VI. QUELS SONT LES RISQUES DE LA NOUVELLE DONNE FINANCIÈRE ?

L'environnement concurrentiel raccourcit les horizons de placements...

Les performances de la gestion jugées par rapport aux indices de références (« benchmarks »). Il est commercialement dommageable pour un « zinzin » d'afficher une performance annuelle inférieure aux fameux grands indices de référence (Cac 40, Nasdaq, Footsie, etc...). En effet comment justifier aux clients que tandis que le marché effectuait un gain de 10%, votre stratégie de gestion d'actifs a sous-performé avec des gains de seulement 2% ? Si les horizons de placements sont théoriquement longs, les performances de la gestion sont jugées à court terme.

Les horizons de placements sont de plus en plus courts . D'ailleurs, les investisseurs institutionnels semblent adopter des horizons de plus en plus courts, avec une évaluation de leurs investissements sur une base de 1 à 3 années. Le temps moyen de détention des actifs est également devenu plus court, de 7 ans dans les années 60 à environ 2 ans aujourd'hui. Naturellement, la durée de détention d'un actif peut varier selon les types d'investisseur.

Les spécificités nationales sont essentielles. En effet, en France l'épargne gérée par les zinzins est une épargne à horizon de placements de moyen terme voire de court terme (épargne salariale détenue pour moins de cinq ans en moyenne, assurance vie à horizon de 8 ans, OPCVM sans engagement contractuel de long terme). Ceci s'oppose aux horizons d'engagements des fonds de pension qui sont par nature beaucoup plus longs. C'est pourquoi pour combattre le « court-termisme » de la gestion institutionnelle en France notamment il faut développer les fonds de pension. Mais attention, aux effets de second rang : aux Etats-Unis certains fonds de pension confient la gestion de leur épargne à des fonds, dont ils évaluent la performance sur des bases temporelles courtes, réintroduisant de fait des comportements court-termiste dans la gestion. Ainsi aux Etats-Unis, 80% des avoirs des fonds de pension sont externalisés. (Sauviat, 2001).

Allonger les horizons de placement des fonds de pension implique de limiter la pression concurrentielle qui pour eux s'exprime surtout à travers la gestion déléguée et via des obligations de rendement élevées. La régulation devra donc s'attacher à limiter les rendements obligatoires des fonds de pension. En suite, elle devra soit imposer une gestion pour compte propre soit, dans le cadre de la gestion déléguée, imposer des mandats de gestion longs afin de limiter les pressions sur une performance à court terme.

A. ... ET POUSSE À UNE PLUS GRANDE PRISE DE RISQUE QUE CELLE JUSTIFIÉE PAR LES ENGAGEMENTS

Les OPCVM ne gèrent pas une épargne longue et stable, certes. Les OPCVM méritent un commentaire particulier à ce stade; en termes de stabilité financière, les fonds d'investissement ne sont pas à considérer de la même manière que les fonds de pension et les assureurs, puisqu'ils sont sujets à des retraits d'épargne plus rapides. Fondamentalement, les OPCVM sont des « pools » de ressources financières gérées en commun afin de diversifier les placements et donc de réduire le risque. Le « pool » peut subir des retraits immédiats de la part des détenteurs des parts, tels que les ménages. Dans le cas des retraits, les OPCVM se verront forcés de vendre les titres correspondants. En d'autres termes, les OPCVM sont potentiellement sujets à des « runs » (ou retraits massifs des dépôts) de la même façon que les banques. Logiquement, ceci peut contribuer à la volatilité du marché boursier.

Contrairement aux assureurs-vie et a fortiori aux fonds de pension. Au contraire des OPCVM, l'assurance-vie et les fonds de pension ont des relations avec leur clients plutôt stables: les placements dans ses produits sont une forme d' épargne contractuelle , très importante dans le portefeuille des ménages. Puisque la relation entre client et institution est plus durable (et régulée) que dans le cas des OPCVM, les fonds de pension et les assureurs-vie constituent a priori une forme de capitaux institutionnels différente : ils sont enclins à prendre des engagements à plus long terme.

Une prise de risque croissante des assureurs-vie et des fonds de pension. Ces dernières années témoignent d'une prise de risque croissante par les assureurs et les fonds de pension. Si l'on mène une analyse superficielle, on peut dire que les assureurs et fonds de pension ont été attirés par les tendances boursières ; la hausse a permis l'introduction et la croissance de produits tels que l'assurance-vie sur supports en unités de compte, et les comptes retraite à cotisations définies. En conséquence, la part des actions dans les actifs totaux s'est élevée fortement, surtout chez les assureurs. Le risque sous-jacent de solvabilité de ces institutions est mis en question. En outre, la demande renforcée pour des actions a contribué à la hausse de la bourse et au gonflement du prix des actifs.

Qui s'explique par la baisse des rendements des produits traditionnels.... Mais l'une des raisons fondamentales de ce comportement se trouve dans les tendances macroéconomiques des années 1990. Comme on le voit sur le graphique 6 ci-dessus, le rendement des titres de dette publique, placements traditionnels du secteur, est fortement en baisse. Pendant les années 1990, le rendement moyen des obligations gouvernementales du G7 a été de 6.5% ; en général, des niveaux de rendements de ce type sont aisément commercialisables. Mais vers la fin des années 1990, ce rendement a décliné vers 4%, comparé à 9% en début de période. En conséquence, pour soutenir la compétitivité de leur produits sur les marchés de l'épargne, les assureurs se sont vus dans l'obligation d'accroître leurs placements risqués (augmenter le profil risque/rendement) ; du coup la détention totale d'obligations d'Etats a décliné, et la détention des risques associés avec les secteurs entreprises (dérivés de crédit, obligations et actions) a augmenté fortement. Les pressions collectives des assureurs sur les pouvoirs publics pour libéraliser leurs portefeuilles, largement couronnées de succès, ont contribué à ces évolutions . Les mêmes observations sont en général valides pour les fonds de pension.

Graphique 7 - Rendement obligataire moyen des G7 1990-2002

....et l'innovation financière, qui introduit des risques d'un genre nouveau L'innovation financière a aussi contribué à l'élévation des risques absorbés par les assureurs, et en particulier des risques qui sont générés par les crédits bancaires aux entreprises. Aux Etats-Unis cela s'est fait via des « credit default swaps », une forme d'assurance pour le secteur bancaire en cas de faillites dans le secteur non-financier. La globalisation financière a impliqué qu'une partie de ses risques ont été ainsi transférés en Europe. En d'autres termes les assureurs européens ont absorbé des risques bancaires originaires des Etats-Unis via l'innovation financière, introduisant ce faisant des contraintes potentielles de liquidité, alors que leurs contraintes traditionnelles sont surtout à long terme via l'adéquation actifs / engagements à long terme.

La régulation visant à rallonger les horizons de la gestion présentée au point précédent traite en partie ces problèmes ; toutefois il convient de limiter les classes d'actifs autorisées. Il s'agit aussi d'assurer une adéquation entre les actifs détenus et les engagements à long terme.

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