§ UNE MONTÉE DU RISQUE DANS LE PATRIMOINE FINANCIER DES MÉNAGES

Pour les ménages on peut identifier des risques avec la montée en puissance des zinzins. En général, l'intermédiation institutionnelle favorise une montée du risque dans le patrimoine financier des ménages. En ce qui concerne la frontière risque/rendement pour les particuliers, on note que le risque est réduit par rapport à la détention directe des titres, mais il n'est pas éliminé. En fait, comme nous allons voir ensuite, le poids croissant des parts en fonds d'investissement dans les actifs financiers des ménages implique tautologiquement une augmentation de l'exposition du patrimoine financier des ménages au risque de marché , car cette croissance s'est effectuée au détriment des produits d'épargne traditionnels.

Graphique 9 - Poids des placements auprès d'institutionnels dans les flux de placements financiers globaux des ménages américains 1985-2001 87 ( * )

Un poids croissant de la gestion institutionnelle, au delà des crises . Mais les poids respectifs des secteurs bancaires et institutionnels dans la gestion de l'épargne et le financement de l'investissement ne sont pas fixes et pourraient évoluer à nouveau vers de la ré-intermédiation bancaire. D'abord, l'évolution des marchés boursiers dans la deuxième moitié des années 1990, soutenue par des anticipations plutôt irréalistes de rendements des investissements, a biaisé l'allocation des flux d'épargne. Le graphique 9 rappelle l'exemple américain : au cours de la période 1985-2001, le poids des investisseurs institutionnels dans les placements financiers des ménages a fortement augmenté, et ce surtout depuis 1995. Les effets des crises financières (krach boursier en 1987, crise asiatique en 1997, éclatement de la bulle nouvelle économie en 2000-2001) sur l'allocation des placements sont visibles. Toutefois la tendance reste orientée vers un poids croissant des investisseurs institutionnels. Quand le niveau est au dessus de 100% ceci implique que les autres placements (non-institutionnels) subissent des sorties nettes.

La hausse de la part des produits risqués dans le patrimoine des ménages. Pendant la longue vague de hausse des marchés boursiers des années 1990, les fonds d'investissement ont renforcé leur position dans le patrimoine financier des ménages dans toutes les économies occidentales. Même quand les ménages ont diminué le risque en substituant des fonds d'investissement à la détention directe de titres, ceux-ci et les autres véhicules risqués ont reçu des flux d'épargne de plus en plus importants, ce qui au total a augmenté fortement la part du patrimoine financier des ménages qui était exposée au risque d'un effondrement des marchés financiers. Cela s'est effectué via des campagnes commerciales plutôt agressives, qui soulignaient l'offre d'un rendement des investissements supérieur aux produits bancaires classiques 88 ( * ) . Le risque encouru en conséquence a souvent été mis de côté. D'autres produits et véhicules d'investissement plus risqués ont aussi connu un succès marqué, tels que les contrats d'assurance vie en unité de compte, et les comptes d'épargne retraite comme les 401(k) aux Etats-Unis et l'autre fonds de pension à cotisations définies. La conséquence pour l'évolution des patrimoines financiers est un fort gonflement de sa croissance vers la fin des années 1990 et depuis 2000 une réduction des taux de croissance vers des niveaux plus modestes et dans la majorité des cas, négatifs. L'intermédiation institutionnelle offre des avantages pour les particuliers par rapport à la détention directe des titres, mais quand le poids total des investissements dédiés dans le patrimoine financier des ménages s'accroît, le risque total s'accentue, car l'exposition aux marchés financiers est renforcée.

Les zinzins influencent la structure de la demande des ménages en produits d'épargne. Les tendances à la fin des années 1990 nous démontrent que les zinzins ne sont pas seulement des conduits neutres de l'épargne. Au contraire, ils possèdent des moyens pour structurer la demande des ménages en produits d'épargne. Les réputations professionnelles, les ressources informatiques et techniques, les campagnes marketing et l'accès aux marchés offerts par des gestionnaires peuvent être des éléments fortement persuasifs pour attirer les fonds des épargnants.

Le développement des fonds pension CD renforce la prise de risque des ménages. Du point de vue des réformes des systèmes de retraite en Europe il faut souligner deux tendances qui en commun peuvent renforcer la prise de risque des ménages (et partant l'accumulation de risque dans le système financier). D'abord, l'introduction d'un pilier de retraite par capitalisation dans ces systèmes signifie en soi l'introduction inévitable du risque financier dans les placements de ressources financières pour assurer des revenus pour les retraites. Mais le niveau de risque est déterminé par les choix concrets réalisés.

On note un poids plus important aux Etats-Unis des actions dans les portefeuilles des 401(k) et des plans à CD, par rapport aux portefeuilles des fonds de pension à PD gérés par des professionnels. La raison est simple : les ménages veulent maximiser la pension future perçue en minimisant les flux d'épargne présents, ce qui permet de maximiser la consommation sur le cycle de vie. L'unique façon de réaliser ceci, c'est de maximiser les rendements, ce qui revient à augmenter la part des actions et des obligations risqués dans le portefeuille dédié à l'épargne retraite. Dans un système de libre choix d'épargne retraite, les investisseurs individuels vont toujours accumuler plus de risque, surtout avec l'avènement d'un marché fortement concurrentiel des produits qui favorisent ce type d'offre. Ce d'autant plus qu'ils n'ont pas toujours la culture financière requise, et donc n'ont pas forcément conscience des risques encourus.

La période de la hausse boursière a donc permis aux zinzins de développer un contrat avec l'épargnant où le risque encouru par ce dernier s'est nettement élevé . A l'heure actuelle, il est difficile d'entrevoir exactement comment cette nouvelle relation va évoluer; le déclin des marchés boursiers depuis mars 2000 laisse facilement penser que l'attractivité des produits risqués a diminué pour les ménages.

Ceci nous suggère que l'un des problèmes centraux de la régulation des zinzins est d'améliorer les flux d'informations vers le grand public sur la performance, les stratégies de placement et les risques attachés, comme le soulignait récemment le rapport Sandler au Royaume-Uni (cf. résumé en annexe).

Pour ce qui est des fonds de pension en particulier, les fonds à prestations définies (sauf si une alternative à cotisations définies comportant des garanties est considérée) témoignent d'une moindre prise de risque que les fonds à cotisations définies, et donc nous semblent préférables. De même, les fonds collectifs témoignent d'une moindre prise de risque que les fonds individuels. Ceci découle bien entendu du fait qu'un individu cherchera toujours à maximiser sa retraite future en minimisant ses cotisations présentes.

* 87 La somme des placements en fonds mutuels, fonds du marché monétaire, assurance-vie et fonds pension en pourcentage des placements totaux.

* 88 Les banques ont aussi participé à ce mouvement : elles ont vendu des SICAV pour reconquérir des parts de marché.

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