N° 367

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 juin 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour la planification (1) sur l' épargne en actions des ménages ,

Par M. Joël BOURDIN,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Joël Bourdin, président ; Mme Évelyne Didier, MM. Serge Lepeltier, Marcel Lesbros, Jean-Pierre Plancade, vice-présidents ; MM. Pierre André, Yvon Collin, secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Joseph Kerguéris, Patrick Lassourd, Michel Pelchat, Daniel Percheron, Roger Rinchet, Gérard Roujas, Bruno Sido .

Epargne.

INTRODUCTION

La forte chute des cours boursiers, dans tous les pays développés, observée depuis le premier semestre 2000 a jeté un doute sur le bien-fondé des placements en actions. Est-il raisonnable de placer son épargne dans des actifs dont la valeur est très volatile, et qui peuvent faire l'objet d'envolées spéculatives ? L'intérêt grandissant des ménages pour l'épargne en actions, caractéristique de la fin des années 1990, a laissé place à la prudence. Si de grandes entreprises à la réputation solide peuvent encore réussir leur introduction en Bourse, comme l'illustre, par exemple, le cas du Crédit agricole en 2002, il n'en est pas nécessairement de même pour de petites entreprises, notamment dans les secteurs technologiques.

La crise boursière est venue infléchir une tendance, positive, de longue durée, à la diffusion des actifs « risqués » (valeurs mobilières, et notamment actions) dans le patrimoine des ménages. Il serait dangereux que cette situation perdure trop longtemps. Dans nos économies modernes, en effet, le financement par actions est devenu une pratique habituelle des entreprises. L'autofinancement, ou le financement par emprunt bancaire, n'y sont pas parfaitement substituables. L'investissement productif, donc la croissance future de notre économie, bénéficiaient d'une orientation plus marquée de l'épargne des ménages vers les placements en actions. Le peu d'attrait actuel des placements en actions retarde également le transfert vers le secteur privé, ou l'ouverture du capital, de certaines entreprises publiques, projeté par le Gouvernement pour améliorer l'efficacité de notre économie. Existe enfin le risque que la déprime des marchés boursiers entrave le développement de compléments de retraite par capitalisation, que la baisse, prévisible, du taux de remplacement des pensions servies par le régime par répartition ne va rendre que plus nécessaire.

Accroître l'épargne en actions des ménages n'implique pas, dans le cas français, d'augmenter leur taux d'épargne global. Celui-ci se situe déjà à un niveau élevé, peut-être trop élevé au regard de la situation conjoncturelle. Il semble progresser de manière inexorable, passant de 15,5 % en 2000, à 16,1 % en 2000, et 17 % en 2002. Cette épargne accumulée représente un important « réservoir de croissance », qui doit être mobilisé de manière adaptée.

Les paramètres influençant la répartition du revenu entre épargne et consommation sont multiples, ce qui rend bien difficile une action des pouvoirs publics sur le niveau de l'épargne. Il semble, en revanche, qu'il soit plus aisé d'agir sur la structure de l'épargne, c'est-à-dire sur les choix de placement des ménages. La fiscalité est un premier outil qui peut être mobilisé à cette fin. Dès 1997, un rapport d'information, rédigé par notre ancien collègue, aujourd'hui ministre, Alain Lambert, soulignait que si « la fiscalité est impuissante à modifier le volume de l'épargne, en revanche, elle est très influente sur la structure de l'épargne, c'est-à-dire sur l'orientation des placements ».

Une fiscalité incitative peut accroître la demande d'actions. Encore faut-il que celle-ci rencontre une offre d'actions suffisante. Or, comme l'écrit Olivier Garnier, « La France est marquée historiquement par des spécificités structurelles », parmi lesquelles on trouve « le poids relativement fort des entreprises publiques, l'organisation collective de la protection sociale mais aussi d'une certaine forme de production (coopératives) 1 ( * ) .

Dès 1986, l'Etat a souhaité rendre au secteur privé de grandes entreprises concurrentielles, nationalisées, pour la plupart, en 1982. Les privatisations ont été, judicieusement, mises à profit pour encourager, à grande échelle, l'actionnariat populaire et salarié.

D'autres mesures sont intervenues dans le domaine social, et ont consisté, notamment à développer l'épargne salariale, qui distingue, par l'importance qui lui a été accordée historiquement, la France des autres pays d'Europe continentale 2 ( * ) . Mais la clé d'une croissance forte de l'épargne en actions des ménages réside, sans doute, aujourd'hui, dans le développement d'une forme d'épargne retraite par capitalisation. Le Gouvernement semble partager cet objectif, défendu de longue date par la majorité sénatoriale.

Ce rapport d'information a bénéficié de contributions du Bureau d'informations et de prévisions économiques (BIPE), sous la forme de trois études, publiées en annexe : la première présente une « radiographie du patrimoine financier des ménages résidant en France » ; la deuxième détaille les « comportements financiers des ménages résidant en France » ; la troisième s'intéresse à « la montée en puissance des investisseurs institutionnels », et à ses implications réglementaires.

Cette troisième étude, en particulier, met en évidence les risques associés à la croissance des marchés d'actions, et à la financiarisation de l'économie, qui peuvent être source d'instabilité. Une orientation plus accentuée de l'épargne des ménages vers les placements actions, qui passerait notamment par la croissance de l'épargne retraite, devra donc s'accompagner de régulations nouvelles.

* 1 O. Garnier, « La place des actions dans le patrimoine des ménages. Mesures et comparaisons internationales », Rapport du Commissariat général du Plan, décembre 2002, p. 57.

* 2 Il peut être utile, à ce sujet, de se référer à l'étude de législation comparée, réalisée par le service des affaires européennes du Sénat, en septembre 1999, intitulée « l'intéressement, la participation et l'actionnariat salarié ».

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