FORMES D'ADAPTATION DU SYSTÈME FINANCIER ET RISQUES FINANCIERS ET MACRO-ÉCONOMIQUES ASSOCIÉS

Le problème principal ici c'est que, de plus en plus, les flux de financement ont été canalisés, au moins jusqu'au 2000 via un secteur plus légèrement régulé (solidité et solvabilité) que le secteur bancaire. Cela soulève des risques particuliers pour la stabilité du système financier : les zinzins sont moins restreints en termes d'offre de produits vers le grand public, et aussi en termes de leur stratégies de placements. Etant donné l'environnement très concurrentiel dans lequel ils opèrent, ils adoptent des stratégies de placements qui sont plus risquées afin d'offrir des rendements plus élevés à leurs clientèles.

Pour le secteur des entreprises non-financières, la montée des zinzins implique une transformation de la relation prêteur/emprunteur. D'abord, la relation entre entreprise et banque dépend d' information essentiellement privée . A l'opposé, la structure actif/passif (détention/émission des titres mobiliers) entre entreprises et investisseurs institutionnels est essentiellement soutenue et structurée par l'accès à de l'information publique. En outre, pour vendre leur produits, les zinzins analysent et transmettent cette information à leur clients de manière plus transparente que le secteur bancaire. Les zinzins concentrent aussi le pouvoir de vote pour un actionnariat qui sans eux serait plutôt diffusé et atomisé ; comme on l'a déjà noté, ceci devait permettre de traiter en partie les problèmes attachés aux asymétries d'information entre actionnariat et management.

En bref, une composante « zinzins » dans les systèmes financiers offrent des avantages : notamment la transparence et la montée de la gouvernance d'entreprise qui s'opposent aux risques éventuels du « capitalisme de copinage ». Par exemple, au Japon, le secteur des zinzins est relativement faible (les actifs institutionnels représentent 100.5% du PIB en 1999) comparé aux Etats-Unis (plus de 200% du PIB en 1999). Les problèmes dans les relations étroites, souvent capitalistiques , entre banques et entreprises au Japon sont bien connus : ils ont laissé la voie libre à des crédits finançant des investissements très souvent peu rentables. En conséquence, les banques sont maintenant confrontées à de nombreuses créances douteuses et l'économie stagne. En outre, l'exposition des banques aux aléas boursiers, notamment via l'acceptation d'actions comme collatéraux pour des crédits, pèse aussi sur les marchés.

Ce n'est sans doute pas justifié d'attribuer tous les maux contemporains de l'économie nipponne à la faiblesse du poids des investisseurs institutionnels, mais une forte, et saine (régulée ?), composante institutionnelle dans le système financier nous semble plutôt nécessaire et est un signe de maturité. D'abord, la liquidité et la transparence de marché sont améliorées ; de plus, son développement offre des opportunités de placements diversifiés au particulier qui veut assumer plus de risque. En bref, le développement d'un secteur d'investisseurs institutionnels est un élément clé d'un système financier diversifiant les sources d'accès au financement pour l'économie tout en accroissant les opportunités pour les particuliers.

Toutefois cette montée, avec ses avantages, ne se fait pas sans risques : on s'approche alors des enjeux de régulation.

O IMPLICATIONS POUR LE FINANCEMENT DE L'ÉCONOMIE EUROPÉENNE

La montée des zinzins implique un changement de la structure de l'intermédiation financière, d'un système dominé essentiellement par les banques (et le marché interbancaire) à un système orienté vers le marché financier.

Les caractéristiques du système essentiellement bancaire peuvent se résumer avec les points suivants (Schmidt et al , 2002, résume en Byrne et Davis 2002) :

les banques dominent le secteur financier, les investisseurs institutionnels jouant un rôle réduit ;

le marché financier est sous-développé ;

l'accumulation de ressources financières par les ménages est largement constituée par les dépôts bancaires et les créances auprès des assureurs ;

le financement externe des entreprises non-financières dépend des crédits bancaires à long terme, soutenus par des relations banque/entreprise elles aussi de long terme ;

les réserves destinés aux pensions de retraites sont une source importante de financement interne pour les entreprises ;

les détentions d'actions croisées entre entreprises sont fréquentes ;

la majorité des entreprises ne sont pas cotées : celles qui sont cotées sont aussi détenues par un nombre réduit de grands détenteurs ;

les grands actionnaires sont parfois rejoints par d'autres détenteurs (par exemple les employés) dans la gouvernance d'entreprise. Ces derniers sont souvent fortement encouragés à faire des investissements spécifiques ;

le contrôle externe des entreprises par le marché financier est faiblement développé.

En revanche, le système de marchés financiers est caractérisé par les point suivants :

les investisseurs institutionnels dominent le secteur financier, et les banques jouent un rôle réduit ;

les marchés financiers sont hautement développés ;

l'accumulation des ressources financières par les ménages est largement constituée par des investissements sur les marchés financiers, via la détention en direct des titres ou indirecte via les zinzins ;

le financement externe du secteur non-financier dépend largement du marché financier, soit directement (émission des obligations ou d'actions), soit indirectement (crédits titrisés) et les investisseurs institutionnels sont les fournisseurs majoritaires du financement ;

le crédit bancaire est plus à court terme et soumis à des contrôles plus stricts et directs ;

une majorité des entreprises sont cotées, et l'actionnariat est diffusé : les détentions croisées sont plus rares ;

la gouvernance d'entreprise est dirigée vers la création de « shareholder value » (valeur pour l'actionnaire) via des mécanismes de marché ;

le contrôle externe par le marché financier est hautement développé ;

les relations entreprises/détenteurs sont basées sur des détentions de titres mobiliers liquides, et donc potentiellement de court terme.

Il faut noter ici que les distinctions sont analytiques ; la plupart des pays européens se trouveront avec des caractéristiques souvent hydrides des deux systèmes. Mais en général, nous sommes dans une situation où en parallèle avec la croissance des actifs financiers par rapport au PIB, il y a aussi eu un glissement vers l'intermédiation institutionnelle et un déclin des détentions directes d'actifs financiers par les secteurs non financiers de l'économie.

§ LE FINANCEMENT EXTERNE DES ENTREPRISES NON FINANCIÈRES

Le financement des entreprises par crédit bancaire est en déclin dans les quatre économies principales de l'Union européenne. Pour le Royaume-Uni, le déclin n'est pas trop brutal, car les marchés financiers sont historiquement plus développés, même si les crédits ont atteint un point haut en 1990. Par contre, le déclin des crédits bancaires en Allemagne, France et Italie est plus significatif, surtout dans le cas de la France où les crédits ont reculé de 45% du passif total des entreprises non-financières en 1980 à 16% en 2000. Même en Allemagne, l'économie européenne la plus dominée par le secteur bancaire, la part des crédits comme source de financement a reculé . En général, même si le ratio des actions aux financements totaux est gonflé par les valorisations boursières en 1998-2000 (voir graphique ci-dessus), cela démontre le recours croissant des entreprises aux marchés financiers pour leur financement externe.

Graphique 6 - L'index EuroSTOXX 1998-2002

Tableau 1 - Europe : Structure du passif des entreprises non financières 1980-2000
(en % du total)

Royaume-Uni

Allemagne

France

Italie

Instruments du
marché monétaire

1980

0.3

0.4

0.0

0.3

1990

0.6

0.1

1.3

0.1

1998

0.9

0.1

1.1

0.3

2000

0.9

0.4

1.4

0.1

Crédits

1980

26.5

68.5

44.6

43.8

1990

35.7

67.4

25.8

44.0

1998

22.3

41.5

20.9

41.0

2000

22.5

42.8

16.1

36.4

Obligations

1980

2.3

2.8

5.2

3.5

1990

5.4

3.0

4.1

3.5

1998

5.6

1.8

4.1

1.8

2000

6.5

1.3

3.4

0.7

Actions

1980

48.4

28.3

50.2

52.4

1990

58.4

29.6

68.8

52.4

1998

71.1

56.6

73.9

56.9

2000

70.2

55.4

79.0

62.7

Passif Total en % du PIB

1980

71.2

63.7

94.1

102.2

1990

165.1

88.7

187.1

106.9

1998

235.1

126.5

269.5

116.8

2000

292.7

147.3

371.4

148.6

Dette/PIB

1980

20.7

45.7

46.9

48.6

1990

68.8

62.5

58.4

50.9

1998

68

55

70.3

50.4

2000

87.4

65.7

78

55.4

Liquidité/PIB

1980

9.9

22.1

12.5

22.8

1990

23.8

27.2

17.5

12.5

1998

26.7

18.8

16.3

11.7

2000

31.9

22.4

21.1

14.6

Dette nette/PIB

1980

10.8

23.6

34.4

25.8

1990

45

35.3

40.9

38.4

1998

41.3

36.2

54

38.7

2000

55.5

43.3

56.9

40.8

Source : Byrne et Davis 2002

On voit aussi que le passif total des entreprises par rapport au PIB a crû fortement au cours des deux décennies étudiées. Cela pourrait indiquer que l'accès aux marchés financiers développés encourage un surendettement de la part des entreprises ( cf chapitre 2, section 1.2.4 ); l'Allemagne et l'Italie, avec des marchés moins développés montrent un ratio passif/PIB moitié moindre que celui de la France. Cependant, il faut différencier le recours aux actions et le passif dette (crédits, instruments du marché monétaire et obligations) car ils n'ont pas les mêmes implications pour la fragilité financière ; car lorsqu'une entreprise lève des capitaux via une augmentation de capital, c.a.d une émission d'actions nouvelles sur le marché boursier, les investisseurs achètent une part de l'entreprise en échange de dividendes potentiels et non assurés . L'avantage pour l'entreprise est de ne pas accroître sa charge d'endettement. A cause de cela, le ratio dette/PIB est plus informatif, et ici les différences sont moins marquées, même si le Royaume-Uni et la France restent en tête.

Si on déduit les actifs liquides du secteur des entreprises non financières (dépôts bancaires, autres actifs de court terme et les obligations) de la dette on arrive à des différences de dette nette qui sont plus réduites encore, entre 55-57% du PIB pour le Royaume-Uni et la France en 2000 et autour de 40% pour les deux autres pays.

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