre les deux principales directions concernées du ministère de l'Industrie, la DIGITIP (direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes, ex. DGSI) et la DARPMI (direction de l'action régionale et de la petite et moyenne industrie), n'est pas vraiment défini, à commencer par leurs intitulés respectifs : la DARPMI est compétente pour les PMI, mais la DIGITP le reste pour l'ensemble de l'industrie, PMI comprises, et garde à ce titre le contrôle de la procédure UCIP... La répartition entre elles des dossiers de subventions gérés en administration centrale conduit à des incohérences ; c'est ainsi que les conventions avec l'APRODI sont signées par la DIGITIP alors que le contrôle de l'association est assuré par la DARPMI. La responsabilité du « pilotage » des interventions déconcentrées est également peu claire : c'est ainsi que les services sectoriels « verticaux » de la DIGITIP continuent à intervenir dans la définition des « volets « de la procédure ATOUT, alors même que les DRIRE, qui appliquent la procédure, n'ont guère de contacts qu'avec la DARPMI. Le constat vaut enfin pour le suivi budgétaire, assuré, selon les articles budgétaires, par le bureau du financement de l'industrie de la DIGITIP ou le bureau financier de la sous-direction du développement industriel et technologique régional de la DARPMI.

Le secrétariat général du CIRI, assuré par le bureau B2 de la direction du Trésor, instruit en principe les dossiers qui seront financés sur les crédits « CIRI », mais est également présenté comme intervenant officieusement sur de nombreux autres.

LES CIRCUITS ADMINISTRATIFS

Chapitre 44-80 et fraction non déconcentrée du chapitre 64-92

Procédures déconcentrées du chapitre 64-92 hors ATOUT

Procédure ATOUT

Crédits de restructuration-reconversion hors CIRI

Crédits CIRI

FIBM

FIL

Instruction

Services de l'Industrie (DIGITIP ou DARPMI, sauf exceptions)

DRIRE

DRIRE ; parfois chargés de mission APRODI

DIGITIP (aides aux entreprises), DARPMI (opérations diverses), occasionnellement autres (DGEMP), interventions « off » du SG-CIRI

SG-CIRI et rapporteur

Situation variable selon les bassins : selon les cas, CdF, associations de développement local ou services de l'Etat

SGAR

Décision

CGAI ; comité ad hoc (UCIP) ; ministre de (secrétaire d'Etat à) l'Industrie sur sa « réserve »

Préfet après délibération du comité régional des aides

Ministre de (secrétaire d'Etat à) l'Industrie (instructions expresses) ; parfois décision interministérielle (« bleu ») ou instruction du cabinet du Premier ministre

Délibération écrite du CIRI ; éventuellement décision interministérielle (« bleu ») ou instruction du cabinet du Premier ministre

Préfets de région ou de département

Préfet de région (sans passage en comité des aides)

Engagement (signature de la convention) et suivi administratif

Services de l'Industrie (DIGITIP ou DARPMI, sauf exceptions)

DRIRE

DRIRE ; APRODI (statistiques, échéanciers de remboursement...)

Services de l'Industrie (DIGITIP ou DARPMI, sauf exceptions)

CdF

Préfet (assisté par le SGAR)

Ordonnancement

DPMA

DRIRE

DPMA

b) A l'échelon régional

De nombreux services déconcentrés de l'Etat ou de ses établissements publics ayant une vocation « d'animation économique » coexistent :

- En matière d'aides au conseil et au recrutement (FRAC et ARC), plusieurs services déconcentrés de l'Etat (DRIRE, mais aussi directions régionales de l'agriculture et de la forêt-DRAF, -de l'Equipement-DRE, -du commerce extérieur-DRCE, délégations régionales au commerce et à l'artisanat-DRCA) disposent de procédures parallèles destinées aux entreprises ressortissantes de leurs secteurs d'intervention respectifs ou, dans le cas de la DRCE, transversales (aides « export »). L'isolement dans lequel paraissent fonctionner les DRCE, dont les moyens sont pourtant limités par rapport aux DRIRE, est surprenant.

- En matière d'aides à l'investissement, les DRAF proposent aux industries agro-alimentaires la « prime d'orientation agricole » (POA). Cependant, cette procédure ayant pour objectif l'amélioration des débouchés de l'agriculture, elle est réservée aux industries de première transformation agricole. Les DRIRE, quant à elles, n'interviennent en principe pas dans la branche agro-alimentaire telle que définie par la nomenclature INSEE. Il en résulte un « trou » entre les dispositifs d'aide à l'investissement des DRIRE et des DRAF : les industriels de la seconde transformation des produits agricoles ne peuvent accéder aux aides ni des unes, ni des autres.

- Malgré l'effort de clarification allégué, le partage des rôles entre DRIRE, délégations régionales de l'ANVAR et DRRT (délégations régionales à la recherche et à la technologie) reste parfois incertain. Le principal dispositif de l'ANVAR, l'aide à l'innovation, peut profiter à des entreprises en création, des laboratoires, mais aussi à des entreprises existantes susceptibles de bénéficier par ailleurs d'aides ATOUT. L'aide à l'innovation peut également être redondante avec la procédure FRATT (elle peut être attribuée pour des opérations de transfert de technologie), de même que l'est la « prestation technologique du réseau », aide à de petits dossiers de transfert technologique également gérée par l'ANVAR. Les DRRT sont elles-mêmes présentes sur le créneau du transfert de technologie en subventionnant les centres régionaux ou associations ad hoc (CRIIT, ARIST...). L'existence de recoupements possibles entre les aides gérées par l'ANVAR et celles des DRIRE avait suscité la commande d'un rapport administratif, puis la constitution d'un groupe de travail ANVAR/DARPMI, qui a produit en décembre 1998 un document qui rappelait la distinction entre aide à l'innovation (fief de l'ANVAR) et aide à la diffusion technologique (ATOUT) et prévoyait diverses mesures pour renforcer la coordination entre services (participation croisée aux comités respectifs des aides, harmonisation de la prospection des entreprises, échanges d'informations, harmonisation des dossiers de demande de subvention, échanges de personnels et formations communes, etc), mais les constats en région dénotent une mise en oeuvre très limitée de ces préconisations.

c) La question particulière du fonds d'industrialisation de la Lorraine

L'instruction des dossiers « FIL » est assurée non à la DRIRE (qui instruit de son coté l'ensemble des aides déconcentrées classiques), mais au SGAR (secrétariat général aux affaires régionales), par une petite équipe de quatre personnes, ce qui pose problème dès lors qu'il y a des changements de personnes. La DRIRE a elle-même des difficultés récurrentes d'effectifs. On peut se demander si cette séparation des équipes est optimale, alors qu'elles sont de toute façon dirigées par la même personne, le chef de la division « développement industriel » de la DRIRE, traditionnellement chargé de mission parallèlement au SGAR.

Plus fondamentalement, la situation actuelle de la Lorraine sur le plan de l'emploi et de l'activité industrielle n'est plus celle de 1984. En janvier 2002, le taux de chômage de la région s'élevait à 8,5 %, pour 9,2 % au plan national. Dans la mesure où la Lorraine bénéficie déjà au titre des procédures DRIRE de moyens abondants par rapport à la moyenne nationale, il est légitime de s'interroger sur la pérennisation d'un outil financier supplémentaire spécifique. La Cour prend toutefois acte des arguments avancés, notamment par la préfecture de région : le taux de chômage affiché serait minoré du fait des très importantes mesures d'âge (préretraites des mineurs et sidérurgistes) des dernières décennies et du travail transfrontalier ; le tissu industriel, très dépendant de centres de décision extérieurs, resterait spécialement fragile comme en attesteraient les annonces actuelles de nombreuses suppressions d'emplois.

2. Les procédures de décision

a) Les organes de décision collégiaux informels

Afin d'assurer un minimum de coordination, des organes collégiaux informels ont été constitués :

- au niveau du ministère, le comité de gestion des aides à l'industrie (CGAI) ;

- au niveau régional, les commissions ou comités des aides, avec des formations et des compositions diverses à l'initiative des préfets de région (les comités sont ou non différents selon les procédures, peuvent ou non comporter un échelon départemental en amont de l'échelon régional, des formations « techniques » parallèlement à un comité à vocation plus générale qui est le seul à être effectivement présidé par le préfet... y sont en général présents les représentants des services extérieurs ordonnateurs des aides économiques concernées, dont la DRIRE, le SGAR, la trésorerie générale, ainsi qu'en principe ceux des établissements publics nationaux, en l'espèce l'ANVAR ; les collectivités locales cofinanceuses, à commencer par la région ; enfin, des représentants de divers organismes publics à vocation éonomique : Banque de France, chambres de commerce, société de développement régional...).

Ces comités n'ont pas de pouvoir officiel de décision mais recherchent des consensus. Il est à noter que les dossiers « FIL » ne sont pas examinés par le comité des aides en Lorraine, alors même que cette procédure informelle ne porterait pas atteinte au pouvoir décisionnel du préfet et faciliterait la coordination avec les autres dispositifs régionaux d'aides ainsi que l'exercice du contrôle financier déconcentré (la trésorerie générale, qui en est chargée, participe aux comités et voit ainsi les dossiers en amont).

b) Le CIRI

Le CIRI est en revanche un organe formalisé par les textes, qui réunit les représentants de nombreuses administrations, mais son fonctionnement n'est pas conforme à l'esprit, voire parfois à la lettre de ceux-ci.

Dans le passé, la Cour avait critiqué l'absence de procès-verbaux de ses réunions. Depuis quelques années, le comité ne se réunit plus physiquement en formation plénière (tout au plus réunit-on un « pré-CIRI » à un niveau hiérarchique inférieur), mais fonctionne par délibérations écrites : les membres donnent leur accord (le plus souvent implicitement en ne répondant pas dans un délai « décent ») aux propositions soumises par le secrétariat général. En pratique, les discussions permettant de trouver une solution pour les entreprises sont menées par le secrétariat général avant la procédure officielle, qui ne peut qu'entériner la solution proposée. Des crédits publics peuvent être engagés avant cette procédure, ce qui est irrégulier : c'est le cas pour les audits qui sont commandés et même exceptionnellement pour des subventions sur CPI (crédits de politique industrielle) ; 1,52 M€ de crédits de la ligne « CIRI » ont ainsi été engagés dans les derniers jours de 1997, en extrême urgence et sur décision politique, au profit de l'entreprise MYRYS, dossier dont le CIRI n'a été officiellement saisi qu'ensuite, en janvier 1998 ; dans cette affaire (comme dans d'autres), l'intervention du comité paraît purement formelle et l'on ne peut plus invoquer la justification historique de l'institution : « protéger » les ministres des pressions en confiant à des fonctionnaires la décision sur des dossiers sensibles. La Cour convient de l'intérêt que peut représenter l'existence d'une procédure formalisée et collégiale de prise de décision sur les dossiers d'entreprises en restructuration, par rapport à des décisions purement discrétionnaires ; encore faut-il que cette procédure soit respectée.

Par ailleurs, la Cour a constaté que l'activité, du moins « officielle » (formalisée), du comité s'était réduite. Malgré sa vocation interministérielle, donc « universelle » dans le champ de l'Etat, il ne traite que d'une partie des dossiers de restructurations : il est saisi d'une dizaine de dossier par an ; au premier semestre 2002, le CIRI a été saisi de six affaires nouvelles relatives à des entreprises employant globalement 13 000 personnes. Son activité « budgétaire » est encore plus réduite : une seule subvention engagée sur la ligne « CIRI » pour 0,23 M€ en 1999, une autre en 2000 pour 0,76 M€ ; l'essentiel des engagements sont désormais opérés sur la ligne « hors CIRI », ce qui correspond à la fin d'une longue évolution qui a vu le recul progressif du rôle du comité, dont les engagements annuels pouvaient dépasser 100 M€ au milieu des années 1980.

Cette situation conduit à s'interroger sur la pertinence du maintien dans la nomenclature de deux lignes budgétaires parallèles « restructurations CIRI » et « hors CIRI », la première n'étant d'ailleurs plus dotée en loi de finances initiale depuis 2001. Plus fondamentalement, il convient de mettre en conformité textes et pratiques, soit en supprimant le CIRI, soit en lui rendant un rôle et un fonctionnement plus satisfaisants, visant à optimiser la gestion publique des restructurations et des plans sociaux.

c) Les décisions « politiques »

La plupart des dossiers d'aides de restructuration, ainsi que d'autres dossiers gérés en centrale et imputés sur des « enveloppes » réservées à cet effet, font l'objet de décisions interministérielles, voire expressément politiques (instructions ministérielles expresses), qui peuvent interférer avec les procédures collégiales comme celle du CIRI, et ne facilitent pas la coordination d'ensemble de la mise en oeuvre des crédits de politique industrielle.

3. Engagement, suivi et ordonnancement

Le service chargé d'engager effectivement les subventions décidées, puis de suivre l'exécution des conventions, n'est pas nécessairement celui qui a instruit le dossier, ce qui ne concourt sans doute pas à la responsabilisation des acteurs. Par exemple, le SG-CIRI exerce seulement une tâche d'instruction : une fois la subvention décidée, elle est engagée et gérée par une administration de l'Industrie (en pratique la DIGITIP), puisqu'imputée sur des crédits « Industrie ». Dans le cas du FIBM, la décision et l'engagement relèvent de personnes juridiques différentes (respectivement l'Etat, à travers les préfets, et Charbonnages de France).

Enfin, pour les interventions non déconcentrées, l'ordonnancement reste assuré non par les directions gestionnaires (DIGITP, DARPMI), mais par la DPMA (direction du personnel, de la modernisation et de l'administration). Cette situation entraîne de fait la tenue d'une double comptabilité d'ordonnateur car, parallèlement à celle de la DPMA, les directions gestionnaires s'efforcent naturellement de suivre « leurs » crédits.

C. LE RECOURS AUX OPERATEURS RELAIS

L'action du ministère de l'Industrie se caractérise par un recours très fréquent à des « organismes relais » qu'il charge de gérer tel ou tel type d'interventions. Cette pratique constitue une réponse à l'insuffisance de moyens administratifs et surtout à la difficulté de les redéployer pour faire face aux besoins, mais, outre qu'il appartient en principe aux administrations d'assurer leurs missions avec leurs moyens propres, la Cour a relevé les conséquences dommageables de ces pratiques, selon les cas : contournement de la réglementation des marchés publics, de l'annualité budgétaire ; diversité et opacité des conditions de rémunération des opérateurs relais ; perte de lisibilité budgétaire (difficulté à suivre l'affectation et la consommation des crédits)...

4. Les organismes relais au plan national

a) L'APRODI

L'APRODI, créée en 1969 (sous le nom de CEFAGI), a toujours gravité dans la périphérie du ministère de l'Industrie. Depuis 1995, elle assure pour environ 3 M€/an des prestations de services pour la gestion de la procédure ATOUT : bilans, statistiques et indicateurs de gestion ; assistance aux régions avec la mise en place dans les DRIRE de dix chargés de mission ; commande d'expertises de certains projets sur demande des DRIRE ; animation du programme avec, en particulier, des actions de sensibilisation et de conseil des entreprises, ainsi que des actions d'information et de formation. Ces activités, assurées (en principe) en direct par l'administration pour les autres types d'interventions, représentent plus de 80 % des ressources de l'association, qui apparaît donc comme un démembrement de l'Etat.

b) L'ACTIM

Association d'entreprises et d'organismes professionnels utilisés pour partager les opérations de promotion en faveur de l'économie française à l'étranger, l'Agence pour la promotion internationale des technologies et des entreprises françaises (ACTIM), qui a fusionné en 1997 avec le Comité français pour les manifestations économiques à l'étranger (CFME), est surtout utilisée par la DREE, mais est parfois aussi le relais des directions du ministère de l'Industrie. Un contrôle précédent de la Cour, portant sur les exercices 1992-1996, avait critiqué la pratique des dépenses dites hors-budget pratiquées pour le compte de l'Etat et financées par des subventions de celui-ci, le recours à une association para-administrative permettant aux services de l'Etat de s'affranchir des règles d'exécution des dépenses budgétaires et du principe de l'annualité budgétaire. L'ACTIM a continué à recevoir après 1996 des subventions du ministère de l'Industrie (entre 152 et 183 K€/an entre 1997 et 2000).

c) La SODIE

La Société pour le développement de l'industrie et de l'emploi, société de conversion du groupe USINOR, intervient dans des opérations où sont par ailleurs mis en oeuvre des crédits de politique industrielle. Ainsi, tandis que l'Etat finançait en partie le plan social de l'établissement Chausson de Creil après 1995, la SODIE a été chargée d'animer l'« antenne emploi » et d'accorder des aides (sous forme de prêts bonifiés) à la réindustrialisation du bassin d'emploi.

Ces interventions s'inscrivent dans le cadre de deux conventions successives, passées suite à la privatisation d'USINOR, par lesquelles la SODIE s'est engagée sur des enveloppes financières consacrées à des opérations dites de reconversion ou d'industrialisation « programmées par l'Etat » et menées sous forme de prêts, soit 133,39 M€ sur les exercices 1996-1999 et 123,18 M€ sur les exercices 2000-2004. Ces montants résultent apparemment 18 ( * ) du « recyclage » de dotations de l'Etat antérieures à la privatisation d'USINOR et non consommées (ou consommées sous forme de prêts dont les remboursements doivent à nouveau être recyclés). Il s'agit donc, en quelque sorte, de la mobilisation décalée dans le temps de crédits d'Etat, ce qui n'en facilite certes pas le suivi, et nuit à la lisibilité budgétaire : on découvre ainsi qu'aux 136 M€ d'autorisations de programme nouvelles inscrites de 1996 à 1999 sur les crédits budgétaires de reconversion et restructuration 19 ( * ) , il convient en fait d'ajouter (notamment) l'enveloppe de 133 M€ susmentionnée, disponible aux mêmes fins pour les mêmes exercices... De plus, les montants inscrits dans les deux conventions présentent manifestement un caractère négocié et forfaitaire 20 ( * ) qui ne permet pas d'être assuré que l'intégralité des dotations antérieures de l'Etat sont bien « récupérées » à travers ce dispositif.

Le contrôle de l'Etat sur les actions qu'il programme est assuré par divers mécanismes : l'Etat fixe les zones d'intervention de la SODIE et des objectifs en termes d'emploi, qui font l'objet de compte-rendu périodiques, et est représenté au comité d'engagement, qui semble se réunir régulièrement (dix réunions en 2001) et prend ses décisions à l'unanimité. 85,14 M€ ont été engagés au titre de la convention 1996-1999, soit 64 % du montant prévu, et les objectifs de création d'emplois ont été atteints selon le bilan produit (17 000 emplois créés).

d) La SADEF

Filiale de la BPME et de Natexis, la SADEF a été utilisée dans la passé par le secrétariat du CIRI pour gérer un dispositif de prêts d'honneur à des repreneurs de petites et moyennes entreprises qui, compte tenu de son taux de sinistre supérieur à 50 %, a été supprimé. Cette intervention est proche d'être soldée (le comité du contentieux s'est réuni en décembre 2001 pour statuer sur les derniers prêts non remboursés).

La SADEF a également été utilisée pour financer des audits d'entreprises dans le cadre des interventions du CIRI, le recours à une société de droit privé permettant de contourner la réglementation des marchés publics. Il a été indiqué que la convention de 1976 instituant ce dispositif avait été abrogée le 18 mars 2002.

5. Les organismes relais en région

a) Les organismes chargés de la gestion des procédures FRAC et ARC

Plusieurs DRIRE ont confié à de tels organismes (il s'agit le plus souvent des chambres régionales de commerce et d'industrie) tout ou partie de la gestion des procédures FRAC et/ou ARC : elles étaient 7 durant la génération de CPER 1994-1999 ; elles restent 4 pour la génération 2000-2006. Bien que la circulaire du 3 août 1989 n'autorise cette délégation que pour la seule procédure FRAC (et « à titre exceptionnel »), elle concerne aussi, dans plusieurs régions, la procédure ARC. De même, l'instruction des dossiers est parfois confiée à l'opérateur relais (cas de l'Ile-de-France), bien qu'une instruction du 28 avril 1998 ait précisé qu'il n'était pas « opportun » de le faire.

Il convient de reconnaître que cette pratique, lorsque l'opérateur relais assure la gestion des procédures pour le compte de l'ensemble des services déconcentrés qui financent de telles aides (rappelons qu'il existe des aides au conseil ou au recrutement de cadres non seulement gérées par les DRIRE, mais par les DRAF, les DRCE, les DRE...), comme c'est le cas par exemple en Bretagne, facilite la coordination des interventions publiques. Elle contribue également à la continuité de l'action publique, en contournant l'annualité budgétaire.

La Cour a toutefois relevé plusieurs pratiques contestables et incidences néfastes de ce dispositif :

- Les conditions de rémunération des organismes relais sont très hétérogènes.

- De manière générale, ces frais de gestion sont directement prélevés sur les dotations disponibles pour les aides aux entreprises, donc sur des crédits budgétaires de subventions d'investissement, alors qu'il s'agit de dépenses de fonctionnement.

- A la rémunération explicite prévue, peuvent s'ajouter des gains implicites de trésorerie. Par exemple, en Bretagne, la Cour a observé qu'entre novembre 1999 et octobre 2000, la trésorerie positive (écart entre les paiements reçus et les paiements effectués) de la CRCI sur les administrations au titre de l'ARC et du FRAC s'était élevée en moyenne à 0,8 M€, dont 0,2 M€ aux dépens de la DRIRE.

- Enfin, le recours à des organismes relais constitue un obstacle au suivi exact de la consommation des autorisations de programme, en particulier à l'échelon central, car les engagements alors comptabilisés ne correspondent plus aux aides accordées aux entreprises, mais aux dotations globalement mises à disposition des organismes par l'Etat, parfois pour plusieurs exercices d'un coup.

b) Les sociétés locales de conversion

Le recours dans le passé à des sociétés privées de reconversion, dans certaines régions, pour permettre, dans des entreprises en difficulté, des participations à leur capital, ce que l'Etat ne peut pas faire, a été critiqué dans le passé par la Cour qui avait constaté que très peu de celles-ci avaient consenti à des prises de participation. Depuis, ce mode d'intervention a été abandonné, mais l'ensemble des dossiers n'est pas encore soldé : cette opération implique que lesdites sociétés remboursent à l'Etat les dotations de conversion reçues et non consommées. Certaines n'ont pas transmis à l'administration les éléments permettant de quantifier ce remboursement (cas de la société SYBEL). L'administration n'a pas de vue d'ensemble du solde qui lui est dû, ces crédits de conversion ayant été délégués en région.

c) Le nouveau dispositif expérimenté pour le dossier MOULINEX

Le ministère de l'Industrie a inauguré en 2001 un nouveau mode de relations avec les sociétés de conversion sur lequel la Cour ne peut évidemment encore se prononcer, mais qui, a priori, comporte des innovations positives : établissement d'un cadre contractuel, transparent et concurrentiel pour les relations avec ces sociétés ; rémunérations liées aux résultats ; moindre engagement des fonds publics, l'Etat n'assurant plus, même indirectement, la fonction de prêteur.

Il a été procédé fin 2001 à la sélection dans les formes de délégataires de service public, afin de constituer un panel de sociétés de conversion auquel l'Etat pourra faire appel en urgence pour intervenir « à titre exceptionnel » dans des bassins d'emploi frappés par des problèmes de conversion industrielle. Il est prévu que la rémunération des délégataires comprenne une part variable en fonction des résultats de leur intervention. Ceux-ci auront seulement une mission de conseil et de montage des dossiers ; en effet, le financement de ceux-ci est confié au secteur bancaire avec l'appui d'un fonds de garantie géré par la SOFARIS.

Cinq sociétés ont été retenues après l'appel d'offres général (pour la plupart déjà des partenaires classiques du ministère : la SODIE, SOFIREM, FINORPA...). Une première application de ce dispositif a été lancée en 2002 dans les départements de l'Orne et du Calvados, suite à la faillite du groupe MOULINEX ; les deux prestataires retenus respectivement pour chaque département parmi les cinq susmentionnés l'ont été principalement pour le faible montant de la rémunération demandée, qui arrivait en tête des critères de sélection.

Ce nouveau dispositif est porté budgétairement par l'article nouveau 64-96-60 « Autres modes de conversion » (doté en 2001 puis 2002 de 3,05 M€ en autorisations de programme).

6. Le cas particulier du FIBM

Il s'agit d'un cas d'espèce du fait de l'ancienneté de cette intervention, vieille de vingt ans, de l'importance des financements en cause et, cependant, de conditions de délégation particulièrement critiquables : la gestion du FIBM a été confiée à Charbonnages de France sans qu'aucune convention ait jusqu'à présent été établie à cette fin.

Malgré des interventions répétées de la Cour, il n'avait toujours pas été mis fin en octobre 2002 à cette situation de délégation de fait de la gestion de deniers publics. La Cour prend acte de la préparation d'un projet de convention 21 ( * ) .

Les moyens sont globalement transférés à CdF, qui est donc seul en charge de leur engagement au profit des bénéficiaires finaux, mais il a été constaté lors du contrôle portant sur les exercices 1993 à 1998 que les décisions de subvention restaient prises par les préfets (de région ou de département selon les bassins). En outre, la Cour a relevé que des sociétés de conversion (SOFIREM, FINORPA) intervenaient dans les procédures, en coordination plus ou moins étroite avec CdF.

La Cour a constaté que la comptabilité du fonds était assurée par CdF dans le cadre de sa comptabilité de type commercial et industriel, qui n'est pas adaptée à la gestion différenciée d'autorisations de programme et de crédits de paiement ; de plus, le FIBM n'était pas isolé comptablement dans les comptes de CdF et la trésorerie générée par la non consommation de l'intégralité des dotations n'était pas évaluée (or les reliquats disponibles en fin d'année apparaissaient importants. Sur la période 1993-1998, le FIBM a assuré à CdF une trésorerie se situant à un niveau sensiblement constant de 20 à 25 M€).

III. LES IRREGULARITES ET DEFAILLANCE DE LA GESTION

D. LE NON RESPECT DES OBLIGATIONS COMMUNAUTAIRES DANS LA GESTION DES AIDES DE RESTRUCTURATION

Le droit communautaire des aides d'Etat résulte des articles 87 à 89 du traité de Rome, lesquels posent le principe d'une prohibition assortie d'exceptions, donnent pouvoir à la commission européenne d'enquêter sur les aides d'Etat et d'imposer le cas échéant leur abandon et obligent les Etats membres à lui notifier préalablement leurs projets d'aides publiques, sauf cas de dispense. Des règlements ainsi que des communications de la Commission définissant sa « jurisprudence » sur telle ou telle catégorie d'aides publiques (baptisées « encadrements » ou « lignes directrices ») ont précisé les types d'aides présumées régulières et les exceptions à l'obligation de notifier individuellement les aides, remplacée le cas échéant par la notification globale de régimes d'aides.

1. L'obligation de notification

Les aides de restructuration aux grandes entreprises restent dans le droit communautaire soumises à l'obligation de notification individuelle. Or, les subventions accordées sur les articles 10 et 20 du chapitre 64-96 n'ont jamais été notifiées spontanément durant la période sous revue. Les rares fois où l'administration a procédé à cette notification, c'était a posteriori et sous la contrainte, suite à l'ouverture d'une enquête par la Commission, enquête déclenchée par les plaintes de concurrents et/ou la lecture de la presse. Ainsi, dans l'affaire Brittany Ferries, la première et seule tranche de subvention sur CPI versée, soit 10,67 M€, a-t-elle bien été notifiée, mais seulement en novembre 1997, alors que la décision de principe d'accorder une aide budgétaire directe est attestée par des documents internes dès mars 1996 ; en outre, la subvention a été versée au moment de la notification, alors que l'accord de la Commission aurait dû être attendu ; ce n'est que dans sa décision du 8 mai 2001 précitée que celle-ci a en quelque sorte donné son accord a posteriori, en admettant la compatibilité de fond de cette aide avec les principes du Marché commun, tout en en condamnant la non notification.

Dans certaines affaires, on relève en outre une pratique de rétention d'information vis-à-vis des instances communautaires. Dans l'espèce « Manufacture corrézienne de vêtements » (groupe FINATEC), la lecture des attendus de la décision de la Commission 22 ( * ) révèle un agacement manifeste de l'instance communautaire à l'encontre de l'attitude française ; à plusieurs occasions, il est indiqué que la France « n'a fourni aucune explication » sur un sujet, « communiqué aucun élément » sur un autre, etc. La Commission n'a pu se fonder que sur un article de presse pour évaluer à 15,24 M€ les aides publiques irrégulières à l'entreprise (le décompte de la Cour, après contradiction avec l'administration, arrive à un total d'au moins 16,5 M€ pour le groupe FINATEC et un éphémère repreneur de 1993 à 1998).

Dans le cas d'aides aux PMI, la notification d'ensemble de régimes d'aides est possible. Il est à noter que l'ensemble des dispositifs déconcentrés soit ont été notifiés (cas du FIBM et des procédures gérées par les DRIRE), soit, en l'absence de notification, sont gérés de sorte que les interventions qui y sont imputées puissent être rattachées à un régime notifié (cas du FIL).

2. La compatibilité de fond

A priori, les « lignes directrices relatives aux aides au sauvetage et à la restructuration des entreprise en difficulté », publiées par la Commission le 23 décembre 1994, constituent l'encadrement d'aides présumées régulières le plus à même de s'appliquer aux opérations financées sur le chapitre 64-96.

Elles soumettent les « aides à la restructuration » à une condition de forme et à des conditions de fond, les unes et les autres étant d'ailleurs liées :

• La condition de forme est la mise en oeuvre d'un « plan de restructuration [permettant] de rétablir dans un délai raisonnable la viabilité à long terme de l'entreprise ». Ce plan doit être présenté à la Commission et son exécution faire l'objet de rapports réguliers ; il doit être intégralement respecté.

Le non respect de cette condition formelle, mais à laquelle sa jurisprudence donne aussi un contenu de fond (pour s'assurer de la viabilité de l'entreprise, il faut que le plan présenté soit « sérieux »), est le premier grief de la Commission plusieurs affaires concernant des opérations sur CPI, notamment dans les affaires Brittany Ferries et Lainière de Roubaix. Dans sa décision 23 ( * ) sur cette dernière, la Commission reproche au Gouvernement français de n'avoir pas transmis tous les éléments demandés et notamment pas quantifié en totalité les coûts de restructuration de l'entreprise ; en outre, même en l'absence de plan de restructuration en bonne et due forme, les données financières prévisionnelles de l'entreprise transmises, comme les données d'exécution en deçà de ces prévisions, reflètent l'absence de plan de restructuration crédible.

La pratique, fréquente s'agissant des crédits de restructuration, des conventions de subvention ne comportant pas de véritable exigence de contrepartie de la part du bénéficiaire, outre qu'elle est choquante au regard du principe de la vérification du service fait, illustre ce qui semble être une large indifférence des autorités françaises à l'existence d'un plan de redressement viable à long terme. Par exemple, la convention « Lainière de Roubaix » du 18 novembre 1996 prévoit le versement de 3,35 M€ de CPI, définis comme une « aide pour la mise en oeuvre du plan de reprise », sans véritable conditionnalité autre que formelle : versement en une fois dès notification sur présentation d'une copie de l'offre du repreneur -qui s'engage à consacrer la totalité des moyens de l'entreprise à son redressement à l'exclusion de toute croissance externe-, du jugement du tribunal de commerce et d'un tableau prévisionnel de financement.

Il convient de relever les maladresses commises dans la gestion des dossiers à l'égard de l'exigence d'un plan de restructuration préalable à l'aide et sérieux. Ainsi, dans le dossier Lainière de Roubaix, le fait d'inscrire dans un jugement de tribunal de commerce 24 ( * ) un engagement des pouvoirs publics d'apporter 6,1 M€ à l'un ou l'autre, indifféremment, de deux repreneurs en compétition a donné un solide argument aux instances communautaires 25 ( * ) pour mettre en doute l'existence d'un plan de restructuration mûrement réfléchi à l'appui de ces promesses financières.

• Les conditions de fond reposent sur le principe d'un partage des coûts de restructuration entre les pouvoirs publics, les propriétaires de l'entreprise, dont la contribution devra être suffisante, et ses concurrents, lésés par sa survie artificielle. Il doit être établi :

- que la viabilité à long terme de l'entreprise sur ses ressources propres, donc sans aides publiques récurrentes, soit établie ;

- mais que, dans l'autre sens, il s'agisse d'une entreprise en difficulté et que l'aide soit « limitée au strict minimum pour permettre la restructuration » ;

- qu'en conséquence, la contribution propre des bénéficiaires (actionnaires) au plan de restructuration soit significative ;

- que la restructuration s'accompagne de mesures limitant le préjudice aux concurrents : réductions de capacités.

Dans la décision précitée relative à la Lainière de Roubaix, un des motifs de l'interdiction (a posteriori) de l'opération est l'insuffisance de l'apport du repreneur, de l'ordre de 0,8 M€ pour le rachat des actifs et en fonds propres, au regard des 6,1 M€ de fonds publics apportés.

Dans la décision précitée relative à la Manufacture corrézienne de vêtements, la Commission évoque avec sévérité une « approche tout à fait permissive à l'égard des aides à la restructuration », le site de production concerné ne pouvant « jamais devenir une entreprise économiquement viable » et dépendant, pour sa survie, « d'aides récurrentes ».

De manière générale, l'exigence d'une solution de fond aux difficultés de l'entreprise et le refus des aides récurrentes conduisent la Commission à sanctionner les aides qui ne visent en fait qu'à couvrir des pertes d'exploitation et plus généralement les aides de fonctionnement ; or, les aides accordées sur la période 1996-2000 sur le chapitre 64-96 ont souvent pris ce caractère.

Les dispositifs destinés aux PMI et/ou répondant à des logiques territoriales (FIL, FIBM) peuvent beaucoup plus aisément être gérés dans le respect de la réglementation communautaire, et le sont effectivement, car les encadrements communautaires des aides aux PMI et des aides à finalité régionale sont d'application moins complexe (il s'agit de respecter des taux maximaux de subvention selon la taille des entreprises bénéficiaires et/ou leur localisation).

E. LES PROBLEMES POSES PAR LE DECRET DU 16 DECEMBRE 1999

3. Une dérogation sans fondement prévue pour les aides de restructuration

Le décret du 10 mars 1972, en ne visant que les subventions accordées « en vue de la réalisation des investissements publics ou d'utilité collective », ne couvrait sans doute pas les aides de restructuration, mais la rédaction plus large du décret de 16 décembre 1999, qui concerne toute « réalisation de projets d'investissement matériel ou immatériel, pour la mise en oeuvre d'une politique d'intérêt général », conduit logiquement à l'appliquer à l'ensemble des aides du titre VI à des entreprises, sachant que cette imputation implique normalement le caractère de subvention d'investissement et que toute aide publique ne peut en principe que s'inscrire dans une politique d'intérêt général... Il est à noter que l'insuffisance de définition des équipements subventionnés et des justifications fournies a déjà fondé un rejet de mandat dans le cas d'une aide sur CPI à une chambre de commerce : ne s'agissant pas d'une entreprise, le comptable avait considéré que le décret de 1972 devait s'appliquer.

En ce qui concerne le décret de 1999, la circulaire d'application du 19 octobre 2000 a cependant écarté, entre autres, son application aux « subventions accordées dans le cadre d'un plan d'ensemble de restructuration industrielle d'une entreprise en difficulté, en particulier par le CIRI », de même qu'aux autres formes d'intervention du CIRI, des CORRI et des CODEFI (garanties, prêts). D'autres dérogations précisées par la circulaire trouvent leur fondement explicite dans le décret (par exemple celle bénéficiant aux dotations aux collectivités territoriales), mais ce n'est pas le cas des aides de restructuration. Une circulaire ne saurait évidemment instituer une dérogation à un décret sans aucun fondement dans le texte de celui-ci.

4. La question du service fait

Le décret de 1999 mentionne un certain nombre de règles de bonne gestion en ce qui concerne les subventions d'investissement : celles-ci doivent être conditionnées à la présentation d'un projet d'investissement ; des avances et acomptes peuvent être versés, mais le solde de la subvention ne peut l'être que sur justification de la réalisation du projet conformément à la prévision initiale.

Or, le fait est que les dossiers d'aides dites de restructuration ou de reconversion examinés de 1996 à 2001 ne répondent guère à ces spécifications, ce qui explicite la dérogation irrégulière susmentionnée : d'une part, comme on l'a déjà indiqué, il ne s'agit pas véritablement d'aides d'investissement dans la majorité des cas. D'autre part, les conventions passées avec les entreprises bénéficiaires prévoient souvent un paiement intégral dès notification de la convention et en contrepartie d'obligations limitées pour le bénéficiaire. On a déjà cité à cet égard l'exemple de la subvention accordée en 1996 au repreneur de la « Lainière de Roubaix ». De même, les aides récurrentes versées aux deux sociétés du groupe FINATEC en 1996-1997, pour plus de 3,8 M€ (sur les seuls CPI et sur ces seules années), l'ont-elles été sur présentation d'états de trésorerie prévisionnels trimestriels. Dans de tels cas, la vérification du « service fait », formellement effectuée, n'a évidemment plus beaucoup de portée.

5. La question des délais

Le décret de 1999 a institué des délais généraux pour la gestion des subventions d'investissement, qui se substituent à des règles antérieures diverses et moins contraignantes :

- un délai maximal de deux mois pour la constitution du dossier complet après réception (en l'absence de demande complémentaire de l'administration, le dossier est réputé complet au terme de cette période) ;

- un délai maximal de six mois entre la constitution du dossier complet et « la décision attributive », c'est-à-dire la notification de la convention d'aide ;

L'absence de décision attributive dans les délais vaut rejet implicite, mais ce délai de rejet implicite peut être prorogé par décision visée par le contrôle financier.

a) Le constat

S'agissant des dispositifs déconcentrés, quelques éléments recueillis dans les DRIRE illustrent la difficulté qu'elles ont à respecter les délais :

• En Lorraine, on a trouvé sur l'échantillon examiné :

- un délai moyen d'instruction de quatre mois environ, pour les dossiers ATOUT (l'absence de mention de la date de dépôt dans les dossiers ressortant des autres procédures empêchant d'évaluer pour l'ensemble des aides ce délai) ;

- un délai moyen de notification, après comité régional des aides, de quatre mois et demi ;

- donc, en cumulé, huit mois et demis.

• En Ile-de-France, en 2000, le délai moyen cumulé accusé de réception/ notification dépassait dix mois pour les dossiers FDPMI et en était proche pour ATOUT.

Pour ce qui est des interventions de l'administration centrale, la situation est plus nébuleuse, car il n'est généralement pas possible d'identifier le point de départ des délais réglementaires, à savoir la demande de subvention : il n'existe de procédure explicite de saisine que pour le CIRI et elle n'est pas appliquée. Il apparaît cependant que le délai de traitement des affaires est souvent très long, ce qui ne concourt certainement pas à la bonne administration : ainsi la première réunion interministérielle sur le groupe Brittany Ferries, suite à une sollicitation de celui-ci, semble-t-elle remonter à octobre 1995, et ce n'est qu'en novembre 1997 qu'une subvention sur CPI de 10,67 M€ lui a été versée, après de multiples épisodes.

b) Les évolutions engagées

En région, l'amélioration des délais d'instruction implique notamment une réexamen des circuits administratifs. Outre la DRIRE, deux acteurs sont particulièrement concernés : la préfecture et la trésorerie générale de région :

- la première met en place les subdélégations de crédits et rédige (et fait signer par les préfets et/ou les présidents de conseil régional en cas de cofinancement) les lettres d'attribution de subvention ;

- la seconde intervient à deux moments dans la procédure : pour donner un avis, parmi les autres services, à la réunion du comité des aides, auquel elle est représentée (les dossiers lui sont en conséquence transmis préalablement) ; au titre du contrôle financier au moment de l'engagement.

Le décret du 16 juillet et l'arrêté du 29 juillet 1996 instituant les nouvelles modalités d'exercice du contrôle financier déconcentré autorisent dans certains cas un examen global des opérations des services déconcentrés (au lieu de visas individuels). S'agissant cependant des subventions d'investissement de plus de 3,8 K€ sans cofinancement communautaire, l'examen global possible doit être suivi d'un enregistrement comptable individualisé, ce qui est en pratique quelque peu contradictoire et a conduit à des expérimentations et pratiques variables selon les régions. La transmission préalable des dossiers de subventions à la trésorerie de région en amont du comité des aides peut être l'occasion de l'examen global ; encore faudrait-il que l'arrêté de 1996 fût revu ou que son interprétation fût précisée pour éviter une seconde itération des dossiers entre DRIRE et trésorerie au titre de l'enregistrement comptable.

En administration centrale, un protocole interne de juillet 2001 prévoit des engagements de délais dans la transmission des dossiers entre services (la DIGITIP, service gestionnaire, la DPMA, service ordonnateur, et le contrôle des dépenses engagées) et un suivi (tableau de bord) des délais. L'opération « expérimentation de nouvelles modalités du contrôle financier » en lien avec la mise en place du logiciel ACCORD, en préparation à l'automne 2002, devrait s'appliquer notamment aux directions et services relevant de l'Industrie et comporter la suppression du visa des ordonnances de paiement et une certaine globalisation des engagements 26 ( * ) .

6. Un suivi administratif parfois défaillant

L'analyse des dossiers d'aides de restructuration a montré que la gestion et le suivi administratifs étaient souvent défaillants et le souci des intérêts financiers de l'Etat très insuffisant. Le respect des obligations, pourtant souvent limitées, imposées aux bénéficiaires n'est pas vérifié. Bien que les sociétés bénéficiaires déposent souvent leur bilan ultérieurement, il n'existe pas de suivi centralisé 27 ( * ) de la production de l'ensemble des multiples créances de l'Etat à cette occasion (créances fiscales, prêts participatifs, avances) ; même quand ces créances sont spontanément déclarées, l'administration ne fait guère d'effort pour les recouvrer. Plusieurs exemples illustrent ces constats :

• 56 101 € ont été engagés en 1999 sur l'article 44-80-40, et 26 693 € finalement payés, dans le cadre d'une convention passée avec l'Association pour la promotion de l'emploi des personnels du textile et de l'habillement (association APETH) pour la mise en place d'une cellule d'accompagnement des entreprises du textile dans les Vosges. On constate que la convention du 2 décembre 1999 comme son avenant du 30-novembre 2000 sont intervenus en régularisation de travaux commencés auparavant. L'opération a été interrompue dès janvier 2000 avec pour seul résultat un compte-rendu très sommaire (une page manuscrite) établi par la personne chargée de l'opération. Le préfet des Vosges a refusé d'établir le certificat attestant la bonne exécution des travaux et le montant des dépenses, considérant qu'il n'avait pas les moyens d'assurer cette mission. C'est donc le secrétaire d'Etat à l'Industrie qui a dû signer ce certificat, afin de solder une opération qui a abouti à une dépense en pure perte.

• L'Etat a programmé au total 2,67 M€ sur le chapitre 64-96 au titre du contrat de développement du Territoire de Nouvelle Calédonie pour la période 1993-1997 (prolongé en 1998) ; ces crédits sont délégués sur place au Haut commissaire. Malgré des demandes réitérées de la DARPMI, où perçaient des doutes sur la conformité des dépenses effectuées avec les engagements du « contrat de développement », avec les missions relevant du ministère de l'Industrie, voire sur leur régularité, les bilans obtenus en réponse sont restés sommaires, ne permettant notamment pas d'identifier les subventions par destinataire final, le mode de gestion et de contrôle de ces aides. Il y apparaît que celles-ci, multiformes, ne concernent que minoritairement l'industrie.

• La société REGITEX, créée pour la reprise partielle des activités du groupe VESTRA, a bénéficié en 1996 d'aides à ce titre. Ce dossier a été l'objet d'un rapport du contrôle d'Etat, intervenu dans les conditions définies par le décret et l'arrêté du 30-mars 1978 (voir infra). Ce document fait le point des concours publics accordés dans cette affaire, notamment : un prêt ordinaire de 1,52 M€ à la société mère du groupe, accordé par l'Etat par le biais du Crédit national ; un prêt participatif de 1,52 M€ ; une subvention sur CPI du CIRI de 0,76 M€ ; des prêts de sociétés de conversion (SODIE, SOFRED), etc. Il ressort de l'enquête que certains des engagements du bénéficiaire conditionnant l'octroi des aides publiques n'ont pas été tenus, ce qui n'a pas empêché leur versement intégral :

- le prêt à la maison mère était notamment conditionné à une hypothèque sur un bien immobilier, qui n'a pas été constituée dans les délais ;

- de même, le prêt participatif, comme la subvention sur CPI, étaient conditionnés à l'octroi préalable des prêts SODIE et SOFRED, eux-mêmes conditionnés à une augmentation d'effectifs qui n'a en fait pas été réellement effectuée, les personnes « embauchées » à ce titre ayant été transférées d'une autre unité du groupe.

• 3,66 M€ de subventions sur CPI ont été versés en deux fois dans l'hiver 1997-1998 à la société MYRYS, alors en redressement judiciaire. Le 6 octobre 1999, l'administrateur judiciaire, gestionnaire de ces aides, a rendu un rapport de fin de mandat où, constatant un trop-perçu de subvention par rapport aux dépenses couvertes, il sollicitait en conséquence l'émission d'un titre de perception de 677 K€. Le 25 avril 2000, rien ne s'étant produit, il a même pris l'initiative d'adresser un chèque au Trésor public, qui lui a été renvoyé, en l'absence de titre de perception... le 18 juin 2001. Ce n'est qu'à cette date que la DIGITIP a demandé l'établissement du titre, permettant enfin l'encaissement en août 2001, deux ans après la déclaration spontanée du reversement à effectuer.

Le repreneur de la « Lainière de Roubaix » a bénéficié, entre autres aides publiques, de 3,35 M€ de CPI en novembre 1996. Dès mars 1997, les réalisations de la société « Nouvelles filatures Lainière de Roubaix » étant très en deçà des prévisions, une lettre du mandataire assurant la séquestre de la subvention à la DGSI évoquait les difficultés de l'entreprise ; le mandataire y indiquait alors avoir déclaré au repreneur qu'il n'accepterait pas « l'utilisation des fonds provenant de la subvention dans l'apurement de perte d'exploitation » et demandait un audit de l'entreprise par un consultant agréé par la DGSI. D'après le rapport de fin de mandat tardivement transmis par l'administration à la Cour, il subsistait fin 1998, sur le compte séquestre, 1,142 M€ en titres et disponibilités qui ne semblent pas avoir été récupérés avant le dépôt de bilan de la société (le 21 décembre 1999), d'après les pièces transmises.

IV. LA PERSPECTIVE DE LA NOUVELLE LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

La Cour rappelle les obligations futures posées par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances : inscrire les dépenses publiques dans des « programmes » correspondant à « une action ou un ensemble cohérent d'actions... auxquels sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation », le tout étant présenté dans les rapports et « projets annuels de performance ». Par ailleurs, le décret précité du 16 décembre 1999, d'ores et déjà en vigueur, a institué pour les subventions d'investissement de l'Etat une obligation d'évaluation des projets réalisés (article 16). Or, la gestion actuelle des interventions du ministère de l'Industrie n'est pas conforme à ces exigences, qui présupposent l'existence de textes définissant précisément les interventions et leurs objectifs, et de pratiques d'évaluation.

A. DES PROCEDURES ET PLUS ENCORE DES OBJECTIFS MAL DEFINIS, VOIRE NON DEFINIS

1. Les textes régissant les procédures déconcentrées

S'agissant des interventions déconcentrées, un corpus de textes définit les procédures et leurs objectifs plus ou moins précisément.

Les aides relevant des DRIRE font l'objet d'un ensemble de circulaires et documents d'orientation détaillés, tant en ce qui concerne les règles d'éligibilité, les montants et taux d'aides que les objectifs recherchés. La principale interrogation juridique que l'on peut avoir porte sur l'absence de texte formellement réglementaire, et comportant la signature du Premier ministre ou de plusieurs ministres (décret, arrêté interministériel), compte tenu de la jurisprudence sur les circulaires créatrices de droit, reconnues de « caractère réglementaire » 28 ( * ) , qui pourrait s'appliquer, en l'absence de norme supérieure, aux circulaires en cause, dont la légalité serait alors contestable au seul motif d'incompétence du ministre de l'Industrie. Certes, une jurisprudence plus récente a été développée à propos des instructions ou directives administratives prises, en particulier, en matière d'interventions économiques, de subventions : les administrations peuvent se fixer des normes par leurs « propres directives », normes qui ne sont pas à proprement réglementaires mais peuvent légitimement fonder leurs décisions individuelles 29 ( * ) . Toutefois, dans les espèces où cette jurisprudence a été appliquée, il semblerait qu'il ait toujours existé un texte législatif ou réglementaire de référence (par rapport auquel, d'ailleurs, la légalité de la « directive » pouvait être contestée à l'occasion d'un recours dirigé contre une décision individuelle) ; elle n'apporte donc pas de réponse évidente au cas présent.

L'objet du FIBM, crée en 1984, est en revanche défini en termes très généraux : « prolonger et amplifier les opérations de redéploiement industriel dans les régions minières ». Les projets soutenus doivent « faciliter l'implantation et la création d'activités industrielles ou créer les conditions propres à un meilleur développement économique local ». La réglementation reste succincte (jusqu'en 1994, aucun texte réglementaire particulier ; depuis lors, quatre circulaires émises par le ministre chargé de l'Industrie à l'attention des préfets concernés).

Les décrets ayant institué le FIL en 1984 en définissent le mode de gestion, confié à la préfecture, comme l'objet de manière également très générale : le FIL est chargé « de concourir directement ou indirectement au développement des entreprises existantes et à la création d'entreprises autour des pôles de conversion situés [en Lorraine] ». Les précisions apportées en 1998 et 2000 par des circulaires sont limitées ; dans la circulaire de 1998, le champ d'intervention du FIL reste très large.

7. Les textes relatifs aux interventions non déconcentrées

La situation est encore moins satisfaisante s'agissant des interventions non déconcentrées. Les seuls textes existants concernent les procédures de mise en place des interventions plus que leur objet ; encore ne couvrent-ils pas tout le champ des crédits examinés.

En ce qui concerne les interventions non déconcentrés des chapitres 44-80 et 64-92, le seul texte spécifique existant est un document interne de faible rang dans la hiérarchie des normes, le « vademecum des aides à l'industrie » établi par la DGSI et la DARPMI en 1994. Même la procédure UCIP, traitée sur un article budgétaire à part, n'a été définie dans aucun texte spécifique lors de son institution en 1998. Le vademecum définit surtout la procédure de programmation et de présentation en comité de gestion des aides à l'industrie, mais ni le type d'organismes éligibles aux aides, ni la nature des actions, ni les dépenses subventionnables. Des taux maximaux de subvention sont prévus, mais en pratique souvent dépassés.

En ce qui concerne les interventions de restructuration et reconversion du chapitre 64-96, on constate qu'aucun texte spécifique (hormis les intitulés budgétaires) ne définit l'objet, ni même les procédures d'instruction et de décision s'agissant des interventions « hors-CIRI », qui sont réellement à la discrétion du ministre chargé de l'Industrie, puisque par ailleurs l'administration s'est exonérée de l'application du décret du 16 décembre 1999 relatif aux subventions d'investissement et ne respecte pas les obligations communautaires.

Les interventions « CIRI » ne sont pas précisées en tant que telles. Cependant, le décret qui a créé le comité en 1982 en a défini la mission, mais en termes généraux : il s'agit, après avoir examiné les causes de leurs difficultés, de « susciter (...) l'élaboration et la mise en oeuvre des mesures industrielles, sociales et financières visant à assurer [le] redressement [des entreprises en difficulté], le maintien d'emplois durables et leur contribution au développement économique ou, à défaut, de provoquer la mise au point de mesures de reconversion ».

B. UN EFFORT DE SUIVI ET D'EVALUATION CORRECT A L'ECHELON DECONCENTRE, MAIS INEXISTANT A L'ECHELON CENTRAL

1. Suivi et évaluation des aides déconcentrées

En ce qui concerne le FIL, des bilans d'activité sont établis par la préfecture ; ils pourraient être améliorés notamment sur les deux points suivants : les résultats réellement obtenus à l'issue de l'exécution des conventions terminées au cours de l'exercice ; la vérification de la pérennité des emplois créés ou maintenus, pour les conventions terminées depuis un certain temps (2 à 3 ans).

Les DRIRE disposent d'une base de donnée interne où elles s'efforcent de recenser les différentes aides publiques par entreprise.

Elles renseignent des tableaux standardisés, ensuite consolidés au niveau national, qui donnent des statistiques détaillées sur les opérations décidées dans l'année au titre des différentes procédures qu'elles gèrent. Y apparaissent non seulement les montants d'aides et nombres de dossiers par procédure, mais aussi la répartition des entreprises bénéficiaires par taille d'entreprise, secteurs d'activité, par types de dépenses subventionnées, une évaluation des « effets d'abonnement » par le dénombrement des bénéficiaires déjà aidés durant les cinq années précédentes, de la « pénétration »des dispositifs par comparaison du nombre de bénéficiaires à la population éligible ... Même si cet outil connaît des limites méthodologiques et s'il ne paraît pas renseigné et exploité très rigoureusement (l'enquête de la Cour ayant révélé des incohérences manifestes, comme des taux d'aides supérieurs à 100 %, qui n'avaient pas été corrigées), l'intérêt doit en être souligné. L'APRODI produit également des statistiques sur la procédure ATOUT.

D'assez nombreux rapports relatifs aux procédures déconcentrées gérées par les DRIRE ont été rendus soit au niveau régional, soit au niveau national, réalisés par des cabinets d'audit ou par l'administration elle-même : au niveau national, le FDPMI a ainsi été évalué en 1997 30 ( * ) et 1999 31 ( * ) , le FRAC en 1991 32 ( * ) et 2001 33 ( * ) , l'ARC en 1993 34 ( * ) ; les volets d'ATOUT sont très régulièrement évalués, avec notamment des études en 1998-1999 35 ( * ) ; en revanche, sans doute compte tenu de leur diversité, il n'y a apparemment pas de tentative d'évaluation globale, même thématique, des actions collectives.

Ces documents d'évaluation connaissent des limites méthodologiques inévitables : d'une part, ils sont assez subjectifs, car ils reposent souvent sur des questionnaires aux entreprises bénéficiaires des interventions ou des entretiens réalisés dans celles-ci, lesquelles ne vont sans doute mettre en doute l'utilité des aides en question ; d'autre part, ils manquent souvent d'éléments de comparaison entre les performances de la « population » des entreprises aidées et celle des entreprises qui ne l'ont pas été, par définition plus difficile à appréhender. On peut enfin regretter le caractère monographique de la plupart des rapports et l'absence de comparaisons entre régimes différents de subventions.

L'ampleur de cette pratique d'évaluation tranche en tout état de cause avec la situation s'agissant des interventions non déconcentrées.

8. La quasi absence d'évaluation des aides gérées en administration centrale

S'agissant des aides de restructuration, l'absence d'évaluation ex ante suffisante des dossiers est une cause majeure de difficultés avec Bruxelles pour non présentation d'un plan de redressement sérieux. Mais même l'effort d'évaluation a posteriori des effets des aides distribuées est des plus limités sur l'ensemble des dossiers gérés en administration centrale.

Un décret et un arrêté du 30 mars 1978 ont soumis au contrôle économique et financier de l'Etat, prévu par le décret du 26 mai 1955, « les entreprises industrielles bénéficiant de prêts du fonds de développement économique et social et (...) d'aides imputées sur les crédits du chapitre 64-92 du budget du ministère de l'industrie (...) », lorsque le cumul des prêts et des aides dépasse 10 MF (1,5 M€) ou les seules aides 2 MF (0,3 M€). Le contrôle d'Etat est actuellement du ressort de la mission chargée des « audits généraux, contrôle économique et financier des entreprises privées aidées », qui comprend une dizaine de personnes. Un seul des dossiers du champ des contrôles ici présentés a été également l'objet d'une vérification de cette mission: le dossier VESTRA-REGITEX, d'un enjeu limité (0,76 M€ de CPI engagés). Par ailleurs, les différentes opérations d'« accompagnement » public de la fermeture du site Chausson de Creil ont été l'objet d'une évaluation a posteriori, qui a porté sur deux des trois volets 36 ( * ) d'intervention : les plans sociaux 37 ( * ) ; la mission de réindustrialisation 38 ( * ) . Enfin, parmi les rares bilans existant sur les actions financées sur le chapitre 44-80, on peut signaler celui effectué fin 1999 par les services de la DIGITIP sur les « campagnes d'image » menées en Asie depuis 1996 39 ( * ) , au demeurant peu convaincant, même s'il conclut à l'intérêt de poursuivre cette action : ce rapport fait état de l'impossibilité d'établir un lien causal entre les actions menées et l'activité des entreprises françaises dans ces pays ; la DIGITIP se félicite surtout de la coopération que cette action a permis de mener en complémentarité avec les services officiels français et les grandes entreprises françaises des pays concernés...

Pour le reste, les nombreuses et diverses interventions gérées en administration centrale durant la période sous revue n'ont pas fait l'objet d'évaluations spécifiques.

Avant même d'évaluer l'efficacité et l'efficience des aides publiques, il faudrait au demeurant déjà en identifier et quantifier l'ensemble, au moins par « dossier » ; comme on l'a indiqué, ce recensement n'est pas effectué. Il semble se heurter à des difficultés méthodologiques. S'agissant des interventions de restructuration-reconversion, on constate généralement sur un même dossier un cumul de concours publics d'origines et de nature diverses dont la sommation est délicate. Certains de ces concours, comme les rééchelonnements de dettes sociales et fiscales, très fréquents, sont rarement mentionnés explicitement dans les documents internes disponibles dans les dossiers, et jamais strictement mesurés : il faudrait calculer « l'équivalent subvention » de ce genre de mesures, ce que l'on fait à Bruxelles depuis longtemps, mais pas à Paris... La même remarque sur la nécessité de calculer l'équivalent subvention vaudrait pour des aides accordées sous forme de prêts ou d'avances à conditions avantageuses. Enfin, aux aides spécifiques accordées, notamment sur CPI, dans le cadre des opérations de restructuration et de reconversion, s'ajoutent dans des conditions plus ou moins identifiées et donc mesurables les dispositifs « de droit commun », tels que les préretraites « FNE » dans les plans sociaux ou les aides « normales » gérées par les DRIRE pour les PMI bénéficiant de soutiens au titre de la réindustrialisation.

V. L'EFFICACITE DES INTERVENTIONS

A. LES INTERVENTIONS DECONCENTREES

Plusieurs constats conduisent à s'interroger sur l'adéquation du dispositif actuellement mis en oeuvre par les DRIRE.

9. Le décalage entre le poids relatif de l'aide à l'investissement (FDPMI) et son appréciation par l'administration

La Cour a relevé le décalage existant entre les objectifs que s'assignait le secrétariat d'Etat à l'Industrie et l'application sur le terrain du dispositif d'ensemble. L'administration centrale affiche dans ses documents internes une hiérarchie qualitative des régimes d'aides en vigueur : parmi les aides directes aux PMI, la préférence va dans l'ordre à l'aide à la diffusion technologique (ATOUT), puis aux aides à l'investissement « immatériel », c'est à dire les aides au conseil et au recrutement de cadres (FRAC et ARC), enfin à l'aide à l'investissement matériel (FDPMI). Or, il apparaît que ces priorités n'ont pas été retenues, la procédure FDPMI continuant à absorber près de la moitié des crédits d'intervention déconcentrés des DRIRE.

10. Le poids de l'encadrement communautaire

Même si les régimes communautaires des aides d'Etat aux PME ou des aides à finalité régionale offrent plus de souplesse que celui des aides de restructuration, ils limitent les possibilités d'utilisation de ces aides. Par exemple, compte tenu de l'encadrement communautaire des aides d'investissement aux PME, les taux de subvention ne peuvent dans la procédure FDPMI dépasser 15 % pour les petites entreprises et 7,5 % pour les moyennes localisées dans les régions non « défavorisées ».

11. Le saupoudrage

La multiplication de dossiers d'aides d'un montant limité conduit à s'interroger sur l'utilité d'un tel « saupoudrage », non que la faiblesse des dossiers individuels soit en elle-même critiquable, puisqu'il s'agit de PMI, mais du fait de l'absence de priorités sectorielles, géographiques ou thématiques claires.

On doit également poser la question des coûts de gestion. En vue d'une mise en perspective de ces coûts, on peut se référer au fascicule budgétaire « bleu » Economie, Finances et Industrie pour 2003 :

• Celui-ci, proposant 40 ( * ) une répartition des coûts de fonctionnement et d'investissement, hors interventions, des DRIRE entre leurs missions, évalue à 16,3 M€ celui de la mission « développement industriel et technologique ». Certes, cette mission ne se limite pas à la gestion de dossiers d'aides ; elle comporte aussi tout un amont (visites d'entreprises, conseil, réalisation de monographies...), mais des analyses fines de la répartition des unités d'oeuvre en DRIRE montrent que la gestion des aides représente au moins la moitié de l'activité développement industriel. De plus, il conviendrait d'ajouter au montant susindiqué une quote-part du coût des « fonctions support » (fonctions horizontales) dans les DRIRE, soit 7 à 8 M€ 41 ( * ) , les coût des prestations « d'accompagnement » de la procédure ATOUT par l'APRODI, budgétées pour 2003 (art. 44-80-20) à hauteur de 3,2 M€ et les coûts de gestion (non identifiables) dans d'autres administrations (comme les trésoreries générales assurant le contrôle financier et les paiements) et chez les opérateurs relais.

• Par ailleurs, pour 2003, les crédits de paiement proposés sur les deux articles d'interventions gérés (principalement) par les DRIRE, les articles 64-92-10 et 64-92-20, s'élèvent à 90,3 M€, auxquels s'ajouteront en gestion des cofinancements communautaires et régionaux pour un montant sensiblement égal.

12. Les enseignements des rapports d'évaluation

Les nombreux rapports d'évaluation sur les dispositifs déconcentrés font apparaître la difficulté que l'on a à évaluer ceux-ci et mettent en lumière divers phénomènes qui tendent à réduire leur efficacité.

a) L'existence d'effets d'aubaine

Plusieurs des rapports d'évaluation réalisés ces dernières années sur les dispositifs déconcentrés d'aide à l'industrie comportent des analyses sur le partage incitation/effet d'aubaine :

• L'étude précitée de 1991 sur le FRAC relevait que « 2/3 des PMI bénéficiaires de FRAC auraient sans doute lancé l'opération sans cette aide, mais le plus souvent en réduisant l'ampleur (7 ou 8 PMI sur 10) et/ou en la retardant (3 PMI sur 4) ». L'interrogatoire mené parallèlement dans des PMI n'ayant pas eu recours au conseil externe indiquait que son coût trop élevé n'était invoqué que dans 20 % des cas, derrière l'absence de besoin et la petitesse de l'entreprise. Il convient toutefois d'observer que l'étude plus récente précitée de 2001 donne une vision moins négative : plus de la moitié des entreprises interrogées déclarent qu'elles n'auraient pas réalisé la prestation en l'absence de subvention.

• Le rapport de 1993 sur la procédure ARC fournit les éléments suivants : 16 % des chefs d'entreprise interrogés seulement auraient renoncé au recrutement s'ils n'avaient pas été subventionnés et 41 % l'auraient différé. Le rapport mentionnait cependant, comme point positif, que l'aide financière permettait dans la majorité des entreprises de recruter des candidats de profil plus élevé (et mieux rémunérés) qu'initialement envisagé.

• Pour ce qui est du FDPMI, le rapport précité de 1997 évalue à 35 % le « taux d'incitativité » des subventions, ce qui laisse 65 % d'« effets d'aubaine » (en l'absence de subvention, 65 % du montant des investissements aidés auraient été réalisés). Selon un autre rapport plus récent (1999), la subvention aurait permis la réalisation d'un programme d'investissement plus ambitieux dans 50 % des cas seulement et n'aurait pas influé sur le montant du projet dans 46 % des cas.

• En ce qui concerne la procédure ATOUT, les rapports d'évaluation, également fondés sur les déclarations des chefs d'entreprise, donnent en général une appréciation plus favorable de l'effet incitatif. L'aide publique aurait été déterminante pour le lancement de la majorité des projets.

• S'agissant d'une autre intervention diffuse, bien que pilotée en administration centrale, le rapport d'évaluation de la mission d'industrialisation menée par la SODIE dans le bassin de Creil suite à la fermeture des établissements Chausson en 1996 relève de même l'existence d'« effets d'aubaine » importants : le prêt SODIE n'aurait été « déterminant » que pour un tiers des bénéficiaires ; pour un autre tiers, « non efficace » ; pour d'autres, surtout une aide à l'investissement à l'effet sur l'emploi incertain et décalé. En outre, le rapport note une grande difficulté à distinguer les effets des dispositifs publics cumulés : prêt SODIE, aides DRIRE « de droit commun », avantages liés à l'installation sur l'ancien site Chausson (avec notamment le statut de zone franche urbaine), avantages liés à l'embauche d'anciens salariés de Chausson ...

b) L'impact incertain sur le développement des entreprises

Les données des rapports d'évaluation sur l'impact micro-économique des aides des DRIRE révèlent une assez large incertitude des prévisions opérées au moment de leur attribution, qui apparaissent a posteriori bien souvent trop « optimistes ». Selon un rapport récent sur le procédure FDPMI 42 ( * ) , en moyenne, les réalisations dépassent les prévisions initiales de 3 % en matière d'effectifs, mais sont en retrait de 10 % pour ce qui est du chiffre d'affaires et de 13 % pour ce qui est du résultat d'exploitation.

S'agissant du dispositif ATOUT, des données tirées de questionnaires aux entreprises bénéficiaires et de quelques éléments plus « objectifs », notamment de l'exploitation systématique des tableaux de bord de l'APRODI relatifs au volet PUCE, sont présentées dans plusieurs rapports récents précités : elles conduisent à évaluer entre 20 et 30 % le taux d'échec des projets pour les « volets » PUCE et PUMA.

c) Des ambitions « qualitatives » qui ne sont pas toujours suivies d'effets

Les dispositifs déconcentrés de l'Industrie ont été conçus avec une ambition qualitative, car leur montant unitaire modeste limite leur effet immédiat sur les comptes des entreprises et la masse globale également modeste des crédits disponibles rend nécessaire une sélection des bénéficiaires. Les différentes circulaires et le document d'orientation du 28 avril 1998 relatif aux procédures relatif aux procédures ARC, FRAC et « actions collectives » insistent sur ce point : les aides n'ont pas un caractère automatique, doivent être réservées aux projets « significatifs » des entreprises...

Ceci est particulièrement vrai pour le dispositif ARC, dont il est bien précisé qu'il ne peut bénéficier qu'à des embauches entraînant un « accroissement significatif des compétences de l'entreprise » et ayant « un caractère structurant » : il ne s'agit pas de subventionner toute embauche de cadre, mais seulement la création d'une nouvelle fonction d'encadrement. Cependant, les réponses des chefs d'entreprise bénéficiaires à un questionnaire rapporté dans une étude de suivi 43 ( * ) amènent à s'interroger sur le respect de ces principes : parmi les motivations des recrutements soutenus, celles exprimées dans des termes vagues (« décharger la direction »), voire tautologiques (« renforcer l'encadrement »), l'emportent sur celles renvoyant au développement de l'entreprise et à l'acquisition de nouvelles compétences (intégrer un savoir-faire, développer ou diversifier la production).

13. Les actions collectives

Les actions collectives, catégorie regroupant des interventions diverses, n'ont pas été l'objet d'évaluations nationales. La Cour a relevé diverses dérives en Bretagne : pratique courante de subventions « en chiffres ronds » manifestement forfaitaires, alors que le montant de toutes les actions collectives, comme de l'ensemble des interventions des DRIRE, devrait être déterminé par l'application d'un taux de subvention à une assiette de dépenses subventionnables contrôlée ; tendance à la pérennisation de certaines subventions ; prise en charge excessive des frais de fonctionnement des opérateurs relais conduisant les actions : dans le cas de structures créées « ad hoc », qui bénéficient parfois d'un empilement de financements publics conduisant à des taux cumulés d'aides publiques proches de 100 %, ces frais peuvent être couverts intégralement. Ce travers est illustré notamment par l'opération « Pôle matériaux composites ouest » (PMCO) à Lorient, dont les résultats apparaissaient limités.

Dans la région Centre, une opération examinée constitue un véritable détournement de procédure : une étude sur une éventuelle reconversion d'activité a été financée au profit exclusif d'une filiale commune de deux grands groupes de défense. Il ne s'agissait donc pas d'une action « collective » et le bénéficiaire n'était même pas une PMI éligible.

LES INTERVENTIONS DE RESTRUCTURATION

Des critères d'intervention non économiques

Il n'est pas aisé de distinguer des critères objectifs justifiant la mise en oeuvre de crédits de restructuration (CIRI ou hors-CIRI). Les interlocuteurs rencontrés au cours de l'instruction ont indiqué que cette mise en oeuvre serait envisagée pour les seuls sinistres industriels touchant des bassins d'emploi trop petits ou trop peu diversifiés pour absorber le choc ; les considérations d'ordre public ont surtout été mises en avant. La localisation de certaines entreprises soutenues mérite également d'être observée. Le cas du soutien apporté en 1998-1999 à deux entreprises de manutention portuaire constitue un autre exemple des considérations d'opportunité pouvant dicter le recours aux crédits de restructuration : en l'espèce, ce choix répondait à la volonté de ne pas étendre la « loi de Robien » 44 ( * ) à des secteurs déjà bénéficiaires de mécanismes dérogatoires, ni d'ouvrir à nouveau les « guichets » très coûteux des plans sociaux spécifiques aux dockers mis en oeuvre antérieurement.

Globalement, l'intervention de l'Etat paraît avoir été menée le plus souvent (l'exception pouvant être constituée par quelques dossiers « CIRI » accompagnés de fiches de présentation bien argumentées) sans grande visibilité de la situation économique des entreprises aidées. L'exemple du dossier Brittany Ferries est particulièrement représentatif d'une connaissance défectueuse de cette situation par l'administration : à force de gérer dans l'urgence le dossier sans plan d'action précis, on en était encore début 1998, soit plus de deux ans après la première réunion interministérielle, à commander un nouvel audit de l'entreprise...

Dans quelques cas, comme ceux du groupe FINATEC en 1996-1997 et de MYRYS en 1997-1998, une critique plus sévère se justifie : les conditions mêmes des aides accordées 45 ( * ) et les notes administratives retrouvées dans les dossiers établissent que les pouvoirs publics ne pouvaient ignorer la caractère désespéré de la situation et « l'engloutissement » rapide des sommes allouées.

Par ailleurs, le constat ne peut qu'amener à s'interroger sur le respect du principe d'égalité devant les charges publiques, qui doit s'appliquer notamment au traitement des entreprises en difficulté, de même que sur les distorsions que le traitement particulièrement favorable accordé à certaines entraîne pour les entreprises concurrentes saines.

14. Le « résultat » des interventions appréhendé à travers le taux de survie des entreprises

La Cour a examiné le destin ultérieur des entreprises bénéficiaires d'aides de restructuration du chapitre 64-96 durant la période sous revue. Pour établir cette statistique, il convenait d'écarter les financement de plans sociaux, dont les destinataires ne sont pas les entreprises et qui accompagnent par définition des cessations (totales ou partielles) d'activité, les aides à des organismes publics ou semi-publics, tels que des CCI, pas ou peu menacés de disparition, et les dossiers les plus récents en l'absence d'éléments postérieurs sur l'évolution des bénéficiaires. Sur les quelques 82,4 M€ d'engagements (hors dossiers abandonnés, où l'engagement n'a été suivi d'aucun paiement) recensés sur les articles 10 et 20 du chapitre 64-96 de 1996 à 2000, on parvenait alors à un échantillon théorique de 41,6 M€. Toutes les entreprises bénéficiaires ne publiant pas de comptes, l'échantillon d'engagements analysés représente 38,6 M€ (soit 93 % de 41,6).

Les résultats peuvent être synthétisés comme suit :

En K€

Engagements sur les articles 10 et 20 du chapitre 64-96 de 1996 à 2000

% du total

TOTAL

38 647

100

- dont engagements en faveur de sociétés placées en redressement ou en liquidation depuis

15 215

39,4

- dont engagements en faveur d'autres entreprises depuis en « difficultés » manifestes (pertes récurrentes, fonds propres négatifs...)

4 702

12,2

Si on laisse de coté le cas complexe de Brittany Ferries, on constate que l'intervention ponctuelle de l'Etat a peut-être constitué un « coup de pouce » utile dans quelques dossiers d'entreprises qui ont pu « rebondir ». Encore le constat positif manque-t-il nécessairement de recul temporel. En outre, il faudrait pouvoir mesurer les éventuels « effets d'aubaine » : le coup de pouce était-il strictement nécessaire ? Dans certains cas d'aides à des investissements nouveaux au titre de la reconversion de zones en crise, l'intervention publique n'a sans doute pas déterminé l'investissement, mais sa localisation.

A quelques exceptions près, dans ces dossiers, l'intervention sur CPI a été effectuée à l'occasion d'une reprise d'entreprise et a été liée à un programme d'investissements, avec un effort significatif demandé au bénéficiaire, les taux de subvention étant modérés.

S'agissant des aides d'investissement, on doit cependant rappeler que l'encadrement communautaire ne les autorise, pour des entreprises autres que des PME, que dans les régions « défavorisées ». Leur gestion dans le respect de cet encadrement passerait donc plus logiquement par les instruments budgétaires à vocation d'aménagement du territoire.

Pour le reste, force est de constater que, bien que le recul soit faible (cinq ans au maximum), environ 40 % des engagements pris en compte ont été effectués au profit d'entreprises qui ont depuis déposé leur bilan (et qui, s'agissant des principaux dossiers, tels que MYRYS, Lainière de Roubaix, BATA-Hellocourt et FINATEC-Core Placements, ont cessé totalement ou très fortement réduit l'activité sur leurs sites industriels). En y ajoutant les engagements au bénéfice d'entreprises dont l'analyse sommaire des comptes semble attester de graves difficultés (pertes plusieurs exercices consécutifs ; fonds propres tendant vers zéro ou passés dans le rouge, la société n'étant alors sauvée que par de nouvelles injections financières...), on dépasse 50 % d'engagements dans ce qui semble être des « causes perdues ».

La médiocrité des perspectives, même à court terme, des entreprises aidées sur CPI rend compte du caractère tardif de la plupart des interventions. Dans les cas extrêmes, comme ceux déjà évoqués des aides récurrentes aux sociétés du groupe FINATEC en 1996-1997 et des aides à MYRYS dans l'hiver 1997-1998, les interventions avaient pour seul objet d'éviter la cessation de l'activité à très court terme, alors que la situation financière des entreprises concernées paraissait irrémédiable.

Même si des progrès méthodologiques sont possibles, on peut penser que, de toute façon, la prévisibilité de moins en moins grande des secteurs ou entreprises menacés de crise grave ne laisse que peu de chances aux administrations d'« apprendre » à agir plus en amont. Une politique plus adaptée consisterait à orienter le développement des bassins d'emploi pour éviter les spécialisations trop grandes, potentiellement dangereuses. Une telle politique, concernant au premier chef les collectivités locales, impliquerait une coordination des différents acteurs publics.

B. LES INTERVENTIONS EN COMPLEMENT DE PLANS SOCIAUX

La plus conséquente sur la période, en termes de consommation de crédits du chapitre 64-96, a concerné les établissements Chausson de Creil ; 14,45 M€ de fonds publics, dont 10,37 M€ de CPI, ont été consacrés à partir de 1996 au financement du plan social de 1995 (le total des dépenses afférentes à ce plan s'élevant à 59,77 M€). Cette opération présente la caractéristique originale, déjà mentionnée, d'avoir fait l'objet d'une évaluation. Celle-ci a comparé les deux plans sociaux successifs de 1993 et 1995, faisant apparaître :

- des résultats très différents en termes de reclassement : 92,7 % de salariés reclassés (salariés concernés par les mesures d'âge non pris en compte) au bout des trois ans pour le plan de 1995, contre 42,5 % seulement au terme des dix mois du plan de 1993 et 61 % au bout de trois ans ;

- un coût global par salarié plus élevé pour le plan de 1995 que pour celui de 1993, mais pas à cause des dispositifs de reconversion :

COUT PAR SALARIE CONCERNE DES DEUX PLANS SOCIAUX « CHAUSSON »

En K€

Plan 1993

Plan 1995

Coût des indemnités et préavis

12,5

30,4

Coût des mesures d'âge

58,3

107,6

Coût des dispositifs de reconversion

22,1

20,6

Le coût très élevé des « mesures d'âge » est visible, tandis que les mesures de reconversion ressortent à un coût modéré, comparativement ; au demeurant, 85 % des CPI débloqués ont été utilisés à couvrir des mesures d'âge dérogatoires, en l'espèce des préretraites anticipées à 49 ans et trois mois.

Il est significatif que le coût des mesures de reconversion (couvrant le fonctionnement des antennes de reconversion, les coûts de formation, les allocations aux personnels en formation) soit à peu près le même dans les deux plans, qui ont cependant débouché sur des résultats très différents en termes de reclassement.

Le rapport d'évaluation s'efforce d'expliquer l'efficacité particulière du plan de 1995 en termes de reclassements. L'innovation de ce plan aurait été de placer en tête l'objectif de reconversion et d'intégrer dans la durée (trois ans) les trois parties prenantes, entreprise, salariés et Etat, dans un dispositif piloté par ce dernier et conduit par une commission de suivi appuyée sur une cellule de reclassement constituée de professionnels ; les salariés ont été placés en congé de conversion.

L'évaluation de la mission d'industrialisation menée par la SODIE, à l'aide d'une enveloppe de prêts bonifiés de 7,62 M€, souligne l'intérêt de personnaliser et coordonner l'intervention publique à travers la nomination d'un délégué à la réindustrialisation, comme la cohérence résultant de l'intervention de la SODIE sur les trois volets (plan social, aménagement du site et réindustrialisation du bassin).

Ces résultats ont été repris dans diverses notes internes et auraient inspiré des dispositions de la loi de « modernisation sociale » 46 ( * ) , qui généralise les « congés de reclassement » en les rendant obligatoires pour les entreprises de plus de mille salariés, qu'elle oblige également à financer des mesures de réindustrialisation en cas de cessation totale ou partielle d'activité sur un site.

* * *

L'examen des autres dossiers de plans sociaux financés conduit aux mêmes constats :

- Il existe des niveaux d'intervention très hétérogènes, qui posent une question d'égalité, l'Etat acceptant ou non, selon les cas, de prendre en charge des mesures dérogatoires très coûteuses telles que des primes de départ et des préretraites plus ou moins anticipées.

- Les résultats obtenus dans certains dossiers, tels que Chausson et, apparemment 47 ( * ) , ACH (Ateliers et chantiers navals du Havre), tendraient néanmoins à montrer que l'intervention des pouvoirs publics a son utilité quand elle conduit à mettre en place un véritable pilotage dans la durée (plusieurs années) des suites d'accidents industriels, avec deux volets d'action gérés en lien : reclassement des salariés et réindustrialisation. Et ce pour des coûts, notamment publics, certes plus élevés que dans le cas de plans sociaux a minima, mais qui peuvent apparaître « raisonnables » en comparaison du coût parfois exorbitant des dispositifs cités au paragraphe précédent...

Plusieurs observations doivent cependant être faites :

- Compte tenu de leur logique territoriale (bassins d'emploi), il n'est pas certain que les opérations d'accompagnement de plans sociaux (financement de mesures sociales et/ou réindustrialisation) doivent être du ressort des administrations centrales, ni qu'elles aient vocation à être imputées sur des crédits « MINEFI », du moins en ce qui concerne les mesures strictement sociales, alors qu'il existe sur les crédits du ministère des Affaires sociales des lignes budgétaires qui paraissent « ad hoc » (le chapitre 44-79 de ce budget comporte divers articles consacrés à des actions d'« accompagnement des restructurations »).

- Ce type d'interventions devrait être encadré par des textes d'emploi plus précis, qui excluraient la prise en charge publique de certains types de mesure, comme les primes au départ (« primes valise »).

- Une recommandation déjà exprimée dans de précédents travaux de la Cour n'a pas été mise en oeuvre et reste d'actualité : l'« intéressement » des cocontractants de l'Etat (mandataires ad hoc, cabinets chargés de gérer les antennes ou cellules emploi mise en place, etc.), par une modulation de leurs honoraires, aux résultats des plans sociaux, en particulier en matière de reclassement.

- Puisqu'il faut toujours préférer la prévention au traitement à chaud, il semblerait qu'une politique économique locale pertinente devrait se donner pour objectif d'éviter la trop grande dépendance d'un bassin d'emploi vis-à-vis d'un employeur et/ou d'une activité. Si les moyens de cette politique sont encore à inventer, du moins le développement d'outils de connaissance de la situation des bassins d'emploi serait-il utile pour préciser les objectifs de l'intervention publique quand elle est confrontée à des catastrophes économiques locales.

C. LES INTERVENTIONS « DIVERSES »

Enfin, à coté des grandes catégories d'opérations que constituent celles s'inscrivant dans les dispositifs déconcentrés et celles de restructuration (prenant la forme d'aides aux entreprises, de mesures sociales ou de mesures de réindustrialisation), il reste toutes les opérations au profit de très nombreux organismes de statuts divers déjà signalées.

Bien évidemment, ces opérations ne peuvent faire l'objet d'une évaluation d'ensemble. Non moins évidemment, elles ne sauraient constituer une « politique industrielle ».

Le caractère récurrent et l'absence d'évaluation de nombre de ces interventions ne plaident pas en leur faveur. La Cour a relevé en particulier le cas de la subvention récurrente à l'association « Contrôle et changement », devenue « Recherche économique et sociale » en 1999 : cette aide systématique avait déjà fait l'objet d'une observation sévère de la Cour lors d'un contrôle de 1994 sur le chapitre 44-81, tant au regard de son imputation (qui aurait été plus justifiée sur un chapitre d'études du titre V), que des revenus réguliers qu'elle assurait à des consultants. Elle a toutefois été poursuivie (à un niveau moindre).

CONCLUSION

Les constats de la Cour sur la gestion des interventions industrielles et la prise en compte d'un environnement normatif de plus en plus contraignant (réglementation communautaire, nouvelle loi organique, nouveau code des marchés, décret du 16 décembre 1999...) doivent conduire à un examen d'ensemble du dispositif. En termes d'organisation administrative, l'interrogation porte sur les rôles respectifs des ministères en charge de l'Industrie et des Affaires sociales (sur les questions de reconversion des salariés), la simplification des administrations centrales et déconcentrées intervenant dans ce domaine, et la part respective à donner à la gestion centrale et à la gestion déconcentrée (sans préjudice des perspectives de décentralisation accrue) ; si un organe interministériel tel que le CIRI doit exister en matière de restructurations, il est nécessaire qu'il fonctionne réellement comme tel et qu'il examine -officiellement et effectivement- l'ensemble des dossiers de restructuration. Les modalités d'intervention devront également être revues ; en particulier, le bilan des aides de restructuration aux entreprises ou à leurs repreneurs en termes de survie des activités et la contrainte très lourde de l'encadrement communautaire justifieraient que l'on explore d'autres pistes : déconcentration, mise en place de dispositifs susceptibles de s'inscrire dans le cadre communautaire des aides dites régionales...

TABLE DES ANNEXES (tableaux)

Crédits liés aux restructurations dans le budget de l'Etat en 2000

Gestion du chapitre 64-96 (1996-2001)

Engagements de l'Etat sur les aides DRIRE dans les contrats de plan

Données statistiques sur les aides gerées par les DRIRE

Principaux secteurs concernés par les aides de restructuration

Les aides publiques à Brittany Ferries

112

113

114

116

117

55

CREDITS LIES AUX « RESTRUCTURATIONS » DANS LE BUDGET DE L'ETAT

(loi de finances initiale 2000)

En M€

Nomenclature

Crédits de paiement en LFI 2000

% du total

Economie, finances et industrie, dont :

39,03

2,76

Equipement naval. Interventions - Restructurations industrielles

64-93-30

-

-

Reconversion et restructurations industrielles - Actions de restructuration - hors CIRI

64-96-10

10,37

0,73

Reconversion et restructurations industrielles - Actions de restructuration suivies par le CIRI

64-96-20

4,57

0,32

Reconversion et restructurations industrielles - Reconversion des zones minières

64-96-30

15,24

1,08

Reconversion et restructurations industrielles - Interventions dans le cadre du Fonds d'industrialisation de la Lorraine (FIL)

64-96-40

8,84

0,63

Reconversion et restructurations industrielles - Actions de conversion des chantiers navals

64-96-50

-

-

Agriculture, dont :

2,26

0,16

Développement du stockage, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et de la mer - Actions de restructuration

61-61-90

2,26

0,16

Défense, dont :

210,65

14,92

Soutien des forces - Marine. Adaptation des structures industrielles de la DCN

55-11-38

179,13

12,69

Participation à des travaux d'équipement civil et subvention d'équipement social intéressant la collectivité militaire - Fonds pour les restructurations de la défense

66-50-40

31,52

2,23

Emploi et solidarité (Emploi), dont :

1 155,54

81,84

Promotion de l'emploi et adaptations économiques - Accompagnement des restructurations : allocations temporaires dégressives

44-79-20

6,86

0,49

Promotion de l'emploi et adaptations économiques - Accompagnement des restructurations : versements à l'UNEDIC au titre des conventions d'allocations spéciales FNE (pré-retraites)

44-79-31

632,66

44,81

Promotion de l'emploi et adaptations économiques - Accompagnement des restructurations : versements à l'UNEDIC au titre des contrats de solidarité (pré-retraites progressives)

44-79-32

243,92

17,28

Promotion de l'emploi et adaptations économiques - Accompagnement des restructurations : versements à l'UNEDIC au titre des conventions de conversion. Association pour le gestion des conventions de conversion

44-79-33

114,34

8,1

Promotion de l'emploi et adaptations économiques - Accompagnement des restructurations : conventions sociales de la sidérurgie

44-79-34

64,29

4,55

Promotion de l'emploi et adaptations économiques - Accompagnement des restructurations : mesures spéciales en faveur de l'emploi

44-79-35

0,21

0,01

Promotion de l'emploi et adaptations économiques - Accompagnement des restructurations : allocation spécfique pour privation partielle d'emploi

44-79-40

32,14

2,28

Promotion de l'emploi et adaptations économiques - Accompagnement des restructurations : dotation globale déconcentrée

44-79-50

61,13

4,33

Equipement (Mer)

4,42

0,31

Gens de mer et professions de la filière portuaire. Allocations compensatrices

46-37

4,42

0,31

Flotte de commerce. Subventions - Aide à l'investissement et aide à la consolidation et à la modernisation (cette ligne n'est plus dotée)

63-35-20

-

-

Comptes spéciaux

-

-

Prêts du fonds de développement économique et social (sur la période contrôlée, doté en loi de finances initiale seulement en 1996 et 1998)

903-05

-

-

TOTAL

1 411,89

100

Pour mémoire : compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés

902-24

2 583,25

GESTION DU CHAPITRE 64-96

(pour les années 1996-1998, les données des chapitres 62-01, 64-95 et 64-96 ont été sommées)

En M€

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Evolution 1996-2001

Autorisations de programme antérieures non utilisées

41,97

78,84

73,23

51,6

62,83

49,85

18,8

Reports de crédits de paiement

60,57

67,47

42,86

51,26

67,44

78,58

29,7

Loi de finances initiale :

- Autorisations de programme

84,62

22,87

55,95

46,5

46,5

41,92

- 50,5

- Crédits de paiement

67,09

25,72

58,07

43,23

39,03

21,8

- 67,5

Loi de finances rectificative :

- Autorisations de programme

6,48

3,05

- Crédits de paiement

12,76

Annulations :

- Autorisations de programme

- 13,91

- 14,07

- 44,25

- 8,17

- 6,84

- 12,02

- Crédits de paiement

- 4,97

- 6,86

- 19,16

- 3,84

- 1,52

- 10,67

Transferts et modifications de répartition

- Autorisations de programme

2,19

- Crédits de paiement

2,19

Moyens disponibles :

- Autorisations de programme

119,16

87,64

84,93

89,92

102,49

85

- 28,7

- Crédits de paiement

135,45

86,33

81,78

90,65

104,94

91,89

- 32,2

Utilisation des AP (affectations + délégations)

40,32

14,41

33,33

27,09

52,64

49,86

23,7

Taux d'utilisation (%)

33,8

16,4

39,2

30,1

51,4

58,7

Pour comparaison : taux d'utilisation sur le titre VI Industrie (à périmètre constant)

79

73

68

71

68

n.d.

Dépenses nettes

67,98

43,47

30,52

23,21

26,37

40,5

- 40,4

Taux de consommation des crédits (%)

50,2

50,4

37,3

25,6

25,1

44,1

Pour comparaison : taux de consommation sur le titre VI Industrie (à périmètre constant)

93

91

81

90

86

n.d.

Reliquat d'AP

78,84

73,23

51,6

62,83

49,85

35,14

- 55,4

Reliquat de CP

67,47

42,86

51,26

67,44

78,58

51,39

- 23,8

ENGAGEMENTS DE L'ETAT SUR LES AIDES DRIRE DANS LES CONTRATS DE PLAN

Engagements de l'Etat : chapitre 64-92, CPER 1994-1999 (en MF)

Engagements de l'Etat : chapitre 64-92, CPER 2000-2006 (en MF)

Evolution CPER 2000-2006/ 1994-1999 (en %)

Nombre d'établissements industriels de moins de 500 salariés (SESSI 1997)

Corrélation engagements CPER 2000-2006/ nombre d'établissements industriels : dispersion à la moyenne (nationale : 100)

Alsace

127,5

130

2

1 134

84,2

Aquitaine

209,5

220

5

1 381

117

Auvergne

110

109,5

-0,5

826

97,4

Basse Normandie

125

130

4

861

110,9

Bourgogne

152

150

-1,3

1 097

100,4

Bretagne

126

175

38,9

1 293

99,4

Centre

169,03

195

15,4

1 792

79,9

Champagne-Ardenne

147,9

137

-7,4

976

103,1

Corse

16

15

-6,3

33

333,9

Franche-Comté

155

182

17,4

950

140,7

Haute Normandie

186,1

190

2,1

1 179

118,4

Ile-de-France

207,1

550

165,6

7 123

56,7

Languedoc-Roussillon

142

120

-15,5

703

125,4

Limousin

75

101

34,7

424

175

Lorraine

455,54

475

4,3

1 426

244,7

Midi-Pyrénées

205

205

-

1 338

112,5

Nord-Pas-de-Calais

770

758,5

-1,5

2 388

233,3

Pays-de-la-Loire

171,5

230

34,1

2 303

73,4

Picardie

176

220

25

1 282

126,1

Poitou-Charentes

90

90

-

916

72,2

PACA

200

230

15

1 593

106,1

Rhône-Alpes

229,5

315

37,3

5 181

44,7

GGM

28,7

30

4,5

n.d.

n.d.

Réunion

25

26

4

n.d.

n.d.

TOTAL

4 299,36

4 984

15,9

36 199

100

DONNEES STATISTIQUES SUR LES AIDES GEREES PAR LES DRIRE

NOMBRES DE DOSSIERS DECIDES

FRAC

ARC

FRATT

ATOUT

FDPMI

Actions collectives

Formation

TOTAL

1996

2 579

1 282

64

712

2 460

474

554

8 125

1999

1 837

1 313

105

1 007

2 992

742

878

8 874

2000

1 342

1 092

71

715

1 840

369

135

5 564

MONTANTS GLOBAUX DES AIDES DECIDEES (en MF )

FRAC

ARC

FRATT

ATOUT

FDPMI

Actions collectives

Formation

TOTAL

1996

Tous financeurs 48 ( * )

120,4

172,6

5,7

193,3

998,2

286,1

183,9

1 960,4

- Dont Etat

61,7

85

4,3

149,5

399,5

112,3

34,7

847

1999

Tous financeurs

83,6

189,9

7,1

265,8

1 207

395,5

317,6

2 466,6

- Dont Etat

35,4

100,9

3,9

213,3

453,5

129,7

53,2

989,8

2000

Tous financeurs

63

161

3,9

187,4

627,1

164,8

28,9

1 236,1

- Dont Etat

39,9

108,7

2,6

161,6

374,3

99,5

-

786,7

MONTANTS MOYENS DES AIDES DECIDEES (en francs)

FRAC

ARC

FRATT

ATOUT

FDPMI

Actions collectives

Formation

TOTAL

1996

46 698

134 668

89 800

271 515

405 775

603 618

331 976

241 278

1999

45 506

144 634

67 471

263 983

403 420

533 067

361 747

277 958

2000

46 954

147 441

55 549

262 073

340 812

446 594

214 074

222 166

PRINCIPAUX SECTEURS CONCERNES PAR LES AIDES DE RESTRUCTURATION

Secteurs (les chiffres donnés sont des minima, le secteur d'activité de certaines entreprises aidées n'ayant pas été identifié)

Engagements 1996-2000 sur les articles 10 et 20 du chapitre 64-96 (K€) 49 ( * )

% du total

Poids du secteur dans le chiffre d'affaires global de l'industrie manufacturière 50 ( * ) , en 1999 (en %)

Poids du secteur dans les effectifs globaux de l'industrie manufacturière 51 ( * ) , en 1999 (en %)

Textile 52 ( * )

15 323

18,6

4,5

6,6

Cuir et chaussure

8 080

9,8

0,7

1,3

Automobile

13 279

16,1

17,1

9,3

Electronique stricto sensu : composants + produits bruns

3 247

3,9

2,8

2,3

Activités navales, maritimes et portuaires 53 ( * )

26 605

32,3

0,5 (construction navale)

0,5 (construction navale)

Autres

15 902

19,3

74,4

80

TOTAL

82 436

100

100

100

LES AIDES PUBLIQUES A BRITTANY FERRIES

En M€

1986-1994

A partir de 1995 (période de « restructuration »)

TOTAL

Aide de restructuration Etat

10,67

10,67

Recapitalisation des SEM par les collectivités locales

37,5

37,5

Aides à l'achat de navires

24,92

24,92

ACOMO

12,96

24,39

37,35

Cessation anticipée d'activité

0,02

0,02

Remboursement de taxe professionnelle

3,02

4,24

7,26

Remboursement de charges patronales

11,81

11,81

Garanties des collectivités locales

Equivalent subvention n. d.

TOTAL

40,9

88,63

129,53

Source : Commission européenne

LES CRÉDITS DE RESTRUCTURATION ET DE RECONVERSION INDUSTRIELLES EN QUESTION

Dans un contexte de concurrence économique internationale toujours plus intense, dans une période de « croissance molle », au moment où les mutations industrielles s'accélèrent sur les territoires, la bonne gestion des crédits de restructuration, de reconversion et de développement industriels prend une importance accrue.

L'enquête demandée par la commission des finances du Sénat à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, sur l'utilisation de ces crédits, par le passé, se révèle particulièrement sévère. Sont ainsi soulignés la complexité des circuits administratifs due à la multiplicité des services et organismes compétents, un manque de clarté dans la définition des aides aux entreprises, des irrégularités et des défaillances dans la mise en oeuvre des mesures de reconversion et de restructuration industrielles. La question de l'efficacité des aides accordées est par ailleurs posée.

Le présent rapport d'information, qui rassemble dans un même document la communication de la Cour des comptes à la commission des finances du Sénat sur la gestion des crédits précités et le procès-verbal intégral de l'audition conjointe, par la commission des finances, de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, et des magistrats de la Cour des comptes, ouvre des pistes de réflexion et trace la voie d'une réforme devenue nécessaire.

* 1 Direction Générale de l'Industrie, des Technologies, de l'Information et des Postes.

* 2 Direction de l'Action Régionale et des PMI.

* 3 Rapport général n°68 Tome III (2002-2003), annexe 11.

* 4 « Ninth survey on state aid in the european Union », 18/7/2001, Commission européenne.

* 5 Voir le tableau reproduit en annexe.

* 6 Antérieurement, l'APRODI gérait l'ensemble de la procédure ATOUT.

* 7 C'est ce qui a été constaté en Lorraine.

* 8 Allant jusqu'à des éléments relevant du « secret des affaires », avec les éventuelles implications judiciaires possibles.

* 9 Lettre de M. Joliot, secrétaire général d'EDF, en date du 3 avril 2002.

* 10 Les articles 28 et 29 de l'ordonnance, définissant les comptes d'avances et de prêts, prévoient des modalités avec lesquelles le dispositif ATOUT est au demeurant incompatible : les avances de l'Etat, selon l'article 28, sont productives d'intérêts et leur durée ne peut excéder deux ans renouvelables une fois, sauf dérogation prévue en loi de finances.

* 11 Circulaires du 24/9/1998 et du 2/3/2000.

* 12 Dotées d'une enveloppe de prêts bonifiés de 7,62 M€.

* 13 N° 2002/15/CE.

* 14 A périmètre constant, en incluant donc les chapitres 62-01 et 64-95 avant leur absorption en 1999 par le chapitre 64-96.

* 15 Voir le tableau d'exécution budgétaire du chapitre en annexe.

* 16 Voir le tableau reproduit en annexe, qui précise ces ordres de grandeur.

* 17 Voir le tableau reproduit en annexe.

* 18 Il n'a pas été produit d'explication détaillée sur leur calcul.

* 19 Totalisation des AP ouvertes en lois de finances initiales et rectificatives, après défalcation des annulations, sur les chapitres 62-01 et 64-96 de 1996 à 1999.

* 20 Par ex., dans la convention 1996-1999, l'article 3, listant les « sommes utilisables » pour les actions de la SODIE, mentionne diverses sommes dont une de 490 MF « fixée d'un commun accord », puis dispose que seulement 70 % de certaines de ces sommes seront effectivement consacrées aux actions programmées par l'Etat...

* 21 Lettre datée du 21 octobre 2002 du directeur général de l'énergie et des matières premières au parquet général de la Cour.

* 22 Décision n° 2000/727/CE du 21 juin 2000.

* 23 N° 1999/378/CE du 4 novembre 1998.

* 24 Le jugement du tribunal de commerce de Roubaix en date du 17 septembre 1996 comporte l'attendu suivant : « Attendu que M. le procureur de la République confirme le soutien des pouvoirs publics à hauteur de 40 MF selon les modalités offertes par chacun des offreurs (...) ».

* 25 Ce point apparaît clairement dans l'attendu n° 42 de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes confirmant la décision antérieure de la Commission : n° 61999JO017 du 22 mars 2001.

* 26 Cf. lettre de M. Schrameck, chef du service du contrôle des dépenses engagées au MINEFI, du 30/10/2002.

* 27 La Cour prend acte du suivi assuré à la direction du Trésor pour les dossiers « CIRI ».

* 28 C.E., Notre-Dame du Kreisker, 29 janvier 1954.

* 29 C.E., Crédit foncier de France, 11 décembre 1970.

* 30 « Evaluation des dispositifs publics d'incitation et d'accompagnement de l'investissement matériel des PMI », Coopers & Lybrand Consultants et RCS Conseil.

* 31 Synthèse consécutive à l'étude de suivi FDPMI de 1999, par l'association EGEE.

* 32 « Le conseil en PMI. Evaluation et perspectives », Bernard Julhiet Conseils.

* 33 « Evaluation du dispositif FRAC industrie », par le groupe « CM international », mai 2001.

* 34 Evaluation de la procédure ARC, DARPME.

* 35 Pour PUCE, « Evaluation d'un programme d'aide aux PMI : ATOUT-PUCE », Erdyn consultants, 1999 ; pour PUMA, « Evaluation de la procédure d'aide aux PME/PMI ATOUT-PUMA », Sofres Conseil ; pour LOGIC, « Etude d'évaluation de 500 projets », DIGITIP-STSI, 1999.

* 36 Le troisième volet, non évalué, concernait le réaménagement du site industriel, avec un budget de 4,42 M€ de fonds publics.

* 37 « L'intervention des pouvoirs publics en soutien des plans sociaux et les conditions de l'efficacité des plans en termes d'emploi - Une analyse à partir d'un cas concret : la fermeture de l'établissement de Chausson à Creil », CEDISE, 20 octobre 1999.

* 38 « Evaluation de la mission de réindustrialisation du bassin de Creil », IGIC, mai 2000.

* 39 Pour une dépenses globale de 1,337 M€ à la charge du secrétariat d'Etat à l'Industrie de 1994 à 1999.

* 40 P. 203, analyse des « agrégats ».

* 41 De l'ordre de 14 %, soit la quote-part de la mission « développement industriel » dans l'activité des DRIRE, d'un total de 54 M€ (en 2002).

* 42 Synthèse du suivi du FDPMI, EGEE, 1999.

* 43 Synthèse ARC par EGEE, 1999.

* 44 Cette loi anticipait la législation sur la réduction du temps de travail en accordant des aides financières aux entreprises réduisant volontairement les horaires de travail en contrepartie de la préservation ou de la création d'emplois.

* 45 Respectivement des aides de trésorerie trimestrielles dans un cas, des aides des survie à une entreprise ayant déjà déposé son bilan dans l'autre.

* 46 Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002.

* 47 Ce dossier concernant un chantier naval n'a pas été examiné par la Cour, mais l'excellent taux de reclassement des salariés obtenu est mentionné par des articles de presse.

* 48 Outre l'Etat, principalement les régions et les fonds communautaires.

* 49 Hors dossiers abandonnés après engagement (aucun paiement).

* 50 D'après la publication du SESSI (DIGITIP) : « l'industrie française 2000-2001 ».

* 51 Idem.

* 52 Au sens large : habillement, fourrure, articles textiles, étoffes, articles à maille, filature, tissage, fibres synthétiques.

* 53 Activités industrielles et de services, y compris assurées par des collectivités publiques (CCI) : réparation navale, transport et fret, manutention portuaire, gestion portuaire...

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